Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5A_441/2024
Arrêt du 6 novembre 2024
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Herrmann, Président, von Werdt, Bovey, Hartmann et De Rossa.
Greffière : Mme Achtari.
Participants à la procédure
1. A.________,
2. B.________,
tous les deux représentés par
Me Julien Tron, avocat,
recourants,
contre
C.________,
représentée par Me Raphaël Reinhardt, avocat,
intimée,
D.________,
en qualité d'administrateur d'office de la succession de feu E.________,
Objet
action en nullité de testament, respect du délai de péremption (art. 494 al. 3 CC),
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, du 28 mai 2024
(C/28079/2019 ACJC/688/2024).
Faits :
A.
A.a. Le 10 décembre 2019, A.________ et B.________, agissant par un avocat, ont déposé en conciliation une requête auprès du Tribunal de première instance de Genève (ci-après: tribunal), dirigée contre C.________ (enregistrée sous n° C/28079/2019).
Ils visaient en substance aux constats judiciaires, fondés sur l'art. 494 al. 3 CC, que les testaments de feu E.________, olographe du 23 mars 2010, public du 10 décembre 2013, et olographe du 20 octobre 2015 étaient nuls ou réductibles en ce qu'ils contrevenaient au pacte successoral du 12 août 2003, que la désignation, dans les testaments de feu E.________, public du 10 décembre 2013 et olographe du 20 octobre 2015, de C.________ comme unique héritière instituée à titre universel était nulle ou réductible, et que les héritiers légaux [sic] institués dans le pacte successoral du 12 août 2003, soit en particulier A.________ et B.________, avaient chacun droit à recevoir un quart de la succession de la défunte.
Ils ont allégué notamment ce qui suit: F.________ était décédé en 2007 et E.________ en 2018. De leur vivant, les époux avaient passé un pacte successoral devant un notaire soleurois, désignant comme leurs héritiers quatre personnes, dont A.________ et B.________ à raison d'un quart chacune, et opérant un legs en faveur de C.________. Ultérieurement, après la mort de son mari, E.________ avait rédigé des testaments olographes et public successifs, instituant comme héritière unique C.________. Une procédure (C/15374/2010), intentée par E.________ contre A.________ et B.________ était suspendue au Tribunal fédéral (5A_98/2018), saisi par le recours formé par ces derniers le 30 janvier 2018 contre l'arrêt ACJC/1592/2010 rendu par la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: cour de justice) le 5 décembre 2017, dans l'attente de droit connu sur l'acceptation de la succession de feu E.________. Dans son arrêt précité, la cour de justice avait notamment retenu une valeur litigieuse de 2'227'419 fr. en se référant à un courrier de l'avocate de la défunte du 12 juin 2015. " Vers le 15 juin 2019", ils avaient obtenu des informations officieuses au sujet des testaments, " qui n'avaient à ce jour pas été officiellement ouverts ", de E.________, et eu connaissance du testament de la précitée nommant C.________ comme son héritière universelle ainsi que du fait que " ce testament pourrait être retenu par les autorités compétentes comme étant valable et applicable. "
Ils ont soutenu que le testament public de E.________ devait être déclaré nul ou réduit dans la mesure où il était contraire au pacte successoral, tandis que le testament olographe postérieur au testament public était " également contestable " au sens de l'art. 493 al. 3 CC [
recte: 494 al. 3 CC].
A.b. Plusieurs audiences de conciliation ont été successivement appointées. La première a été annulée par le tribunal, en raison de la pandémie de Covid-19, les suivantes reportées à la demande de l'une des parties ou des deux parties.
A la requête du tribunal d'indiquer au 15 mars 2021 si une nouvelle convocation était souhaitée, les parties ont répondu par courriers séparés. Tant A.________ et B.________ que C.________ ont fait connaître qu'ils renonçaient d'un commun accord à la procédure de conciliation, au sens de l'art. 199 al. 1 CPC. Les premiers ont requis la délivrance de l'autorisation de procéder, la dernière a observé qu'il n'y avait pas lieu de délivrer une autorisation de procéder, " les demandeurs pouvant au vu de l'accord [...] introduire une demande directement auprès de l'instance de jugement compétente. "
Par courrier du 23 mars 2021, le conseil de A.________ et B.________ s'est adressé au tribunal en ces termes: " Je vous confirme que mes clients retirent leur requête de conciliation et vous prient de leur faire parvenir un jugement de retrait indiquant que les parties ont renoncé à la procédure de conciliation (art. 221 al. 2 lit. b CPC) et qu'une action peut être directement déposée auprès du Tribunal de première instance."
A.________ et B.________ ont allégué devant la cour de justice que le greffe du tribunal aurait appelé par téléphone leur avocat pour lui "recommander de retirer la demande de conciliation", puisque "la déclaration de la partie adverse de renoncer à la procédure de conciliation remplacerait/substituerait l'autorisation de procéder, ce qui [leur] permettrait de déposer directement une plainte auprès du Tribunal de première instance compétent", affirmé qu'il s'agissait de "la possibilité la plus simple", et que ses mandants "n'en subiraient aucun préjudice". Sur quoi, le courrier précité du 23 mars 2021 avait été expédié. Ils ont offert en preuve de leurs allégués précités, outre des notes téléphoniques de leur conseil, l'audition de celui-ci ainsi que de la collaboratrice du greffe qui aurait téléphoné. L'une de ces notes, datée du 18 mars 2021, faisait état d'une demande de confirmation du greffe du retrait de la requête "pour continuer [flèches vers la droite] 1ère instance", car "il n'est pas nécessaire de délivrer une autorisation de procéder si la partie adverse renonce à la procédure de concil. [flèche crochet vers la droite] ça remplace l'autorisation de procéder. Plus simple [flèche vers la droite] retirer requête et redéposer demande [flèche vers la droite]. J'envoie projet lettre au client".
