Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_519/2024
Arrêt du 7 janvier 2025
IIIe Cour de droit public
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Moser-Szeless, Présidente,
Parrino et Beusch.
Greffier : M. Bürgisser.
Participants à la procédure
A.________ Sàrl,
recourante,
contre
Service cantonal des contributions du canton de Fribourg, rue Joseph-Piller 13, 1700 Fribourg,
intimé.
Objet
Impôts cantonaux et communaux du canton de Fribourg et impôt fédéral direct, période fiscale 2020,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 20 août 2024 (604 2024 28 - 604 2024 29).
Faits :
A.
A.a. A.________ Sàrl (ci-après: la société ou la contribuable) a son siège dans le canton de Fribourg et a notamment pour but l'acquisition, la vente et la location de biens immobiliers. Elle a pour associée-gérante unique B.________, qui détient toutes les parts de la société.
Depuis le 5 juin 2014, la société est propriétaire de l'immeuble inscrit au n° xxx du Registre foncier de la commune de U.________, sur lequel elle a fait construire un bâtiment comprenant deux appartements de 5,5 pièces. Le 21 mars 2016, elle a constitué deux lots de propriété par étages (lots xxx-1 et xxx-2).
Le lot xxx-2 a été acquis à la fin de la construction en 2016 par C.________ pour le prix de 750'000 fr. En date du 24 janvier 2020, D.________ a acquis le lot n° xxx-1 pour le prix de 730'000 fr.
A.b. Par courriers des 8 février et 21 mars 2022, le Service cantonal des contributions du canton de Fribourg (ci-après: le SCC) a requis de la contribuable divers renseignements au sujet de l'évaluation du prix de vente du lot xxx-1 de l'immeuble n° xxx, ainsi que sur le lien de parenté entre la titulaire des parts de la société et l'acquéreur D.________. Le 28 mars 2022, la société l'a notamment informé que l'acquéreur du lot précité était le fils de la détentrice des parts et associée-gérante unique.
Le secteur d'estimation des immeubles du SCC a procédé à une estimation du lot n° xxx-1 et a retenu une valeur vénale de 1'030'000 fr., correspondant au prix moyen de ce genre de biens dans le district V.________ pour l'année 2020 (correspondant à 172 m2 x 5'692 fr., augmenté du montant de 50'000 fr. pour les deux places de parc situées en sous-sol; rapport du 2 décembre 2022).
A.c. Par avis de taxation du 13 mars 2023 relatif à l'année fiscale 2020, le SCC a fixé l'impôt fédéral direct (ci-après: IFD) et les impôts cantonaux et communaux (ci-après: ICC) dus par la société, en ajoutant au bénéfice déclaré une distribution dissimulée de bénéfice à hauteur de 300'000 fr. Par décision sur réclamation du 19 janvier 2024, il a rejeté la réclamation de la contribuable.
B.
Statuant par arrêt du 20 août 2024, le Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Cour fiscale, a rejeté le recours.
C.
Agissant par un "recours" [recte: recours en matière de droit public], A.________ Sàrl conteste en substance la reprise de 300'000 fr. et conclut "au réexamen" du dossier en tenant compte de la "situation réelle du marché immobilier de l'année 2014".
Considérant en droit :
1.
1.1. L'arrêt attaqué a été rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) qui ne tombe pas sous le coup des exceptions de l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est donc ouverte (cf. aussi art. 146 LIFD [RS 642.11] et 73 al. 1 [LHID; RS 642.14]).
1.2. L'instance précédente a traité dans un seul arrêt de l'IFD et des ICC, ce qui est admissible. Partant, le dépôt d'un seul acte de recours est aussi autorisé, dans la mesure où le recourant s'en prend clairement aux deux catégories d'impôts (ATF 142 II 293 consid. 1.2; 135 II 260 consid. 1.3.1).
1.3. La recourante ne prend pas de conclusion formelle à l'encontre de l'arrêt cantonal, étant rappelé que le recours en matière de droit public se caractérise comme un recours en réforme (art. 107 al. 2 LTF). On comprend toutefois à la lecture de son mémoire qu'elle demande à ce que l'arrêt du Tribunal cantonal du 20 août 2024 soit modifié en ce sens que la reprise à titre de distribution dissimulée de bénéfice à hauteur de 300'000 fr. est annulée tant pour l'IFD que les ICC de la période fiscale 2020 (sur l'interprétation des conclusions à la lumière de la motivation du recours, cf. ATF 133 II 409 consid. 1.4.1; arrêt 9C_192/2024 du 3 juillet 2024 consid. 1.3). Dans cette mesure, il y a lieu d'entrer en matière sur le recours, les autres conditions de recevabilité étant remplies.
2.
D'après l'art. 106 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral applique le droit d'office. Il examine en principe librement l'application du droit fédéral ainsi que la conformité du droit cantonal harmonisé et de sa mise en pratique par les instances cantonales aux dispositions de la LHID (cf. ATF 134 II 207 consid. 2; arrêt 2C_826/2015 du 5 janvier 2017 consid. 2, non publié in ATF 143 I 73). Par ailleurs, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), hormis dans les cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF.
3.
Le litige porte sur la taxation de la recourante pour l'IFD et les ICC de la période fiscale 2020. Il porte en particulier sur le point de savoir si c'est à bon droit que la cour cantonale a confirmé la reprise dans le chapitre fiscal de la recourante d'un montant de 300'000 fr., à titre de distribution dissimulée de bénéfices.
4.
