Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_110/2024
Arrêt du 7 octobre 2024
Ire Cour de droit pénal
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Jacquemoud-Rossari, Présidente,
van de Graaf et von Felten.
Greffier : M. Rosselet.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
1. Ministère public de la République et canton de Genève,
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
2. B.________,
3. C.________,
tous les deux représentés par
Me François Membrez, avocat,
intimés.
Objet
Diffamation,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 28 novembre 2023 (P/9185/2020 AARP/459/2023).
Faits :
A.
Par jugement du 10 mai 2023, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a, pour ce qui le concerne, reconnu A.________ coupable de diffamation, l'a acquitté de complicité de diffamation, et l'a condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans. Il a condamné le prénommé, conjointement et solidairement avec D.________, à payer à B.________ et C.________ 500 fr. à chacun, avec intérêts à 5 % dès le 23 juin 2020, à titre de réparation du tort moral, et 6'419 fr. 95 au total, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure. Il a enfin statué sur les frais de la procédure.
B.
Par arrêt du 28 novembre 2023, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise, statuant notamment sur appel de A.________, l'a rejeté, a confirmé le jugement du 10 mai 2023, et a statué sur les frais et dépens de la procédure d'appel.
En substance, la cour cantonale s'est fondée sur les faits suivants.
B.a. E.________, grand-mère maternelle de l'enfant F.________, était au bénéfice d'une autorisation d'accueil, délivrée par le service d'autorisation et de surveillance des lieux de placement (SASLP), depuis le 30 juin 2014, et renouvelée le 22 janvier 2018.
C.________ et B.________ avaient été désignés tuteurs de l'enfant.
B.b. Un conflit était apparu entre les tuteurs du garçon et E.________ à partir de 2018, à la suite de la séparation de celle-ci d'avec son compagnon. Le conflit s'était accentué en 2019, notamment autour du choix de l'école de l'enfant, pour aboutir à une rupture de communication et du lien de confiance. La principale raison du retrait de l'autorisation de garde était une résistance de E.________ à suivre les recommandations du service de protection des mineurs (SPMi), à honorer correctement son devoir d'information et à effectuer les démarches conformément à son statut de famille d'accueil.
B.c. La situation avait abouti, le 14 mai 2020, à un entretien téléphonique entre E.________ et le SASLP, lors duquel celle-ci avait été informée du projet de lui retirer l'autorisation d'accueil. Le même jour, le tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (TPAE) avait rendu une décision par laquelle ce tribunal, sur mesures superprovisionnelles, prenait acte de la décision du SASLP de retirer à E.________ l'autorisation d'accueillir le mineur chez elle, autorisait son placement en foyer d'accueil et chargeait les tuteurs de mettre en place les relations personnelles entre la grand-mère et l'enfant, sa décision étant immédiatement exécutoire. Tout de suite après (ou déjà pendant) l'entretien téléphonique précité, F.________ avait été pris en charge à son école par le SPMi, soit pour lui son tuteur, B.________, et placé dans un foyer d'accueil. E.________ avait pris le chemin de l'école de F.________ tout de suite après l'entretien téléphonique et constaté, en arrivant, que celui-ci se trouvait déjà avec son tuteur.
Le 15 mai 2020, le SASLP avait rendu une décision de retrait de l'autorisation d'accueil.
B.d. E.________ s'était entourée notamment de D.________ et de A.________ pour l'aider dans ses démarches médiatiques et administratives dans le but de dénoncer le SPMi et le retrait, selon elle abusif, de son autorisation d'accueil.
