Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_874/2024
Arrêt du 5 mai 2025
Ire Cour de droit pénal
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Jacquemoud-Rossari, Présidente,
Muschietti et von Felten.
Greffière : Mme Thalmann.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Nicolas Pointet, avocat,
recourant,
contre
Ministère public central du canton de Vaud,
avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD,
intimé.
Objet
Sursis,
recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale
du Tribunal cantonal du canton de Vaud, du 4 juin 2024 (n° 209 PE22.018470-JZC).
Faits :
A.
Par jugement du 24 janvier 2024, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a libéré A.________ des chefs de prévention de violation simple des règles de la circulation et de contravention à l'ordonnance sur les règles de la circulation routière, au bénéfice de la prescription, a constaté que A.________ s'était rendu coupable d'infraction grave à la LStup, de conduite malgré une incapacité et de conduite sans autorisation et l'a condamné à une peine privative de liberté de 20 mois. Le tribunal a suspendu une partie de la peine privative de liberté à hauteur de 14 mois et a imparti à A.________ un délai d'épreuve de trois ans. Il l'a en outre condamné à une amende de 800 fr. convertible en 16 jours de peine privative de substitution en cas de non-paiement fautif et a dit que A.________ était le débiteur de l'État de Vaud d'un montant de 15'000 fr. à titre de créance compensatrice.
B.
Par jugement du 4 juin 2024, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a partiellement admis le recours de A.________ contre le jugement du 24 janvier 2024. Elle l'a réformé en ce sens qu'elle a condamné A.________ à une peine privative de liberté de 16 mois, dont une partie fixée à hauteur de dix mois a été suspendue, avec délai d'épreuve de trois ans, ainsi qu'à une amende de 800 fr. convertible en huit jours de peine privative de substitution en cas de non-paiement fautif et a dit que A.________ était le débiteur de l'État de Vaud d'un montant de 10'000 fr. à titre de créance compensatrice. Elle a confirmé le jugement pour le surplus.
Il en ressort les faits suivants.
B.a. Ressortissant suisse, A.________ est né en 1975 à U.________. Élevé par ses parents, il a grandi à W.________ avec sa soeur. Après sa scolarité obligatoire, le prénommé a suivi une formation de ramoneur et a obtenu un CFC dans ce domaine. Par la suite, il a exercé différentes activités professionnelles dans des domaines variés. Il a en particulier travaillé au Service des routes et autoroutes de l'État de Vaud durant quinze ans jusqu'à son licenciement en 2014. Après une période de chômage, il a débuté en 2017 une activité indépendante de paysagiste-machiniste. Pour l'année 2022, il a déclaré des revenus imposables pour environ 25'000 francs. Il avait en plus des revenus locatifs d'environ 63'000 francs.
Divorcé, A.________ a deux garçons de 16 et 13 ans, qui vivent auprès de leur mère à X.________. Il les reçoit à raison d'un week-end sur deux, ainsi que durant quatre semaines de vacances par année.
A.________ vit à V.________ dans un immeuble qui lui appartient avec sa compagne, une amie de celle-ci et leurs enfants, tous d'origine y.________. Dit immeuble comporte un deuxième appartement, qui est loué à un tiers pour un loyer de 2'000 fr. par mois, charges comprises. A.________ est encore propriétaire d'un autre immeuble, sis à W.________, qui comporte également deux logements. Pour ce bien, il encaisse des loyers bruts de 1'800 fr. et 1'700 fr. par mois. Selon ses déclarations, les hypothèques s'élèvent à 780'000 fr., respectivement 400'000 francs.
B.b. Le casier judiciaire suisse de A.________ comporte une inscription relative à une condamnation le 23 octobre 2014 par le Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à 30 fr. le jour, pour conduite d'un véhicule automobile en état d'ébriété avec un taux d'alcool qualifié.
