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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_553/2024  
 
 
Arrêt du 7 mai 2025  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Aubry Girardin, Présidente, Hänni et Ryter. 
Greffière : Mme Meyer. 
 
Participants à la procédure 
Association A.________, 
recourante, 
 
contre  
 
Office cantonal de l'inspection et des relations du travail du canton de Genève, 
rue David-Dufour 5, case postale 64, 1211 Genève 8. 
 
Objet 
Déni de justice, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 2ème section, du 1er octobre 2024 (ATA/1140/2024). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ (ci-après: l'association) est une association d'utilité publique, située dans le canton de Genève, qui oeuvre pour la réinsertion professionnelle des personnes en situation de précarité. Elle propose notamment un encadrement professionnel et des stages d'évaluation à des personnes bénéficiant de l'aide sociale ou de l'assurance-invalidité. 
 
B.  
Par décision du 8 juillet 2024, l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail de la République et canton de Genève (ci-après: l'Office cantonal) a, en substance, refusé de délivrer à l'association l'attestation prévue par la loi cantonale sur l'inspection et les relations du travail pour une durée de deux ans, lui a infligé une amende administrative de 5'600 fr. et l'a exclue de tous marchés publics futurs pour une période de deux ans. Elle lui reprochait, en résumé, de n'avoir pas respecté le salaire minimum et de n'avoir que partiellement procédé aux rattrapages nécessaires. 
 
B.a. Le 22 juillet 2024, l'association a déposé un premier recours contre la décision du 8 juillet 2024 devant la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice). Par pli prioritaire du même jour, la Cour de justice a invité l'association à s'acquitter d'une avance de frais de 800 fr., d'ici au 6 août 2024, sous peine d'irrecevabilité du recours.  
Par décision du 19 août 2024, la Cour de justice, après avoir constaté que l'avance de frais n'avait pas été effectuée, a déclaré le recours du 22 juillet 2024 irrecevable. 
 
B.b. Par acte remis à la poste le 9 septembre 2024, l'association a interjeté un second recours contre la décision de l'Office cantonal du 8 juillet 2024, en concluant, principalement, à son annulation et, subsidiairement, à sa réforme en ce sens que la durée du refus de délivrer l'attestation soit limitée à trois mois et l'amende ramenée à 1'000 fr.  
Interpellée par la Cour de justice, l'association a refusé que son second recours soit considéré comme une demande de révision de la décision d'irrecevabilité du 19 août 2024, en précisant, en substance, que la Cour de justice n'avait jamais statué sur le fond de la cause, que la décision de l'Office cantonal du 8 juillet 2024 n'avait pas acquis force de chose jugée, et que, dans la mesure où le délai de recours était respecté, la décision d'irrecevabilité du 19 juillet 2024 ne l'empêchait pas de porter à nouveau le fond du litige devant la Cour de justice, de sorte que la voie de la révision était exclue. 
Par arrêt du 1er octobre 2024, la Cour de justice a déclaré le second recours du 9 septembre 2024 irrecevable. Elle a considéré, en substance, qu'en dépit du dépôt de la seconde écriture dans le respect du délai de recours, la décision d'irrecevabilité du 19 août 2024, qui était finale, avait mis fin à la cause. 
 
C.  
L'association dépose un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral contre l'arrêt d'irrecevabilité du 1er octobre 2024. Elle requiert, préalablement, l'assistance judiciaire. Au fond, elle conclut, principalement, à l'annulation de l'arrêt attaqué et à ce qu'il soit ordonné à la Cour de justice de reprendre l'instruction du recours interjeté le 9 septembre 2024. à titre subsidiaire, elle demande le renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Avisée que l'assistance judiciaire n'était accordée qu'exceptionnellement aux personnes morales, l'association a été invitée à motiver sa requête et à procéder à l'avance de frais. Elle a payé le montant requis dans le délai imparti, sans motiver sa demande d'assistance judiciaire. 
La Cour de justice s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. L'Office cantonal ne formule aucune observation. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours portés devant lui (ATF 150 II 346 consid. 1.1; 150 IV 103 consid. 1). 
 
1.1. Le recours en matière de droit public est ouvert à l'encontre d'un arrêt d'irrecevabilité lorsque l'arrêt au fond de l'autorité intimée aurait pu être déféré au Tribunal fédéral par cette voie (cf. ATF 135 II 145 consid. 3.2; arrêt 2C_107/2024 du 19 août 2024 consid. 1.1). En l'occurrence, le litige au fond porte sur le non-respect du salaire minimum genevois. Une telle cause relève du droit public (art. 82 let. a LTF) et ne tombe sous le coup d'aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF (cf. arrêt 2C_901/2015 du 2 août 2016 consid. 1.1). La voie du recours en matière de droit public est donc en principe ouverte.  
 
