Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_362/2024
Arrêt du 8 avril 2025
IIIe Cour de droit public
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Moser-Szeless, Présidente, Parrino et Beusch.
Greffier : M. Bürgisser.
Participants à la procédure
A.A.________ et B.A.________,
représentés par M e Jean-Blaise Eckert, avocat,
recourants,
contre
Administration fiscale cantonale du canton de Genève, rue du Stand 26, 1204 Genève,
intimée.
Objet
Impôts cantonaux et communaux du canton de Genève et impôt fédéral direct, période fiscale 2014,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 14 mai 2024 (A/2831/2022-ICCIFD ATA/601/2024).
Faits :
A.
A.a. B.A.________ et A.A.________ (ci-après: les contribuables) sont domiciliés dans le canton de Genève. Dès 1978, B.A.________, né en 1953, a exploité E.________ sous la forme d'une raison individuelle (ci-après: l'entreprise individuelle), active dans la conception, la fabrication et la commercialisation de produits (...).
Par acte notarié du 18 juillet 2014, B.A.________, son fils C.A.________, F.________, G.________ et H.________ ont fondé E.________ SA (ci-après : la société). Le capital-actions de la société était constitué de 5'000 actions nominatives liées valant 100 fr. chacune. 3'000 actions ont été acquises par B.A.________ et chacun des autres actionnaires en a acquis 500. Les cinq fondateurs étaient nommés administrateurs avec signature collective à deux. B.A.________ deviendrait président du conseil d'administration et son épouse "fondée de pouvoirs" avec signature individuelle. La société reprenait tous les actifs de 1'286'010 fr. et les passifs de 987'942 fr. de l'entreprise individuelle, selon le bilan de cette dernière au xx.xx.2014. Le prix d'acquisition (goodwill compris) a été fixé à 4'250'000 fr.
Le xx.xx.2014, la société a été inscrite au registre du commerce. Son but social est notamment la conception, fabrication et commercialisation de produits dans les domaines de (...).
Par convention de reprise de biens du xx.xx.2014 (avec effet au 1er juillet précédent), B.A.________ a cédé l'entreprise individuelle à la société pour un montant de 4'250'000 fr., payable à raison de 2'500'000 fr. après la signature et de 1'750'000 fr. plus intérêts selon une convention de prêt séparée, au plus tard au moment du rachat par les quatre autres actionnaires des actions de la société détenues par B.A.________. Le xx.xx.2014, l'entreprise individuelle a été radiée du registre du commerce par suite de cessation de l'exploitation.
A.b. Après un échange de correspondance entre les contribuables et l'Administration fiscale quant au traitement fiscal en lien avec l'opération de restructuration, les contribuables ont déposé leur déclaration fiscale relative à l'année 2014, le 9 février 2016. Ils y ont notamment indiqué un produit de cession de l'activité indépendante (ayant pris fin au xx.xx.2014) de 3'980'366 fr. et ont sollicité une imposition privilégiée des réserves latentes et de l'ensemble des éléments appartenant à la fortune commerciale du contribuable. Selon leurs calculs relatifs à la liquidation de l'entreprise individuelle, le revenu moyen 2009-2013 s'élevait à 842'400 fr., le rachat fictif à 4'515'264 fr. et le bénéfice de liquidation à 3'594'270 fr. Les contribuables ont également joint un bilan de clôture de l'entreprise individuelle au xx.xx.2014, faisant état d'actifs totalisant 1'309'786 fr. 55 et d'un passif de 588'988 fr. 55, ainsi qu'un compte d'exploitation couvrant la période du 1er octobre 2013 au xx.xx.2014, lequel faisait ressortir un revenu commercial net de 764'391 fr. 06.
A.c. Par convention du 16 janvier 2017, B.A.________ a vendu 2'500 de ses actions à ses fils, C.A.________ et D.A.________, pour le prix de 740'000 fr., déterminé en application de "la méthode des praticiens".