A.c. Par jugement du 24 mars 2021, vu notamment la requête de conciliation déposée le 12 décembre 2019, l'accord des parties pour renoncer à la procédure de conciliation et le retrait de la requête de conciliation par courrier des demandeurs du 23 mars 2021, le tribunal a donné acte aux parties de ce qu'elles avaient renoncé à la procédure de conciliation, a constaté que la procédure était devenue sans objet et a rayé la cause du rôle.
Ce jugement n'a pas fait l'objet d'un recours.
A.d. Par courrier du 1er avril 2021, l'avocat de C.________ s'est adressé au tribunal, notamment en ces termes: "Les parties ont renoncé à la procédure de conciliation C/28079/2019 qui avait été initiée, la cause a donc été rayée du rôle par jugement du 24 mars 2021 [...]. Ainsi un nouveau numéro de cause devra être attribué lors du dépôt de l'action en annulation devant votre instance."
B.
B.a.
B.a.a. Le 21 avril 2021, A.________ et B.________ ont expédié à l'attention du tribunal un acte intitulé "Requête de conciliation du 10 décembre 2019 déposée au nom de M. A.________ et Mme B.________. Courrier d'accompagnement du dépôt d'une action au fond". Il était ensuite mentionné qu'était déposée une "action" des précités contre C.________ puis ajouté ce qui suit: "Vous trouverez dans les lignes suivantes quelques explications concernant le dépôt de la présente action ainsi que les circonstances des présentes."
Ils ont notamment avancé que la litispendance avait été établie lors du dépôt de la requête de conciliation, le 10 décembre 2019, que les parties avaient ensuite renoncé à la procédure de conciliation, qu'ainsi l'autorité de conciliation n'était pas compétente du point de vue fonctionnel pour traiter de l'affaire. Ils avaient dès lors "retiré la requête de conciliation afin de déposer cette même demande auprès du Tribunal de céans comme instance de jugement de première instance". Ne disposant pas de l'exemplaire original de ladite requête, resté dans le dossier du juge conciliateur, ils ont annexé une copie de celle-ci à leur acte, en priant le tribunal de verser l'original à son dossier.
Ils ont conclu préalablement à ce qu'il soit dit que la requête de conciliation qu'ils joignaient à leur acte valait action contre C.________, valablement déposée auprès du Tribunal de première instance de Genève et était recevable, à ce qu'il soit constaté que la litispendance courait depuis le 10 décembre 2019, et à ce que soit ordonné à l'autorité de conciliation l'apport du dossier de conciliation (procédure C/28079/2019) à la "présente procédure". Ils ont ensuite reproduit les conclusions prises dans la requête de conciliation du 10 décembre 2019 "qui constitu[ait] désormais l'action des demandeurs".
Ils ont précisé que la valeur litigieuse était d'environ 2 millions de francs.
Le numéro de procédure C/28079/2019 a été apposé par le greffe, sur une trace de correcteur "typex" de façon manuscrite, en première page de l'exemplaire original de la demande.
C.________, après avoir requis et obtenu du tribunal la limitation de la procédure à la question du respect du délai de péremption de l'action, a conclu au rejet des conclusions préalables et à celui des conclusions principales de A.________ et B.________, respectivement à l'irrecevabilité de celles-ci. Elle a produit un avis de droit, et soutenu en substance que la demande introduite le 21 avril 2021 ne respectait pas le délai de péremption d'une année, prévu par l'art. 494 al. 3 CC, qui avait couru depuis le mois de juin 2019.
A.________ et B.________ se sont déterminés sur la question du respect du délai. Ils ont conclu principalement au déboutement de C.________ de ses conclusions, exceptions et objections, à la constatation que la litispendance existait depuis le 10 décembre 2019, à ce que soit ordonnée la poursuite de la procédure, à ce qu'il soit imparti un délai à C.________ pour sa réponse au fond, à ce qu'il soit ordonné à la Justice de paix de produire l'inventaire de la succession de feu E.________ dressé par le notaire H.________, à ce que soit redéfinie la valeur litigieuse de la procédure sur la base de l'inventaire précité, et subsidiairement à la constatation que la demande de retrait qu'ils avaient formulée le 23 mars 2021 soit "déclarée non contraignante", à l'annulation de la "décision de classement" de l'organe de conciliation du 24 mars 2021, à la poursuite de la procédure de conciliation.
Ils ont notamment allégué que les parties avaient convenu qu'ils pourraient déposer une action directement au tribunal. Ils ont offert à titre de preuve de certains de leurs allégués l'audition des parties, ainsi que des déclarations de témoins, à savoir leur avocat et une greffière de l'autorité de conciliation.
C.________ s'est encore déterminée. Elle a persisté dans ses conclusions, et conclu au rejet de celles formulées par A.________ et B.________ dans leur écriture consacrée au respect du délai. Elle a notamment contesté avoir accepté davantage que renoncer à la procédure de conciliation, affirmant que ni la question de la saisine subséquente du tribunal et ses modalités, ni le maintien du lien d'instance n'avaient fait l'objet d'un accord.
B.a.b. Par ordonnance du 20 septembre 2022, le tribunal a rejeté les réquisitions de preuve, clos les débats sur la question du respect du délai de péremption de l'introduction de l'action au fond, et réservé la suite de la procédure. Il a retenu, par appréciation anticipée des preuves, que les auditions requises n'étaient pas susceptibles d'apporter des éléments complémentaires pour trancher la question litigieuse, au regard des écritures et des pièces produites.