L'extrait SIAC (mesures administratives) de A.________, établi le 21 septembre 2023, fait état de nombreuses mesures prononcées par les autorités vaudoises. En particulier, le Service des automobiles et de la navigation (SAN) a rendu sept décisions retirant le permis de conduire de A.________ pour des périodes allant d'un mois à une durée indéterminée, la dernière fois le 9 septembre 2014. Depuis lors, le SAN a prolongé à trois reprises le délai pour faire une demande de nouveau permis de conduire en raison notamment des faits ci-dessous (cf.
infra consid. B.d). Dit délai échoit désormais le 1er décembre 2025.
B.c. Sur territoire neuchâtelois, entre le deuxième semestre de l'année 2015 et le début de l'année 2017, B._________, C.________ et D.________ (déférés séparément dans le canton de Neuchâtel) ont mis sur place une production de culture de cannabis en vue de la vente de ce produit, réalisé cinq récoltes et un chiffre d'affaires global de quelque 130'000 francs. Les investigations menées dans le canton de Neuchâtel ont révélé que le principal acheteur de cette marchandise était E.________, ceci à des fins commerciales, que A.________ avait lui aussi vendu du cannabis et que F.________ avait fourni le trio neuchâtelois en boutures de cannabis.
Du mois de septembre 2015 au 6 juin 2017, dans un immeuble propriété de A.________ sis Z.________ à V.________, où ils occupaient chacun un appartement, A.________ et E.________ ont mis en place deux cultures de cannabis, une au galetas et l'autre au sous-sol, portant respectivement sur 232 et 136 plants. Durant cette même période, ils ont effectué six récoltes pour un total de 9.45 à 17.6 kilos.
Du mois de septembre 2015 au 6 juin 2017, A.________ a vendu à des amis 1.5 kilos de cannabis au prix de 10 fr. le gramme et 0.5 kilo de cette drogue à 8 fr. le gramme, réalisant un bénéfice de 19'000 francs. Par ailleurs, il a vendu à E.________ 2 ou 3 kilos de cannabis, issus de leurs récoltes communes, au prix de 19'200 francs. Il a dès lors réalisé un bénéfice minimal de 38'200 francs.
La perquisition opérée le 6 juin 2017 dans l'immeuble occupé par A.________ et E.________ a permis la découverte de deux plantations de cannabis, l'une au sous-sol et l'autre dans le galetas, pour un total de 431 plants. La police a en outre découvert, dans l'appartement de A.________, 773 grammes brut d'herbe à fumer de cannabis dans six sachets, un bocal de résine de cannabis d'un poids de 35 grammes brut et un sac contenant des restes de cannabis impropres à la consommation.
B.d. Alors qu'il faisait l'objet d'une décision de retrait de permis du 9 septembre 2014, il a continué de prendre régulièrement le volant jusqu'au 25 février 2022, date à laquelle il a été contrôlé pour la dernière fois, tant pour se rendre sur son lieu de travail à raison de deux à trois fois par semaine que pour effectuer des trajets privés.
Au cours de cette période, A.________ a été dénoncé à cinq reprises pour avoir pris le volant et circulé malgré la mesure de retrait, la dernière fois le 25 février 2022. À deux reprises, il présentait un taux d'alcoolémie correspondant à 1.2 grammes pour mille, respectivement 0.70 gramme pour mille. Une fois, il s'est déplacé tout en téléphonant.
C.
A.________ forme un recours en matière pénale contre le jugement du 4 juin 2024. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens que le sursis complet lui est accordé en lieu et place du sursis partiel. Subsidiairement, il conclut à l'annulation du jugement attaqué et au renvoi du dossier à l'instance inférieure pour qu'elle prononce un nouveau jugement lui accordant le sursis complet. Il sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire. Par ordonnance du 2 décembre 2024, la requête d'assistance judiciaire formée par Etienne Jaunin a été rejetée faute pour celui-ci d'avoir établi son indigence.
Considérant en droit :
1.
Le recourant se plaint d'une violation des art. 42 et 43 CP .