A.d. Par bordereaux du 28 avril 2021 relatifs à la période fiscale 2014, l'Administration fiscale a fixé l'impôt fédéral direct (ci-après: IFD) à 743'812 fr. 70 et les impôts cantonaux et communaux (ci-après: ICC) à 1'967'043 fr. 35. La valeur des 3'000 actions de la société a été arrêtée à 1'713'000 fr. Dans une annexe complétant l'avis de taxation, l'Administration fiscale a fixé le montant du goodwill à 6'600'000 fr. et celui des réserves latentes à 3'075'826 fr., soit un bénéfice de liquidation de 9'675'826 fr. avant la déduction du rachat fictif, celui-ci ayant été fixé à 4'480'124 fr. Après avoir déduit un montant forfaitaire AVS de 10 %, ainsi qu'un montant lié à une prestation en capital perçue du pilier 3a, l'Administration fiscale a fixé le bénéfice de liquidation imposable à 4'228'119 fr.
Les contribuables ont formé réclamation contre ces bordereaux.
A.e. Par décisions sur réclamation du 5 août 2022, l'Administration fiscale a partiellement admis la réclamation. Elle a ramené la valeur du goodwill à 6'510'000 fr. après déduction forfaitaire de cotisations AVS de 10 %. Le solde du bénéfice de liquidation, après la prise en compte du rachat fictif non contesté, a été ramené à 4'147'119 fr. La valeur fiscale des droits de participation a été diminuée à 1'665'000 fr., à la suite de la modification de la valeur du goodwill. La réclamation a été rejetée pour le surplus.
B.
B.a. Par jugement du 27 mars 2023, le Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (ci-après: le TAPI) a rejeté le recours de B.A.________ et A.A.________.
B.b. Statuant par arrêt du 14 mai 2024, la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative (ci-après: la Cour de justice), a rejeté le recours des contribuables.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, B.A.________ et A.A.________ concluent à titre principal à la réforme de l'arrêt cantonal du 14 mai 2024, en ce sens que les bordereaux ICC et IFD de l'année 2014 sont annulés, à ce que le bénéfice de liquidation soit arrêté à 944'858 fr. et à ce que la cause soit renvoyée à l'Administration fiscale et à l'Administration fédérale des contributions (ci-après: AFC) pour nouvelles décisions de taxation dans le sens des considérants. Subsidiairement, ils concluent à l'annulation de l'arrêt de la Cour de justice et au renvoi de la cause à celle-ci pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Après que l'Administration fiscale et l'AFC ont conclu au rejet du recours, les contribuables se sont encore déterminés.
Considérant en droit :
1.
1.1. L'arrêt attaqué a été rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) qui ne tombe pas sous le coup des exceptions de l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est donc ouverte (cf. aussi art. 146 LIFD [RS 642.11] et 73 al. 1 LHID [RS 642.14]).
1.2. L'instance précédente a traité dans un seul arrêt de l'IFD et des ICC, ce qui est admissible. Partant, le dépôt d'un seul acte de recours est aussi autorisé, dans la mesure où les recourants s'en prennent clairement aux deux catégories d'impôts (ATF 142 II 293 consid. 1.2; 135 II 260 consid. 1.3.1).
2.
2.1. D'après l'art. 106 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral applique le droit d'office. Il examine en principe librement l'application du droit fédéral ainsi que la conformité du droit cantonal harmonisé et de sa mise en pratique par les instances cantonales aux dispositions de la LHID (arrêt 2C_826/2015 du 5 janvier 2017 consid. 2, non publié in ATF 143 I 73). Toutefois, lorsque la LHID laisse une certaine marge de manoeuvre aux cantons, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral se limite à l'arbitraire, dont la violation doit être motivée conformément aux exigences accrues de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 134 II 207 consid. 2; arrêt 9C_643/2023 du 15 novembre 2024 consid. 2.1).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3). Le recourant ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 150 II 346 consid. 1.6; 142 II 355 consid. 6). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (ATF 141 IV 369 consid. 6.3).