À l'audience du tribunal du 28 novembre 2022, les parties ont plaidé, persistant dans leurs conclusions respectives.
B.b. Par jugement du 12 juin 2023, le tribunal a débouté A.________ et B.________ de toutes leurs conclusions dans la mesure où elles étaient recevables (ch. 1), a arrêté les frais judiciaires à 46'000 fr. mis à la charge des précités solidairement entre eux, et compensés avec l'avance opérée, dont le solde leur a été restitué (ch. 2), a condamné ceux-ci à verser à C.________ 44'625 fr. à titre de dépens (ch. 3), et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).
B.c. Par arrêt du 28 mai 2024, statuant sur l'appel formé le 16 août 2023 par A.________ et B.________, la cour de justice a confirmé le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne les chiffres 2 et 3 de son dispositif, qu'elle a annulés et réformés en ce sens que les frais judiciaires de première instance ont été arrêtés à 20'000 fr., compensés avec l'avance opérée, acquise à l'Etat de Genève, mis à la charge de A.________ et B.________, solidairement entre eux, les Services financiers du Pouvoir judiciaire étant invités à restituer aux précités 40'000 fr., et que ceux-ci ont été condamnés solidairement à verser à C.________ 22'000 fr. à titre de dépens de première instance.
C.
Par acte posté le 4 juillet 2024, A.________ et B.________ interjettent un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral contre cet arrêt. Ils concluent principalement à sa réforme en ce sens que les conclusions prises dans leur requête de conciliation du 10 décembre 2019 puis dans leur action du 21 avril 2021 soient admises, à ce que les exceptions et objections de l'intimée, spécialement celle de prescription/péremption, soient rejetées pour autant que recevables, et à ce qu'il soit constaté que l'action est pendante depuis le 10 décembre 2019. Subsidiairement, ils concluent à ce que l'arrêt attaqué et le jugement de première instance soient annulés et à ce que la cause soit renvoyée en première instance pour que la procédure soit continuée et qu'une nouvelle décision soit rendue. Encore plus subsidiairement, ils concluent à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour complément de l'état de fait, continuation de la procédure et nouvelle décision. Encore plus subsidiairement, ils concluent à ce que leur retrait du 23 mars 2021 soit déclaré non obligatoire en raison d'un vice de la volonté et que la décision de rayé du rôle de l'autorité de conciliation du 24 mars 2021 soit annulée et que la cause soit renvoyée à cette autorité pour continuer la procédure de conciliation. En substance, ils se plaignent de la violation de leur droit d'être entendus (art. 29 al. 2 Cst.), de la violation de l'interdiction du formalisme excessif (art. 29 al. 1 Cst.), de la violation du principe de la bonne foi (art. 52 CPC) et de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC), de la violation des art. 63 et 221 al. 2 let. b CPC , ainsi que de la violation des art. 494 al. 3 et 533 CC .
Invités à répondre, l'administrateur officiel de la succession s'en est remis à justice, l'autorité cantonale s'est référée aux considérants de l'arrêt attaqué et l'intimée a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité.
D.
Par ordonnance du 14 août 2024, la requête de mesures provisionnelles des recourants tendant à ce qu'il soit fait interdiction à la Justice de paix du canton de Genève de délivrer à l'intimée un certificat d'héritier a été admise.
Considérant en droit :
1.
1.1. Le présent arrêt est rendu dans la langue de la décision attaquée, soit en l'occurrence le français. Quand bien même le recours est rédigé en allemand, il n'y a pas de raison suffisante pour s'écarter de la règle de l'art. 54 al. 1 LTF.
1.2. Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans la forme légale (art. 42 al. 1 LTF), le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue sur recours par une autorité supérieure statuant en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF), dans une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF) de nature pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF). Les recourants ont participé à la procédure devant l'autorité précédente et ont un intérêt digne de protection à la modification ou l'annulation de la décision entreprise ( art. 76 al. 1 let. a et b LTF ). Le recours est donc recevable au regard des dispositions qui précèdent.
2.
2.1. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l' art. 42 al. 1 et 2 LTF , il n'examine en principe que les griefs soulevés (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références). Le recourant doit par conséquent discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 148 IV 205 consid. 2.6; 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 consid. 2.4 et la référence). En particulier, la motivation doit se rapporter à l'objet du litige tel qu'il est circonscrit par la décision attaquée (ATF 133 IV 119 consid. 6.4). Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée par le recourant ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 144 II 313 consid. 5.1).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ceux-ci ont été constatés de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Le recourant qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 147 I 73 consid. 2.2; 144 II 246 consid. 6.7; 143 I 310 consid. 2.2 et la référence), doit satisfaire au principe d'allégation susmentionné (art. 106 al. 2 LTF; cf.
supra consid. 2.1), à savoir en invoquant expressément et en motivant de façon claire et détaillée ce grief (ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 144 II 313 consid. 5.1). Une critique des faits qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 145 IV 154 consid. 1.1).
Les recourants ont considéré utile de présenter un état de fait, tout en relevant que la partie en fait de l'arrêt attaqué est dans les grandes lignes établie correctement, bien que très raccourcie et confuse. Ils ne soulèvent ainsi aucun grief sur des questions de fait. Seront en revanche examinés les griefs de droit dont les contours sont déjà évoqués et que les recourants reprennent dans la suite de leur écriture (violation du droit d'être entendu sous l'angle du droit à la preuve, violation de la protection de la bonne foi, violation de l'art. 63 CPC).
3.
