Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_409/2023
Arrêt du 5 juin 2024
IIIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président,
Moser-Szeless et Beusch.
Greffier : M. Feller.
Participants à la procédure
A.A.________ et B.A.________,
tous les deux représentés par Berney Associés SA, recourants,
contre
Service cantonal des contributions du canton du Valais,
avenue de la Gare 35, 1950 Sion,
intimé.
Objet
Impôts cantonaux et communaux du canton du Valais et impôt fédéral direct, périodes fiscales 2010-2015,
recours contre la décision de la Commission cantonale de recours en matière fiscale du canton du Valais du 16 mars 2023.
Faits :
A.
A.a. Les époux A.A.________ et B.A.________ (ci-après: les contribuables) étaient assujettis de manière illimitée aux impôts dans le canton du Valais pendant les périodes fiscales 2010 à 2015. A.A.________ était employée au sein de C.________ SA (ci-après: la Société), sise à U.________ et active dans le domaine de l'immobilier, dont elle a également été l'administratrice. En 2010, C.________ SA a vendu à A.A.________ l'immeuble à construire "D.________", situé à V.________ et constitué de dix appartements en 10 lots PPE avec 12 places de parc souterraines. Les travaux ont été achevés en 2011 et les parts de copropriété ont été vendues dès le début de l'année 2012.
A.b. Les époux A.A.________ et B.A.________ étaient aussi titulaires de l'intégralité des participations dans les sociétés E.________ Sàrl et F.________ (ci-après: GFA [Groupement foncier agricole]), sises à W.________ (France), sociétés au travers desquelles ils ont exploité le domaine de X.________, en France, qui se compose d'un domaine viticole et de gîtes touristiques.
A.c. Le 25 janvier 2012, G.________, administrateur de C.________ SA, a adressé un courrier au Service cantonal des contributions du canton du Valais (ci-après: le SCC), par lequel il a indiqué que A.A.________ avait décidé d'acquérir l'immeuble "D.________" en vue de s'assurer un revenu régulier par le biais des produits de location mais qu'elle souhaitait revendre les appartements qui n'avaient pas pu être loués. G.________ a notamment demandé au SCC de confirmer que les ventes des lots PPE seraient imposées sur la base de l'impôt sur les gains immobiliers. Le SCC a répondu par courrier du 9 février 2012 qu'il imposerait les futures ventes des lots PPE "D.________" en tant que gains immobiliers, sous réserve de fait nouveau ou changement de pratique.
Le 11 juin 2012, le SCC a informé G.________ que la situation était en réalité différente de celle que celui-ci avait initialement décrite dans son courrier du 25 janvier 2012; le service avait constaté que la totalité des lots PPE inoccupés étaient en vente, qu'aucune recherche de locataires n'avait été effectuée, que A.A.________ était active professionnellement dans la promotion immobilière au sein de l'entreprise C.________ SA, dont elle était également administratrice, que les unités de PPE avaient été vendues par la Société à A.A.________ et que le financement des appartements avait été effectué par un emprunt. Partant, le SCC indiquait que le dossier était désormais analysé sous l'angle de la promotion immobilière et imposé par le Service des indépendants.
A.d. Le 13 octobre 2017, le SCC a taxé définitivement les contribuables pour l'impôt fédéral direct (IFD) et les impôts cantonal et communal (ICC) 2011 à 2013 et leur a notifié le bordereau d'impôt rectifié pour l'année 2010. Le 19 octobre 2017, il a procédé à la taxation définitive des contribuables pour les années fiscales 2014 et 2015 en matière d'IFD et d'ICC.
A.e. Le 27 novembre 2017, les contribuables ont déposé une réclamation contre les taxations concernant les périodes fiscales 2010 à 2015, que la Commission cantonale d'impôts des personnes physiques du canton du Valais a partiellement admise, par décision du 3 février 2020. Tout en niant l'effet contraignant du ruling du 25 janvier 2012, elle a confirmé la qualification des revenus résultant de la vente des PPE de l'immeuble "D.________" de revenu de l'activité lucrative indépendante, ainsi que l'appartenance à la fortune privée des participations E.________ Sàrl et GFA.