3.
Le litige porte sur l'imposition des recourants pour l'IFD et les ICC de la période fiscale 2014, et singulièrement sur la détermination du bénéfice de liquidation de la raison individuelle. Dans le contexte de la détermination de la valeur de l'entreprise individuelle (radiée du registre du commerce le xx.xx.2014) au moment de sa cession à la société anonyme nouvellement créée, le recourant soutient que la valeur vénale du transfert correspondant au prix du marché (soit 4'250'000 fr.) serait déterminant. Quant à l'intimée, elle préconise de recourir à la "méthode des praticiens" en application (par analogie) de la circulaire n° 28 de la Conférence suisse des impôts contenant des instructions concernant l'estimation des titres non cotés (disponible sur: https://www.steuerkonferenz.ch; ci-après: la circulaire n° 28), afin de déterminer la "valeur réelle" de l'entreprise individuelle cédée.
4.
La Cour de justice a constaté que l'entreprise individuelle du recourant avait été cédée à la société anonyme nouvellement créée le xx.xx.2014. Elle a considéré qu'elle avait déjà confirmé dans sa jurisprudence antérieure (cf. arrêt de la Cour de justice [ATA/236/2018] du 13 mars 2018) l'application de la "méthode des praticiens" pour évaluer les réserves latentes imposables lors de la transformation d'une entreprise individuelle en société anonyme. Elle a fait application de cette méthode en l'occurrence pour évaluer la valeur de la raison individuelle au moment de sa cession, même s'il ne s'agissait pas d'une situation de transformation.
Elle a retenu, en premier lieu, que la cession de l'entreprise individuelle ne pouvait pas être considérée comme un transfert entre tiers indépendants au vu des liens entre le titulaire de l'entreprise individuelle et les actionnaires de la nouvelle société. En effet, le recourant avait non seulement des liens avec son fils, mais également avec les trois autres actionnaires puisqu'il les avait précisément choisis en raison de leur fonction en tant que cadres dans son entreprise individuelle, afin d'assurer la pérennité des activités de celle-ci. D'ailleurs, le recourant avait admis que la méthode des praticiens avait été utilisée lors de la vente de ses propres actions de la société à ses deux fils (convention du 16 janvier 2017), précisément en raison de leurs liens familiaux.
En second lieu, le recourant supportait le fardeau de la preuve de ses allégations notamment en lien avec la méthode dite des multiples de l'EBITDA (" Earnings before interest, taxes, depreciation and amortization", soit le bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) qui aurait été employée à l'occasion la vente du xx.xx.2014 pour déterminer la valeur vénale de l'entreprise individuelle. Il n'avait cependant pas été en mesure de fournir les éléments nécessaires et avait reconnu lui-même, dans ce contexte, la difficulté de disposer des données de comparaison en la matière; il s'était contenté de produire une étude, sans en détailler les chiffres par rapport à sa propre situation. Par ailleurs, la convention de financement de la banque n'était pas davantage de nature à apporter des précisions à ce sujet: le montant du prêt accordé ne permettait pas de déterminer de quelle manière le prix de vente de l'entreprise individuelle avait été fixé et il n'était fait aucune mention de la condition selon laquelle la banque exigeait que le recourant demeurât durant cinq ans au sein de la société. À cet égard, il ressortait de la convention du 16 janvier 2017 que le recourant n'avait vendu que 2'500 de ses 3'000 actions de la société à ses fils, de sorte qu'il avait conservé lui-même 10% du capital-actions. À l'aune de l'ensemble de ces circonstances, l'intimée n'avait pas d'autre alternative que de recourir à la "méthode des praticiens", telle que préconisée par la circulaire n° 28 (dont l'application devait être faite par analogie).
5.
5.1. Dans un premier grief d'ordre formel, les recourants se plaignent d'une violation de leur droit d'être entendus, motif pris que la juridiction cantonale aurait écarté à tort leur demande de mise en oeuvre d'une expertise judiciaire, qui serait nécessaire selon eux pour déterminer "si la méthode des praticiens est régulièrement utilisée dans le cadre de transactions" dans des situations similaires et si cette méthode "avait été correctement appliquée" par l'intimée.