L'autorité cantonale a retenu que le tribunal avait été saisi d'une requête de conciliation le 10 décembre 2019, que les parties lui avaient ensuite unanimement fait connaître leur renonciation à la phase procédurale de conciliation, seule leur position sur ce qu'il adviendrait de la procédure divergeant. Selon elle, quoi qu'il en fût d'un contact téléphonique du greffe avec le conseil des recourants, il apparaissait que la décision rendue par l'autorité de conciliation, en tant qu'elle avait notamment constaté que la procédure était devenue sans objet et rayé la cause du rôle, ne correspondait pas à ce que les recourants avaient exprimé et requis dans leur acte du 23 mars 2021. Aucune des parties n'avait en effet fait valoir que le litige n'avait plus d'objet. Au contraire, il était annoncé de part et d'autre qu'il y aurait une demande déposée au tribunal, le souhait des recourants étant de mettre fin à la procédure de conciliation pour poursuivre immédiatement l'action engagée par leur requête. Ainsi, la circonstance que les deux parties avaient, au cours de la procédure de conciliation, renoncé d'un commun accord à cette phase procédurale, ce qu'il leur était loisible de faire, n'emportait pas qu'elles s'étaient entendues sur le sort ultérieur de leur litige. L'autorité cantonale en a déduit que les références des recourants à leur accord de procédure étaient dépourvues de portée sur le sort ultérieur de la procédure introduite le 10 décembre 2019. A cet égard, seule la décision du juge conciliateur était décisive. Or, en dépit du fait que cette décision ne correspondait pas à leurs conclusions, les recourants ne l'avaient pas remise en cause par la voie de l'appel, de sorte que ce jugement, dont le dispositif était clair et sans équivoque et qui mettait fin au lien d'instance, était devenu définitif. Elle a considéré que l'interprétation des recourants de qualifier ce jugement comme " substitut d'autorisation de procéder " n'était pas convaincante, faute de trouver appui dans la loi. Elle a ajouté qu'à supposer que le greffe eût véritablement communiqué oralement une orientation de procédure, que l'avocat des recourants aurait suivie sans discernement (en particulier sans s'interroger sur l'effet particulièrement délicat d'une déclaration de retrait de requête sur l'objet du litige, compte tenu du délai prévu par l'art. 493 CC [
recte: 494 CC]), celle-ci ne justifierait en rien l'absence de réaction des recourants à réception du jugement susmentionné. L'autorité cantonale a conclu qu'il était exclu de retenir que l'acte déposé le 21 avril 2021, au sujet duquel l'intimée n'avait pas exprimé qu'elle n'aurait pas consenti à une saisine directe du tribunal sans conciliation préalable, serait la continuation de la requête de conciliation soumise à l'autorité de conciliation le 10 septembre 2019, sans qu'il fût nécessaire d'examiner les développements consacrés par les recourants au principe de la bonne foi, à l'abus de droit et au formalisme excessif, ou d'entrer en matière sur leurs réquisitions de preuve.
Ensuite, l'autorité cantonale a considéré que le raisonnement des recourants, fondé sur l'art. 63 CPC, se heurtait également à la décision définitive rendue par le juge conciliateur, qui avait eu pour effet un dessaisissement (cause rayée du rôle), et non une irrecevabilité pour cause d'absence de compétence. Il en allait de même des théories visant à combler une éventuelle lacune de la loi sur ce qu'il conviendrait de faire en cas de renonciation commune des parties à poursuivre une procédure de conciliation déjà initiée. Celles-ci ne pourraient être examinées que pour autant qu'une décision du juge conciliateur, qu'elle fût fondée ou non dans ses motifs et son résultat, ne fût pas entrée en force.
En dernier lieu, l'autorité cantonale a jugé que la référence opérée par les recourants à l'
obiter dictum exprimé par le Tribunal fédéral dans l'arrêt publié aux ATF 149 III 12 consid. 3.3.2 ne portait pas, vu la cause retenue pour fonder la décision de rayer la cause du rôle.
Pour ces motifs, l'autorité cantonale a considéré que la litispendance acquise au dépôt de la requête de conciliation du 10 décembre 2019 avait pris fin rétroactivement de par le jugement définitif du 24 mars 2021, sans qu'aucun dépôt ultérieur au sens de l'art. 63 CPC ne puisse entrer en ligne de compte. Dès lors, le délai de péremption de l'action de l'art. 494 al. 3 CC, qui avait commencé à courir en juin 2019, était échu au moment de la saisine du tribunal le 21 avril 2021.
4.
4.1. Les recourants se plaignent de la violation des art. 221 al. 2 let. b et 63 al. 1 CPC. Ils soutiennent en substance que la délivrance de l'autorisation de procéder et la renonciation commune des parties à la procédure de conciliation doit produire les mêmes effets car le législateur les considère comme équivalentes. Ils auraient pu dès lors porter leur action devant le tribunal dans les trois mois depuis leur accord. Ils soulignent qu'ils l'ont néanmoins fait dans le délai d'un mois prescrit par l'art. 63 CPC, en déposant exactement la même écriture que celle par laquelle ils avaient saisi l'autorité de conciliation, de sorte qu'ils doivent également être protégés par cette norme.