Lors d'un déchaînement haineux sur les réseaux sociaux contre le SPMi en général, mais aussi de manière ciblée à l'encontre de certains de ses collaborateurs, consécutif à la modification de la garde de l'enfant F.________, la chaîne G.________ avait, le 15 mai 2020, publié, notamment sur YouTube, une vidéo intitulée "
Enlèvement de F.________ à son école à U.________ - Témoignages chocs ", dans laquelle E.________ déclarait en substance que l'enfant avait été enlevé par le SPMi, que ledit service avait agi à l'insu des autorités, que le garçon était manipulé et que les tuteurs ne respectaient pas les droits de l'enfant. D.________ et A.________ s'étaient également exprimés dans cette vidéo. Un internaute avait posé en ces termes une question en commentaire de la vidéo précitée: "
Donné nous le nom du tuteur! Svp Le reste ont s'en charge! ". A.________ avait immédiatement répondu en publiant "
B.________ ", avant de préciser "
et il y en a d'autre qui nuisent à F.________, notamment C.________ ".
Dans ce même contexte, A.________ avait lancé une pétition intitulée "
séquestration et enlèvement de l'enfant F.________ sur le lieu de son école ". Dans le texte de la pétition, il était écrit "
l'enfant F.________ âgé de 7 ans avait été séquestré dans une pièce de son école par Monsieur B.________ [sic]
du SPMi ". Le 22 juillet 2020, sur Facebook, via son profil personnel, A.________ avait écrit: "
si M. C.________ ne peut pas se maîtriser de son incompétence, que le SPMi mandate un médiateur indépendant à leurs frais ".
B.e. Par ordonnance du 4 octobre 2021, le ministère public avait refusé d'entrer en matière sur la plainte pénale déposée par E.________ des chefs notamment d'enlèvement de mineur et de séquestration à l'encontre de C.________ et de B.________.
C.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 28 novembre 2023. L'on comprend des plus de 70 conclusions formulées par le prénommé que celui-ci conclut à l'annulation de l'arrêt entrepris et à sa réforme en ce sens qu'il est acquitté de l'infraction de diffamation, à l'annulation de toutes les décisions prises par le ministère public, le tribunal de première instance et la cour cantonale, au renvoi de la cause au ministère public pour complément d'instruction, notamment sur les cinq dénonciations contre le SPMi, le SASLP et le TPAE, et à l'allocation d'une indemnité "
pour la masse de travail " et le tort moral d'un montant de 10'000 francs. Il sollicite enfin le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Par acte du 12 février 2024, A.________ complète son recours en matière pénale au Tribunal fédéral.
Considérant en droit :
1.
Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent sa notification (art. 100 al. 1 LTF). Les délais dont le début dépend d'une communication ou de la survenance d'un événement courent dès le lendemain de celles-ci (art. 44 al. 1 LTF). Les délais fixés en jours par la loi ou par le juge ne courent pas du 18 décembre au 2 janvier inclus (art. 46 al. 1 let. c LTF). Le délai est observé si le mémoire est remis à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse le dernier jour du délai (art. 48 al. 1 LTF).
En l'espèce, l'arrêt querellé a été notifié au recourant le 30 décembre 2023. Le délai de recours de trente jours contre cet arrêt a commencé à courir le 3 janvier 2024 et est arrivé à échéance le 1
er février 2024, compte tenu des féries de fin d'année. Le complément du recours daté du 12 février 2024 et déposé à La Poste Suisse le même jour (sceau postal) est tardif et donc irrecevable.
2.
Selon l'art. 42 al. 1 LTF, les mémoires de recours au Tribunal fédéral doivent indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signés. En particulier, le recourant doit motiver son recours en exposant succinctement en quoi la décision attaquée viole le droit (cf. art. 42 al. 2 LTF). Pour satisfaire à cette exigence, il appartient au recourant de discuter au moins brièvement les considérants de la décision litigieuse (ATF 140 III 86 consid. 2 et 115 consid. 2); en particulier, la motivation doit être topique, c'est-à-dire se rapporter à la question juridique tranchée par l'autorité cantonale (arrêt 6B_1511/2021 du 9 février 2022 consid. 6 et les références citées). En outre, le Tribunal fédéral est lié par les faits retenus par le jugement entrepris (art. 105 al. 1 LTF), sous les réserves découlant des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de l'arbitraire (art. 9 Cst.; sur cette notion, cf. ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 143 IV 241 consid. 2.3.1) dans la constatation des faits. Le Tribunal fédéral n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce moyen est invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de manière claire et détaillée (ATF 146 IV 114 consid. 2.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 114 consid. 2.1; 145 IV 154 consid. 1.1).