1.2. Le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF), à l'encontre d'une décision finale (art. 90 LTF), rendue par une autorité judiciaire cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF). La recourante est une association au sens des art. 60 ss CC, disposant de la personnalité juridique (cf. arrêt 2C_87/2023 du 23 février 2024 consid. 1.2 non publié in ATF 150 I 154), qui est destinataire de l'arrêt attaqué et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (art. 89 al. 1 LTF). Il convient donc d'entrer en matière sur le recours.  
 
1.3. La Cour de justice ayant déclaré irrecevable le recours déposé devant elle, seule la question de la recevabilité peut être portée devant le Tribunal fédéral, qui, en cas d'admission du recours, ne serait pas en mesure de statuer lui-même sur le fond (cf. ATF 138 III 46 consid. 1.2; Florence Aubry Girardin, Commentaire de la LTF, 3e éd. 2022, n° 23 ad art. 42 LTF). C'est donc à juste titre que la recourante se limite à des conclusions en renvoi de la cause à l'instance précédente.  
 
2.  
 
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral contrôle librement le respect du droit fédéral, qui comprend les droits de nature constitutionnelle (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF). Sauf dans les cas cités expressément à l'art. 95 LTF, un tel recours ne peut pas être formé pour violation du droit cantonal en tant que tel. En revanche, il est possible de faire valoir que son application consacre une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 150 I 50 consid. 3.2.7; 147 I 433 consid. 4.2; 146 II 367 consid. 3.1.5) ou contraire à un autre droit constitutionnel (ATF 145 I 108 consid. 4.4.1; 138 I 225 consid. 3.1). Le Tribunal fédéral n'examine toutefois le moyen tiré de la violation de droits fondamentaux, y compris en lien avec l'application de dispositions de droit cantonal, que si ce grief a été invoqué et motivé par la partie recourante, c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 150 V 340 consid. 2; 150 I 154 consid. 2.1; 145 V 304 consid. 1.2).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. à défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 150 II 346 consid. 1.6; 149 II 337 consid. 2.3; 148 I 160 consid. 3).  
 
3.  
Le litige porte sur le point de savoir si le second recours interjeté contre la décision de l'Office cantonal du 8 juillet 2024, dans le délai de recours, était recevable devant la Cour de justice ou si, comme l'a retenu l'instance précédente, la décision d'irrecevabilité du premier recours en raison du non-paiement de l'avance de frais entraînait également l'irrecevabilité du second recours. 
 
4.  
Le recourante se plaint d'un formalisme excessif constitutif d'un déni de justice (art. 29 al. 1 Cst.). 
 
4.1. Aux termes de l'art. 29 al. 1 Cst., toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. Il y a déni de justice formel lorsqu'une autorité n'applique pas ou applique d'une façon incorrecte une règle de procédure, de sorte qu'elle ferme l'accès à la justice au particulier qui, normalement, y aurait droit. L'autorité qui se refuse à statuer, ou ne le fait que partiellement, viole l'art. 29 al. 1 Cst. (cf. ATF 149 II 209 consid. 4.2; 144 II 184 consid. 3.1; arrêt 2C_307/2024 du 2 octobre 2024 consid. 6.1). Le formalisme excessif est un aspect particulier du déni de justice prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst. Il est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 149 III 12 consid. 3.3.1; 149 IV 9 consid. 7.2; 145 I 201 consid. 4.2.1). L'interdiction du déni de justice ne s'oppose pas à des arrêts d'irrecevabilité lorsqu'une demande ou un recours ne satisfait pas aux conditions procédurales qui conditionnent leur traitement au fond (cf. arrêts 2C_307/2024 du 2 octobre 2024 consid. 6.1; 2C_608/2017 du 24 août 2018 consid. 5.2).  
 
4.2. à Genève, la procédure de recours à l'encontre des décisions administratives - telle que la décision de l'Office cantonal du 8 juillet 2024 contestée en l'espèce devant la Cour de justice par le dépôt de deux recours successifs - est régie par la loi genevoise du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative (LPA/GE; rs/GE E 5 10). Selon l'art. 62 al. 1 let. a LPA/GE, le délai de recours est de 30 jours s'il s'agit d'une décision finale. Il ne court en principe pas du 15 juillet au 15 août notamment (art. 63 al. 1 let. b LPA/GE), sauf exceptions (prévues à l'art. 63 al. 2 LPA/GE). Une fois un recours déposé, aux termes de l'art. 86 LPA/GE, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables (al. 1). Elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 2). Si l'avance n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 3).  
 
4.3. Selon la jurisprudence, les cantons restent libres, dans le respect des garanties constitutionnelles, d'organiser la procédure administrative devant les autorités cantonales, de réglementer l'avance de frais et les conséquences juridiques en cas de non-paiement de celle-ci (cf. arrêts 2C_86/2024 du 18 juin 2024 consid. 4.1; 2C_985/2019 du 26 mai 2020 consid. 6.1 et la référence). Parmi les garanties constitutionnelles qui doivent être respectées figurent notamment l'interdiction du déni de justice et du formalisme excessif (arrêt 2C_86/2024 du 18 juin 2024 consid. 4.1).  
Le Tribunal fédéral examine librement le point de savoir s'il y a déni de justice formel. Il n'analyse en revanche que sous l'angle de l'arbitraire l'interprétation et l'application des dispositions de droit cantonal topiques (cf. supra consid. 2.1; ATF 144 II 184 consid. 3.1; 135 I 6 consid. 2.1; arrêt 2C_307/2024 du 2 octobre 2024 consid. 6.1). 
 