Plus précisément au sujet de l'art. 63 CPC, ils relèvent que son alinéa 2 entre aussi en considération lorsque la demande n'a pas été introduite selon la procédure prescrite. Or, suite à leur accord au sens de l'art. 199 al. 1 CPC, l'autorité de conciliation n'était fonctionnellement plus compétente et la procédure n'était plus celle prescrite, de sorte que l'art. 63 CPC devait aussi s'appliquer dans la présente cause, d'autant que le Tribunal fédéral avait suggéré une application large de cette norme (ATF 149 III 12). Ils soulignent à cet égard que le CPC doit servir le droit matériel et qu'il serait contraire à ce principe ainsi qu'à celui de l'interdiction du formalisme excessif (art. 29 al. 2 Cst.) que de considérer que la litispendance n'a pas été perpétuée. Ils argumentent à ce propos qu'ils ont saisi l'autorité de conciliation de manière à préserver leur délai de péremption, que l'audience a été reportée à plusieurs reprises, notamment en raison des mesures sanitaires durant la pandémie de Covid-19, que, pour éviter un prolongement procédural inutile, les parties avaient renoncé d'un commun accord à la procédure de conciliation et qu'il était évident tant pour elles que pour l'autorité de conciliation que le but du retrait de la requête de conciliation était de saisir directement le tribunal, et, enfin, qu'ils avaient diligemment saisi le tribunal dans le délai d'un mois.
Invoquant ensuite la violation de l'art. 52 CPC, ils affirment que, au vu de leur accord sur la renonciation à la procédure de conciliation et du courrier de l'intimée du 15 mars 2021 où elle affirme que la délivrance d'une autorisation de procéder n'est pas nécessaire pour saisir le juge, l'intimée adopte un comportement contraire à la bonne foi en alléguant qu'il n'y avait pas d'accord entre eux sur la suite de la procédure, soit qu'ils saisiraient directement le tribunal compétent. Ils soutiennent qu'en donnant son accord pour renoncer à la procédure de conciliation, l'intimée avait également admis la saisine directe du tribunal.
Pour les mêmes motifs, les recourants considèrent qu'ils doivent être également protégés dans la confiance qu'ils ont placée dans les informations que leur avait transmises l'autorité de conciliation, selon lesquelles ils pouvaient retirer leur requête de conciliation et introduire directement leur action devant le tribunal en produisant l'accord de renonciation. A titre subsidiaire, ils soutiennent que s'ils ne devaient pas être suivis sur leur argumentation selon laquelle l'accord précité remplace l'autorisation de procéder, il faudrait alors retenir leur erreur, voire le dol, dans la conclusion de cet accord et considérer leur retrait du 23 mars 2021 comme non contraignant.
Ils concluent que la litispendance n'a en aucun cas cessé mais s'est perpétuée avec l'introduction de leur action devant le tribunal, fondée sur l'accord de renonciation à la procédure de conciliation remplaçant l'autorisation de procéder.
4.2. L'intimée soutient en substance que les recourants sont les seuls responsables de la présente situation en ayant retiré unilatéralement leur requête de conciliation et omis de recourir contre la décision de rayer leur cause du rôle rendue par l'autorité de conciliation. Elle souligne qu'aucun accord procédural ne permet de maintenir la litispendance et que, dans tous les cas, la cause avait été rayée du rôle. Elle affirme qu'elle n'a pas fait preuve de mauvaise foi, les recourants étant à l'origine de tous les actes ayant mené à la perte de leur droit, relevée d'office.
S'agissant plus particulièrement de l'application de l'art. 63 CPC, l'intimée se réfère à un avis de droit qu'elle a produit. Il en ressort que le retrait de la requête de conciliation entraîne la fin de la litispendance et annule donc les effets de celle-ci, dont la sauvegarde des délais de péremption. Par ailleurs, l'art. 63 CPC ne s'appliquerait pas, parce que le rayé du rôle n'avait en l'occurrence pas été prononcé en raison de l'incompétence de l'autorité de conciliation, mais en raison du fait que les parties avaient manifesté n'avoir plus d'intérêt digne de protection à cette procédure. En conséquence, leur droit était bien périmé.
5.
La question qui se pose est celle de savoir si les recourants ont sauvegardé leur délai de péremption (art. 494 al. 3 CC
cum 533 al. 1 CC) en introduisant successivement une requête de conciliation puis, après avoir conclu avec l'intimée un accord de renonciation à la procédure de conciliation et retiré dite requête, ce dont l'autorité de conciliation a pris acte en rayant la cause du rôle, une action devant le tribunal.
5.1.
5.1.1. Le CPC a adopté le système de la conciliation préalable obligatoire devant une autorité de conciliation (art. 197 CPC), sous réserve des exceptions prévues aux art. 198 et 199 CPC . Le demandeur ne peut déposer valablement sa demande en justice sans avoir au préalable requis la conciliation devant cette autorité de conciliation et obtenu la délivrance d'une autorisation de procéder (art. 209, 221 al. 2 let. b et 244 al. 3 let. b CPC). Cette obligation de la tentative de conciliation préalable a été introduite par le législateur dans le but de décharger les tribunaux des affaires qui sont susceptibles d'être conciliées (ATF 146 III 265 consid. 5.2; arrêt 4A_179/2022 du 13 septembre 2022 consid. 5, publié
in RSPC 2022 p. 531).
L'existence d'une autorisation de procéder valable, délivrée par l'autorité de conciliation, est une condition de recevabilité de la demande que le tribunal doit examiner d'office (ATF 139 III 273 consid. 2.1). L'autorité de conciliation peut prononcer une décision d'irrecevabilité lorsqu'elle est à même d'établir de manière fiable, en fait et en droit, son incompétence manifeste, sans devoir procéder à d'importantes investigations qui seraient incompatibles avec les exigences de la procédure de conciliation (ATF 146 III 265 consid. 4.2).