5.2. La Cour de justice a motivé son refus de mettre en oeuvre l'expertise requise au motif que les recourants avaient pu se déterminer à plusieurs reprises dans le cadre de la présente procédure, ainsi que produire tous les documents utiles afin de prouver la méthode qu'ils avaient employée pour déterminer la valeur vénale de l'entreprise en raison individuelle cédée. Par ailleurs, l'intimée avait pu faire valoir ses arguments sur ces aspects. Partant, l'audition d'un expert dans le but visé par les recourants n'apparaissait pas pertinente en l'espèce, dès lors que la cour cantonale disposait d'un dossier complet, comportant toutes les informations nécessaires à la résolution des questions litigieuses.
5.3. On rappellera que le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment pour les justiciables le droit d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (cf. ATF 142 II 28 consid. 2.3).
En application de ces principes, il convient d'emblée d'écarter l'argumentation dont se prévalent les recourants à l'appui de leur requête de mise en oeuvre d'une expertise judiciaire; ceux-ci se limitent en effet à alléguer que l'expertise requise "aurait pu démontrer que la méthode des praticiens n'est pas régulièrement utilisée dans le cadre de transactions de ce type" et "qu'une telle conclusion aurait dû amener la [Cour de justice] à revoir son argumentation quant à l'application de cette méthode". Ils n'exposent toutefois pas concrètement en quoi le refus de mettre en oeuvre l'expertise litigieuse reposerait sur une appréciation anticipée arbitraire des preuves par la juridiction cantonale. Au demeurant, la juridiction cantonale pouvait renoncer à ordonner une expertise, dès lors qu'elle avait retenu que les preuves administrées ("le dossier complet") lui avaient permis de former sa conviction et qu'en les appréciant - sans arbitraire - de manière anticipée, elle avait acquis la certitude qu'une expertise judiciaire ne pouvait l'amener à modifier son opinion. Le grief est dès lors mal fondé.
6.
6.1. En matière d'IFD, l'art. 16 al. 1 LIFD prévoit que l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques.
Selon l'art. 18 al. 2 LIFD, "tous les bénéfices en capital provenant de l'aliénation, de la réalisation ou de la réévaluation comptable d'éléments de la fortune commerciale font partie du produit de l'activité lucrative indépendante. Le transfert d'éléments de la fortune commerciale dans la fortune privée ou dans une entreprise ou un établissement stable sis à l'étranger est assimilé à une aliénation. La fortune commerciale comprend tous les éléments de fortune qui servent, entièrement ou de manière prépondérante, à l'exercice de l'activité lucrative indépendante; il en va de même pour les participations d'au moins 20 % au capital-actions ou au capital social d'une société de capitaux ou d'une société coopérative, dans la mesure où le détenteur les déclare comme fortune commerciale au moment de leur acquisition. L'art. 18b est réservé".
Aux termes de l'art. 37b al. 1 LIFD, "le total des réserves latentes réalisées au cours des deux derniers exercices commerciaux est imposable séparément des autres revenus si le contribuable âgé de 55 ans révolus cesse définitivement d'exercer son activité lucrative indépendante ou s'il est incapable de poursuivre cette activité pour cause d'invalidité. Les rachats au sens de l'art. 33, al. 1, let. d sont déductibles. Si un tel rachat n'est pas effectué, l'impôt est calculé, sur la base de taux représentant le cinquième des barèmes inscrits à l'art. 36, sur la part des réserves latentes réalisées correspondant au montant dont le contribuable prouve l'admissibilité comme rachat au sens de l'art. 33, al. 1, let. d. Sur le solde des réserves latentes réalisées, seul un cinquième de ce montant est déterminant pour la fixation du taux applicable, mais au moins au taux de 2 %".
