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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_662/2024  
 
 
Arrêt du 8 avril 2025  
I  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Hurni, Président, Kiss et Denys. 
Greffière : Mme Raetz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Charles Munoz, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
1. B.________, 
2. C.________, 
3. D.________, 
tous les trois représentés par Me Jean-Claude Mathey, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
contrat de travail; heures supplémentaires, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 6 novembre 2024 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (PT21.036489-240062, 497). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Dès 1992, A.________ (ci-après: l'employée) a été engagée en tant qu'employée agricole par les parents de D.________. En xxx, ce dernier a repris l'exploitation du domaine agricole.  
Le 23 octobre 2007, l'employée et son époux ont signé un contrat de bail avec D.________ portant sur la location d'un appartement dès le 1er décembre 2007. 
Dès 2010 en tous cas, le taux d'engagement de l'employée s'élevait à 65 %. 
 
A.b. En 2014, D.________ s'est associé avec B.________ et C.________ (ci-après: les employeurs) pour former E.________, sans que cela n'ait de réelle incidence sur le travail de l'employée.  
 
A.c. L'employée a établi un décompte indiquant qu'en 2019, elle travaillait de 8h à 17h, avec une pause de 12h à 13h30, ainsi qu'une heure par semaine consacrée à la vente d'oeufs.  
 
A.d. L'employée s'est trouvée en incapacité totale de travailler dès le 7 janvier 2020. Par courrier du 21 juillet 2020, elle a été licenciée avec effet au 31 octobre 2020.  
Le 27 juillet 2020, l'intéressée s'est opposée à son licenciement et a mis en demeure ses employeurs de lui payer l'ensemble de ses heures supplémentaires avec le versement du salaire du mois d'août 2020. 
 
A.e. Le 5 novembre 2020, pour le compte des employeurs, D.________ a signé une déclaration de renonciation à se prévaloir de la prescription en faveur de l'employée.  
 
B.  
 
B.a. Après une tentative infructueuse de conciliation, l'employée a saisi le Tribunal civil de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois d'une demande dirigée à l'encontre des employeurs. Au dernier état de ses conclusions, elle réclamait le paiement de la somme totale de 86'965 fr. 95 avec intérêts, comprenant notamment un montant brut de 61'600 fr., dont à déduire les charges sociales, à titre d'indemnité pour 2'572 heures supplémentaires effectuées (art. 105 al. 2 LTF).  
Par jugement du 13 décembre 2023, le tribunal a condamné les employeurs à verser à l'intéressée plusieurs montants, dont celui de 61'600 fr. brut, sous déduction des cotisations sociales usuelles, avec intérêts (chiffre II du dispositif), à titre d'heures supplémentaires réalisées entre le 1er novembre 2015 et le 31 décembre 2019. 
 
B.b. Statuant le 6 novembre 2024, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois a partiellement admis l'appel interjeté par les employeurs. Elle a réformé le jugement entrepris en ce sens que, notamment, le chiffre II du dispositif concernant la rétribution d'heures supplémentaires était supprimé.  
 
C.  
L'employée (ci-après: la recourante) a exercé un recours en matière civile au Tribunal fédéral, en concluant à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que les employeurs (ci-après: les intimés) soient condamnés, solidairement entre eux, à lui verser la somme brute de 61'600 fr., sous déduction des cotisations sociales usuelles, avec intérêts. Subsidiairement, elle a conclu à l'annulation de cet arrêt et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. 
Les intimés et la cour cantonale n'ont pas été invités à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment celles afférentes à la valeur litigieuse minimale de 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF) et au délai de recours (art. 100 al. 1 LTF). 
 
2.  
 
2.1. Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Eu égard, toutefois, à l'exigence de motivation qu'impose l'art. 42 al. 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), il n'examine que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes (ATF 140 II 115 consid. 2).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 140 III 115 consid. 2; 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). 
 
3.  
Le litige porte exclusivement sur les heures supplémentaires dont la recourante réclame le paiement. Elle reproche aux juges cantonaux d'avoir établi les faits de manière arbitraire et d'avoir violé les art. 321c et 42 al. 2 CO en niant son droit à la rétribution de ses heures supplémentaires. 
 
