Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_497/2023
Arrêt du 9 avril 2024
IIIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président,
Moser-Szeless et Beusch.
Greffier : M. Feller.
Participants à la procédure
A.________ SA,
représentée par M e Fabrice Coluccia, avocat,
recourante,
contre
Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières, Domaine de direction Poursuite pénale, Taubenstrasse 16, 3003 Berne,
intimé.
Objet
Droits de douane et TVA sur les importations, périodes fiscales 2018-2019 (assujettissement [impôt]; perception subséquente),
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 13 juin 2023 (A-5044/2021).
Faits :
A.
A.a. A.________ SA (ci-après: la Société), sise à U.________, a notamment pour but l'exploitation et la gestion d'établissements dans le domaine de la restauration, ainsi que l'importation, l'exportation, le commerce de biens de consommation et de produits et de matériel s'y rapportant. B.B.________, directeur de la Société, est au bénéfice de la signature individuelle. C.B.________, fils du directeur, dispose de la signature collective à deux.
A.b. Lors de deux contrôles d'un véhicule conduit par E.________ effectués dans le canton de U.________ les 3 et 29 janvier 2019, une patrouille du Corps des gardes-frontière a découvert plusieurs centaines de kilogrammes bruts de produits carnés, importés sans annonce en Suisse. Par la suite, la Division F.________ douanière, Section G.________, de l'Administration fédérale des douanes a ouvert une enquête pénale administrative au cours de laquelle elle a découvert que E.________ était employé par H.________ Sàrl, dont l'associé gérant président est I.________, qui avait notamment vendu des produits carnés à la Société. Cette dernière ainsi que sa fiduciaire ont été perquisitionnées le 13 février 2019. Au cours de la perquisition, plusieurs factures établies par H.________ Sàrl, dont le destinataire était la Société, ont notamment été trouvées. Le même jour, un rapport d'enquête a été établi par les inspecteurs de l'autorité douanière et signé par ces derniers, par le directeur B.B.________ et son fils D.B.________.
A.c. Par décision de perception subséquente du 19 octobre 2021, l'Administration fédérale des douanes (devenue entre-temps l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières [ci-après: l'OFDF]) a assujetti la Société aux redevances douanières et a fixé le montant de la perception subséquente à 78'966 fr. 30 (correspondant à 71'219 fr. 75 de droits de douane, à 2'153 fr. 90 de taxe sur la valeur ajoutée sur les importations [ci-après: TVA sur les importations] et à 5'592 fr. 65 d'intérêts moratoires). Le dispositif de la décision précisait que E.________, H.________ Sàrl et la Société étaient solidairement responsables (à hauteur respectivement du montant de 78'966 fr. 30). La décision était assortie d'un tableau récapitulant la date et le numéro des factures, le nom de l'émetteur de la facture, la désignation des marchandises, ainsi que les quantités et les montants des produits carnés livrés à la Société entre le 25 avril 2018 et le 5 janvier 2019.
B.
Par arrêt du 13 juin 2023, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours de la Société contre cette décision.
C.
La Société interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt. Elle demande à titre préalable l'octroi de l'effet suspensif à son recours. Elle conclut principalement à la réforme de l'arrêt du 13 juin 2023 en ce sens que la décision de perception subséquente de l'OFDF du 19 octobre 2021 est annulée. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt et au renvoi de la cause aux juges précédents, voire à l'OFDF, pour nouvelle décision au sens des considérants.
L'OFDF a conclu au rejet du recours. La Société s'est déterminée sur la réponse de l'OFDF, qui s'est prononcé à son tour. La Société a encore déposé des observations.
Considérant en droit :
1.
1.1. L'arrêt entrepris constitue une décision finale (art. 90 LTF), rendue par le Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) ne tombant pas sous le coup de l'une des exceptions prévues à l'art. 83 LTF. Le litige concerne l'assujettissement aux droits de douane et à la TVA sur les importations, respectivement la qualité de débiteur de la dette douanière (cf. art. 70 de la loi fédérale du 18 mars 2005 sur les douanes [LD; RS 631.0]; art. 51 de la loi fédérale du 12 juin 2009 régissant la taxe sur la valeur ajoutée [Loi sur la TVA; LTVA; RS 641.20]).