6.2. Il convient de rappeler également certains principes de la circulaire n° 28, que la Cour de justice a appliqués par analogie à la situation des recourants.
6.2.1. S'agissant de l'évaluation de participations dans des sociétés non cotées, le Tribunal fédéral se réfère et applique la circulaire n° 28 non seulement pour l'impôt sur la fortune, mais également lorsqu'il s'agit de procéder à l'estimation de la valeur vénale de titres non cotés dans le contexte de l'impôt sur le bénéfice et de l'impôt sur le revenu (arrêts 2C_132/2020 du 26 novembre 2020 consid. 8.1.2, non publié in ATF 147 II 155; 2C_954/2020 du 26 juillet 2021 consid. 5.3).
La circulaire n° 28 (précisée par les commentaires) concerne un domaine où les cantons jouissent d'un large pouvoir d'appréciation. La jurisprudence a souligné que ladite circulaire poursuivait un but d'harmonisation fiscale horizontale et concrétisait ainsi l'art. 14 al. 1 LHID. En tant que directive, ladite circulaire ne constitue certes pas du droit fédéral ou intercantonal, ne crée aucun droit ni aucune obligation et ne lie donc pas le juge. La circulaire n° 28 est toutefois reconnue, de jurisprudence constante, comme présentant une méthode adéquate et fiable pour l'estimation de la valeur vénale des titres non cotés, même s'il n'est pas exclu que d'autres méthodes d'évaluation reconnues puissent, isolément, s'avérer appropriées (arrêts 2C_132/2020 du 26 novembre 2020 consid. 8.1.2, non publié in ATF 147 II 155; 2C_954/2020 du 26 juillet 2021 consid. 5.3).
6.2.2. La circulaire n° 28 prévoit que la méthode d'estimation générale des titres non cotés des sociétés commerciales, industrielles et de services, dans la mesure où ils n'ont jamais été transférés, s'effectue par la moyenne pondérée entre la valeur de rendement doublée et la valeur intrinsèque déterminée selon le principe de la continuation (circulaire n° 28, chap. A/2, ch. 4 et chap. B/3.2, ch. 34 de l'édition du 28 août 2008). Cette méthode est généralement appelée "méthode des praticiens" (arrêts 2C_132/2020 du 26 novembre 2020 consid. 8.1.3, non publié in ATF 147 II 155; 2C_954/2020 du 26 juillet 2021 consid. 5.4). Elle a déjà été admise pour calculer la valeur d'une entreprise et de son goodwill (arrêt 2C_532/2021 du 9 mai 2022 consid. 7.7.2 et la référence).
En revanche, pour les titres qui ont fait l'objet d'un transfert substantiel entre tiers indépendants, la valeur vénale correspond généralement au prix d'acquisition (circulaire n° 28 chap. A/2, ch. 5). Le prix obtenu lors d'un tel transfert n'est toutefois à prendre en considération que s'il permet de déterminer une valeur vénale représentative et plausible de la société, situation qui doit être examinée selon l'ensemble des circonstances (circulaire n° 28 chap. A/2, ch. 5 et commentaires 2016 et 2017 de la circulaire, p. 4). Si tel est le cas, la jurisprudence a précisé que la détermination par le biais de la méthode dite "des praticiens" n'a pas lieu d'être (arrêts 2C_132/2020 du 26 novembre 2020 consid. 8.1.3, non publié in ATF 147 II 155; 2C_954/2020 du 26 juillet 2021 consid. 5.4).
7.
Invoquant une violation des art. 16 al. 1 et 37b LIFD , les recourants soutiennent que le prix de cession de l'exploitation de l'entreprise individuelle de 4'250'000 fr., soit le prix qu'ils ont effectivement reçu, serait déterminant pour fixer le bénéfice de liquidation. Ils font avant tout valoir que la transaction a été effectuée entre tiers indépendants et qu'en application (par analogie) de la circulaire n° 28, ce prix de cession calculé en fonction d'un multiple de cinq fois l'EBIDTA était plausible et représentatif, de sorte qu'il devait être pris en considération pour la fixation de la valeur vénale de la raison individuelle sur le plan fiscal.
