Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_478/2022
Arrêt du 5 mars 2024
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Jametti, Présidente,
Hohl et Rüedi.
Greffier : M. Douzals.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Séverine Monferini Nuoffer, avocate,
recourante,
contre
Hôpital fribourgeois (HFR),
représenté par Me Vincent Perritaz, avocat,
intimé.
Objet
responsabilité de l'État en raison d'un diagnostic médical erroné posé par un médecin-chef de son hôpital; violation des règles de l'art; appréciation d'une expertise commune et d'une expertise privée,
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2022 par la Ie Cour administrative du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg (601 2021 145).
Faits :
A.
A.a. A.________ (ci-après: la patiente ou la recourante), née en 1946, exerçait la profession de médecin généraliste lorsqu'elle a consulté le Service B.________ de l'Hôpital fribourgeois (HFR), site de U.________ (ci-après: l'hôpital ou l'intimé), en raison de troubles cognitifs.
Le 20 janvier 2014, elle s'est rendue à une première consultation auprès du Dr C.________ (ci-après: le médecin-chef), médecin-chef du Service D.________ de l'hôpital. Elle a indiqué à ce médecin que son frère, âgé de 50 ans, souffrait d'une probable démence précoce et qu'elle prenait plusieurs médicaments, soit sur ordonnance soit en automédication, à savoir du Topamax (25 mg/jour), du Cipralex, du Vesicare, de l'Eltroxine et des dérivés de l'ergot de seigle.
Le 8 avril 2014, le médecin-chef et E.________ (ci-après: la neuropsychologue), neuropsychologue responsable du Service B.________, ont établi un rapport médical, y concluant que " [l]'ensemble de [leurs] investigations [était] évocateur d'un processus neurodégénératif, probablement de type Alzheimer ". Ils ont préconisé la prise d'Aricept et prévu de refaire un bilan dans les six mois, un rendez-vous ayant été fixé au 7 octobre 2014.
La patiente a refusé de prendre le traitement d'Aricept et a préféré consulter le Centre hospitalier... (ci-après: F.________).
Elle a remis son cabinet médical et cessé de travailler au 30 juin 2014.
A.b. Le 13 novembre 2014, à la consultation du Centre G.________ de F.________, qu'elle sollicitait pour une seconde opinion, la patiente a indiqué, pour la première fois, prendre également du Buscopan et de la Spasmo-Urgénine, ainsi que de l'Euthyrox, du Citalopram, de l'Adactone et du Dafalgan (complètement selon l'art. 105 al. 2 LTF). F.________ a observé que l'évaluation clinique de la patiente n'apportait pas d'arguments en faveur d'un processus dégénératif débutant. Il a toutefois recommandé de procéder à un bilan d'évolution et mentionné que le traitement de Topamax était, selon la dose, connu pour ses effets délétères sur la cognition et pouvait contribuer au tableau cognitif de la patiente.
Le 5 décembre 2014, le Service H.________ de F.________ a rendu un rapport médical dans lequel il a retenu que la stabilité de l'évaluation neuropsychologique sur les dix mois précédents et l'IRM cérébrale presque normale étaient plutôt rassurants, mais que la durée du suivi était trop courte, une maladie neurodégénérative restant à envisager. Il a proposé de compléter le bilan par un PET-scan et d'arrêter la prise de Topamax, précisant qu'un processus neurodégénératif héréditaire ne pouvait être exclu.
Le rapport du Centre G.________ du 10 décembre 2014 indiquait que la patiente avait constaté la résolution de ses troubles cognitifs suite à l'arrêt de la prise de Topamax. Il n'a toutefois pas exclu de processus neurodégénératif débutant et proposé à la patiente de la revoir pour un bilan un an plus tard.
Le 3 février 2015, après que la patiente a été soumise à un PET-scan cérébral qui n'avait pas révélé d'arguments en faveur d'une maladie neurodégénérative, le diagnostic de maladie d'Alzheimer a été écarté.
Le 13 janvier 2016, le Centre G.________ a confirmé que la patiente ne présentait plus aucun trouble cognitif et avait parfaitement récupéré des effets induits par les médicaments.
A.c. La patiente et l'hôpital ont, d'un commun accord, mandaté le Prof. Dr I.________ (ci-après: l'expert commun), spécialiste en neurologie. Selon son expertise, la patiente ne souffrait ni de la maladie d'Alzheimer, ni d'une autre maladie neurodégénérative; ses troubles cognitifs étaient dus à la combinaison de facteurs médicamenteux (Topamax, anticholinergiques) avec le plus probablement la composante d'un syndrome d'apnée du sommeil (complètement selon l'art. 105 al. 2 LTF).
La patiente a mandaté seule un expert privé, le Prof. Dr J.________ (ci-après: l'expert privé), spécialiste en neurologie. Selon lui, la patiente souffrait de déficits cognitifs d'origine multifactorielle (Topamax, Vesicare, dépression, apnée du sommeil, peut-être contribution thyroïdienne), sans qu'un début de maladie neurodégénérative ne soit exclu (complètement selon l'art. 105 al. 2 LTF).
B.
B.a. Par courrier du 16 juillet 2015 adressé à l'hôpital, la patiente a mis en cause la responsabilité du médecin-chef et de la neuropsychologue, leur reprochant d'avoir posé le diagnostic de maladie d'Alzheimer à la légère et en violation des règles de l'art. Elle a estimé qu'il s'agissait d'une erreur de diagnostic qui lui avait causé un tort moral et une perte de gain, dans la mesure où elle avait dû fermer son cabinet médical prématurément. Le 1
er février 2016, la patiente a chiffré ses prétentions, réclamant 267'988 fr. à titre de perte de gain due à la fermeture de son cabinet médical, 35'000 fr. à titre de tort moral et 16'440 fr. 85 à titre de frais d'avocat, intérêts en sus s'agissant des deux premiers montants.