4.4. S'il ressort certes de la jurisprudence que la sanction de l'irrecevabilité du recours pour défaut de paiement à temps de l'avance de frais ne procède pas d'un excès de formalisme ou d'un déni de justice, lorsque les parties ont été averties de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le versement et des conséquences de l'inobservation de ce délai (cf. ATF 133 V 402 consid. 3.3; arrêt 2C_135/2024 du 7 mai 2024 consid. 3.2), il n'en demeure pas moins que l'autorité de force jugée de ce jugement d'irrecevabilité est restreinte à la condition de recevabilité qui a été discutée et jugée défaillante. Il n'a pas autorité de force jugée sur le fond du litige (cf. arrêts 4A_149/2024 du 17 juin 2024 consid. 5.1; 4A_30/2020 du 23 mars 2021 consid. 3.3.1).  
Par conséquent, un tel arrêt d'irrecevabilité ne saurait empêcher, sur le plan juridique, la partie recourante de former un second recours dans le délai de recours, tant que celui-ci court toujours (cf. pour la procédure devant le Tribunal fédéral, arrêts 2C_431/2022 du 12 juillet 2023 consid. 1.1; 4A_479/2021 du 29 avril 2022 consid. 1; 1C_171/2012 du 13 juin 2012 consid. 1.1) et pour autant que les autres conditions de recevabilité soient réunies (cf. pour la procédure devant le Tribunal fédéral, arrêt 2C_431/2022 du 12 juillet 2023 consid. 1.1). 
 
4.5. Il ressort des considérants qui précèdent que c'est à juste titre que la recourante relève que la décision d'irrecevabilité pour défaut de paiement de l'avance de frais du 19 août 2024 n'a pas autorité de force jugée sur le fond de la cause. Cette décision signifie seulement que le premier recours était irrecevable pour ce motif. S'agissant de la recevabilité du second recours du 9 septembre 2024, il ressort de l'arrêt attaqué qu'il a été interjeté dans le délai de recours prévu par le droit cantonal, compte tenu des féries, ce qu'aucune des parties ne conteste (art. 106 al. 2 LTF). La décision de l'Office cantonal du 8 juillet 2024 n'était donc pas entrée en force lors du dépôt de ce second recours. Dans ce contexte, en considérant que la décision d'irrecevabilité du 19 août 2024 était une décision finale qui mettait fin à la litispendance et avait pour conséquence de "purger le litige", la Cour de justice a omis que la décision d'irrecevabilité du 19 août 2024 n'entraînait aucune conséquence sur le fond du litige et donc qu'un recours pouvait encore être valablement formé dans le délai prévu à cet effet.  
 
4.6. Par son raisonnement, la Cour de justice a ainsi fermé d'emblée une voie de droit à la recourante, au seul motif qu'elle avait déjà statué sur un premier recours, alors que cette décision, qui se limitait à l'irrecevabilité pour défaut de paiement de l'avance de frais, ne déployait pas d'autorité de force jugée sur le fond du litige. En refusant d'entrer en matière sur le second recours déposé dans le délai prévu à cet effet par le droit cantonal, la Cour de justice a commis un déni de justice.  
 
4.7. Le recours doit donc être admis pour ce motif. Il n'y a pas lieu d'examiner si la Cour de justice se serait, en sus, rendue coupable de formalisme excessif.  
 
5.  
 
5.1. Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission du recours. L'arrêt attaqué doit être annulé et la cause renvoyée à la Cour de justice, afin qu'elle entre en matière sur la seconde écriture du 9 septembre 2024 déposée en temps utile devant elle, sous réserve du respect des autres conditions de recevabilité (cf. supra consid. 4.4 in fine).  
 
5.2. L'instance précédente succombe sans que l'intérêt patrimonial du canton ne soit en cause, de sorte que le présent arrêt doit être rendu sans frais (art. 66 al. 1 et 4 LTF).  
 
5.3. La recourante n'est pas représentée par un mandataire professionnel. Elle n'a donc pas droit à l'allocation de dépens (cf. ATF 135 III 127 consid. 4). Au surplus, la demande d'assistance judiciaire - à supposer que l'on puisse considérer que la recourante n'y ait pas renoncé - est sans objet.  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève pour qu'elle entre en matière sur le recours formé par la recourante le 9 septembre 2024, sous réserve du respect des autres conditions de recevabilité. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, à l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail du canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 2ème section. 
 
 
Lausanne, le 7 mai 2025 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
La Greffière : L. Meyer