Les recourants soutiennent par ailleurs que, si par impossible l'évaluation basée sur la transaction entre tiers ne devait pas être retenue (ni donc le prix effectivement perçu) et que la "méthode des praticiens" devait être utilisée, il conviendrait en application par analogie de la circulaire n° 28 de procéder à deux déductions supplémentaires dans le contexte de la détermination du bénéfice moyen de l'entreprise individuelle, soit: les cotisations sociales de l'employeur au taux de 12 % du salaire annuel brut à savoir 82'200 fr. et le montant des impôts directs à hauteur de 340'451 fr.
8.
8.1. Au sujet de la condition d'un transfert entre tiers indépendant, les recourants ne démontrent pas que les constatations et l'appréciation des juges précédents sur cet aspect seraient insoutenables. Ces derniers ont retenu que la vente de l'entreprise individuelle du père à son fils, ainsi qu'à des membres du conseil d'administration ne pouvait pas être considérée comme un tel transfert en raison des liens (personnels) entretenus entre le père et son fils d'une part, et des relations d'affaires qui liaient le recourant aux autres "actionnaires" qu'il avait précisément choisis en raison de leur fonction en tant que cadres de son entreprise individuelle, afin d'assurer la pérennité des activités de celle-ci d'autres part.
Il est vrai, ainsi que le font valoir les recourants, que la transaction en cause ne s'est pas faite (directement) entre actionnaires contrairement à ce que semble avoir retenu la Cour de justice. Toutefois, lorsque le contribuable se prévaut, comme en l'espèce, d'un transfert entre tiers indépendants, c'est au regard de toutes les circonstances pouvant influencer la libre formation des prix que doit être examiné si le prix justifié sur le plan fiscal est un véritable prix du marché (cf. arrêt 2C_953/2019 du 14 avril 2020 consid. 5.2). Or les recourants se limitent en instance fédérale à opposer leur propre appréciation à celle de la cour cantonale, en alléguant qu'"il peut cependant être présumé que le père ne vendrait pas à un prix surfait les actions à son fils qui travaille déjà dans l'entreprise" et que "l'on ne saurait conclure de manière purement théorique et formelle à une dépendance, en raison d'un lien de filiation et de relations de travail". Il en va de même de leur argumentation selon laquelle la volonté de maintenir l'activité de la raison individuelle et la pérennité de l'entreprise avait motivé le choix des repreneurs, sans quel cela n'empêchât la "recherche d'un prix négocié". Contrairement à ce que prétendent les recourants, la transaction ayant abouti au transfert de la raison individuelle à l'un des fils du propriétaire et à des cadres ayant travaillé dans celle-ci ne constitue pas "des circonstances tout à fait ordinaires" et une transaction "entre tiers absolus [...] dont les intérêts économiques sont divergents". La conclusion selon laquelle il ne s'agissait pas en l'occurrence d'une transaction entre tiers indépendants s'impose d'autant plus que, comme le relèvent les recourants eux-mêmes, "l'activité (...) est marginale à l'échelle de la Suisse", ce qui a pour conséquence que le "marché est donc restreint et la demande aussi, expliquant le choix de vente à [...] des cadres de l'entreprise".
Par ailleurs, les recourants ne remettent pas en cause les constatations de la Cour de justice selon lesquelles, à l'occasion de la signature de la convention du 16 janvier 2017, le père avait vendu certaines de ses actions à ses fils et que la méthode des praticiens avait été utilisée "précisément en raison des liens familiaux". À cela s'ajoute que le raisonnement de l'instance précédente selon lequel la convention de financement de la banque et le montant du prêt accordé ne constituaient pas des éléments propres à déterminer de quelle manière le prix de vente de la raison individuelle avait été déterminé échappe à toute critique. On ne saurait suivre les recourants lorsqu'ils allèguent de manière générale que le prêt maximum de 2'000'000 fr. octroyé "correspond[rait] au standard de la banque, le prêt bancaire ne pouvant excéder 60 % de la valeur de l'entité reprise", ce qui démontrerait la conformité du prix de cession convenu au prix du marché.