1.1. Le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP). Le juge peut suspendre partiellement l'exécution d'une peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur (art. 43 al. 1 CP).
Lorsque la durée de la peine privative de liberté se situe, comme en l'espèce, entre un et deux ans, permettant donc le choix entre le sursis complet (art. 42 CP) et le sursis partiel (art. 43 CP), l'octroi du sursis au sens de l'art. 42 CP est la règle et le sursis partiel l'exception. Celui-ci ne doit être prononcé que si, sous l'angle de la prévention spéciale, l'octroi du sursis pour une partie de la peine ne peut se concevoir que moyennant exécution de l'autre partie. La situation est comparable à celle où il s'agit d'évaluer les perspectives d'amendement en cas de révocation du sursis. Lorsqu'il existe, notamment en raison de condamnations antérieures, de sérieux doutes sur les perspectives d'amendement de l'auteur, qui ne justifient cependant pas encore, à l'issue de l'appréciation de l'ensemble des circonstances, un pronostic concrètement défavorable, le tribunal peut accorder un sursis partiel au lieu du sursis total. On évite ainsi, dans les cas de pronostics très incertains, le dilemme du "tout ou rien". Un pronostic défavorable, en revanche, exclut tant le sursis partiel que le sursis total (ATF 144 IV 277 consid. 3.1.1; 134 IV 1 consid. 5.3.1; arrêts 6B_71/2024 du 6 novembre 2024 consid. 3.1; 6B_1326/2022 du 29 novembre 2023 consid. 4.1)
Les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel (ATF 139 IV 270 consid. 3.3; 134 IV 1 consid. 5.3.1). Pour formuler un pronostic sur l'amendement de l'auteur, le juge doit se livrer à une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Il doit tenir compte de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il ne peut accorder un poids particulier à certains critères et en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 135 IV 180 consid. 2.1; 134 IV 1 consid. 4.2.1). Le défaut de prise de conscience de la faute peut justifier un pronostic défavorable, car seul celui qui se repent de son acte mérite la confiance que l'on doit pouvoir accorder au condamné bénéficiant du sursis (arrêts 6B_820/2022 du 15 mai 2023 consid. 2.1; 6B_566/2022 du 18 janvier 2023 consid. 2.3). Dans l'émission du pronostic, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation, de sorte que le Tribunal fédéral n'intervient qu'en cas d'abus ou d'excès de ce pouvoir (ATF 145 IV 137 consid. 2.2; arrêt 6B_71/2024 précité consid. 3.1).
1.2. La cour cantonale a considéré que, compte tenu de l'antécédent pénal du recourant et des nombreuses mesures prises par le SAN, le sursis total était exclu. En effet, le recourant avait commis des infractions successives et n'avait eu de cesse de faire fi des diverses décisions rendues à son encontre. Il ne discernait en outre pas la dangerosité de son comportement. Toutefois, depuis deux ans maintenant, il avait un bon comportement, il travaillait honnêtement et remboursait ses dettes, afin d'assainir sa situation financière. Le pronostic devait donc être considéré comme étant mitigé et seul un sursis partiel pouvait dès lors être prononcé, la part ferme à exécuter portant sur six mois. Il était à noter que la peine ferme de six mois était d'ailleurs compatible avec les différents aménagements de peine proposés par le CP (cf. not. art. 77b, 79a et 79b CP ). Le délai d'épreuve de trois ans serait confirmé, celui-ci étant justifié.
1.3. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir accordé une importance excessive à ses antécédents pénaux et aux nombreuses mesures du SAN. Il estime que la cour cantonale a commis un abus ou excès de son pouvoir d'appréciation. Il fait valoir qu'il n'a commis aucune infraction depuis deux ans et a eu un "comportement irréprochable" pendant cette période. De plus, il souligne qu'il n'a plus été impliqué dans des infractions liées aux stupéfiants depuis sept ans. Il argue également qu'il a collaboré à l'enquête et qu'il a opéré une prise de conscience, de sorte qu'il n'y a pas lieu de nourrir de "sérieux doutes sur ses perspectives d'amendement".