Par décision du 22 avril 2021, la Commission de recours en matière fiscale du canton du Valais (ci-après: la Commission de recours; aujourd'hui Tribunal cantonal du Valais, Cour de droit fiscal) a rejeté le recours formé par les contribuables contre la décision du 3 février 2020 aussi bien pour ce qui concerne l'IFD que les ICC pour les périodes fiscales 2010 à 2015.
Par arrêt 2C_761/2021 du 14 juillet 2022, le Tribunal fédéral a annulé la décision de la Commission de recours du 22 avril 2021 et lui a renvoyé la cause pour nouvelle décision au sens des considérants. Selon ceux-ci, l'autorité précédente avait porté atteinte au droit d'être entendu des contribuables, dès lors qu'elle n'avait pas exposé en quoi consistaient les différences entre la situation présentée dans la demande de ruling du 25 janvier 2012 et la situation réelle déterminante en vue de la taxation, ni motivé sa décision sur le conflit d'imposition entre la France et la Suisse.
B.
À la suite du renvoi prononcé par le Tribunal fédéral, la Commission de recours a débouté les contribuables, tant en matière d'IFD que d'ICC, par décision du 16 mars 2023.
C.
A.A.________ et B.A.________ interjettent un recours en matière de droit public contre cette décision. Ils concluent principalement à sa modification "dans le sens des griefs évoqués par les recourants dans le présent recours, à savoir la violation de la protection de la bonne foi (application du ruling du 25 janvier 2012) et l'effet négatif de la convention de double imposition conclue avec la France". Subsidiairement, ils requièrent l'annulation de la décision du 16 mars 2023 et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants.
Le SCC et l'Administration fédérale des contributions ont conclu au rejet du recours.
Considérant en droit :
I. Recevabilité et pouvoir d'examen
1.
1.1. L'arrêt attaqué a été rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) qui ne tombe sous le coup d'aucune exception de l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est donc ouverte (cf. aussi l'art. 146 LIFD [RS 642.11] et l'art. 73 al. 1 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes [LHID; RS 642.14]).
1.2. La juridiction cantonale a rendu un seul arrêt valant pour les impôts en matière d'IFD et des ICC pour les périodes fiscales 2010 à 2015, ce qui est admissible (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1). Partant, le dépôt d'un seul acte de recours est aussi autorisé, dans la mesure où les recourants s'en prennent clairement aux deux catégories d'impôt (cf. ATF 135 II 260 consid. 1.3.2). Au surplus, le recours a été déposé en temps utile (art. 46 al. 1 let. c et 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF) par les destinataires de la décision attaquée, qui ont qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF). Il convient donc d'entrer en matière.
2.
2.1. D'après l'art. 106 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral applique le droit d'office. Il examine en principe librement l'application du droit fédéral ainsi que la conformité du droit cantonal harmonisé et de sa mise en application par les instances cantonales aux dispositions de la LHID (arrêt 2C_132/2020 du 26 novembre 2020 consid. 2.1, non publié in ATF 147 II 155). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, il n'examine toutefois la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par la partie recourante, c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée (cf. ATF 146 I 62 consid. 3; 142 II 369 consid. 2.1).
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. La partie recourante ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 147 I 73 consid. 2.1; 145 V 188 consid. 2 et les références).
II. Griefs relatifs à l'imposition du bénéfice de la vente des lots PPE "D.________"
3.
Le litige concerne tout d'abord l'imposition du bénéfice de la vente des lots PPE "D.________" en matière d'IFD et des ICC. Il porte en particulier sur les effets de la demande de ruling du 25 janvier 2012 concernant la vente de ces lots, la juridiction cantonale ayant écarté le caractère contraignant du ruling et admis, en conséquence, que ledit bénéfice ressortait à la fortune commerciale de la contribuable, et non à sa fortune privée, et était donc soumis à l'impôt sur le revenu.
4.