3.1. Conformément à l'art. 8 CC, il appartient au travailleur de prouver qu'il a accompli des heures supplémentaires et, en plus, que celles-ci ont été ordonnées par l'employeur ou étaient nécessaires à la sauvegarde des intérêts légitimes de ce dernier (cf. art. 321c al. 1 CO; ATF 129 III 171 consid. 2.4; arrêt 4A_138/2023 du 12 juin 2023 consid. 4.2).  
Lorsqu'il effectue spontanément des heures supplémentaires commandées par les circonstances, le travailleur doit en principe les déclarer dans un délai utile, afin de permettre à l'employeur, d'une part, de prendre d'éventuelles mesures d'organisation pour éviter des heures supplémentaires à l'avenir et, d'autre part, d'approuver un tel travail (ATF 129 III 171 consid. 2.2; arrêts 4A_138/2023 précité consid. 4.2; 4A_184/2018 du 28 février 2019 consid. 2.2.2). Si le travailleur tarde à annoncer les heures supplémentaires et accepte sans réserve le paiement de son salaire afférent à la période concernée, il risque d'être déchu du droit de réclamer ultérieurement le paiement de ces heures supplémentaires (ATF 129 III 171 consid. 2.3; arrêt 4A_184/2018 précité consid. 2.2.2). 
Cela étant, lorsque l'employeur sait ou doit savoir que l'employé accomplit des heures au-delà de la limite contractuelle, celui-ci peut, de bonne foi, déduire du silence de celui-là que lesdites heures sont approuvées, sans avoir à démontrer qu'elles sont nécessaires pour accomplir le travail demandé. Une annonce rapide (lors de la première période de salaire) du nombre d'heures supplémentaires exact n'est alors pas indispensable à la rémunération de celles-ci (ATF 129 III 171 consid. 2.3; arrêts 4A_184/2018 précité consid. 2.2.2; 4A_28/2018 du 12 septembre 2018 consid. 5; 4A_482/2017 du 17 juillet 2018 consid. 2.1). Ainsi, si le travailleur peut partir de l'idée que l'employeur est conscient de la nécessité d'exécuter des heures supplémentaires, il est autorisé à attendre, pour chiffrer ses heures supplémentaires, de savoir si et dans quelles proportions il aura besoin, à long terme, de plus de temps pour accomplir les tâches qui lui ont été confiées. Cela vaut en particulier lorsque la possibilité de compenser les heures supplémentaires dans le temps a été convenue (ATF 129 III 171 consid. 2.3; arrêt précité 4A_184/2018 consid. 2.2.2). 
 
3.2. Premièrement, la cour cantonale a relevé qu'il n'existait pas d'éléments concrets permettant de retenir que les intimés avaient connaissance du fait que la recourante effectuait des heures supplémentaires. Deuxièmement, la cour cantonale a expliqué que même s'il devait être admis qu'ils étaient au courant de la réalisation d'heures supplémentaires, il résultait de la jurisprudence que la recourante ne pouvait pas attendre indéfiniment pour les chiffrer. Or, l'intéressée avait accepté son salaire sans réserve pendant de nombreuses années et n'avait annoncé ses heures supplémentaires qu'après avoir été licenciée, de sorte que sa prétention apparaissait abusive. Troisièmement, la cour cantonale a retenu que même si l'annonce dans un délai raisonnable devait être admise, la recourante n'avait pas pu prouver la quotité des heures dont elle réclamait la rétribution.  
 
3.3. S'agissant de la deuxième motivation proposée par la cour cantonale, la recourante soulève que puisque les intimés savaient qu'elle exécutait des heures supplémentaires, une éventuelle absence d'annonce de ces heures ne jouait aucun rôle. Tel n'est pas le cas. Même si, dans cette hypothèse, les intimés connaissaient la nécessité d'effectuer un certain nombre d'heures supplémentaires, cela ne libérerait pas pour autant la recourante de son devoir d'annonce. Cela l'autoriserait seulement à ne pas avoir à chiffrer rapidement ses heures supplémentaires exactes. Elle ne pouvait toutefois pas attendre plusieurs années pour indiquer, en 2021, un nombre de 2'572 heures supplémentaires effectuées depuis 2015, sans jamais avoir fait état d'une quelconque quotité auparavant. La cour cantonale était ainsi fondée à retenir que la prétention apparaissait abusive.  
La recourante soutient ensuite qu'il ressort du dossier qu'elle n'a pas attendu des années avant de "formuler ses prétentions"; seulement, l'intimé D.________ n'y avait jamais donné suite, prétextant qu'elle bénéficiait déjà d'un logement bon marché. Elle souligne encore qu'elle se trouvait dans une situation financière précaire et ne pouvait pas se permettre de perdre son travail et son logement. Or, c'est la tardiveté de l'annonce par la recourante de la quotité d'heures supplémentaires effectuées qui lui est reprochée (et non la tardiveté de la demande d'indemnisation de ces mêmes heures; cf. ATF 29 III 171 consid. 2.4; arrêt 4A_184/2018 consid. 2.2.2). Toutefois, la recourante se limite à affirmer au gré de son recours qu'elle s'est plainte aux intimés du fait qu'elle travaillait trop ou qu'elle "faisai (t) beaucoup d'heures". Indépendamment de la recevabilité de ces éléments, on observe qu'elle ne prétend pas, références précises à ses écritures et aux pièces du dossier à l'appui, qu'elle leur avait communiqué le nombre d'heures supplémentaires réalisées. Au demeurant, on peut relever que même s'il ressort des faits constatés par la cour cantonale l'existence d'un décompte d'heures établi par la recourante pour l'année 2019, cela n'y change rien; en effet, les intimés ont fait valoir devant la cour cantonale qu'ils n'auraient découvert le décompte que dans le cadre de la procédure judiciaire et la cour cantonale a elle-même indiqué qu'il avait été établi pour les besoins de la procédure. La recourante ne s'en prévaut d'ailleurs même pas. 
Dès lors, c'est à bon droit que la cour cantonale a nié les prétentions de la recourante en rétribution d'heures supplémentaires. 
La deuxième motivation exposée par la cour cantonale permet à elle seule de sceller le sort de la cause. Il n'y a donc pas besoin d'examiner les griefs dirigés contre les autres motivations présentées. 
 
4.  
En définitive, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
La recourante, qui succombe, prendra en charge les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). En revanche, elle n'aura pas à indemniser les intimés, lesquels n'ont pas été invités à déposer une réponse. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 8 avril 2025 
 
Au nom de la I re Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Hurni 
 
La Greffière : Raetz