B.b. Dans son rapport d'expertise du 1
er juin 2017, l'expert commun a, en substance, indiqué qu'il n'est généralement pas possible de poser un diagnostic avec certitude en présence de troubles cognitifs débutants, que, si le diagnostic de maladie d'Alzheimer ne pouvait en l'occurrence être formellement exclu, les examens à disposition ne le rendaient pas probable, d'autant moins que la patiente prenait des médicaments qui pouvaient considérablement modifier son état cognitif, et qu'il convenait en premier lieu d'interrompre ce traitement. À la question de savoir quels médicaments et à quelle posologie la patiente prenait des médicaments, il a mentionné que, selon le dossier médical, il s'agissait de: Topamax 25 mg par jour, Cipralex, dérivés de l'ergot de seigle, Eltroxine et Vesicare 5 mg. À la question de savoir si le Service B.________ de l'hôpital avait violé les règles de l'art en concluant, dans son rapport du 8 avril 2014, que " [l]'ensemble de [leurs] investigations [était] évocateur d'un processus neurodégénératif, probablement de type Alzheimer ", l'expert commun a répondu par la négative, " dans la mesure où un faux diagnostic (ici d'ailleurs mentionné uniquement comme ' évocateur ' ou ' probable ') n'est pas une violation des règles de l'art au sens d'une faute, mais uniquement une erreur "; il a précisé que, même si, dans le rapport litigieux, des éléments de diagnostic différentiel ne sont pas mentionnés, dans la démarche diagnostique, les causes métaboliques et endocriniennes ont été exclues et l'absence d'anomalie significative à l'IRM de 2013 concernant tout processus tumoral, vasculaire ou focal d'une autre nature a également été considérée. En somme, l'erreur diagnostique reposait sur le fait de ne pas avoir considéré les médicaments psychotropes et, à un moindre degré, la contribution possible d'un syndrome d'apnée du sommeil, dans l'étiologie des troubles cognitifs (complètement selon l'art. 105 al. 2 LTF). L'expert commun a encore répondu à des questions complémentaires le 11 décembre 2018.
Le 12 octobre 2020, la patiente a produit l'expertise privée datée du 11 juillet 2020. À la question de la médication prise par la patiente à la date du 20 janvier 2014, l'expert privé note du Topamax 25 mg, du Cipralex 20 mg, de l'Eltroxin, du Buscopan, du Vesicare et de l'Urgénine, dont le Topamax, le Buscopan, le Vesicare et l'Urgénine étaient susceptibles d'engendrer des effets secondaires. À la question du diagnostic posé, il note que la formulation de rapport est problématique et qu'il n'a pas été tenu compte de la dépression et de la prise de médicaments (Topamax, Buscopan, Vesicare et Urgénine) qui démontreraient que d'autres causes de troubles cognitifs étaient présentes et connues. À la question de la violation des règles de l'art, il retient que la possibilité d'une maladie d'Alzheimer était réelle, mais que des explications plus appropriées étaient présentes, soit la dépression et la prise des médicaments précités, se référant à une règle établie et reprise dans les lignes directrices concernant les investigations en cas de suspicion de démence ou en présence de troubles cognitifs de manière plus générale (complètement selon l'art. 105 al. 2 LTF).
B.c. Par décision du 12 juillet 2021, l'hôpital a rejeté les prétentions de la patiente. En substance, il a considéré que le diagnostic litigieux avait été formulé de façon à laisser planer un doute et que les médecins de F.________ avaient bénéficié d'un temps de recul que les siens n'avaient pas eu, bien qu'il ait été proposé à la patiente. Il a retenu que la patiente avait déclaré qu'elle prenait du Topamax à raison de 25 mg/jour, que ce médicament peut certes avoir des effets secondaires, notamment des troubles de la mémoire, mais que ceux-ci sont dose-dépendants et que de tels troubles apparaissent à une fréquence de 5,1 % pour une dose quotidienne comprise entre 200 et 400 mg/jour tandis que cet effet ne survient que dans 1,2 % des cas avec une dose de 50 mg/jour. L'hôpital a estimé qu'il n'y avait pas eu de violation des règles de l'art et que la patiente n'avait pas subi de dommage du fait du diagnostic litigieux, de sorte que sa responsabilité n'était pas engagée et que la demande devait être rejetée. Il n'a pas tenu compte de l'expertise privée.
B.d. Le 14 septembre 2021, la patiente a recouru contre dite décision auprès de la I
e Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, concluant à ce que l'hôpital soit condamné à lui verser 267'988 fr. à titre de perte de gain, 35'000 fr. à titre de tort moral, 72'955 fr. 70 à titre de frais d'avocat avant procès et 3'500 fr. à titre de frais d'expertise privée, intérêts en sus.
Par arrêt du 15 septembre 2022, le Tribunal cantonal a rejeté le recours de la patiente. En substance, il a retenu que le médecin-chef avait violé son devoir de diligence. Il a toutefois jugé qu'il n'existait pas de lien de causalité entre la violation du devoir de diligence et le dommage réclamé par la patiente et que celle-ci ne saurait prétendre à la réparation de son prétendu préjudice moral car elle n'avait pas subi de grave atteinte à sa personnalité. Enfin, il a retenu que la patiente ne pouvait réclamer, à titre de dommage, les frais d'avocat et d'expertise en lien avec la procédure devant l'hôpital.
C.