4.1. Dans ce contexte, les recourants reprochent tout d'abord à la juridiction cantonale d'avoir violé leur droit d'être entendus. Elle n'aurait évoqué que deux des cinq arguments qu'ils avaient opposés aux éléments mis en évidence par le SCC pour remettre en cause la validité du ruling accordé le 9 février 2012, sans exposer pour quels motifs elle avait écarté le reste de leur argumentation. Selon les recourants, il s'agissait notamment des éléments suivants: la totalité des unités de PPE inoccupées aurait bien été indiquée comme étant en vente dans la demande de ruling du 25 janvier 2012, dès lors que le pluriel a été utilisé "[...] mettre en vente les lots de PPE [...]"; l'activité professionnelle de la contribuable était connue dès lors que la demande de ruling du 25 janvier 2012 exposait que "[la contribuable] a décidé, il y a deux ans, de réorienter et réduire son activité professionnelle"; la demande de ruling précisait que C.________ SA avait cédé l'immeuble à A.A.________ et mentionnait le recours à un emprunt (cédules hypothécaires) tout comme dans le courrier du SCC.
4.2. Une autorité cantonale viole le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. lorsqu'elle ne respecte pas son obligation de motiver ses décisions afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient. Pour satisfaire à cette exigence, il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision. Elle n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, peuvent être tenus pour pertinents (ATF 142 II 154 consid. 4.2; 9C_68/2023 du 2 avril 2024 consid. 5.2.1 et les références). L'essentiel est que la décision indique clairement les faits qui sont établis et les déductions juridiques qui sont tirées de l'état de fait déterminant (ATF 142 II 154 consid. 4.2; 9C_68/2023 du 2 avril 2024 consid. 5.2.1 et les références).
4.3. Si la motivation de la décision attaquée est relativement brève, comme le font valoir les recourants en se référant au nombre de pages consacrées à la demande de ruling, elle est cependant suffisante au regard des exigences prévues à cet égard. En effet, les juges précédents ont retenu que les faits tels que décrits dans la demande de ruling du 25 janvier 2012 ne correspondaient pas à ceux qui étaient déterminants en vue de la taxation. Ils ont ainsi mentionné l'activité professionnelle de la recourante dans la promotion immobilière. Ils ont par ailleurs constaté que les lots PPE n° xxx et yyy avaient déjà fait l'objet d'un transfert au registre foncier le 7 février 2012, soit avant l'approbation du ruling par le SCC le 9 février 2012. Ils ont également confirmé la position du SCC, selon laquelle la demande de ruling du 25 janvier 2012 ne contenait aucune indication quant à l'absence de recherches entreprises pour trouver des locataires. Même si la juridiction cantonale n'a évoqué que quelques aspects lui permettant de conclure à une divergence entre la situation factuelle présentée dans la demande de ruling et la situation réelle, cela suffit cependant pour discerner les motifs qui ont guidé sa décision. Elle n'avait pas non plus à traiter de tous les éléments mis en avant par les recourants, puisque les différences qu'elle avait constatées lui permettaient déjà, selon elle, de conclure que l'accord signé par l'autorité fiscale n'était pas contraignant.
5.
5.1. Sur le fond, les recourants reprochent à la juridiction cantonale d'avoir violé le principe de la bonne foi. Se référant aux arguments invoqués en relation avec le défaut de motivation de la décision, ils font valoir que les faits nouveaux constatés par la juridiction cantonale ne revêtaient aucune nouveauté - au sens de la réserve émise par le SCC dans son courrier du 9 février 2012 -, dès lors qu'ils figuraient déjà dans la demande de ruling du 25 janvier 2012. Aussi, le ruling octroyé le 9 février 2012 ne pouvait pas être remis en cause. Par ailleurs, les recourants soutiennent que les cinq conditions posées par la jurisprudence pour pouvoir se prévaloir du principe de la bonne foi seraient remplies. En particulier, en procédant à la vente des lots PPE, ils auraient pris des dispositions auxquelles ils ne sauraient renoncer sans subir de préjudice.
5.2. U n ruling constitue une approbation anticipée par l'autorité fiscale compétente d'un traitement proposé par le contribuable en référence à une opération envisagée à l'avenir. Les rulings sont donc des renseignements juridiques donnés par l'administration fiscale; ils ne constituent pas des décisions, mais peuvent, à certaines conditions, avoir des conséquences juridiques en vertu du principe de la bonne foi et de la protection de la confiance (arrêt 9C_74/2023 du 16 mai 2023 consid. 5.1 et les références; pour les conditions détaillées applicables à la protection de la confiance, cf. arrêt 2C_974/2019 du 17 décembre 2020 consid. 9.1 et les références).