Au surplus, le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF) par le recourant, qui a qualité pour recourir (cf. art. 89 al. 1 LTF). Il convient donc d'entrer en matière sur le recours.
1.2. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Toutefois, conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, il ne connaît de la violation des droits fondamentaux que si le grief a été invoqué et motivé de manière claire et détaillée (cf. ATF 142 I 99 consid. 1.7.2; 141 I 36 consid. 1.3).
1.3. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3). La partie recourante ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 147 I 73 consid. 2.1; 145 V 188 consid. 2; 142 II 355 consid. 6).
2.
Le litige porte sur la perception subséquente des droits de douane et de la TVA sur les importations au sens des art. 70 al. 2 LD et 51 al. 1 LTVA. En particulier, il convient de déterminer si c'est à bon droit que le Tribunal administratif fédéral a confirmé que la recourante était débitrice (solidaire) des redevances douanières relatives à la période du 25 avril 2018 au 5 janvier 2019 pour un montant total de 78'966 fr. 30.
3.
3.1. L'art. 12 al. 1 let. a de la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA; RS 313.0), qui constitue une norme permettant de procéder à un rappel d'impôt ou d'une contribution (cf. arrêt 2A.453/2002 du 6 décembre 2002 consid. 4.1), prévoit que lorsque, à la suite d'une infraction à la législation administrative fédérale, c'est à tort qu'une contribution n'est pas perçue, la contribution non réclamée ainsi que les intérêts seront perçus après coup, alors même qu'aucune personne déterminée n'est punissable. Aux termes de l'art. 12 al. 2 DPA, "est assujetti à la prestation ou à la restitution celui qui a obtenu la jouissance de l'avantage illicite, en particulier celui qui est tenu au paiement de la contribution ou celui qui a reçu l'allocation ou le subside". Selon la jurisprudence, l'assujettissement à la prestation ne dépend pas de l'existence d'une faute ou, à plus forte raison, d'une poursuite pénale. Il suffit que l'avantage illicite procuré par l'absence de perception de la contribution trouve sa source dans une violation objective de la législation administrative fédérale (ATF 149 II 129 consid. 3.6; 129 II 160 consid. 3.2). Peu importe à cet égard que la personne assujettie n'ait rien su de l'infraction (arrêt 9C_278/2023 du 14 février 2024 consid. 4.2 et les références). Le Tribunal fédéral a également jugé que le seul fait d'être économiquement avantagé par le non-versement de la redevance en cause constituait un avantage illicite au sens de l'art. 12 al. 2 DPA. Cet avantage peut soit résulter d'une augmentation des actifs, soit d'une diminution des passifs (ATF 110 Ib 306 consid. 2c; arrêt 9C_278/2023 du 14 février 2024 consid. 4.2 et les références; Oesterhelt/Fracheboud, in Commentaire bâlois, Verwaltungsstrafrecht, 2020, n° 19 ad art. 12 DPA; Michael Beusch, in Zollgesetz [ZG], 2009, n° 12 ad art. 70 LD).