8.2. Dans ces circonstances, les juges cantonaux ont à raison tenu pour pertinents les liens qui unissaient le recourant avec son fils et les cadres de l'ancienne raison individuelle, pour en conclure que ladite transaction n'avait pas été effectuée entre tiers indépendants. Puisque la condition d'un transfert entre tiers indépendants faisait défaut, ils pouvaient en conclure que le prix de 4'250'000 fr. n'était pas déterminant. Il s'ensuit que l'autre pan de l'argumentation des recourants, relatif au caractère substantiel de la transaction et au caractère plausible et représentatif du prix de vente n'a pas à être examiné, puisque l'une des conditions pour admettre que le prix d'acquisition représente la valeur vénale fait déjà défaut (cf. circulaire n° 28 chap. A/2, ch. 5; consid. 6.2.2 supra).
En définitive, en l'absence d'une transaction entre tiers indépendants, le fait pour les juges cantonaux d'avoir confirmé l'application par analogie de la circulaire n° 28, ainsi que la "méthode des praticiens" à la présente situation n'est ni insoutenable, ni contraire au droit fédéral (cf. arrêt 2C_532/2021 du 9 mai 2022 consid. 7.4).
9.
II convient ensuite d'examiner les griefs spécifiques du recourant relatifs à l'application concrète de cette méthode à sa situation.
9.1. Selon le chapitre B/3.1 ch. 32 de la circulaire n° 28, "pour les sociétés qui, juridiquement parlant, viennent d'être fondées, mais qui reprennent en fait l'activité d'une raison individuelle ou d'une société de personnes et n'ont que changé de forme juridique, les règles d'estimation selon les chiffres 34 ss sont applicables par analogie. Il convient de tenir compte des éventuelles réserves latentes sur les apports".
Au sujet de cette disposition, le commentaire précise ce qui suit: "Pour déterminer le résultat annuel (n-1), il faut tabler sur le bénéfice/la perte correspondants (éventuellement sur une moyenne de plusieurs périodes antérieures) de la raison individuelle ou de la société de personnes (bénéfice/perte, salaires, parts d'intérêts); ce facteur doit être réduit du montant de la rémunération du chef d'entreprise (n), ainsi que - si le résultat annuel ainsi rectifié est positif - de la charge fiscale déductible par la société de capital, charge chiffrée à 30 %" (commentaire 2014 du chapitre B/3.2 ch. 2 de la circulaire n° 28).
9.2.
9.2.1. À titre liminaire, contrairement à ce que prétend l'intimée, les recourants ne sollicitent en instance fédérale que la prise en compte des cotisations sociales d'un montant de 82'200 fr., ainsi que la déduction des impôts directs à hauteur 340'451 fr. dans le cadre du calcul du bénéfice moyen de l'entreprise; ils ne demandent en effet pas la déduction d'un salaire annuel net de 685'000 fr. de ce bénéfice moyen.
9.2.2. Cela étant, les recourants ne sauraient être suivis lorsqu'ils allèguent que les éléments dont ils demandent la prise en compte seraient nécessaires pour "replacer la raison individuelle dans la situation la plus comparable possible à une société de capitaux afin de ne pas tomber dans l'application arbitraire des règles d'évaluation", ce qui nécessiterait selon eux de "retraiter lourdement les comptes de la raison individuelle". On rappellera en effet que la Cour de justice n'a pas validé l'utilisation par analogie de la "méthode des praticiens" pour procéder à l'estimation des titres d'une société nouvellement créée, qui aurait repris l'activité d'une raison individuelle, mais uniquement afin - comme le relèvent du reste les recourants - d'estimer la valeur vénale de la raison individuelle. L'intimée fait donc valoir à bon droit que la valorisation de l'exploitation de la raison individuelle doit être effectuée "pour elle-même" et qu'il n'est pas question, en l'occurrence, d'estimer la valeur des actions de la société de capitaux E.________ SA. Dans cette mesure, il ne s'agit donc pas de comparer raisonnablement les états financiers de la raison individuelle avec ceux d'une société de capitaux.