Contre cet arrêt, qui lui a été notifié le 26 septembre 2022, la patiente a formé un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral le 25 octobre 2022. En substance, elle conclut à ce que l'arrêt entrepris soit annulé et réformé, en ce sens que les montants indiqués dans son recours du 14 septembre 2021 lui soient alloués. Subsidiairement, elle sollicite, en substance, le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle se plaint de constatations manifestement inexactes des faits et d'arbitraire dans l'application de la causalité adéquate entre la violation du devoir de diligence et son dommage, d'application arbitraire de la notion de tort moral, de constatation manifestement inexacte des faits s'agissant des souffrances psychiques occasionnées par le faux diagnostic et de violation arbitraire des art. 5 et 6 de la loi du canton de Fribourg du 16 septembre 1986 sur la responsabilité civile des collectivités publiques et de leurs agents (LResp/FR; RS/FR 16.1) quant à ses frais d'avocat et d'expertise privée.
L'intimé conclut à l'irrecevabilité du recours, au motif que les prétentions de la patiente seraient périmées. Subsidiairement, il conclut à son rejet, invoquant l'arbitraire dans l'appréciation de la valeur probante de l'expertise privée, l'arbitraire dans l'admission d'une anamnèse incomplète et, partant, dans la violation des règles de l'art par le médecin-chef et, enfin, l'arbitraire dans la qualification de diagnostic " définitif ".
Les parties ont chacune déposé des observations complémentaires.
La cour cantonale s'est brièvement déterminée sur le recours et a pour le surplus renvoyé aux considérants de son arrêt. Elle conclut au rejet du recours. La recourante a répliqué à cette détermination.
Considérant en droit :
1.
L'arrêt attaqué a pour objet la responsabilité d'un hôpital public fondée sur le droit public cantonal en matière de responsabilité de l'État (cf.
infra consid. 2.1). Il s'agit d'une décision prise en application de normes de droit public cantonal dans une matière connexe au droit civil au sens de l'art. 72 al. 2 let. b LTF (ATF 139 III 252 consid. 1.5; 135 III 329 consid. 1.1; 133 III 462 consid. 2.1). Elle doit donc être attaquée devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile lorsque la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr.; elle relève de la compétence de la première Cour de droit civil (art. 31 al. 1 let. d du règlement du 20 novembre 2006 du Tribunal fédéral [RTF; RS 173.110.131]; ATF 139 III 252 consid. 1.5; 135 III 329 consid. 1.1).
Interjeté dans le délai fixé par la loi (art. 100 al. 1 LTF) par la recourante, qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF), et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue sur recours par le tribunal supérieur du canton de Fribourg (art. 75 LTF) dans une affaire dont la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est en principe recevable.
2.
2.1. Selon la jurisprudence, les soins dispensés aux malades dans les hôpitaux publics ne se rattachent pas à l'exercice d'une industrie (cf. art. 61 al. 2 CO), mais relèvent de l'exécution d'une tâche publique; en vertu de la réserve facultative prévue à l'art. 61 al. 1 CO, les cantons sont donc libres de soumettre au droit public cantonal la responsabilité des médecins engagés dans un hôpital public pour le dommage ou le tort moral qu'ils causent dans l'exercice de leur charge (ATF 139 III 252 consid. 1.3; 133 III 462 consid. 2.1; 122 III 101 consid. 2a/aa et bb).
2.2. Le canton de Fribourg a fait usage de cette réserve. L'art. 41 de la loi du 27 juin 2006 sur l'hôpital fribourgeois (LHFR/FR; RS/FR 822.0.1) prévoit expressément que la responsabilité de cet hôpital pour le préjudice que ses employés causent d'une manière illicite à autrui dans l'exercice de leurs fonctions est régie par la LResp/FR. Selon l'art. 6 al. 1 LResp/FR, les collectivités publiques répondent du préjudice que leurs agents causent d'une manière illicite à autrui dans l'exercice de leurs fonctions. L'art. 7 al. 1 LResp/FR permet l'octroi d'une réparation morale en cas de lésions corporelles ou de mort d'homme.
Le droit public fribourgeois a ainsi institué une responsabilité causale pour les actes des médecins dans les hôpitaux publics du canton. Cette responsabilité suppose la réunion de trois conditions: un acte illicite, un préjudice (dommage ou tort moral) et un rapport de causalité (naturelle et adéquate) entre l'acte illicite et le préjudice (ATF 139 III 252 consid. 1.4; 133 III 462 consid. 4.1).
Pour le surplus, les dispositions du Code des obligations s'appliquent, en particulier à la détermination du préjudice et à la fixation de l'indemnité (art. 9 LResp/FR), lesquelles sont donc applicables à titre de droit cantonal supplétif.
2.3. Conformément à l'art. 18 al. 1 LResp/FR, la procédure de l'action en responsabilité contre l'État fondée sur cette loi est en principe régie par le Code de procédure et de juridiction administrative du canton de Fribourg du 23 mai 1991 (CPJA/FR; RS/FR 150.1).
3.
Lorsque la Cour de céans est saisie d'un recours en matière civile dans une cause qui a trait à la responsabilité d'un médecin soumise au droit public cantonal, son pouvoir d'examen est limité à l'arbitraire tant en fait qu'en droit.
3.1. Elle statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Elle ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 140 III 115 consid. 2; 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
Concernant l'appréciation des preuves, elle n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3; 129 I 8 consid. 2.1).
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3).
3.2. En matière d'interprétation et d'application du droit public cantonal, y compris du droit fédéral appliqué à titre de droit cantonal supplétif, la Cour de céans n'examine que si la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral, parce qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou parce qu'elle est contraire à d'autres droits constitutionnels (art. 106 al. 2 LTF). Il ne faut pas confondre arbitraire et violation de la loi; une violation doit être manifeste et reconnue d'emblée pour être considérée comme arbitraire. Le Tribunal fédéral n'a pas à examiner quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement dire si l'interprétation qui a été faite est défendable (ATF 133 III 462 consid. 4.4.1; 132 I 13 consid. 5.1; 131 I 217 consid. 2.1). Il appartient au recourant, respectivement à l'intimé pour ses propres griefs, d'établir la réalisation de ces conditions par une argumentation précise répondant aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF.
