Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_208/2024
Arrêt du 7 octobre 2024
Ire Cour de droit pénal
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Jacquemoud-Rossari, Présidente,
Denys et van de Graaf.
Greffière : Mme Brun.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Karim Raho, avocat,
recourant,
contre
1. Ministère public de la République et canton de Genève,
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
2. B.________,
représenté par Me François Bellanger, avocat,
intimés.
Objet
Gestion déloyale; tentative de contrainte,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice
de la République et canton de Genève,
Chambre pénale d'appel et de révision,
du 25 janvier 2024 (P/21131/2019 AARP/42/2024).
Faits :
A.
Par jugement du 15 septembre 2023, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a acquitté B.________ des chefs d'infraction de gestion déloyale et de tentative de contrainte et a rejeté les conclusions civiles prises par A.________.
B.
Par arrêt du 25 janvier 2024, la Cour de justice de la Chambre pénale d'appel et de révision du canton de Genève a rejeté l'appel de A.________, l'a renvoyé à agir par la voie civile pour ses prétentions civiles, et confirmé le jugement du 15 septembre 2023.
La cour cantonale a en substance retenu les faits suivants:
Entre 2018 et 2021, B.________, en sa qualité de copropriétaire d'un immeuble à U.________, a encaissé sur son compte personnel les loyers d'un appartement occupé par un locataire, alors que ceux-ci auraient dû être versés sur un compte bancaire ouvert avec A.________ (copropriétaire). Il a agi dans le but, soit de compenser une créance dont il aurait été titulaire envers ce dernier en lien avec l'encaissement d'un loyer commercial sur le même immeuble, soit d'obtenir de son copropriétaire un détail des comptes de l'immeuble.
C.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral à l'encontre de l'arrêt du 25 janvier 2024. Il conclut principalement, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens que B.________ est condamné des chefs d'accusation de gestion déloyale et de tentative de contrainte, ainsi qu'au paiement de la somme de 31'928 fr. 75 avec intérêts à 5 % l'an dès le 1
er juillet 2019 au titre de ses prétentions civiles. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour nouvelle décision au sens des considérants.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office (art. 29 al. 1 LTF) et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 146 IV 185 consid. 2).
Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui, résultant directement de l'infraction alléguée, sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils, soit principalement les prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 148 IV 432 consid. 3.1.2; 146 IV 76 consid. 3.1).
L'arrêt attaqué, rendu en matière pénale (art. 78 LTF), émane d'une autorité cantonale de dernière instance (art. 80 LTF) et revêt indiscutablement un caractère final (art. 90 LTF). Le recours est donc recevable quant à son objet. Le recourant a en outre pris part à la procédure devant les instances cantonales et a formulé des conclusions civiles à concurrence de 31'928 fr. 75 avec intérêts à 5 % l'an dès le 1
er juillet 2019 à l'encontre de l'intimé. Le recourant a donc la qualité pour recourir au sens de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF.
2.
Le recourant conteste l'acquittement de l'intimé pour gestion déloyale (art. 158 CP). Il estime en effet que ce dernier a agi en qualité de gérant, ou à tout le moins en qualité de gestionnaire d'affaires sans mandat.
2.1. Le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 147 IV 78 consid. 4.1.2). Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF); il n'entre ainsi pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 147 IV 73 consid. 4.1.3).
2.2. L'art. 158 CP punit celui qui, en vertu de la loi, d'un mandat officiel ou d'un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d'autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu'ils soient lésés (ch. 1 al. 1). Le gérant d'affaires qui, sans mandat, agit de même encourt la même peine (ch. 1 al. 2).
L'infraction réprimée par l'art. 158 ch. 1 CP ne peut être commise que par une personne qui revêt la qualité de gérant. Il s'agit d'une personne à qui incombe, de fait ou formellement, la responsabilité d'administrer un complexe patrimonial non négligeable dans l'intérêt d'autrui. La qualité de gérant suppose un degré d'indépendance suffisant et un pouvoir de disposition autonome sur les biens administrés. Ce pouvoir peut aussi bien se manifester par la passation d'actes juridiques que par la défense, sur le plan interne, d'intérêts patrimoniaux, ou encore par des actes matériels, l'essentiel étant que le gérant se trouve au bénéfice d'un pouvoir de disposition autonome sur tout ou partie des intérêts pécuniaires d'autrui, sur les moyens de production ou le personnel d'une entreprise (ATF 142 IV 346 consid. 3.2).
2.3. Pour exclure la qualité de gérant de l'intimé, la cour cantonale a considéré que ce dernier n'avait jamais administré l'immeuble u.________, la gestion de ce bien ayant été confiée exclusivement au recourant. La cour cantonale a relevé que cette manière de procéder, soit la délégation de la gestion d'un immeuble en copropriété, était au demeurant conforme à l'art. 647 al. 1 CC. Quant aux actes de gestion de l'intimé en lien avec le contrat de bail du locataire susmentionné, la cour cantonale a estimé qu'ils n'étaient pas suffisants pour imputer à l'intimé la qualité de gérant.