Dans une écriture prolixe (55 pages et plus de 70 conclusions), laborieuse et peu intelligible, le recourant s'attelle à critiquer l'arrêt entrepris paragraphe par paragraphe, en développant essentiellement une argumentation fondée sur des affirmations purement appellatoires et parfois même contradictoires, en s'écartant de l'état de fait retenu par la cour cantonale, et répétant à plusieurs reprises les mêmes critiques, sans motiver à satisfaction de droit (cf. art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF) en quoi la cour cantonale aurait violé le droit fédéral.
Il en va notamment ainsi lorsqu'il affirme avoir été jugé par un tribunal d'exception, lorsqu'il se plaint que la cour cantonale aurait violé presque tous ses droits fondamentaux, sans pour autant exposer de manière claire et détaillée en quoi consisterait leur violation, lorsqu'il concède que ses allégations de fait étaient attentatoires à l'honneur, tout en le contestant, lorsqu'il affirme que les intimés ne pouvaient être parties à la procédure devant les instances cantonales sans toutefois démontrer une quelconque violation du droit fédéral à cet égard, lorsqu'il critique le travail effectué par le conseil des intimés, lorsqu'il affirme sans aucunement l'étayer que, vu son acquittement de complicité de diffamation, il ne pouvait pas être condamné conjointement et solidairement à verser les montants octroyés aux intimés à titre de réparation de leur tort moral, ou encore lorsqu'il se plaint d'une violation de son droit d'être entendu, alors même que la cour cantonale a exposé les motifs l'ayant conduite à rejeter les réquisitions de preuve de l'intéressé et que ce dernier ne démontre pas à satisfaction de droit la pertinence de ces dernières.
Il en va de même lorsqu'il soutient que la pétition serait la volonté de plusieurs personnes, qu'il n'aurait fait que de la publier et que la cour cantonale n'aurait pas établi la fausseté de celle-là de sorte que les propos seraient vrais, lorsqu'il critique les différentes décisions prises par le TPAE et le SASLP ainsi que leur chronologie, lorsqu'il soutient que l'utilisation des termes "
séquestration " et "
enlèvement " ne seraient pas des termes définis par le Code pénal, lorsqu'il prétend que l'ordonnance de non-entrée en matière du 4 octobre 2021 n'aurait aucune valeur juridique, ou encore lorsqu'il affirme que ses allégations seraient vraies et avoir agi en poursuivant un intérêt public.
Les griefs du recourant s'avèrent ainsi dans une très large mesure irrecevables.
3.
Le recourant conteste s'être rendu coupable de diffamation, en particulier au motif que les allégations de nuisance et d'incompétence dirigées à l'encontre de C.________ ne porteraient que sur la réputation professionnelle de ce dernier, ce qui ne serait pas protégé par la loi pénale.
3.1. Aux termes de l'art. 173 ch. 1 CP, se rend coupable de diffamation quiconque, en s'adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, quiconque propage une telle accusation ou un tel soupçon.
Cette disposition protège la réputation d'être un individu honorable, c'est-à-dire de se comporter comme une personne digne a coutume de le faire selon les conceptions généralement reçues. Il faut donc que l'atteinte fasse apparaître la personne visée comme méprisable. L'honneur protégé par le droit pénal est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'être humain (ATF 148 IV 409 consid. 2.3; 137 IV 313 consid. 2.1.1; 132 IV 112 consid. 2.1). La réputation relative à l'activité professionnelle ou au rôle joué dans la communauté n'est pas pénalement protégée. Il en va ainsi des critiques qui visent comme tels la personne de métier, l'artiste ou le politicien, même si elles sont de nature à blesser et à discréditer (ATF 145 IV 462 consid. 4.2.2; 119 IV 44 consid. 2a; 105 IV 194 consid. 2a). Dans le domaine des activités socio-professionnelles, il ne suffit ainsi pas de dénier à une personne certaines qualités, de lui imputer des défauts ou de l'abaisser par rapport à ses concurrents. En revanche, il y a atteinte à l'honneur, même dans ces domaines, si on évoque une infraction pénale ou un comportement clairement réprouvé par les conceptions morales généralement admises (ATF 145 IV 462 consid. 4.2.2 et les arrêts cités).
