Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_180/2024
Arrêt du 4 octobre 2024
IIe Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Abrecht, Président,
Koch et Hofmann.
Greffier : M. Fragnière.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Jean-Luc Addor, avocat,
recourant,
contre
1. B.________,
représenté par Me Jean-Paul Salamin, avocat,
2. C.________,
tous les deux représentés par
Me Frédéric Pitteloud, avocat,
3. D.________, représentée par Me Vincent Zen-Ruffinen, avocat,
4. E.________,
représentée par Me Emilie Kalbermatter, avocate,
5. F.________,
tous les deux représentés par
Me Danielle Preti, avocate,
6. Masse en faillite de G.________ SA en liquidation, c/o Office des faillites du Bas-Valais, avenue du Crochetan 2, 1870 Monthey,
intimés,
Office central du Ministère public du canton du Valais,
case postale 2305, 1950 Sion 2.
Objet
Délai de recours au Tribunal fédéral; preuve (refus de levée des séquestres),
recours contre l'arrêt du Juge unique de la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais du 9 janvier 2024 (P3 23 263).
Faits :
A.
A.a. Depuis le 12 novembre 2020, l'Office central du Ministère public du canton du Valais (ci-après: le Ministère public) mène une instruction pénale contre A.________ pour abus de confiance (art. 138 CP), pour escroquerie (art. 146 CP) et pour gestion déloyale (art. 158 CP).
Le 2 mars 2022, le Ministère public a ordonné le séquestre des immeubles suivants: "Commune de Fully: part de copropriété simple de ½ de l'immeuble n. iii", "Commune de Fully: part de copropriété simple de ½ de l'immeuble n. jjj", "Commune de Martigny: part de copropriété n. kkk, de la propriété par étages n. lll, 50/1000, droit exclusif sur la cave n. mmm sise au 2ème sous-sol et le local ouest n. nnn sis au 5ème étage, parcelle de base n. ooo", "Commune de Martigny-Combe: part de copropriété simple de ½ de la part de copropriété n. ppp de l'immeuble n. qqq", "Commune de Martigny-Combe: part de copropriété simple de ½ de la part de copropriété n. rrr de l'immeuble n. sss", "Commune de Martigny-Combe: part de copropriété simple de ½ de la part de copropriété n. ttt de l'immeuble n. uuu", "Commune de Salvan: part de copropriété n. vvv, de la propriété par étages n. www, 129/1000, droit exclusif sur la cave n. xxx sise au sous-sol et l'appartement n. yyy sis au 1er étage, parcelle de base n. zzz". Il a en outre enjoint au registre foncier d'inscrire sur les feuillets des immeubles précités la mention du blocage au sens de l'art. 56 let. a ORF (RS 211.432.1).
A.b. Par ordonnance du 13 octobre 2022, la Chambre pénale du Tribunal cantonal valaisan (ci-après: la Chambre pénale) a notamment admis le recours formé par A.________ contre l'ordonnance de séquestre et de blocage du registre foncier rendue le 2 mars 2022 par le Ministère public. Elle a renvoyé le dossier de la cause au Ministère public en l'invitant, d'une part, à exiger des banques concernées la production des documents susceptibles d'établir l'état réel actuel des emprunts hypothécaires des immeubles séquestrés et, d'autre part, à mettre en oeuvre une expertise immobilière propre à déterminer leur valeur réelle. La Chambre pénale a enfin maintenu les séquestres et les mentions au registre foncier jusqu'à droit connu sur la nouvelle décision à rendre par le Ministère public.
B.
B.a. Par ordonnance du 2 octobre 2023, le Ministère public a rejeté la requête de A.________ du 14 juillet 2023 tendant à la levée des séquestres ordonnés le 2 mars 2022. En substance, il a considéré que le motif des séquestres n'avait pas disparu, qu'il existait des charges suffisantes contre A.________ et qu'en tout état, il y avait lieu de poursuivre l'expertise immobilière afin de déterminer la valeur des biens séquestrés, avant d'éventuellement lever partiellement les séquestres dont il était question.
B.b. Par arrêt du 9 janvier 2024, la Chambre pénale a notamment rejeté le recours formé par A.________ contre l'ordonnance du Ministère public du 2 octobre 2023.
C.
C.a. A.________ interjette un recours en matière pénale contre l'arrêt précité, en concluant principalement à sa réforme en ce sens que tous les séquestres ordonnés le 2 mars 2022 soient levés. À titre subsidiaire, il conclut en substance à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision.