9.2.3. Puisque la méthodologie utilisée par la Cour de justice avait pour but de valoriser la raison individuelle, il n'existe aucun motif de tenir compte de la charge fiscale liée aux impôts directs pour calculer le bénéfice moyen de l'entreprise, comme le voudraient les recourants. On rappellera à cet égard que, contrairement à l'art. 59 al. 1 let. a LIFD (qui prévoit que pour les personnes morales, les impôts fédéraux, cantonaux et communaux constituent des charges justifiées par l'usage commercial), la déductibilité de telles charges fiscales n'est pas prévue par la loi dans le contexte de l'exercice d'une activité indépendante. Il ne se justifie donc pas, pour estimer la valeur de la raison individuelle en cause, de prendre en considération la charge fiscale de 340'451 fr.
9.2.4. Par ailleurs, s'agissant des charges sociales revendiquées par les recourants en lien avec le "montant de la rémunération du chef d'entreprise" (cf. consid. 9.2.1 supra), soit 12 % de 685'000 fr., il ne se justifie pas non plus d'en tenir compte dans la présente constellation. En effet, on rappelle que l'utilisation de la méthode des praticiens n'a pas, dans le cas d'espèce, pour but de "retraiter" la comptabilité de la raison individuelle afin qu'elle puisse être comparable à celle d'une société de capitaux pour valoriser les actions de cette dernière, mais bien d'estimer la valeur de l'entreprise individuelle pour elle-même. Comme le relève l'intimée, il s'ensuit qu'elle n'aurait pas dû prendre en compte un salaire de 685'000 fr., (qu'elle avait calculé à l'aide de la "méthode des salaires excessifs"), puisque cette opération n'avait de sens que pour pouvoir comparer raisonnablement les états financiers d'une raison individuelle et d'une société anonyme. Partant, quoi qu'en disent les recourants, la Cour de justice n'est pas tombée dans une application arbitraire de la circulaire n° 28 en ayant refusé la prise en compte des charges sociales à hauteur de 12 % du salaire annuel brut, vu le lien intrinsèque existant entre ce salaire de 685'000 fr. (qui n'aurait pas dû être inclus dans le calcul du bénéfice net moyen) et les charges sociales, que les recourants estiment à 12 % de ce salaire.
9.2.5. Le résultat auquel est parvenu la Cour de justice n'est donc pas contraire au droit fédéral. Le recours en matière d'IFD est dès lors privé de fondement.
10.
En ce qui concerne les impôts cantonaux et communaux, les art. 17, 19 al. 1 et 2 et 44a al. 1 de loi genevoise du 27 septembre 2009 sur l'imposition des personnes physiques (LIPP; rs/GE D 3 08), qui sont conformes aux art. 7 al. 1, 8 al. 1 et 11 al. 5 LHID, ont une teneur similaire aux art. 16 al. 1, 18 al. 1 et 2 et 37b al. 1 LIFD. Partant, les considérants développés en matière d'impôt fédéral direct s'appliquent
mutatis mutandis aux ICC de la période fiscale sous revue. Le recours en matière d'ICC se révèle donc également privé de fondement.
11.
Succombant, les recourants doivent supporter les frais judiciaires, solidairement entre eux ( art. 66 al. 1 et 4 LTF ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens ( art. 68 al. 1 et 3 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté, en tant qu'il concerne l'IFD de la période fiscale 2014.
2.
Le recours est rejeté, en tant qu'il concerne les ICC de la période fiscale 2014.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 4ème section, et à l'Administration fédérale des contributions.
Lucerne, le 8 avril 2025
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Moser-Szeless
Le Greffier : Bürgisser