5.1.2. Les cas dans lesquels le législateur a renoncé à imposer la conciliation préalable obligatoire sont exhaustivement énumérés aux art. 198 et 199 CPC . Ainsi, aux termes de l'art. 199 al. 1 CPC, dans les litiges patrimoniaux d'une valeur litigieuse de 100'000 fr. au moins, les parties peuvent renoncer à la procédure de conciliation d'un commun accord. Dans un tel cas, l'expérience pratique a en effet montré qu'une phase intermédiaire obligatoire devant le juge conciliateur n'est souvent qu'une étape inutile pour obtenir l'autorisation de procéder. Les parties étant la plupart du temps représentées par un avocat, on peut présumer qu'elles font le meilleur choix possible lors de l'ouverture de la procédure. C'est pourquoi elles sont autorisées à renoncer à la phase préliminaire. Le demandeur peut alors déposer directement sa demande auprès du tribunal, en joignant à celle-ci la déclaration de renonciation à la procédure de conciliation (art. 221 al. 2 let. b CPC; ATF 146 III 185 consid. 4.1.2, citant le Message du Conseil fédéral relatif au Code de procédure civile suisse du 28 juin 2006).
La procédure de conciliation consiste essentiellement en l'audience de conciliation. Le but de cette audience est de réunir les parties pour les amener à discuter. Si, après l'ouverture de la procédure de conciliation, les parties informent l'autorité de conciliation d'un commun accord qu'elles ne souhaitent pas prendre part à l'audience de conciliation, cela équivaut à une renonciation commune à la procédure de conciliation, qui selon l'art. 199 al. 1 CPC, n'est possible que si la valeur litigieuse est de 100'000 fr. au moins (ATF 146 III précité consid. 4.2.2; sur le droit des parties de renoncer à la conciliation après le dépôt de la requête de conciliation, cf. aussi, CLÉMENT, L'absence annoncée du défendeur à l'audience de conciliation: une tare pour le demandeur?,
in sui generis 2020 p. 383 ss [n° 18]; JÉQUIER, Note sur l'arrêt 4A_416/2019 du 5 février 2020,
in RSPC 2020 p. 140; cf. aussi arrêt 4A_476/2021 du 6 juillet 2022 consid. 5.2, publié
in RSPC 2023 p. 294, sur la recevabilité de la demande même si l'autorisation de procéder est viciée lorsque le demandeur peut renoncer unilatéralement à la conciliation [art. 199 al. 2 let. a CPC]).
5.2.
5.2.1. La litispendance est créée par le dépôt d'une requête de conciliation ou d'une demande (cf. art. 62 al. 1 CPC), que les conditions de recevabilité soient remplies ou non. Dans ce dernier cas, elle perdure ensuite jusqu'à l'entrée en force de la décision d'irrecevabilité. Ainsi, le dépôt d'une requête de conciliation crée la litispendance pour l'objet du litige même si, faute de compétence, la procédure de conciliation se termine de par la loi et que, partant, il convient de ne pas entrer en matière sur la requête de conciliation (arrêt 5A_248/2023 du 17 août 2023 consid. 4.3.4, publié
in FamPra.ch 2024 p. 284 et
in RSPC 2024 p. 66).
Lorsqu'un délai de droit privé se fonde sur la date du dépôt de la demande, de l'ouverture de l'action ou d'un autre acte introductif d'instance, le moment déterminant est le début de la litispendance au sens du CPC (art. 64 al. 2 CPC).
5.2.2.
5.2.2.1. Selon l'art. 63 CPC, si l'acte introductif d'instance retiré ou déclaré irrecevable pour cause d'incompétence est réintroduit dans le mois qui suit le retrait ou la déclaration d'irrecevabilité devant le tribunal ou l'autorité de conciliation compétent, l'instance est réputée introduite à la date du premier dépôt de l'acte (al. 1). Il en va de même lorsque la demande n'a pas été introduite selon la procédure prescrite (al. 2).
Le retrait de la requête est assimilée à la décision d'irrecevabilité lorsqu'il intervient faute de compétence au sens de l'art. 63 CPC (arrêt 4A_592/2013 du 4 mars 2014 consid. 3.2). Le délai d'un mois pour réintroduire l'acte commence à courir le jour qui suit l'expédition de la déclaration de retrait ou sa transcription au procès-verbal (BERGER-STEINER,
in Berner Kommentar, ZPO, tome I, 2012, n° 45 ad art. 63 CPC; BOHNET,
in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n° 20 s. ad art. 63 CPC).
Le prononcé d'irrecevabilité cause la cessation de la litispendance, avec effet rétroactif. Celle-ci entraîne indirectement la perte du droit si le délai de péremption du droit matériel a expiré dans l'intervalle (ATF 140 III 561 consid. 2.2.2.4; arrêt 4A_671/2016 du 15 juin 2017 consid. 2.4, publié
in SJ 2018 I p. 77). Le correctif de l'art. 63 CPC permet non seulement de faire rétroagir la litispendance, mais aussi de sauvegarder les délais de prescription et de péremption (arrêt 4A_16/2023 du 8 novembre 2023 consid. 5.1.1, publié
in SJ 2024 I p. 100 et
in RSPC 2024 p. 201). En effet, il ressort de l'art. 64 al. 2 CPC que la litispendance créée conformément au CPC (art. 62 CPC) coïncide avec l'ouverture d'action qui, selon le droit matériel, interrompt la prescription (art. 135 ch. 2 CO) ou permet de sauvegarder un délai de péremption (BASTON BULLETTI, Litispendance rétroactive et sauvegarde des délais du droit matériel: les aléas de la procédure arbitrale, Note sur l'arrêt 4A_16/2023 du 8 novembre 2023,
in Newsletter CPC Online du 17 janvier 2024). Le CPC vise à éviter de priver sans nécessité, en raison d'une rigueur formelle excessive, une partie qui fait appel à la justice de la possibilité de faire trancher son litige par l'autorité compétente (ATF 141 III 481 consid. 3.2.4; LEUENBERGER, Rechtshängigkeit bei fehlender Zuständigkeit und falscher Verfahrensart (Art. 63 ZPO),
in RSPC 2013 p. 169 ss [172]).