5.3. Dans la mesure où les recourants se limitent à recopier mot à mot leur argumentation concernant les faits nouveaux constatés par le SCC présentée en instance cantonale et à s'y référer (recours cantonal, ch. 14; recours en matière de droit public, p. 4 s.) pour en déduire qu'il n'y a pas de faits nouveaux aptes à remettre en cause le ruling du 9 février 2012, leur recours ne s'en prend pas à la décision entreprise en indiquant en quoi l'autorité précédente aurait méconnu le droit; une telle démarche est contraire aux exigences de motivation prévues par l'art. 42 al. 2 LTF et n'a pas à être examinée plus avant.
5.4. Contrairement à ce que soutiennent ensuite les recourants en relation avec la vente des lots de PPE, la demande de ruling n'indique pas que les lots étaient déjà en vente, respectivement sur le point d'être vendus, dès lors qu'il en ressort seulement que les ventes interviendraient "dans les prochains mois". De plus, l'argument tiré d'une prétendue "assertion fausse" de la juridiction cantonale quant à la date du transfert au registre foncier antérieure à celle de la demande de ruling n'est dès lors pas pertinente (même si les premiers juges ont utilisé, sans doute par inadvertance, l'adverbe "avant" [la demande de ruling]), alors que l'adverbe "après" aurait été correct au regard des dates en question (transfert le 7 février 2012 et demande du 25 janvier précédent).
Quoi qu'en disent en outre les recourants, la vente de (l'ensemble) des lots PPE constitue un élément déterminant dans l'examen des effets du ruling puisque la recourante avait manifesté, dans sa demande du 25 janvier 2012, l'intention d'investir son argent pour acquérir un "immeuble de rendement" afin de s'assurer un "revenu récurrent" (sur l'importance de l'état de fait décrit dans la demande, cf. arrêt 2C_664/2013 du 28 avril 2014 consid. 4.2). Des termes mêmes employés alors, le SCC pouvait déduire que la recourante entendait conserver l'immeuble, du moins un certain temps, pour en tirer un revenu régulier, et non pas le revendre rapidement. Du reste, selon la jurisprudence, la courte durée de possession de biens immobiliers avant leur revente constitue un indice d'une activité lucrative indépendante (cf. ATF 125 II 113 consid. 6a; arrêt 9C_81/2023 du 18 septembre 2023 consid. 5.2 et les références). Il n'y a, enfin, rien à ajouter aux constatations de la juridiction cantonale selon lesquelles la demande de ruling du 25 janvier 2012 ne contenait aucune indication quant à l'activité professionnelle exercée par la recourante dans le domaine immobilier et quant à l'absence de recherches entreprises pour trouver des locataires.
5.5. On ajoutera que l'opération envisagée - la vente de tous les lots PPE - a débuté avant l'approbation du ruling par le SCC le 9 février 2012. Sous l'angle de la protection de la bonne foi, en procédant à ces deux ventes avant de recevoir l'aval du SCC, les recourants démontrent bien que la vente aurait de toute manière été effectuée indépendamment de l'approbation du ruling. En effet, si la demande d'appréciation anticipée du 25 janvier 2012 avait certes pour but de faire reconnaître le rattachement des lots de PPE à la fortune privée de la contribuable, elle tendait avant tout à ce que le SCC admette que le produit découlant de leur vente serait soumis à l'impôt sur les gains immobiliers. Les contribuables ne peuvent dès lors pas affirmer qu'ils auraient subi un préjudice en renonçant à la vente des lots PPE, ou, autrement dit, qu'ils n'auraient pas entrepris ces démarches si la garantie donnée avait été différente.
5.6. En conséquence de ce qui précède, c'est à juste titre que la juridiction cantonale a confirmé la qualification des lots PPE "D.________" comme faisant partie de la fortune commerciale de la contribuable dès la période fiscale 2012 conformément à l'art. 18 al. 2 LIFD en matière d'IFD. Les motifs du recours sont infondés.