3.2. Selon l'art. 70 al. 2 LD, est débiteur de la dette douanière la personne qui conduit ou fait conduire les marchandises à travers la frontière douanière (let. a), la personne assujettie à l'obligation de déclarer ou son mandataire (let. b), et la personne pour le compte de laquelle les marchandises sont importées ou exportées (let. c). L'art. 51 al. 1 LTVA dispose que quiconque est débiteur de la dette douanière en vertu de l' art. 70 al. 2 et 3 LD est assujetti à l'impôt sur les importations. Les personnes débitrices de la dette douanière répondent solidairement de la contribution non perçue; elles demeurent débitrices de la dette douanière même lorsqu'elles n'ont pas profité personnellement de l'infraction (cf. arrêt 2C_912/2015 du 20 septembre 2016 consid. 5.2 et les références). Si l'art. 70 al. 2 LD ne recourt certes plus formellement à la notion de "mandant", expressément consacrée à l'art. 9 al. 1 aLD, il n'en demeure pas moins que la nouvelle formulation, qui fait référence à la personne qui "fait introduire des marchandises dans le territoire douanier" (art. 21 al. 1 LD, en relation avec les art. 26 let. a et 70 al. 2 let. a LD), correspond matériellement à la définition large qui en a été donnée sous l'empire de l'aLD, ce que corrobore du reste l'art. 75 let. f de l'ordonnance fédérale du 1
er novembre 2006 sur les douanes (OD; RS 631.01). La jurisprudence développée sur la notion de mandant du droit douanier lui est ainsi applicable (cf. ATF 135 IV 217 consid. 2.1; arrêt 2C_912/2015 du 20 septembre 2016 consid. 5.2 et les références).
3.3. Selon la jurisprudence, la personne qui "fait introduire des marchandises dans le territoire douanier" (art. 21 al. 1 LD, en relation avec les art. 26 let. a et 70 al. 2 let. a LD) désigne toute personne qui recourt à un tiers pour faire passer la frontière à une marchandise. Il ne s'agit pas seulement de la personne qui conclut avec ce tiers un contrat de transport au sens du droit civil, mais plus généralement de celle qui est en fait à l'origine de l'importation, qui l'a provoquée ("veranlasst"; arrêts 2C_912/2015 du 20 septembre 2016 consid. 5.3; 2C_747/2009 du 8 avril 2010 consid. 4.2 et les références; cf. également arrêts 2C_201/2013 du 24 janvier 2014 consid. 6.7.2, non publié in ATF 140 II 194, mais, par extraits, in Archives 83 p. 175; 2C_363/2010, 2C_405/2010 et 2C_406/2010 du 6 octobre 2010 consid. 5.1, in RDAF 2011 II 91; 2A.82/2005 du 23 août 2005 consid. 2.1.2; tous avec les références citées). En conséquence, lorsqu'une marchandise est importée en Suisse sans commande préalable, a qualité de mandant celui qui a manifesté sa prédisposition générale ("generelle Bereitschaft") à accepter une telle marchandise puisque, par cette prédisposition précisément, il provoque l'importation (cf. arrêt 2C_912/2015 du 20 septembre 2016 consid. 5.3 et la référence; Lysandre Papadopoulos, Notion de débiteur de la dette douanière: fer de lance de l'Administration des douanes, in Revue douanière 1/2018, p. 30 ss).
4.
4.1. Le Tribunal administratif fédéral a confirmé que la recourante avait bénéficié d'un avantage illicite au sens de l'art. 12 al. 2 DPA (présomption légale irréfragable), dans la mesure où elle disposait de la qualité d'assujettie à la dette douanière au sens de l'art. 70 al. 2 LD. Les premiers juges ont considéré, en particulier, que la recourante était destinataire des produits carnés non dédouanés et commandés auprès de la société H.________ Sàrl (et livrés par E.________). En se fondant sur plusieurs éléments (les premières déclarations de B.B.________ figurant dans le rapport d'enquête du 13 février 2019, le "certificat halal", les déclarations de E.________), ils ont aussi constaté que la recourante ne pouvait pas ignorer la provenance étrangère de la viande ni qu'il s'agissait de viande fraîche. Les juges précédents ont également retenu que le prix/kg appliqué par E.________ - pour les produits carnés commandés et prétendument moins chers que ceux de la concurrence - n'était pas décisif, la recourante étant ipso facto considérée comme ayant joui d'un avantage illicite. De même, la faute et le comportement découlant du fait d'un tiers ne jouaient pas de rôle pour qualifier la recourante de personne assujettie aux redevances douanières au sens de l'art. 70 al. 2 LD. A cet égard, le Tribunal administratif fédéral a précisé que même si la Société ignorait l'absence de déclaration en douane des produits carnés et qu'elle était de bonne foi, sa qualité de mandante était acquise au regard de la jurisprudence qui définit cette notion de manière large. En outre, sur la base des premières déclarations de la recourante lors de la perquisition du 13 février 2019, corroborées par plusieurs éléments au dossier, il a retenu qu'il avait été établi que la viande en cause (poitrine de veau fraîche) provenait de l'étranger.