5.2.2.2. L'art. 63 CPC ne vise que l'incompétence et l'introduction de la demande selon une procédure erronée. Il exclut le défaut d'autres conditions de recevabilité ou des vices de forme de l'acte initialement déposé (ATF 141 III 481 consid. 3.2.4). Cette norme englobe donc toutes les compétences réglées par le CPC (arrêt 4A_592/2013 du 4 mars 2014 consid. 3.2). Est aussi visé le cas où l'autorité de conciliation est abordée à tort, alors que la tentative préalable de conciliation était exclue et que le tribunal aurait dû être immédiatement saisi (ATF 145 III 428 consid. 3.5; arrêts 5A_234/2023 du 18 août 2023 consid. 2.2.2, publié
in RSPC 2024 p. 24; 5A_248/2023 du 17 août 2023 consid. 4.3.4, publié
in FamPra.ch 2024 p. 284 et
in RSPC 2024 p. 66). C'est ainsi que lorsque la conciliation n'est pas prévue par la loi, l'autorisation de procéder est privée d'effet même si la partie ne conteste pas la compétence à l'audience, puisque la procédure débute directement par le dépôt de la demande ou de la requête en justice. Le dépôt de la requête de conciliation fixe néanmoins la litispendance (art. 62 al. 1 CPC) et le demandeur bénéficie de ses effets si la requête est redéposée à l'identique conformément à la jurisprudence développée au sujet de l'art. 63 CPC (BOHNET, Le respect d'un délai de déchéance en cas de saisine de l'autorité de conciliation alors que le préalable de conciliation est exclu, Note sur l'arrêt 5A_234/2023 du 18 août 2023,
in RSPC 2024 p. 28 [cité: RSPC]).
Le risque d'abus est en principe évité, dès lors que l'acte à réintroduire dans le mois doit être identique à celui déposé en premier lieu. En effet, pour bénéficier de l'effet rétroactif de la litispendance prévu par l'art. 63 CPC, le demandeur doit réintroduire l'écriture qui avait été initialement déposée et ce, en original et en temps utile, auprès de l'autorité qu'il tient pour compétente. Cela vaut aussi lorsque le premier acte introduit consiste en une requête de conciliation remise à une autorité de conciliation matériellement incompétente, en tout cas lorsque la requête en question satisfaisait aux exigences d'une demande (ATF 146 III 265 consid. 5.7.2 et les références; 145 III 428 consid. 3.2 et 3.5.2; arrêt 5A_234/2023 du 18 août 2023 consid. 2.2.2, publié
in RSPC 2024 p. 24). Il serait dès lors vain de déposer à tort une requête devant l'autorité de conciliation, en espérant profiter du délai de réintroduction de l'art. 63 CPC pour améliorer ensuite cet acte. Celui qui a introduit à tort une simple requête de conciliation pourra néanmoins encore compléter une fois au moins sa motivation, dans les limites qui résultent de l'art. 229 CPC (BASTONS BULLETTI, Note sur l'ATF 141 III 481,
in CPC Online, Newsletter du 18 novembre 2015).
5.2.3. Il ressort ainsi de ce qui précède que, lorsque les parties s'entendent pour renoncer à la conciliation au sens de l'art. 199 al. 1 CPC, l'autorité de conciliation n'est, d'un point de vue fonctionnel, pas compétente - en vertu du CPC, et non du droit cantonal (cp. art. 3 CPC) - et les parties peuvent saisir directement le tribunal. Si cette autorité est malgré tout saisie mais qu'aucune des parties ne comparaît en invoquant cet accord dont aucune ne conteste la validité, elle ne peut ni délivrer une autorisation de procéder (art. 209 CPC), ni rayer la cause du rôle en raison de défaut des parties (art. 206 CPC). Elle doit soit rendre une décision d'irrecevabilité, soit rayer la cause du rôle si la partie demanderesse retire sa requête en raison de l'incompétence provoquée par l'accord de renonciation.
Si les parties renoncent à la conciliation après l'introduction de la procédure de conciliation, les délais de péremption ne sont pas préservés (GLOOR/UMBRICHT LUKAS,
in Schweizerisches Zivilprozessordnung, 3ème éd., 2021, n° 15 ad art. 199 CPC). Pour cela, il faut que la partie demanderesse puisse se prévaloir de l'art. 63 CPC.
Le Tribunal fédéral retient que l'art. 63 CPC est applicable en cas d'incompétence de l'autorité de conciliation. Il admet également que les parties peuvent conclure un accord de renonciation à cette procédure après le dépôt de la requête de conciliation. Toutefois, l'art. 63 CPC a été conçu en premier lieu pour éviter à la partie qui s'est adressée à une autorité incompétente la perte de son droit matériel ou la prescription de sa créance. Or, lorsque les parties renoncent à la conciliation après que le demandeur a saisi l'autorité de conciliation, elles rendent l'autorité de conciliation incompétente alors que celle-ci pourrait, sans leur accord de renonciation, se saisir valablement de leur cause.