5.7. Il en va de même en ce qui concerne les ICC, dès lors que les art. 7 al. 1 et 8 al. 1 et 2 LHID, repris aux art. 12 al. 1 et 14 al. 1 et 2 de loi fiscale valaisanne du 10 mars 1976 (LF; rs/VS 642.1), correspondent à l'art. 18 al. 2 LIFD (arrêt 9C_81/2023 du 18 septembre 2023 consid. 7 et la référence). Il peut ainsi être renvoyé dans cette mesure à la motivation développée en matière d'impôt fédéral direct. Le recours doit par conséquent aussi être rejeté en tant qu'il concerne l'ICC pour les mêmes périodes fiscales.
III. Griefs relatifs à la Convention de double imposition entre la Suisse et la France
6.
Est ensuite litigieuse l'imposition en Suisse pour le revenu et la fortune de la participation des contribuables dans la société GFA.
6.1. La Commission de recours a considéré que l'art. 24 § 1 al. 2 in fine de la Convention du 9 septembre 1966 entre la Suisse et la France en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales (CDI CH-FR; convention de double imposition CH-FR; RS 0.672.934.91) était applicable à la participation des contribuables dans le GFA. En substance, elle a considéré que le GFA détenait des biens immobiliers (soit des exploitations agricoles) affectés à l'exploitation d'un domaine viticole et de gîtes touristiques, de sorte que les parts des contribuables dans cette société étaient imposables en Suisse tant sous l'angle de la fortune que du revenu.
6.2. Les recourants contestent le raisonnement des juges précédents et considèrent que la Suisse ne pourrait pas imposer les revenus et la fortune litigieux provenant de leurs participations dans le GFA. Ils soutiennent, en particulier, que l'exception invoquée par la juridiction cantonale ne leur serait pas applicable, dès lors que le GFA n'exploiterait pas lui-même les gîtes et le domaine viticole mais les mettrait à disposition du Domaine qui s'occuperait de l'exploitation. Se fondant sur les art. 24 § 1 al. 2, 1e phrase et 25 B § 1 CDI CH-FR, les contribuables allèguent que leurs parts seraient imposables (uniquement) en France. Ils font encore valoir que le GFA aurait une structure proche de la société civile immobilière (SCI) de droit français, de sorte qu'il devrait être traité fiscalement en transparence et qu'il ne serait dès lors pas taxable en Suisse en application des dispositions conventionnelles précitées.
7.
Les conventions internationales en matière de double imposition ne contiennent que des règles visant à limiter les pouvoirs d'imposition des États mais ne fondent pas l'imposition elle-même. Par conséquent, il convient d'abord de s'assurer de l'existence d'un droit (interne) d'imposition, puis, le cas échéant, de vérifier que ce droit d'imposition n'est pas limité par une disposition conventionnelle visant à restreindre ou éliminer une éventuelle double imposition internationale (ATF 143 II 257 consid. 5.1 et les références; arrêt 2C_365/2021 du 13 décembre 2022 consid. 4).
1. Droit interne suisse
8.
8.1. Selon l'art. 3 al. 1 LIFD, les personnes physiques sont assujetties à l'impôt à raison du rattachement personnel lorsque, au regard du droit fiscal, elles sont domiciliées ou séjournent en Suisse. L'art. 6 al. 1 LIFD prévoit que l'assujettissement fondé sur un rattachement personnel est illimité; il ne s'étend toutefois pas aux entreprises, aux établissements stables et aux immeubles situés à l'étranger.
En vertu de l'art. 2 al. 1 let. a LHID, les cantons prélèvent notamment un impôt sur le revenu et la fortune des personnes physiques. L'impôt sur la fortune a pour objet l'ensemble de la fortune nette (art. 13 al. 1 LHID). Les personnes physiques sont assujetties à l'impôt à raison du rattachement personnel, lorsque, au regard du droit fiscal, elles sont domiciliées dans le canton (art. 3 al. 1 LHID). Les art. 1 al. 1 let. a, 2 al. 2 et 50 al. 1 LF reprennent ces principes. En outre et aux termes de l'art. 5 al. 1 LF, l'assujettissement fondé sur un rattachement personnel est illimité; il ne s'étend toutefois pas aux entreprises, aux établissements stables et aux immeubles situés hors du canton du Valais.