Sur l'enveloppe de l'acte de recours daté du 9 février 2024, le conseil du recourant a indiqué ce qui suit: "Pli glissé dans la boîte aux lettres de Granois / Savièse le 9 février 2024 à 23h12". Sous cette indication, il est mentionné que H.________ "l'attest[ait]". À côté de ces indications manuscrites, Maître Jean-Luc Addor et H.________ ont apposé leur signature.
C.b. Invité par le Président de la IIe Cour de droit pénal du Tribunal fédéral à préciser tout éventuel lien familial et/ou professionnel qui pourrait exister entre H.________ et lui, Maître Jean-Luc Addor a expliqué, par courrier du 14 février 2024, que la prénommée était son épouse. Il a en outre transmis une copie de la carte d'identité de cette dernière et a indiqué son adresse.
Le conseil du recourant a par ailleurs produit deux captures d'écran des photographies qui auraient été réalisées au moment où il a glissé l'acte de recours dans la boîte postale de Granois.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2).
1.1.
1.1.1. Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF). Les délais dont le début dépend d'une communication ou de la survenance d'un événement courent dès le lendemain de celles-ci (art. 44 al. 1 LTF). Le délai est observé si le mémoire est remis à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse le dernier jour du délai (art. 48 al. 1 LTF).
1.1.2. Le délai est sauvegardé si l'acte est remis le dernier jour du délai à minuit (ATF 147 IV 526 consid. 3.1; arrêt 6B_1439/2022 du 22 mars 2023 consid. 2). En pratique, l'expédition postale est la règle. Peu importe que ce soit à un guichet postal, dans une boîte aux lettres postale ou dans un automate "MyPost 24" (ATF 142 V 389 consid. 2.2; arrêts 6B_569/2023 du 31 juillet 2023 consid. 1.1; 4A_466/2022 du 10 février 2023 consid. 2).
1.1.3. La preuve de l'expédition d'un acte de procédure en temps utile incombe à la partie, respectivement à son avocat (ATF 147 IV 526 consid. 3.1; 142 V 389 consid. 2.2). Une telle preuve peut résulter du sceau postal, du récépissé de l'envoi posté en recommandé, de l'accusé de réception obtenu au guichet postal, de la quittance imprimée par l'automate MyPost 24 ou de tout autre moyen adéquat, tel que le témoignage d'une ou de plusieurs personnes (dont les noms et adresses seront inscrits sur l'enveloppe contenant le recours), voire une séquence audiovisuelle filmant le dépôt du pli dans la boîte postale (avec une possible incidence sur les frais de justice, cf. ATF 147 IV 526 consid. 4). En revanche, la date indiquée par une machine d'affranchissement privée (ou le code-barres avec justificatif de distribution) ne prouve pas la remise de l'envoi à la poste (arrêts 6B_569/2023 précité consid. 1.1; 4A_466/2022 précité consid. 2).
En principe, le sceau postal fait foi de la date d'expédition. Toutefois, cette présomption peut être renversée par tous les moyens appropriés. L'avocat qui dépose son pli dans une boîte postale après la fermeture du guichet doit s'attendre à ce que le courrier ne soit pas enregistré le jour même de la remise, mais à une date ultérieure (ATF 147 IV 526 consid. 3.1). Aussi doit-il indiquer spontanément à l'autorité de recours, et avant l'échéance du délai, qu'il a respecté celui-ci, en présentant les moyens qui l'attestent (ATF 147 IV 526 consid. 3.1 et les réf. citées). Pour renverser la présomption, il importe que la partie recourante produise ses preuves dans le délai de recours, ou du moins les désigne dans l'acte de recours, ses annexes ou sur l'enveloppe qui le contient (ATF 147 IV 526 consid. 3.1 et les réf. citées).
1.2. En l'espèce, le conseil du recourant a retiré le 10 janvier 2024 l'exemplaire de la décision attaquée, par laquelle la Chambre pénale a confirmé l'ordonnance du Ministère public du 2 octobre 2023 refusant de lever les séquestres. Le délai de recours contre cette décision est ainsi arrivé à échéance le vendredi 9 février 2024.
Cela étant, l'enveloppe qui contenait l'acte de recours porte un sceau postal du 12 février 2024, de sorte que le recours est présumé avoir été déposé après l'expiration du délai. À cet égard, le fait que cette enveloppe a été affranchie en courrier A par le biais d'une machine d'affranchissement privée et qu'elle porte la date du 9 février 2024 est, conformément à la jurisprudence précitée, impropre à prouver la remise de l'envoi à la poste. Il en va ainsi de l'indication manuscrite apposée sur ladite enveloppe par le conseil du recourant.