Néanmoins, il n'y a pas lieu de refuser l'application de l'art. 63 CPC dans une telle situation sous prétexte que l'autorité n'était pas d'emblée incompétente. En effet, par l'art. 199 al. 1 CPC, la loi accorde aux parties le privilège de moduler leur procédure en excluant la compétence de l'autorité de conciliation. Il serait excessivement formaliste de refuser à la partie demanderesse le maintien de la litispendance, et aux parties le droit de mener leur litige directement devant le tribunal, au motif que leur accord n'est intervenu qu'après le dépôt de la requête de conciliation par laquelle la partie demanderesse a diligemment préservé son droit. Les auteurs qui se prononcent à ce sujet admettent que, lorsqu'une partie dépose une requête de conciliation alors que la conciliation est exclue tant par la loi que par la volonté des parties, l'art. 63 al. 1 CPC s'applique (BERGER-STEINER,
op. cit., n° 21 ad art. 63 CPC; BOHNET,
op. cit., n° 19 ad art. 63 CPC; IDEM, RSCP, p. 28; CHABLOZ,
in PC Code de procédure civile, 2020, n° 12 ad art. 62 CPC et n° 7 ad art. 63 CPC; DROESE,
in Kurzkommentar ZPO, 3ème éd., 2021, n° 9 ad art. 63 CPC).
Par ailleurs, la renonciation suppose un accord des deux parties. Si la partie défenderesse estime que la partie demanderesse cherche à s'aménager un avantage en saisissant l'autorité de conciliation puis en lui demandant de renoncer à cette procédure, notamment en profitant de la simplicité formelle de la requête de conciliation pour préserver son délai de péremption, il lui est loisible de refuser de renoncer à la procédure de conciliation. A cette première cautèle s'ajoute celle, mentionnée précédemment, que si la requête de conciliation initiale est matériellement incomplète, la partie demanderesse ne pourra s'exprimer pleinement que lors de sa "deuxième chance" et, en cas d'omission à cette occasion, elle ne pourra présenter que de vrais
nova, ou des
pseudo nova excusables (art. 229 al. 1 CPC). Sa motivation à saisir l'autorité de conciliation pour s'aménager une facilité procédurale est donc moindre.
Au demeurant, l'erreur, que pourrait avoir commise la partie demanderesse qui saisit une autorité incompétente, n'est pas érigée comme condition d'application de l'art. 63 CPC (cf. notamment arrêt 4A_332/2015 du 10 février 2016 consid. 4.4.2; CHABLOZ,
op. cit., n° 8 ad art. 63 CPC; DIETSCHY, La transmission d'office en cas d'incompétence,
in La révision du Code de procédure civile, 2024, p. 195 ss [n° 19 p. 202]). Le Tribunal fédéral recourt à l'abus de droit comme limite à cet égard (dans ce sens, cf. ATF 146 III 265 consid. 5.7.2; BERGER-STEINER,
op. cit., n° 6 ad art. 63 CPC; MÜLLER-CHEN,
in ZPO Schweizerische Zivilprozessordnung, 2ème éd., 2016, n° 10 ad art. 63 CPC).
5.3. En l'espèce, il est établi que c'est suite à l'accord conclu avec l'intimée après la saisine de l'autorité de conciliation, mais avant l'audience, de renoncer à la procédure de conciliation que les recourants ont retiré leur requête. Aucun élément ne permet de retenir une renonciation sans réserve des recourants à l'introduction de leur demande (art. 208 al. 2 CPC), ni un quelconque abus de droit de leur part à saisir l'autorité de conciliation, étant précisé que les recourants ont réitéré dans leur courrier de retrait du 23 mars 2021 leur volonté d'introduire directement leur action devant le tribunal. A l'inverse, l'intimée a donné son accord pour renoncer à la procédure de conciliation et ne pouvait donc ignorer que cet accord entraînait le droit de saisir directement le tribunal. Si les recourants avaient perdu leur intérêt à faire valoir leur prétention, ils n'auraient pas requis l'accord de l'intimée pour procéder au retrait. Compte tenu du fait qu'il ressort du jugement de première instance que les recourants ont déposé devant le tribunal, dans le délai d'un mois après leur retrait, la même écriture que celle déposée devant l'autorité de conciliation, l'art. 63 CPC doit trouver application. En conséquence, le délai de péremption de l'action fondée sur l'art. 494 al. 3 CC en lien avec l'art. 533 al. 1 CC est préservé par le maintien de la litispendance à titre rétroactif depuis le 10 décembre 2019.
A cet égard, il faut relever que l'autorité de conciliation a procédé conformément au CPC en rendant une décision de rayé du rôle suite au retrait de la requête des recourants en raison de l'incompétence fonctionnelle de cette autorité après la conclusion de l'accord de renonciation par les parties à la procédure de conciliation.
Il suit de là que le grief de violation de l'art. 63 CPC doit être admis.
6.
En définitive, le recours doit être admis. L'arrêt attaqué est annulé et réformé, en ce sens que l'appel formé le 16 août 2023 contre le jugement rendu le 12 juin 2023 est admis et que la cause est renvoyée au Tribunal de première instance du canton de Genève pour la suite de la procédure, l'action introduite le 10 décembre 2019 par les recourants contre l'intimée n'étant pas périmée. Les frais judiciaires pour la procédure fédérale, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Celle-ci versera aux recourants, créanciers solidaires, une indemnité de 8'000 fr. à titre de dépens ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ). La cause sera renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais judiciaires et les dépens de la procédure cantonale ( art. 67 et 68 al. 5 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et réformé, en ce sens que l'appel formé le 16 août 2023 contre le jugement rendu le 12 juin 2023 est admis et que la cause est renvoyée au Tribunal de première instance du canton de Genève pour la suite de la procédure.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
3.
L'intimée versera aux recourants, créanciers solidaires, une indemnité de 8'000 fr. à titre de dépens.
4.
La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais judiciaires et les dépens de la procédure cantonale.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à D.________, à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève et à la Justice de paix du canton de Genève.
Lausanne, le 6 novembre 2024
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Herrmann
La Greffière : Achtari