4.2.
4.2.1. La recourante se plaint d'abord d'une constatation manifestement inexacte des faits et de la violation de son droit d'être entendue. Elle fait valoir, en substance, que les faits tels qu'établis par le Tribunal administratif fédéral devraient être corrigés, dès lors qu'ils seraient pertinents pour démontrer qu'elle n'avait bénéficié d'aucun avantage illicite au sens de l'art. 12 al. 2 DPA. A cet égard, elle soutient que les juges précédents se seraient fondés exclusivement sur le procès-verbal figurant dans le rapport d'enquête du 13 février 2019 alors qu'ils auraient omis de constater que B.B.________ (père) ne maîtrisait pas le français et que son fils, D.B.________ n'exerçait aucune fonction dirigeante dans la Société. C'est C.B.________ (fils) qui serait l'exploitant de la Société, de sorte qu'il aurait été la seule personne en mesure de renseigner l'autorité douanière, notamment au cours de la perquisition du 13 février 2019. Les premiers juges auraient également omis de constater que les factures émises par H.________ Sàrl, sur la base desquelles les redevances douanières ont été fixées, étaient conformes aux exigences légales en matière d'établissement de factures (TVA). La recourante fait encore valoir qu'elle n'avait jamais acheté de viande halal et que le prix moyen de la poitrine de veau avait été de 11 fr. 50/kg. Ces éléments permettaient, selon elle, de démontrer qu'elle n'avait obtenu aucun avantage illicite. L'OFDF n'aurait par ailleurs mené aucune instruction pour déterminer quelle sorte de viande aurait été acquise (poitrine de veau avec ou sans os). La recourante soutient également qu'aucun fait n'avait été établi depuis la perquisition du 13 février 2019, alors que C.B.________ avait demandé son audition à plusieurs reprises par l'autorité douanière. Le refus de procéder à cette audition ainsi qu'à celle du père du prénommé constituerait en outre une violation du droit d'être entendue de la recourante. Elle se plaint encore de diverses violations relatives au contenu du procès- verbal (notamment l'art. 38 al. 4 DPA), à la garantie découlant de l'art. 6 CEDH.
4.2.2. La recourante se plaint ensuite de la mauvaise application de la notion de mandant - au sens de l'art. 70 al. 2 LD -, dans la mesure où la reconnaissance de la qualité de débitrice douanière de la Société serait excessive. Elle soutient à cet égard que rien dans le dossier ne permettrait de démontrer qu'elle aurait provoqué l'importation des produits carnés, dès lors qu'elle aurait été démarchée par H.________ Sàrl et qu'elle n'aurait ainsi adopté aucun comportement actif. En outre, la légalité des factures, le siège de la société livreuse situé en Suisse, les prix conformes au marché ainsi que les plaques suisses du fourgon avec lequel les produits carnés ont été livrés ne permettraient pas de retenir que la recourante était prédisposée à acheter de la marchandise importée. Elle fait valoir qu'elle n'aurait pas pu se douter de la provenance étrangère de la viande non dédouanée, dès lors qu'elle a acquis la marchandise auprès d'un fournisseur local, soit H.________ Sàrl.
5.
5.1. Il convient de traiter d'abord le grief formel tiré de la violation du droit d'être entendue de la recourante. La jurisprudence a notamment déduit du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. le droit pour le justiciable de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision (ATF 142 II 218 consid. 2.3; arrêt 2C_993/2021 du 6 octobre 2022 consid. 4.1 et la référence). Le droit de faire administrer des preuves suppose que le fait à prouver soit pertinent, que le moyen de preuve proposé soit nécessaire pour constater ce fait et que la demande soit présentée selon les formes et délais prescrits (cf. ATF 134 I 140 consid. 5.3; arrêt 2C_498/2020 du 14 janvier 2021 consid. 4.1). Cette garantie constitutionnelle n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1; 2C_993/2021 du 6 octobre 2022 consid. 4.1 et la référence).