4.
Il s'impose d'examiner en premier lieu les griefs soulevés par l'hôpital intimé contre l'admission, par la cour cantonale, de la première des conditions de la responsabilité de l'hôpital, soit l'existence d'un acte illicite du médecin-chef, autrement dit la violation par lui des règles de l'art médical et, par là, la violation de son devoir de diligence lors de l'établissement du diagnostic "évocateur d'un processus neurodégénératif, probablement de type Alzheimer ".
4.1. Dans l'arrêt attaqué, la cour cantonale a considéré que le médecin-chef avait posé un faux diagnostic, en estimant que la patiente était probablement atteinte de la maladie d'Alzheimer, puisqu'il s'était finalement avéré que les troubles cognitifs de celle-ci étaient induits par la prise de médicaments, associée probablement à un syndrome d'apnée du sommeil.
À titre liminaire, la cour cantonale a considéré qu'en droit administratif, il est admissible de se baser sur une expertise privée produite par la patiente, car une expertise privée ne constitue pas seulement un allégué de partie. Quant à l'expertise commune administrée dans le cadre de la procédure administrative de première instance, elle n'était pas une expertise judiciaire. Rien ne permettait donc de considérer qu'une de ces expertises aurait le pas sur l'autre.
Dans un premier temps, appréciant les deux expertises, la cour cantonale a conclu que les deux experts avaient admis que le diagnostic posé par le médecin-chef était erroné et que celui-ci, même s'il avait entrepris certaines démarches en vue de poser son diagnostic (examen neuropsychologique, examen neurologique, ponction lombaire, bilan sanguin et IRM), n'avait pas investigué plus avant les autres causes possibles des troubles cognitifs de la patiente (prise de Topamax, dépression et, cas échéant, syndrome d'apnée du sommeil). Selon les deux experts, il aurait en particulier fallu, en présence de ces éléments et avant de poser le diagnostic de maladie d'Alzheimer, interrompre la prescription de Topamax, indépendamment de son dosage.
Dans un second temps, la cour cantonale a conclu que le médecin-chef avait violé son devoir de diligence. Elle a tout d'abord relevé que l'expert commun avait estimé que ce diagnostic erroné ne constituait pas une violation des règles de l'art, tandis que l'expert privé avait admis la violation de plusieurs règles de l'art médical. Ne s'estimant pas liée par les considérations des experts sur ce point, dans la mesure où la violation du devoir de diligence est une question de droit, elle a, en substance, considéré (1) que le médecin-chef était parfaitement au courant du fait que la patiente prenait des médicaments connus pour leurs effets délétères sur la mémoire, soit notamment le Topamax, et qu'elle était toujours en traitement pour une dépression, (2) qu'en renonçant à vérifier si la médication de la patiente, notamment le Topamax, pouvait être responsable de ses troubles cognitifs, le médecin-chef avait violé une règle communément admise de l'art médical, s'agissant de la pose du diagnostic de la maladie d'Alzheimer, en l'état actuel de la science, et (3) que le médecin-chef aurait d'autant plus dû pousser ses réflexions que la patiente avait alors un cabinet, " au vu des conséquences potentielles de la maladie sur son activité et ses patients, mais aussi pour elle-même ". La cour cantonale a en outre considéré que l'hôpital ne saurait se prévaloir de la formulation de diagnostic ( " évocateur " et " probablement ") et du bilan à six mois proposé par le médecin-chef, dans la mesure où le diagnostic de maladie d'Alzheimer ne peut pas être posé avec certitude, où l'utilisation de l'adverbe " probablement " dans le diagnostic doit être mise en relation avec la difficulté de poser ce diagnostic, où la médication proposée à la patiente (Aricept) est seulement indiquée en cas de maladie d'Alzheimer et où le bilan à six mois devait servir avant tout à suivre l'évolution de la maladie et non à mener d'autres investigations et examens.
4.2. L'hôpital intimé fait grief à la cour cantonale d'avoir retenu l'existence d'une violation des règles de l'art dans l'établissement du diagnostic litigieux et d'avoir violé le principe de l'interdiction de l'arbitraire et les " règles fédérales sur l'appréciation des preuves ".
Dans un premier grief, il reproche à la cour cantonale d'avoir violé son droit d'être entendu et d'avoir arbitrairement violé le droit fédéral en appréciant, sur un pied d'égalité, l'expertise commune et l'expertise privée et en se fondant sur l'expertise privée pour retenir une violation des règles de l'art, sans développer les raisons pour lesquelles elle s'est écartée de l'expertise commune. Il invoque notamment que l'expertise commune avait été mise en oeuvre en commun et de manière contradictoire par les parties, tandis que l'expertise privée avait été sollicitée par la patiente de manière unilatérale.