Pour apprécier si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il faut se fonder non pas sur le sens que lui donne la personne visée, mais sur une interprétation objective selon la signification qu'un destinataire non prévenu doit, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer (ATF 148 IV 409 consid. 2.3.2; 145 IV 462 consid. 4.2.3; 137 IV 313 consid. 2.1.3). Aussi, il est constant qu'en matière d'infractions contre l'honneur, les mêmes termes n'ont pas nécessairement la même portée suivant le contexte dans lequel ils sont employés (ATF 148 IV 409 consid. 2.3.2; 145 IV 462 consid. 4.2.3; 118 IV 248 consid. 2b).
3.2. En bref, la cour cantonale a considéré que lorsque le recourant traitait C.________ d'"
incompétent " et l'accusait de "
nuire " au garçon, il outrepassait largement une dénonciation - possiblement légitime - d'éventuels dysfonctionnements du SPMi. C'étaient des allégations objectivement graves qui allaient au-delà d'une critique nécessaire et pertinente, le cas échéant. Ces termes étaient de nature à blesser et discréditer également la réputation personnelle et l'estime de ce collaborateur, éléments pénalement protégés. C.________ avait été atteint au-delà de sa réputation professionnelle. En outre, la méthode utilisée et l'acharnement systématique contre un homme délibérément identifié dont avait fait preuve le recourant renforçait encore le caractère méprisable de ses actes. La portée de ceux-ci était en effet très large: chaîne de télévision diffusée notamment sur YouTube, pétition relayée largement et réseaux sociaux.
3.3. En l'espèce, si les attaques qui mettent en cause les aptitudes professionnelles d'une personne ne sont en principe pas constitutives d'atteinte à l'honneur, le recourant perd de vue le contexte dans lequel les allégations de nuire à l'enfant et d'incompétence ont été proférées. Au regard des éléments mis en exergue par la cour cantonale, il n'est pas critiquable d'avoir estimé que de telles allégations avaient excédé ce qui était tolérable pour dénoncer les actions du SPMi et, plus particulièrement, de l'un de ses collaborateurs. En effet, les propos tenus à l'encontre de l'un des tuteurs de l'enfant, largement diffusés dans le cadre d'un acharnement médiatique au cours duquel ledit tuteur était également accusé d'infractions pénales, évoquaient un comportement clairement réprouvé par les conceptions morales généralement admises et étaient ainsi propres à l'exposer au mépris en tant qu'être humain. Pour le surplus, les griefs du recourant - pour autant qu'ils soient recevables sous l'angle des exigences de motivation (cf. art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF) - sont impropres à démontrer en quoi la cour cantonale aurait violé le droit fédéral en confirmant la condamnation du recourant du chef de diffamation. La motivation de l'arrêt entrepris ne prêtant pas le flanc à la critique, il peut y être intégralement renvoyé (cf. art. 109 al. 3 LTF). Manifestement infondés, les griefs doivent, partant, être rejetés.
4.
En tant que les autres conclusions du recourant dépendent de son acquittement du chef de diffamation qu'il n'obtient pas, elles deviennent sans objet.
5.
Au vu de ce qui précède, le recours, manifestement infondé, doit être rejeté dans la faible mesure de sa recevabilité, selon la procédure simplifiée prévue par l'art. 109 LTF. Comme le recours était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires dont le montant sera fixé en tenant compte de sa situation financière laquelle n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.
Lausanne, le 7 octobre 2024
Au nom de la Ire Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
Le Greffier : Rosselet