8.2. À l'instar de la société civile immobilière de droit français (cf. arrêts 2C_365/2021 du 13 décembre 2022 consid. 5.4; 2C_729/2019 du 7 juillet 2020 consid. 4.4), on constate (cf. art. 105 al. 2 LTF) que le groupement foncier agricole est une société civile formée entre personnes physiques (cf. art. L322-1 du Code français rural et de la pêche maritime [dans sa version en vigueur depuis le 2 février 1995]) qui dispose de la personnalité morale à partir de son immatriculation, conformément à l'art. 1842 du Code civil français. Partant, le GFA doit être qualifiée de personne morale étrangère dotée d'une personnalité juridique propre sous l'angle du droit suisse (comp. arrêt 2C_729/2019 du 7 juillet 2020 consid. 4.4 concernant une société civile immobilière de droit français [SCI]). Par conséquent, les participations détenues par les recourants dans le GFA constituent de la fortune mobilière au sens du droit interne suisse et elles ne sont pas exclues de l'assujettissement illimité au sens de l'art. 6 al. 1 LIFD et 5 al. 1 LF (comp. arrêt 2C_365/2021 du 13 décembre 2022 consid. 5.4).
2. Droit interne français
9.
9.1. En droit interne français, les groupements fonciers agricoles sont imposés en transparence. Cela signifie notamment que les bénéfices qu'ils réalisent sont soumis à l'impôt sur le revenu entre les mains des associés qui sont réputés avoir personnellement réalisé chacun une part des bénéfices (cf. notamment art. 8 par. 1 du Code général des impôts français; arrêt de la Cour de cassation de la République française du 4 février 2014, non publié au bulletin, Rec. ECLI:FR:CCASS:2014:CO00147), à moins qu'ils optent pour une imposition en vertu des règles applicables aux sociétés de capitaux (cf. art. 206 al. 3 let. b et art. 239 du Code général des impôts français).
9.2. Les recourants allèguent que le GFA n'est pas soumis à l'impôt sur les sociétés français et est traité fiscalement en transparence, en se fondant sur des documents qu'ils produisent pour la première fois en instance fédérale. Il s'agit des "Comptes annuels F.________", comprenant une "liasse fiscale" avec la "Déclaration des sociétés immobilières non soumises à l'impôt sur les sociétés" pour l'année 2017. Outre le fait que cette déclaration - qui démontrerait que l'option d'une imposition en vertu des règles applicables aux sociétés n'a pas été exercée - se rapporte à une période fiscale postérieure à celles qui sont examinées en l'occurrence, elle constitue une pièce nouvelle irrecevable en instance fédérale au sens de l'art. 99 al. 1 LTF. En particulier, les recourants n'exposent pas les motifs pour lesquels ils n'auraient pas été en mesure de produire cette pièce (ainsi que les autres documents présentés pour la première fois devant la Cour de céans) en procédure cantonale (cf. ATF 143 V 19 consid. 1.2).
Toutefois, même s'il y avait lieu de suivre l'argumentation des recourants et d'admettre que l'option en cause n'a pas été exercée, ils seraient alors imposables en principe en France sur le revenu et la fortune provenant de leurs participations dans le GFA, sans que cela ne change l'issue du litige en leur faveur, comme il ressort des développements suivants.
10.
Il ressort de ce qui précède que tant la Suisse que la France disposent d'une base légale suffisante qui permettrait de soumettre à imposition les revenus et la fortune des recourants. Il convient par conséquent d'examiner si ces droits d'imposition sont limités par une disposition conventionnelle visant à restreindre ou éliminer une éventuelle double imposition internationale.
3. Règles de conflit d'imposition
11.
11.1. En vertu de l'art. 6 § 2 al. 2 CDI CH-FR, si la propriété ou l'usufruit d'actions, parts ou autres droits dans une société, une fiducie, ou une institution comparable, donne au propriétaire ou à l'usufruitier la jouissance exclusive de biens immobiliers situés dans un État contractant et détenus par cette société, fiducie ou institution comparable, ou si ces actions, parts ou autres droits sont traités fiscalement comme des biens immobiliers par la législation interne de cet État, les revenus que le propriétaire ou l'usufruitier tire de l'utilisation directe, de la location ou de l'usage sous toute autre forme de son droit de jouissance sont imposables dans cet État nonobstant les dispositions des art. 7 et 16 CDI CH-FR.