Enfin, il souligne qu'il n'a jamais été condamné à une peine privative de liberté, que ce soit avec ou sans sursis, et considère que la menace d'une exécution ferme de la peine suffirait à le détourner de commettre de nouvelles infractions.
1.4. En l'espèce, conformément à la jurisprudence susmentionnée, l'antécédent spécifique du recourant ainsi que les nombreuses mesures administratives prises à son encontre justifiaient de nourrir de sérieux doutes sur ses perspectives d'amendement. En outre, contrairement à ce que suggère le recourant, la cour cantonale n'a pas ignoré les éléments favorables qu'il invoque (absence d'infractions depuis deux ans, travail pour rembourser ses dettes). C'est précisément pour cette raison qu'elle a prononcé un sursis partiel et non une peine ferme. Cela étant, la cour cantonale a également fondé le pronostic mitigé sur une prise de conscience insuffisante du recourant qu'elle a fondée sur le fait que celui-ci ne discernait pas la dangerosité de son comportement et sur le fait que son antécédent pénal et les nombreuses mesures prononcées à son égard ne l'ont pas empêché de récidiver. À cet égard, en tant que le recourant soutient qu'il a pris conscience de sa faute, il s'écarte des constatations cantonales, sans démontrer l'arbitraire de celles-ci (art. 97 al. 1 LTF).
En outre, le fait qu'il n'ait jamais été condamné à une peine privative de liberté mais uniquement à une peine pécuniaire ne fait pas obstacle au prononcé d'un sursis partiel. Il convient de relever que le sursis partiel peut être prononcé même lorsque le prévenu a un casier judiciaire vierge en cas d'absence de prise de conscience de la faute par exemple (cf. arrêt 6B_71/2024 précité consid. 3.4).
1.5. Pour le surplus, en tant que le recourant se plaint de l'effet de la peine sur son avenir, il sera rappelé que, selon la jurisprudence, l'effet de la peine sur l'avenir du condamné, en tant qu'élément de prévention spéciale, ne permet que des corrections marginales, la peine devant toujours rester proportionnée à la faute (arrêts 6B_1326/2022 du 29 novembre 2023 consid. 4.3; 6B_849/2022 du 21 juin 2023 consid. 4.3.1; 6B_1317/2022 du 27 avril 2023 consid. 5.5). En outre, comme le relève la cour cantonale, la peine ferme de six mois est d'ailleurs compatible avec les différents aménagements de peine proposés par le CP (semi-détention, travail d'intérêt général, surveillance électronique). À cet égard, en tant que le recourant soutient, d'une part, que l'exécution sous forme de semi-détention ne serait pas possible en raison notamment des "horaires imposés" et de la "desserte insuffisante des transports publics" à son lieu de domicile, et, d'autre part, qu'un travail d'intérêt général n'est pas envisageable, car il risquerait de mettre en péril son entreprise, il invoque des éléments qui ne ressortent pas du jugement attaqué, sans démontrer l'arbitraire de leur omission (cf. art. 97 al. 1 et 106 al. 2 LTF); ceux-ci n'apparaissent d'ailleurs pas déterminants en l'espèce. Du reste, la jurisprudence rappelle qu'il est inévitable que l'exécution d'une peine ferme d'une certaine durée ait des répercussions sur la vie professionnelle et financière du condamné (arrêts 6B_1520/2022 du 5 septembre 2023 consid. 3.2.3; 6B_849/2022 précité consid. 4.3.1; 6B_252/2022 du 11 avril 2023 consid. 5.1).
1.6. Compte tenu de l'ensemble des éléments, la cour cantonale n'a pas abusé de son large pouvoir d'appréciation ni violé le droit fédéral en refusant le sursis complet. Le grief est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
2.
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 5 mai 2025
Au nom de la Ire Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
La Greffière : Thalmann