Dans un deuxième grief, il soutient que la cour cantonale a constaté les faits de manière manifestement inexacte lorsqu'elle a affirmé que le médecin-chef avait violé les règles de l'art au moment d'établir le diagnostic litigieux au motif notamment qu'il avait renoncé à vérifier si la médication de la patiente pouvait être responsable de ses troubles cognitifs. En substance, il allègue que le médecin-chef avait procédé à une anamnèse complète et reproche à la recourante de ne pas avoir informé celui-ci du fait qu'elle avait abusé de Cafergot et de Topamax durant l'année précédente, soit en 2013, information qu'elle a fournie lors de son examen neuropsychologique du 29 octobre 2014 à F.________ et lors de son entretien avec l'expert commun. Selon l'intimé, cette information était cruciale puisque F.________ est arrivé à la conclusion, après un suivi d'une année et demie, que l'origine des troubles cognitifs dont souffrait la recourante était d'origine médicamenteuse, le Topamax étant particulièrement en cause. S'agissant de ce médicament, l'intimé rappelle qu'avec une dose de 50 mg par jour, l'effet secondaire de troubles de la mémoire ne survient que dans 1,2 % des cas et que, dans la mesure où la recourante avait indiqué au médecin-chef qu'elle prenait 25 mg de Topamax par jour, celui-ci pouvait légitimement penser que les troubles de la mémoire dont souffrait la recourante avaient une autre cause.
Dans un troisième et dernier grief, l'intimé considère que la cour cantonale a constaté les faits de manière manifestement inexacte en retenant que le diagnostic litigieux n'était pas provisoire mais définitif. Il souligne notamment que ledit diagnostic contient une double réserve, exprimée par les termes " évocateur " et " probablement ".
4.3. Dans sa réplique, la recourante conteste les griefs de l'intimé. En substance, elle soutient (1) que, contrairement à l'expert privé, l'expert commun s'est " érigé en juge " dans son rapport d'expertise en se prononçant sur des questions de droit, (2) que le deuxième grief de l'intimé est irrecevable, faute de motivation suffisante, et que le médecin-chef n'a pas fait preuve de toute la diligence nécessaire en méconnaissant un ensemble d'éléments qu'il ne pouvait omettre, et (3) que les concepts de diagnostics provisoire et définitif n'existent pas en médecine.
5.
Est litigieuse l'appréciation de l'expertise commune et de l'expertise privée par la cour cantonale, et par suite les conséquences juridiques qu'elle en a tirées sur la question de savoir si le médecin-chef a violé les règles de l'art médical et donc commis un acte illicite, en posant un diagnostic erroné.
5.1.
5.1.1. Selon la jurisprudence, la notion d'illicéité est la même en droit public cantonal de la responsabilité et en droit privé fédéral. Le personnel chargé des soins (médecins, infirmiers, sages-femmes, etc.) est tenu de respecter les règles de l'art médical, afin de protéger la vie ou la santé du patient. Il doit observer la diligence requise, déterminée selon des critères objectifs. La notion d'illicéité rejoint ici celle de violation du devoir de diligence, appliquée en matière de responsabilité contractuelle (ATF 133 III 121 consid. 3.1; 123 II 577 consid. 4d/ee; 120 Ib 411 consid. 4a; 115 Ib 175 consid. 2a-b; arrêts 4A_255/2021 du 22 mars 2022 consid. 3.1.3; 4A_432/2020 du 16 décembre 2020 consid. 6.2; 4A_315/2011 du 25 octobre 2011 consid. 3.1 et l'arrêt cité).
L'étendue du devoir de diligence qui incombe au médecin se détermine selon des critères objectifs. Les exigences qui doivent être posées à cet égard ne peuvent pas être fixées une fois pour toutes; elles dépendent des particularités de chaque cas, telles que la nature de l'intervention ou du traitement et les risques qu'ils comportent, la marge d'appréciation, le temps et les moyens disponibles, la formation et les capacités du médecin (ATF 133 III 121 consid. 3.1; arrêts 4A_255/2021 précité consid. 3.1.3; 4A_432/2020 précité consid. 6.2; 4A_315/2011 précité consid. 3.1).
Les règles de l'art médical constituent des principes établis par la science médicale, généralement reconnus et admis, communément suivis et appliqués par les praticiens. Dans le diagnostic comme dans le choix d'une thérapie ou d'autres mesures, le médecin dispose souvent, selon l'état objectif de la science, d'une marge d'appréciation qui autorise un choix entre les différentes possibilités entrant en considération. Il n'y a violation du devoir de diligence que si un diagnostic, une thérapie ou quelque autre acte médical apparaît indéfendable au regard de l'état de la science médicale et sort donc du cadre de l'art médical considéré de manière objective (arrêts 4A_255/2021 précité consid. 3.1.3; 4A_432/2020 précité consid. 6.2; 4A_315/2011 précité consid. 3.1 et l'arrêt cité; 4A_48/2010 du 9 juillet 2010 consid. 6.1; cf. également ATF 148 IV 39 consid. 2.3.4; 134 IV 175 consid. 3.2; 130 IV 7 consid. 3.3; 120 Ib 411 consid. 4a).
5.1.2. Pour établir son diagnostic, le médecin procède par diagnostic différentiel, c'est-à-dire qu'il tente d'identifier une maladie grâce à la comparaison entre eux des symptômes dus à plusieurs affections voisines que l'on cherche à différencier les unes des autres en utilisant un processus d'élimination logique. L'établissement d'un tel diagnostic (c'est-à-dire l'élaboration d'une liste des problèmes possibles pouvant être à l'origine des signes et symptômes chez un patient) constitue une partie importante du raisonnement clinique. Cette étape permet de procéder à des investigations appropriées visant à écarter des possibilités et à confirmer un diagnostic définitif. La liste peut être établie en fonction de la probabilité et de l'urgence (ATF 149 II 109 consid. 10.2 avec références à YVES DONZALLAZ, Traité de droit médical, vol. II, 2021, p. 1577 ss n
o 3161 ss et WALTER FELLMANN, in Arztrecht in der Praxis, 2
e éd. 2007, p. 123).
L'erreur de diagnostic ne suffit en principe pas, à elle seule, à engager la responsabilité du médecin. Si celui-ci pose consciencieusement son diagnostic, après avoir examiné son malade selon les règles de l'art, avec tout le temps et l'attention nécessaires, il n'y a pas violation des règles de l'art (cf. ATF 149 II 109 consid. 10.2 et les arrêts cités).