4.1. Le Tribunal cantonal a constaté que l'évaluation effectuée par le secteur d'estimation des immeubles de l'intimé avait abouti à un prix de vente moyen de 5'692 fr. le m2. Cette estimation avait été établie selon la "méthode hédoniste", qui reposait sur des données mises à disposition par E.________ SA dans le district V.________. Le service d'estimation des immeubles avait également pris en compte un montant de 50'000 fr. pour deux places de parc situées dans le sous-sol, de sorte que la valeur vénale du bien immobilier litigieux avait été fixée à 1'030'000 fr. (soit 172 m2 x 5'692 fr. + 50'000 fr.). Par ailleurs, le rapport d'évaluation du secteur d'estimation des immeubles avait été complété par une évaluation effectuée sur le site internet de la société F.________ SA, laquelle faisait ressortir une valeur vénale estimée entre 1'075'000 et 1'188'000 fr. Cette dernière estimation était fondée sur une méthode permettant de réaliser une comparaison entre des biens en dépit de leur différence; elle était adaptée à l'évaluation du prix de villas ou d'appartements en propriété par étages parce qu'il existait suffisamment d'objets similaires permettant une analyse statistique pertinente. Dans un second temps, la "méthode hédoniste" avait été comparée à l'évaluation des prix affichés sur internet, oscillant entre 6'385 fr. et 9'240 fr. le m2 pour la mise en vente d'objets de même nature sur la même commune. Les juges cantonaux ont considéré que le secteur d'estimation des immeubles de l'intimé avait procédé à une estimation correcte de la valeur vénale du bien immobilier litigieux.
4.2. Le Tribunal cantonal a ensuite constaté que le prix de vente de l'appartement de 730'000 fr. avait été fixé par la recourante, alors même que la valeur vénale de ce bien immobilier s'élevait à 1'030'000 fr. en 2020. La recourante avait donc accordé un avantage financier à l'acquéreur, qui était une personne touchant de près une autre exerçant une position dominante au sein de la société. En effet, D.________, qui avait acheté le bien immobilier litigieux, était le fils de l'associée-gérante de la société. Par ailleurs, la prétendue promesse de vente signée le 7 mai 2014 entre la recourante et l'acquéreur pour le prix de 750'000 fr. n'était pas valable, faute d'avoir revêtu la forme authentique (cf. art. 216 al. 2 CO); il n'y avait dès lors pas besoin d'examiner si l'intimé aurait été tenu d'examiner si le prix convenu correspondait au prix du marché en 2014 et non à celui ayant cours en 2020. Le fait que la vente du premier appartement en 2016 n'avait pas été considérée comme constitutive d'une distribution dissimulée de bénéfice ne suffisait pas à justifier la conclusion d'un contrat de vente au même prix en 2020. En outre, aucune information n'avait été transmise par la recourante sur la façon exacte dont le prix de vente avait été fixé entre les parties. Par conséquent, l'intimé avait considéré à bon droit que le montant payé par D.________ pour le bien immobilier litigieux ne correspondait pas au prix du marché et constituait un prix de faveur.
4.3. En conséquence, la somme de 300'000 fr. correspondant à cet avantage (1'030'000 fr. - 730'000 fr.) devait être réintégrée dans le bénéfice imposable de la société en application des art. 58 al. 1 let. b LIFD et 100 al. 1 let. b ch. 5 de la loi fribourgeoise du 6 juin 2000 sur les impôts cantonaux directs (LICD; rs/FR 631.1), dont la teneur était similaire à la norme de droit fédéral (cf. art. 24 al. 1 let. a LHID). Cet avantage financier, qui s'élevait à près de 30% du prix d'achat, remplissait en effet les conditions d'une distribution dissimulée de bénéfice au sens de la jurisprudence (cf. ATF 140 II 88 consid. 4.1; arrêt 9C_582/2023 du 6 décembre 2023 consid. 8.2 et les références).
5.
En se limitant notamment à se référer à un document d'ordre général intitulé "Perspectives de l'économie fribourgeoise - Édition 2014" de la Banque G.________, ainsi qu'à la promesse d'achat et de vente signée en 2014 entre la société en cause et le fils de l'associée-gérante, à alléguer que le prix de 750'000 fr. fixé en 2014 l'aurait été "en fonction du marché immobilier de l'année 2014" ou encore à indiquer que les expertises de l'intimé n'auraient pas tenu compte du fait que le terrain sur lequel l'immeuble litigieux est construit serait "très en pente, de forme triangulaire et adjacent d'un parking public", la recourante ne démontre pas que les constatations cantonales seraient arbitraires. Par ailleurs, la recourante ne critique pas le raisonnement convaincant de la juridiction cantonale sur l'absence de validité de la promesse de vente invoquée, ni ne met en évidence une violation du droit fédéral par les juges cantonaux ou encore une mauvaise application de la jurisprudence rendue en matière de distribution dissimulée de bénéfice.
Ce qui précède scelle le sort du recours relatif à l'IFD et aux ICC de la période fiscale 2020, qui doit être rejeté selon la procédure simplifiée prévue par l'art. 109 al. 2 let. a LTF.
6.
Succombant, la recourante doit supporter les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens ( art. 68 al. 1 et 3 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours relatif à l'IFD de la période fiscale 2020 est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Le recours relatif aux ICC de la période fiscale 2020 est rejeté dans la mesure où il est recevable.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Cour fiscale, et à l'Administration fédérale des contributions.
Lucerne, le 7 janvier 2025
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Moser-Szeless
Le Greffier : Bürgisser