5.2. En premier lieu, on ne voit pas ce que l'audition de C.B.________ apporterait de plus quant aux éléments déterminants pour le cas d'espèce. En effet, tant la quantité que le prix des produits carnés ayant permis de déterminer les redevances douanières - montant par ailleurs non contesté par la recourante - ont été établis sur la base de factures figurant dans le récapitulatif annexé à la décision de perception subséquente. La provenance étrangère desdits produits ne peut pas non plus être remise en question par l'audition de C.B.________, puisque le Tribunal administratif fédéral a retenu que la recourante ne pouvait pas ignorer cette provenance, en se fondant sur les déclarations de B.B.________ (père), sur un certificat halal établi par une société néerlandaise et remis aux enquêteurs lors de la perquisition de la Société - même si la recourante n'avait jamais commandé de produit halal -, sur les contrôles du véhicule conduit par E.________ en 2019 par les douaniers, ainsi que sur les déclarations de celui-ci. Il ne suffit pas à la recourante d'affirmer qu'en tant qu'exploitant, C.B.________ (fils) aurait été le seul en mesure d'expliquer précisément les faits de la cause pour démontrer que son audition aurait été indispensable. Son père, en tant que directeur de la Société au bénéfice de la signature individuelle, tel que cela ressort de l'extrait du registre du commerce, était légitimé à représenter la Société, en particulier lors de la perquisition du 13 février 2019 dont il a signé le rapport d'enquête, comme l'a constaté le Tribunal administratif fédéral. C'est donc sans arbitraire que celui-ci a retenu que le contenu dudit rapport ne pouvait être remis en cause en raison d'une prétendue mauvaise maîtrise du français par B.B.________ (père), d'autant plus que ce rapport a été cosigné par une deuxième personne - D.B.________ - francophone. Il n'est pas déterminant à cet égard que ce dernier n'occupait aucune fonction au sein de la Société, comme le prétend la recourante, puisqu'il disposait, selon les constatations du Tribunal administratif fédéral, de certaines informations sur le fonctionnement de la Société.
En second lieu, s'agissant d'une procédure de nature administrative (fiscale), ni C.B.________ ni la recourante ne disposent d'un droit à être entendus oralement (cf. ATF 140 I 68 consid. 9.6.1), ce d'autant plus que cette dernière a eu accès à toutes les pièces du dossier et a pu se prononcer sur celles-ci. Les premiers juges pouvaient donc renoncer à procéder à l'audition de C.B.________ (fils), dès lors les preuves administrées leur ont permis de former leur conviction et qu'en les appréciant de manière anticipée, ils avaient acquis la certitude que cette audition ne pouvait les amener à modifier leur opinion. Au demeurant, même si C.B.________ n'a pas été auditionné par l'OFDF alors qu'il l'aurait sollicité à plusieurs reprises, la recourante n'a pas invoqué dans ses contacts avec l'OFDF que le contenu du rapport d'enquête du 13 février 2019 aurait été erroné, comme le retient le Tribunal administratif fédéral. Par conséquent, le droit d'être entendue de la recourante n'a pas été violé.