Il appartient au lésé d'établir la violation des règles de l'art médical (ATF 133 III 121 consid. 3.1; 120 Ib 411 consid. 4a; 115 Ib 175 consid. 2b et les références citées).
5.1.3. Selon la jurisprudence rendue en matière administrative, notamment dans le domaine médical, le principe de la libre appréciation des preuves est applicable: l'administration ou le juge apprécie librement les moyens de preuve, sans être lié par des règles de preuve formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Dès lors, le juge doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, qu'elle qu'en soit la provenance, puis décider si les titres à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. Notamment si les rapports médicaux sont contradictoires, il doit apprécier l'ensemble des preuves et indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre (ATF 143 V 124 consid. 2.2.2; 134 V 231 consid. 5.1; 125 V 351 consid. 3; arrêts 8C_723/2022 du 6 octobre 2023 consid. 3.1; 8C_70/2022 du 5 avril 2023 consid. 4.1; 1C_106/2016 du 9 juin 2016 consid. 3.1.2).
La jurisprudence a posé des lignes directrices compatibles avec la libre appréciation des preuves s'agissant de la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux. Il est ainsi admis, en particulier, qu'une expertise privée produite par une partie n'a pas la même valeur probante que des expertises mises en oeuvre par un tribunal ou par un assureur-accidents. Le juge ne peut s'en écarter sans motifs impératifs, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Lorsque, au stade de la procédure administrative, une expertise judiciaire confiée à un expert indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé. Le juge doit donc examiner si l'expertise privée est propre à mettre en doute, sur les points litigieux importants, l'opinion et les conclusions de l'expert mandaté dans le cadre de la procédure administrative (ATF 125 V 351 consid. 3c; arrêt I 19/02 du 26 juillet 2002 consid. 5c). Pour avoir force probante, les méthodes de diagnostic médical doivent être reconnues scientifiquement, de manière à pouvoir servir de base fiable à la décision (ATF 134 V 231 consid. 5.1 et les arrêts cités).
Il sied de préciser que la jurisprudence sur la force probante des expertises médicales est différente en procédure administrative et en procédure civile. En effet, selon la jurisprudence actuelle en procédure civile, l'expertise privée n'est pas un moyen de preuve (ATF 141 III 433 consid. 2), alors qu'elle l'est en procédure administrative, selon les principes jurisprudentiels sus-exposés. La cour cantonale ne semble, à tort, pas y voir de différence. Il n'y a toutefois pas lieu d'examiner plus avant la question, dès lors que la cour cantonale a voulu appliquer la jurisprudence valable en matière administrative et que le législateur fédéral a déjà modifié l'art. 177 CPC applicable en procédure civile, modification qui entrera en vigueur le 1
er janvier 2025 (cf. Message du 26 février 2020 relatif à la modification du code de procédure civile suisse, FF 2020 2659 s. ad art. 177).
5.2. En l'espèce, il n'est pas contesté que le diagnostic de trouble " évocateur d'un processus neurodégénératif, probablement de type Alzheimer " posé par le médecin-chef en avril 2014 était erroné. À la suite des examens pratiqués par F.________, consulté par la patiente en novembre 2014 en vue d'obtenir une seconde opinion, et de l'arrêt de la prise de Topamax, proposé par cet hôpital, les troubles cognitifs de celle-ci ont régressé (complètement selon l'art. 105 al. 2 LTF) au point que le 3 février 2015, à la suite d'un examen par PET-scan, une maladie dégénérative, en particulier Alzheimer, a été exclue. Un an après, il a été constaté par F.________ que les troubles cognitifs ont notamment régressé après l'arrêt du Topamax et des anticholinergiques que la patiente prenait pour la vessie, notamment le Buscopan et la Spasmo-Urgénine, et que la patiente ne se plaignait plus de troubles cognitifs. Selon l'expert commun, la patiente ne souffrait ni de la maladie d'Alzheimer, ni d'une autre maladie neurodégénérative; ses troubles cognitifs étaient dus à la combinaison de facteurs médicamenteux (Topamax, anticholinergiques) avec, le plus probablement, une composante de syndrome d'apnée du sommeil.
Il s'agit donc uniquement de déterminer si, pour poser son diagnostic, le médecin-chef de l'hôpital a procédé ou non conformément aux règles de l'art et, partant, s'il a respecté ou non son devoir de diligence.
5.3. La cour cantonale a considéré que l'expertise privée produite par la patiente ne constitue pas seulement un allégué de partie, mais qu'elle est un rapport médical dont il y a lieu d'apprécier la valeur probante. Selon elle, en droit administratif, contrairement au droit civil, la maxime d'office impose d'apprécier tous les rapports médicaux, sans égard à leur origine, pour autant qu'ils soient probants. Elle a admis que l'expertise commune - dont la valeur probante ne pouvait pas être remise en question - réalisée d'entente entre les parties dans le cadre de la procédure administrative n'était pas une expertise judiciaire et a conclu que " rien ne permet de considérer que l'une [de ces expertises] aurait le pas sur l'autre ".
L'hôpital intimé reproche à la cour cantonale d'avoir commis l'arbitraire en estimant que l'expertise privée était sur un pied d'égalité avec l'expertise commune.
5.4. Il ressort des faits constatés que l'expertise commune du 1
er juin 2017 et son rapport complémentaire ont été réalisés d'entente entre les parties: l'expert a été mandaté en qualité d'expert par les deux parties, il a eu accès au dossier complet de la cause, il a reçu la patiente en entretien et a eu un entretien téléphonique avec le médecin-chef avant de rendre son rapport, il a répondu aux questions posées, par les deux parties, en motivant ses différentes prises de position et a été amené à répondre encore à des questions supplémentaires des parties dans son rapport complémentaire.
