Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5A_593/2024
Arrêt du 9 octobre 2024
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Herrmann, Président, Bovey et De Rossa.
Greffière : Mme de Poret Bortolaso.
Participants à la procédure
A.________,
recourante,
contre
B.________,
intimé,
Autorité de protection de l'enfant et de l'adulte (APEA),
rue de la Préfecture 12, 2800 Delémont.
Objet
mesures provisionnelles (mesures de protection de l'enfant, compétence à raison du lieu),
recours contre la décision du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour administrative, du 9 août 2024 (ADM 101 et 102 / 2024).
Considérant en fait et en droit :
1.
C.________, né en 2017, est le fils de A.________ et de B.________.
Les parents sont séparés.
1.1. Le 22 février 2024, le juge aux affaires familiales du Tribunal judiciaire de Chartres (France) a fixé la résidence habituelle de l'enfant au domicile de son père.
Par ordonnance de référé du 25 avril 2024, la Cour d'appel de Versailles (France) a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire formée par la mère.
1.2.
1.2.1. Le 3 mai 2024, A.________ a déposé devant l'Autorité de protection de l'enfant et de l'adulte de la République et Canton du Jura (ci-après: APEA) une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles, laquelle tendait notamment à dire que l'enfant "resterait en mains" de sa mère jusqu'à l'audience d'instruction des mesures provisionnelles.
Dite requête a été déclaré irrecevable par décision du même jour, l'APEA invitant les parents à se déterminer sur la question de la compétence à raison du lieu dans un délai de 10 jours.
1.2.2. Le 13 mai 2024, la mère a déposé une nouvelle requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles tendant notamment à ordonner une enquête sociale en faveur de l'enfant, à instituer une curatelle de procédure en faveur de celui-ci et à l'autoriser à continuer les suivis médicaux du mineur.
L'APEA a déclaré la requête irrecevable par décision du 13 mai 2024 et a invité les parents à se déterminer sur la question de la compétence à raison du lieu dans un délai de cinq jours.
1.2.3. Le 28 juin 2024, considérant que le domicile de l'enfant se trouvait au domicile de son père en France, l'APEA s'est déclarée incompétente à raison du lieu, a déclaré les requêtes "irrecevables" et considéré que les "requêtes de mesures provisionnelles [étaient] ainsi devenues sans objet".
1.3. A.________ a formé recours contre cette décision, assortissant celui-ci d'une requête de mesures superprovisionnelles visant à la mise en oeuvre de plusieurs mesures (mesure de surveillance en faveur de l'enfant, évaluation des capacités parentales, droit de visite médiatisé du père).
Par décision du 9 août 2024, le Président de la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et Canton du Jura a déclaré irrecevable et manifestement mal fondé le recours formé par A.________ et constaté que sa requête de mesures superprovisionnelles était sans objet.
1.4. Le 10 septembre 2024, A.________ (ci-après: la recourante) exerce un "recours" au Tribunal fédéral contre cette dernière décision. Elle en sollicite l'annulation ainsi que le renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
La recourante demande le bénéfice de l'assistance judiciaire.
B.________ (ci-après: l'intimé) n'a pas été invité à se déterminer.
2.
Les conditions du recours en matière civile sont ici réalisées (art. 72 al. 2 let. b ch. 6, art. 75 al. 1 et 2, art. 76 al. 1 let. a et b, art. 90, art. 100 al. 1 avec l'art. 46 al. 2 LTF).
3.
L'arrêt entrepris porte sur des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF, en sorte que la partie recourante ne peut dénoncer que la violation de droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée (ATF 146 III 303 consid. 2; 142 III 364 consid. 2.4). Le recourant qui se plaint de la violation d'un droit fondamental ne peut donc se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en instance d'appel, où l'autorité de recours jouit d'une libre cognition; il ne peut, en particulier, se contenter d'opposer sa thèse à celle de l'autorité cantonale, mais doit démontrer ses allégations par une argumentation précise (ATF 134 II 349 consid. 3; 133 II 396 consid. 3.2). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 144 II 313 consid. 5.1; 143 II 283 consid. 1.2.2; 142 II 369 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4).
4.
Le magistrat cantonal a d'abord relevé qu'aux termes de l'art. 23 de la Convention du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants (ci-après: CLaH96; RS 0.211.231.011), la décision prise par les autorités françaises le 22 février 2024 et fixant le domicile de l'enfant chez son père (consid. 1.1
supra) devait être reconnue de plein droit en Suisse, aucun motif de refus de reconnaissance au sens de l'art. 23 al. 2 CLaH96 ne paraissant être donné. Le juge cantonal a ensuite constaté que la recourante ne discutait pas réellement les motifs de la décision rendue par l'APEA - laquelle avait retenu l'illicéité du déplacement de l'enfant en Suisse et la compétence des autorités françaises selon l'art. 7 CLaH96 pour traiter de la requête de la mère - ce qui rendait son recours manifestement irrecevable. Au surplus, le recours était manifestement mal fondé: l'autorité cantonale a rappelé qu'au moment où l'APEA avait rendu sa décision, le mineur n'était en Suisse que depuis 10 mois et que la recourante n'invoquait pas se trouver dans un cas d'urgence qui obligerait l'autorité suisse à prendre des mesures de protection en faveur de l'enfant au sens de l'art. 11 al. 1 CLaH96, la décision française du 22 février 2024 retenant que son père s'en occupait convenablement; l'autorité suisse n'apparaissait ainsi manifestement pas compétente pour statuer sur la cause.
5.
La recourante invoque en titre la violation de nombreuses dispositions légales, constitutionnelles et conventionnelles, qui ne sont pas toutes reprises dans son argumentation.