L'art. 6 § 2 al. 2 CDI CH-FR valable en matière d'impôt sur le revenu a son pendant en matière d'impôt sur la fortune. L'art. 24 § 2 al. 2 CDI CH-FR prévoit en effet que la fortune constituée par des actions, parts ou autres droits dans une société, une fiducie ou une institution comparable, dont l'actif ou le patrimoine est principalement constitué, directement ou indirectement, de biens immobiliers définis au par. 2 de l'art. 6 et situés dans un État contractant ou de droits portant sur de tels biens est imposable dans cet État.
11.2. Il résulte des dispositions conventionnelles précitées que les parts que les recourants détiennent dans le GFA sont bien, sur le principe, imposables en France. En effet et à l'instar des droits détenus dans une SCI imposée en transparence, les contribuables détiennent des participations dans un groupement foncier agricole, également imposé en transparence - en principe (consid. 9.2 supra) - dont l'actif est principalement constitué d'immeubles selon les constatations cantonales.
12.
12.1. En ce qui concerne les règles permettant d'éliminer la double imposition, l'art. 25 B § 1 CDI CH-FR prévoit que la double imposition sera évitée de la manière suivante en ce qui concerne la Suisse: Lorsqu'un résident de Suisse reçoit des revenus ou possède de la fortune qui, conformément aux dispositions de la convention, sont imposables en France, la Suisse exempte de l'impôt ces revenus (à l'exception des dividendes, intérêts et redevances) ou cette fortune, mais peut, pour calculer le montant de l'impôt sur le reste du revenu ou de la fortune de ce résident, appliquer le même taux que si les revenus ou la fortune en question n'avaient pas été exemptés. Toutefois cette exemption ne s'applique aux revenus, aux gains en capital ou aux éléments de fortune visés au par. 2, deuxième alinéa de l'art. 6, au par. 2 de l'art. 15 ou au par. 1, deuxième phrase de l'art. 24, qu'après justification de l'imposition de ces revenus, gains en capital ou éléments de fortune en France.
Selon la jurisprudence, les termes "après justification de l'imposition" selon cette disposition conventionnelle doivent être interprétés comme une clause d'imposition effective (arrêt 2C_365/2021 du 13 décembre 2022 consid. 9).
12.2. En l'espèce, alors que l'argumentation des contribuables en instance cantonale avait déjà porté sur l'application des art. 24 et 25 CDI CH-FR, en particulier sur l'élimination de la double imposition, on constate que les recourants n'ont apporté aucune preuve de l'imposition (effective) en France des revenus et de la fortune en relation avec leurs participations dans le GFA, tout au long de la procédure cantonale. Or, en l'absence de preuve que l'impôt a été perçu, soit de la justification de l'imposition en France, l'exonération par la Suisse fondée sur l'art. 25 CDI CH-FR ne peut pas intervenir (cf. arrêt 2C_365/2021 du 13 décembre 2022 consid. 9.5 et 9.6).
C'est partant à bon droit que les revenus et la fortune litigieux ont été imposés dans le chapitre fiscal des contribuables, tant pour l'IFD que pour les ICC des périodes fiscales sous examen, soit de 2010 à 2015. Le résultat auquel sont parvenus les juges précédents n'est pas critiquable, même si c'est pour d'autres motifs que ceux qu'ils ont exposés.
IV. Conséquences, frais et dépens
13.
Compte tenu de ce qui précède, le recours est entièrement mal fondé. Les recourants, qui succombent, supportent les frais judiciaires ( art. 66 al. 1 et 5 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable en matière d'IFD pour les périodes fiscales 2010 à 2015.
2.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable en matière d'ICC pour les périodes fiscales 2010 à 2015.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis solidairement à la charge des recourants.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux recourants, au Service cantonal des contributions du canton du Valais, au Tribunal cantonal du Valais, Cour de droit fiscal, et à l'Administration fédérale des contributions.
Lucerne, le 5 juin 2024
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Parrino
Le Greffier : Feller