En revanche, l'expertise privée datée du 11 juillet 2020 a été demandée par la patiente seule, sans l'aval et sans la coopération de l'hôpital, a été réalisée plus de trois ans après l'expertise commune et n'a été produite dans la procédure administrative que le 12 octobre 2020.
Force est d'admettre que la cour cantonale n'a pas respecté les principes jurisprudentiels du droit administratif en matière d'appréciation des preuves et a, par conséquent, apprécié arbitrairement en droit (cf.
supra consid. 3) la force probante des expertises privée et commune lorsqu'elle a considéré que " rien ne permet de considérer que l'une [des expertises] aurait le pas sur l'autre ". Comme le soutient l'intimé, la cour cantonale a, par là, mis sur un pied d'égalité les deux expertises, alors que l'expertise privée ne doit être prise en considération que si elle est propre à mettre en doute, sur les points litigieux importants, l'opinion et les conclusions de l'expert désigné dans le cadre de la procédure administrative. En effet, l'expertise commune a été mise en oeuvre conjointement par les parties dans le cadre de la procédure administrative; tant le médecin-chef que la patiente ont été entendus en entretien, respectivement en entretien téléphonique par l'expert; tant l'hôpital que la patiente ont pu poser leurs questions et questions complémentaires à l'expert commun. Au contraire, l'expertise privée a été sollicitée et payée par la seule patiente; l'expert privé n'a pas donné l'occasion, ni au médecin-chef, ni à l'hôpital de s'exprimer ou de poser des questions et l'expert privé n'a pas non plus été interrogé par la cour cantonale. Selon la jurisprudence, cette expertise privée ne pouvait donc être prise en considération qu'en tant qu'elle permettait de faire douter des résultats de l'expertise commune et, si tel était le cas, aurait dû donner lieu à une instruction complémentaire, voire déboucher sur une contre-expertise.
En tant qu'elle soutient que l'expertise commune est une expertise administrative et non judiciaire, et que l'origine d'un moyen de preuve importe peu, la recourante ne conteste pas que la jurisprudence exige que l'expertise privée doive être propre à faire douter du résultat de l'expertise administrative. Lorsqu'elle insiste sur le fait que la cour cantonale ne s'est pas fondée uniquement sur l'expertise privée, mais sur les deux expertises, relevant que les deux experts sont d'accord sur certains points, la recourante méconnaît que les résultats des deux expertises sont opposés et qu'il s'agit donc précisément d'examiner si le résultat de l'expertise privée parvient à faire douter du résultat de l'expertise commune, évidemment à la lumière de sa motivation. Or, force est de constater que cette expertise privée, par les questions dirigées qu'elle pose, tente de faire accroire qu'un diagnostic différentiel serait une démarche supplémentaire et qu'il devrait être mentionné spécialement dans le rapport médical, comme celui du médecin-chef et de son associée du 8 avril 2014. Or, tel n'est pas le cas: le diagnostic différentiel fait partie intégrante du raisonnement clinique (cf.
supra consid. 5.1.2) et, selon la jurisprudence, seules les données importantes doivent être documentées dans un rapport médical (ATF 141 III 363 consid. 5).
Au vu de ce qui précède, l'arrêt attaqué doit donc être annulé pour arbitraire. La Cour de céans peut toutefois se dispenser de renvoyer la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement.
6.
Sur la base des éléments à sa disposition, la Cour de céans est en effet en mesure de se prononcer elle-même, et ce librement, sur la question de savoir si l'expertise privée suffit à faire douter de l'expertise commune.
6.1. Il ressort de l'expertise commune que, lors de l'entretien avec la patiente du 20 janvier 2014, le médecin-chef a pris en considération les médicaments pris par celle-ci, dont les deux médicaments qui ont été considérés comme susceptibles de provoquer des troubles cognitifs, soit le Topamax au dosage de 25 mg/jour et du Vesicare qu'elle prenait pour la vessie. Comme il l'a déclaré à l'expert, le médecin-chef n'a toutefois pas fait arrêter la prise de ces médicaments à effet psychotrope potentiel car le Topamax était alors pris à une dose particulièrement faible. L'expert commun a donc considéré que le médecin-chef n'avait pas violé les règles de l'art " au sens d'une faute ", même s'il n'a pas mentionné un diagnostic différentiel sur ce point dans son rapport du 8 avril 2014.
6.2. Selon son appréciation, la Cour de céans considère que l'expertise privée n'est pas à même de faire douter de l'expertise commune.
6.2.1. Tout d'abord, l'expert privé, qui n'a entendu ni le médecin-chef en cause ni l'hôpital, ne s'est pas prononcé sur le faible dosage du Topamax pris par la patiente, sur la base duquel le médecin-chef a renoncé à de plus amples investigations, et il ne s'est pas non plus prononcé sur le fait qu'un frère de la patiente avait développé la maladie d'Alzheimer dans la cinquantaine. Dans son appréciation, l'expert privé tient encore compte d'autres médicaments, soit du Buscopan et de l'Urgénine, que la patiente n'a pas indiqués au médecin-chef. Cela suffit à écarter son expertise privée comme inapte à faire douter du bien-fondé de l'expertise commune. Il sied encore d'ajouter qu'en l'espèce, le médecin-chef pouvait légitimement penser que la patiente, médecin de profession, lui avait fourni toutes les indications concernant sa prise de médicaments, y compris ceux qu'elle prenait en auto-médication.