5.1. La recourante tente d'abord de remettre en cause la reconnaissance de la décision française fixant le domicile de l'enfant en France, en se fondant sur différents certificats médicaux démontrant que celui-ci serait en danger chez son père. Elle invoque à cet égard la violation de l'art. 23 par. 2 let. d CLaH96 ainsi que celle de l'art. 9 Cst.
L'application arbitraire de la disposition conventionnelle n'est toutefois nullement étayée selon les exigences de motivation idoines (consid. 3
supra), en sorte que la recevabilité de ce grief apparaît douteuse. Quoi qu'il en soit, l'on relèvera que, sous couvert du caractère manifestement contraire à l'ordre public suisse de la décision fixant le domicile de l'enfant en France (art. 23 par. 2 let. d CLaH96), la recourante tente en réalité de réviser la décision française et de remettre ainsi en cause le retour de son fils dans ce dernier pays, ce que ne permet pas la référence à cette dernière disposition conventionnelle (cf. arrêt 5A_339/2023 du 6 juillet 2023 consid. 4.3 et 4.4).
Pour autant qu'elles ne soient pas dénuées de pertinence, les violations alléguées des art. 3 CEDH (interdiction de la torture), 7 et 10 al. 3 Cst. (dignité humaine; droit à la vie et liberté personnelle), invoquées sans réelle motivation dans ce contexte, sont irrecevables (consid. 3
supra). La même conclusion s'impose s'agissant de la prétendue violation de la Convention du 13 décembre 2006 relative aux droits des personnes handicapées (RS 0.109), entrée en vigueur pour la Suisse le 15 mai 2014: la recourante ne soulève en effet concrètement aucun grief de rang constitutionnel sous cette critique. Enfin, le moyen fondé sur la Convention relative aux droits de l'enfant (CDE; RS 0.107), singulièrement son art. 3, est irrecevable, cette dernière disposition n'étant pas directement applicable (ATF 144 II 56 consid. 5.2; arrêt 5A_179/2024 du 21 juin 2024 consid. 3.2 et la référence).
5.2. La recourante soutient ensuite que les conditions d'application de l'art. 11 par. 1 CLaH96 étaient ici réunies, l'urgence de la situation nécessitant la prise de mesures provisionnelles de la part des autorités suisses. Elle ne démontre cependant aucunement la violation de cette disposition sous l'angle de l'arbitraire, singulièrement elle n'établit pas en quoi l'autorité cantonale aurait arbitrairement apprécié et écarté les éléments sur lesquels elle fondait la nécessaire intervention des autorités judiciaires suisses sur le fondement de l'art. 11 CLaH96. Elle n'expose ainsi pas efficacement le danger encouru par l'enfant auprès de son père alors que la décision française retenait une prise en charge adéquate de l'enfant auprès de l'intimé.
La violation de l'art. 3 CDE et celle de "la convention relative aux personnes handicapées", aussi alléguées dans ce contexte, sont irrecevables (consid. 5.1
supra).
5.3. La recourante affirme également que son fils résidait en Suisse depuis le 1er août 2023 et que l'autorité cantonale était ainsi compétente pour statuer sur sa requête au terme de l'art. 7 al. 1 let. b CLaH96, lui reprochant de ne pas avoir examiné d'office l'application de cette dernière disposition conventionnelle. Ici également, il apparaît douteux que l'argumentation de la recourante satisfasse aux exigences de motivation applicables (consid. 3
supra), la recourante se limitant à conclure à l'application arbitraire de cette disposition du fait de sa prétendue violation. L'on précisera de surcroît que l'objet du recours portait sur la compétence
ratione loci de l'APEA pour prononcer les mesures sollicitées par la recourante; contrairement à ce que celle-ci paraît insinuer, une compétence "d'office" de l'autorité de recours pour les ordonner n'entre aucunement en considération.
5.4. La recourante reproche ensuite à l'autorité cantonale d'avoir usé de "mauvaise foi" au sens des art. 5 al. 3 et 9 Cst. en retenant l'insuffisance de sa motivation et ainsi son caractère irrecevable alors qu'elle avait pourtant argumenté la compétence de l'APEA "à pleine satisfaction du droit". Appellatoire, ce grief est manifestement irrecevable.
5.5. Enfin, la recourante ne démontre pas l'arbitraire du raisonnement cantonal consistant à relever que le prétendu défaut d'opposition de l'intimé à sa requête ne serait pas déterminant: sa motivation se limite en effet exclusivement à rappeler ce défaut d'opposition. Aucun déni de justice, proscrit par l'art. 29 al. 1 Cst. (sur cette notion: ATF 142 II 154 consid. 4.2; 141 V 557 consid. 3.2.1 et les références), ou de "formalisme excessif" ne saurait de surcroît être imputé à l'autorité cantonale sous cet angle.
5.6. Vu ce qui précède, l'on ne peut reprocher à l'autorité cantonale d'avoir refusé "d'instruire" la cause de la recourante, ainsi que celle-ci le prétend en tête de ses écritures en référence aux "art. 6 par. 1 CEDH, 9, 29 al. 1 et 30 al. 1 Cst.".
6.
En définitive, le recours est rejeté, dans la faible mesure de sa recevabilité. La requête d'assistance judiciaire de la recourante doit être écartée en tant que ses conclusions étaient d'emblée dépourvues de chance de succès (art. 64 al. 1 LTF) et les frais judiciaires sont mis à sa charge (art. 66 al. 1 LTF). Aucune indemnité de dépens n'est due à l'intimé qui n'a pas été invité à se déterminer.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La requête d'assistance judiciaire de la recourante est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à l'Autorité de protection de l'enfant et de l'adulte (APEA) et au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour administrative.
Lausanne, le 9 octobre 2024
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Herrmann
La Greffière : de Poret Bortolaso