5.3. S'agissant ensuite des critiques de la recourante dirigées contre le contenu du procès-verbal figurant dans le rapport d'enquête du 13 février 2019, elles sont dénuées de pertinences car elles relèvent exclusivement des dispositions du DPA. Or même si la présente procédure a pour objet une créance au titre de l'art. 12 DPA, il s'agit d'une procédure fiscale de nature administrative, de sorte que les principes du droit pénal ainsi que les garanties de l'art. 6 CEDH ne s'appliquent pas (cf. ATF 140 I 68 consid. 9.6; arrêt 9C_716/2022 du 15 décembre 2023 consid. 3.3, destiné à la publication; arrêt 9C_617/2022 du 29 juin 2023 consid. 4.3 et les références). Il est par ailleurs nullement question ici d'une quelconque infraction reprochée à la recourante, mais uniquement d'une procédure fiscale. L'assujettissement aux redevances douanières ne dépend pas de l'existence d'une faute ni, a fortiori, d'une poursuite pénale. Il suffit que l'avantage illicite procuré par l'absence de perception de la contribution trouve sa source dans une violation objective de la législation administrative fédérale (cf. consid. 3.1 supra).
6.
En ce qui concerne le grief relatif à la violation de l'art. 70 al. 2 LD en relation avec l'art. 12 al. 2 DPA et à l'établissement manifestement inexact des faits, on ne voit pas en quoi les différents éléments factuels invoqués par la recourante - les factures de H.________ Sàrl (qui seraient établies conformément à la loi), le prix/kg de la viande ainsi que le démarchage effectué par H.________ Sàrl - seraient pertinents pour exclure la qualité de débitrice de la dette douanière de la Société. Cette qualité se détermine en effet sur la base de la prédisposition générale ("generelle Bereitschaft"; cf. consid. 3.3 supra) à accepter des marchandises de provenance étrangère. C'est ainsi à juste titre que les premiers juges ont considéré que la recourante avait provoqué l'importation des produits carnés. En effet, même si la Société ignorait l'absence de déclaration en douane de ces produits, qu'elle pensait s'approvisionner auprès d'une société située en Suisse (H.________ Sàrl), dont les fourgons de livraisons sont immatriculés en Suisse, et que les prix appliqués auraient été conformes au marché, cela n'exclut pas sa qualité de mandante au regard de la jurisprudence qui définit cette notion de manière large (cf. consid. 3 supra; voir aussi arrêt 9C_262/2023 du 14 février 2024 consid. 5.1 concernant les prix du marché).
En tout état de cause, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la recourante devait, à tout le moins, connaître la provenance étrangère de la viande compte tenu des premières déclarations de B.B.________ figurant dans le rapport d'enquête du 13 février 2019, du certificat halal et des déclarations de E.________ ces éléments étant suffisants pour retenir sa prédisposition générale à accepter les marchandises importées. En effet, il suffit que la personne ait su ou ait dû savoir que la marchandise provenait de l'étranger (cf. arrêts 2A.608/2004 du 8 février 2005 consid. 4; 2A.580/2003 du 10 mai 2004 consid. 3.3.2). Par ailleurs, la recourante semble accorder une importance particulière au certificat halal, alors que les premiers juges l'ont apprécié comme un indice parmi d'autres pour retenir que la Société n'ignorait pas la provenance étrangère des produits carnés, même si elle n'avait pas elle-même commandé des produits halal. De plus, même si le prix appliqué pour la viande fraîche commandée par la recourante correspondait à celui ayant cours sur le marché, la Société n'a pas moins bénéficié d'un avantage illicite, dès lors qu'aucune redevance douanière n'a été acquittée. En effet, l'absence de paiement des droits de douanes et de la TVA sur les importations suffit à retenir que la Société a bénéficié d'un avantage illicite au sens de l'art. 12 al. 2 DPA, indépendamment du prix effectivement payé pour l'acquisition de cette marchandise (cf. consid. 4.1 supra).
En conséquence, les juges précédents ont admis à juste titre que la recourante était assujettie aux redevances douanières respectivement débitrice solidaire de la TVA sur les importations, au sens de l'art. 51 al. 1 LTVA en lien avec l' art. 70 al. 2 et 3 LD , dès lors qu'elle a bénéficié d'un avantage fiscal (cf. art. 12 al. 2 DPA).
7.
Compte tenu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. La requête d'effet suspensif est en conséquence sans objet.
La recourante, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal administratif fédéral, Cour I.
Lucerne, le 9 avril 2024
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Parrino
Le Greffier : Feller