6.2.2. Ensuite, en ce qui concerne le diagnostic différentiel, l'expert privé expose: " La possibilité d'une maladie d'Alzheimer était réelle, mais en fait, à ce moment-là des explications plus appropriées étaient présentent [sic], c'est à dire la prise de certains médicaments [...] et la dépression. La règle établie et reprise dans les lignes directrices concernant les investigations en cas de suspicion de démence ou en présence de troubles cognitifs de manière plus générale, demande de rechercher largement les causes possibles, surtout celles qui peuvent être traitées. La conclusion du rapport mentionne certes les investigations pratiquées, dont implicitement un nombre de causes possibles recherchées, mais on ne retrouve pas la mention des médicaments et de la dépression [...]. Il aurait aussi fallu procéder à une anamnèse concernant les symptômes d'un syndrome d'apnée du sommeil [...]. ".
Or, force est d'admettre que l'expert commun a bien constaté que le médecin-chef avait procédé à une appréciation (diagnostic différentiel) de l'effet des médicaments indiqués et pris par la patiente, même si celui-ci ne l'a pas mentionné dans son rapport. En effet le médecin-chef avait considéré qu'à la dose particulièrement faible de 25 mg de Topamax par jour, il avait peu d'argument pour lui demander d'arrêter ce médicament. En tant que la recourante veut déduire de l'expertise privée que le médecin-chef n'aurait pas fait de diagnostic différentiel, elle ne peut être suivie. Et, conformément à la jurisprudence (ATF 141 III 363 consid. 5), le médecin-chef ne devait pas obligatoirement mentionner ce diagnostic différentiel dans son rapport médical. On relève encore que l'expert privé affirme qu'une règle de l'art aurait été violée, mais il le fait sans donner aucune référence ni prouver la règle qu'il invoque.
Les griefs soulevés sur ce point par la recourante dans sa réponse ne changent rien à cette appréciation. Tout d'abord, en tant qu'elle insiste sur le fait que les deux expertises auraient constaté que le médecin-chef n'aurait pas fait de diagnostic différentiel, la recourante méconnaît que l'expert commun a interrogé le médecin-chef et qu'implicitement, bien qu'aucune question topique ne lui eût été posée à ce propos, c'est parce qu'il a estimé avec lui que le dosage était trop faible pour être pris en considération qu'il a considéré que son erreur n'était pas une violation des règles de l'art " au sens d'une faute ". Ensuite, en tant qu'elle soutient que le grief de l'hôpital serait irrecevable, faute de démonstration de son grief, la recourante méconnaît que, lorsque la Cour de céans annule l'arrêt cantonal pour arbitraire, en l'occurrence pour avoir mis sur pied d'égalité les deux expertises, elle statue elle-même librement et substitue ses motifs à ceux de la décision attaquée.
6.3. Enfin, c'est arbitrairement que la cour cantonale a retenu que le " diagnostic de maladie d'Alzheimer " posé dans le rapport du médecin-chef du 8 avril 2014 était définitif.
Dans ce rapport, adressé à la psychiatre de la patiente le 8 avril 2014 et en copie à celle-ci, le médecin-chef et la neuropsychologue indiquent que " [l]'ensemble de [leurs] investigations est évocateur d'un processus neurodégénératif, probablement de type Alzheimer " et concluent qu'il faut " refaire un bilan dans 6 mois ".
En tant qu'il est adressé à des médecins, ce texte doit nécessairement être interprété selon la compréhension que ceux-ci pouvaient et devaient en avoir. Si l'ensemble des investigations n'est qu'" évocateur " d'un processus, il ne s'agit que d'une éventualité, et non d'une certitude. Et il faut mettre en relation cette éventualité avec la nature probable de son origine, ce qui ne signifie pas que le diagnostic de maladie d'Alzheimer était probable, mais seulement qu'un trouble qui était éventuel devait, s'il se révélait, être probablement celui de la maladie d'Alzheimer.
La patiente ne s'y est d'ailleurs pas arrêtée comme à un diagnostic définitif, puisqu'elle a refusé de prendre le médicament prescrit et demandé une seconde opinion au Centre G.________ de F.________. Comme le relève l'hôpital intimé, les rapports de F.________ des 13 novembre 2014 et 5 décembre 2014 s'expriment d'ailleurs dans les mêmes termes que le médecin-chef: suspicion de processus dégénératif de type Alzheimer et possible maladie d'Alzheimer débutante.
6.4. En conclusion, sur la base des faits retenus, c'est, en conformité avec la jurisprudence, que la Cour de céans reconnaît au médecin-chef une marge d'appréciation lorsqu'il pose un diagnostic et retient, au vu du faible dosage des deux médicaments indiqués par la patiente et susceptibles de causer des troubles cognitifs, qu'il n'a pas violé les règles de l'art et, partant, qu'il n'a pas commis d'acte illicite.
7.
Au vu de ce qui précède, le recours doit donc être rejeté par substitution des motifs qui précèdent.
Il est par conséquent superflu d'examiner les griefs soulevés par la recourante à l'encontre de la seconde condition de la responsabilité, soit celle du rapport de causalité naturelle et adéquate entre le prétendu préjudice et la violation du devoir de diligence, que la cour cantonale avait nié.
Quant au grief de la recourante, tiré de l'application arbitraire des art. 5 et 6 LResp/FR et des art. 137 ss CPJA/FR, ainsi que des art. 29 et 29a Cst. , par lequel elle reproche à la cour cantonale d'avoir refusé de lui allouer, à titre de dommage, ses frais d'avocat et d'expertise en lien avec la procédure devant l'hôpital, il est sans fondement puisque sa demande d'indemnité a été rejetée sur le fond.
Les frais judiciaires et les dépens de la procédure fédérale seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 8'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la I
e Cour administrative du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg.
Lausanne, le 5 mars 2024
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jametti
Le Greffier : Douzals