Le raisonnement de la cour cantonale ne prête pas flanc à la critique. Dans son argumentation, le recourant introduit librement des faits non constatés et ne fait qu'opposer sa propre appréciation des faits à celle de la cour cantonale dans une démarche purement appellatoire, partant, irrecevable (art. 106 al. 2 LTF). C'est notamment le cas lorsqu'il affirme qu'en effectuant des actes de gestion vis-à-vis de la copropriété, l'intimé a manifestement agi en qualité de gérant des actifs de la copropriété. Le recourant ne formule aucune critique recevable.
La qualité de gérant étant exclue, il n'est pas nécessaire d'examiner l'aggravante en lien avec le dessein d'enrichissement.
Par ailleurs, le moment pendant lequel les agissements de l'intimé ont eu lieu, soit avant le partage, importe peu. S'agissant de la qualité de gérant d'affaires sans mandat, celle-ci n'entre pas en ligne de compte dans la mesure où l'intimé est le copropriétaire de l'immeuble géré.
3.
Le recourant conteste l'acquittement de l'intimé du chef d'accusation de tentative de contrainte (art. 181
cum 22 CP) estimant que ce dernier l'a privé d'une somme d'argent non négligeable, ce qui l'a entravé dans sa liberté d'action.
3.1. Se rend coupable de contrainte au sens de l'art. 181 CP celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.
Il peut y avoir contrainte lorsque l'auteur entrave sa victime "de quelque autre manière" dans sa liberté d'action. Cette formule générale doit être interprétée de manière restrictive. N'importe quelle pression de peu d'importance ne suffit pas. Il faut que le moyen de contrainte utilisé soit, comme pour la violence ou la menace d'un dommage sérieux, propre à impressionner une personne de sensibilité moyenne et à l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d'action. Il s'agit donc de moyens de contrainte qui, par leur intensité et leur effet, sont analogues à ceux qui sont cités expressément par la loi (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1; 137 IV 326 consid. 3.3.1).
Selon la jurisprudence, la contrainte n'est contraire au droit que si elle est illicite, soit parce que le moyen utilisé ou le but poursuivi est illicite, soit parce que le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé, soit encore parce qu'un moyen conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux moeurs (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1; 137 IV 326 consid. 3.3.1; 134 IV 216 consid. 4.1).
Savoir si la restriction de la liberté d'action constitue une contrainte illicite dépend ainsi de l'ampleur de l'entrave, de la nature des moyens employés à la réaliser et des objectifs visés par l'auteur (ATF 129 IV 262 consid 2.1; 129 IV 6 consid. 3.4; arrêt 6B_1238/2023 du 21 mars 2024 consid. 1.1.2).
3.2. La cour cantonale a relevé que l'intimé avait eu des doutes sur la bonne gestion de l'immeuble et qu'il avait demandé, à plusieurs reprises et en vain, des informations complémentaires aux décomptes sommaires obtenus de la fiduciaire du recourant. Elle a également relevé que le recourant avait plaidé en appel que l'intimé utilisait la compensation pour le contraindre illicitement à fournir ces informations, ce qui, selon elle, confirmait implicitement la version de l'intimé selon laquelle lesdites informations ne lui avaient pas été fournies. Enfin, la cour cantonale a indiqué qu'il était établi que l'intimé avait perçu, sur un compte dont il était le seul titulaire, le loyer d'un locataire sur la période du 1
er février 2018 au 15 juillet 2021 et que le recourant en avait été informé par un courrier d'avocat du 14 février 2018. Cette lettre mentionnait en outre clairement que l'intimé était ouvert à la discussion avec le recourant pour faire toute la lumière sur leurs prétentions respectives.
Eu égard à ce qui précède, la cour cantonale a jugé que la compensation, d'un montant mensuel de 1'557 fr. 50, qui n'était pas de nature à menacer le minimum vital du recourant, par l'intimé ne constituait pas un comportement de contrainte illicite. Elle a ajouté qu'il aurait d'ailleurs été insensé de sanctionner l'intimé pour avoir eu recours de bonne foi à un acte formateur prévu par le CO dans la mesure où celui-ci soupçonnait subir un dommage du fait de la gestion du recourant qui refusait, en violation manifeste de son devoir de renseigner conformément à l'art. 400 CO, de lui remettre les comptes de l'immeuble.
3.3. L'argumentation de la cour cantonale est convaincante. À nouveau, le recourant ne fait qu'opposer sa propre appréciation des faits à celle de la cour cantonale dans une démarche purement appellatoire, partant, irrecevable (art. 106 al. 2 LTF). C'est notamment le cas lorsqu'il affirme que l'intimé a sciemment décidé de le spoiler d'une somme d'argent non négligeable, ce qui l'a entravé dans sa liberté d'action ou que l'intimé a cherché à le pousser à renoncer à ses créances et ainsi à éviter l'ouverture d'une procédure civile à son encontre. Le recourant ne formule aucune critique recevable.
4.
Le recours est irrecevable. Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires liés à son recours (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.
Lausanne, le 7 octobre 2024
Au nom de la Ire Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
La Greffière : Brun