Il doit dès lors être examiné si, par d'autres moyens, la présomption de tardiveté du recours découlant du sceau postal a valablement été renversée par la partie recourante.
1.3.
1.3.1. Le conseil du recourant a indiqué, sur le pli contenant le recours, que son épouse H.________ attestait du fait que l'acte de recours était "glissé dans la boîte aux lettres de Granois / Savièse le 9 février 2024 à 23h12".
L'attestation d'un seul témoin peut certes, selon les circonstances, suffire à apporter la preuve du dépôt d'un recours en temps utile (cf. arrêt 4A_216/2021 du 2 novembre 2021 consid. 2). La jurisprudence exige toutefois que le témoin soit neutre et indépendant pour apporter une telle preuve, ce qui est sérieusement mis en doute en présence notamment de liens de filiation ou - comme en l'espèce - de relations étroites découlant d'un mariage, d'un partenariat ou d'un concubinage (arrêts 8C_256/2020 du 4 septembre 2020 consid. 2.2; 8C_237/2017 du 4 octobre 2017 consid. 5.2.3; 6B_1289/2016 du 2 décembre 2016 consid. 5; 9C_139/2016 du 24 mai 2016 consid. 3.3; 1C_458/2015 du 16 novembre 2015 consid. 2.2; 9C_681/2015 du 13 novembre 2015 consid. 3; Amstutz / Arnold, in Basler Kommentar Bundesgerichtsgesetz, 3e éd. 2018, n° 10c ad art. 48 LTF; FRÉSARD, in Commentaire de la LTF, 3e éd. 2022, n° 43 ad art. 48 LTF).
Aussi, il découle de la jurisprudence que, compte tenu du lien marital existant entre le représentant du recourant et elle, H.________ ne peut pas être considérée comme un témoin neutre et indépendant. Son attestation manuscrite apparaît d'emblée insuffisante pour apporter la preuve du respect du délai de recours au degré exigé de la certitude, et non simplement de la vraisemblance prépondérante (cf. arrêts 7B_564/2024 du 24 mai 2024 consid. 1.2; 9C_50/2024 du 27 février 2024 consid. 2; 4A_162/2023 du 23 mars 2023 consid. 4.1). Il en va finalement de même de tout témoignage que H.________ pourrait fournir en procédure malgré le droit de refuser de déposer (cf. art. 42 al. 1 let. a ch. 1 et 46 PCF applicable par renvoi de l'art. 55 al. 1 LTF), étant observé que le Tribunal fédéral n'a pas vocation à entreprendre des investigations complexes sur la problématique du respect des délais qui exige des principes clairs et des solutions simples (cf. ATF 147 IV 526 consid. 3.4 et la réf. citée).
1.3.2. Le mandataire du recourant a également produit, en annexe de sa lettre du 14 février 2024, deux captures d'écran des photographies qu'il aurait réalisées au moment du dépôt du mémoire de recours dans une boîte postale. L'un de ces clichés montre l'enveloppe avec la fenêtre laissant apparaître les indications manuscrites précitées et le destinataire du pli, soit en l'occurrence le Tribunal fédéral, ainsi qu'en arrière-plan, la boîte postale de La Poste Suisse. Sur l'autre cliché, un des coins de l'enveloppe est inséré dans la boîte postale. En tête de ces captures d'écran, il est indiqué "Savièse-Granois" et "Vendredi 23:12".
Pour autant, il n'est pas admissible de produire de telles preuves pour la première fois après l'échéance du délai de recours, sans les avoir évoquées auparavant sur l'enveloppe contenant le mémoire de recours par exemple (ATF 147 IV 526 consid. 3.1 et les réf. citées). Quoi qu'il en soit, même à supposer que ces captures d'écran puissent être prises en considération, elles ne permettent en tout état pas - à la différence d'une séquence audiovisuelle - d'apporter la preuve exigée démontrant que l'enveloppe contenant le recours a bien été glissée dans la boîte postale à la date et à l'heure indiquées et que le pli était déjà fermé au moment de la prise des clichés photographiques en question (cf. arrêt 6B_569/2023 précité consid. 1.2).
1.4. En définitive, le recourant échoue à établir, au degré de la preuve requis en la matière, que son recours a été déposé le 9 février 2024, respectivement dans le délai de recours au Tribunal fédéral.
Il s'ensuit que le recours doit être déclaré irrecevable.
2.
Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à l'Office central du Ministère public du canton du Valais et au Juge unique de la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais.
Lausanne, le 4 octobre 2024
Au nom de la IIe Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Abrecht
Le Greffier : Fragnière