Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_472/2024
Arrêt du 10 octobre 2024
I
Composition
Mmes les Juges fédérales
Kiss, juge présidant, Hohl et May Canellas.
Greffier: M. O. Carruzzo.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Christian Petermann, avocat,
recourant,
contre
Communauté des copropriétaires de la PPE B.________,
représentée par Me Gilles Davoine, avocat,
intimée.
Objet
rejet de la demande de nomination d'un arbitre dans le cadre d'un arbitrage interne,
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 22 mai 2024 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (PL23.017248-231604, 225).
Faits :
A.
A.a. La parcelle no... de la Commune vaudoise de Chéserex est constituée en propriété par étages ("B.________": ci-après: la PPE). Celle-ci est divisée en huit unités résidentielles et dix garages représentant les lots nos... à....
A.________ et son épouse C.________ sont propriétaires communs, en société simple, des lots nos... (un appartement) et... (un garage) de la PPE. Les époux sont séparés de corps. Seul A.________ réside au sein de la PPE.
A.b. L'art. 44 du règlement d'administration et d'utilisation de la PPE contient une clause compromissoire prévoyant notamment ce qui suit:
"Les copropriétaires, la communauté comme telle et l'administrateur soumettront à un tribunal arbitral de trois membres, sans recours possible, les litiges qui pourraient naître entre eux au sujet de l'application du présent règlement, pour autant que des dispositions légales impératives ne soumettent pas ces litiges à la juridiction des tribunaux ordinaires.
Chacune des parties désignera un arbitre; le troisième sera choisi par les deux arbitres ou, à défaut d'entente, par le président du tribunal du district du for, soit du lieu de situation de l'immeuble...".
A.c. Une assemblée générale ordinaire de la PPE s'est tenue le 15 mars 2023. L'un des points à l'ordre du jour avait trait à la réfection des toits et au remplacement de l'isolation des toitures.
B.
B.a. Le 17 avril 2023, A.________, qui contestait la décision prise le 15 mars 2023 par l'assemblée générale de la PPE à propos desdits travaux, a saisi la Présidente du Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte d'une requête tendant à la nomination d'un arbitre.
Le 15 juin 2023, la PPE a conclu au rejet de ladite requête.
Par jugement du 14 août 2023, la Présidente du Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte a rejeté ladite requête. En bref, elle a estimé que le requérant aurait dû agir conjointement avec son épouse. Or, l'intéressé avait admis lui-même ne pas être parvenu à recueillir le consentement de cette dernière. Par ailleurs, il n'avait pas soutenu l'avoir valablement représentée. L'autorité de première instance, qui a nié l'existence d'un cas d'urgence autorisant le demandeur à agir sans l'assentiment de son épouse, a dès lors rejeté la requête en raison du défaut de légitimation active de A.________.
B.b. Le 17 novembre 2023, A.________ a appelé de cette décision devant la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
La PPE a conclu principalement à l'irrecevabilité de l'appel et, subsidiairement, à son rejet.
Par arrêt du 22 mai 2024, la cour cantonale a prononcé l'irrecevabilité de l'appel. En substance, elle a considéré qu'il n'existait pas de voie de recours cantonale contre une décision du juge d'appui rejetant une requête tendant à la nomination d'un arbitre, seul un recours direct au Tribunal fédéral étant possible dans un tel cas de figure.
C.
Le 28 juin 2024, A.________ (ci-après: le recourant) a formé un recours en matière civile à l'encontre de cet arrêt. Il conclut principalement à la réforme de la décision entreprise et reprend les mêmes conclusions que celles qu'il a formulées devant les instances cantonales. Subsidiairement, il requiert l'annulation de l'arrêt querellé et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Plus subsidiairement encore, il sollicite une restitution du délai de recours au Tribunal fédéral aux fins de pouvoir contester le jugement de première instance.
Le 8 octobre 2024, le recourant a présenté une requête d'effet suspensif et de mesures provisionnelles.
La PPE (ci-après: l'intimée) et la cour cantonale n'ont pas été invitées à répondre au recours.
Considérant en droit :
1.
L'arrêt attaqué, qui a été rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 75 LTF), constitue une décision finale (art. 90 LTF). En effet, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a déclaré irrecevable l'appel du recourant parce qu'elle a considéré que la décision de première instance ne pouvait pas être attaquée devant une instance cantonale de recours. Le Tribunal fédéral a déjà jugé qu'un recours fédéral est ouvert contre un arrêt de ce genre indépendamment du point de savoir si la décision au fond, telle que le refus de nommer un arbitre, peut être attaquée ou non au Tribunal fédéral (cf. arrêt 4A_215/2008 du 23 septembre 2008 consid. 1.1).
En vertu de l'art. 72 LTF, le Tribunal fédéral connaît des recours contre les décisions rendues en matière civile. La décision entreprise fait suite à une requête déposée par le recourant en vue de la nomination d'un arbitre et de la constitution d'un tribunal arbitral appelé à trancher un différend relevant de l'arbitrage interne. Ce domaine du droit relève incontestablement de la matière civile (cf. art. 77 al. 1 let. b CPC). C'est donc par la voie du recours en matière civile que la décision en cause pouvait être soumise à l'autorité judiciaire suprême de la Confédération, étant précisé qu'un tel recours est en l'occurrence recevable indépendamment de la valeur litigieuse de l'affaire pécuniaire (ATF 141 III 444 consid. 2.3).
Pour le reste, qu'il s'agisse de la qualité pour recourir, du délai de recours ou encore des conclusions prises par l'intéressé, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose donc à l'entrée en matière.
2.
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). "Manifestement inexactes" signifie ici "arbitraires" (ATF 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
2.2. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l' art. 42 al. 1 et 2 LTF , sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), il n'examine en principe que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes. Il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 140 III 86 consid. 2; 137 III 580 consid. 1.3). Il n'examine la violation d'un droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 139 I 22 consid. 2.3; 137 III 580 consid. 1.3; 135 III 397 consid. 1.4).
3.
3.1. Dans son mémoire de recours, l'intéressé, qui se plaint de la violation des art. 356 CPC et 75 al. 2 LTF, reproche à l'autorité précédente d'avoir nié l'existence d'une voie de recours cantonale permettant de contester la décision rejetant une requête de nomination d'un arbitre. A son avis, la juridiction cantonale aurait procédé à une interprétation erronée de la jurisprudence publiée du Tribunal fédéral (ATF 141 III 444 et 142 III 230). Selon lui, il est "hautement invraisemblable que le Tribunal fédéral ait verrouillé de manière absolue toute possibilité de recours intracantonal" contre une telle décision. Le recourant estime qu'une partie demeure parfaitement libre de s'adresser à l'autorité cantonale supérieure lorsque, comme dans le canton de Vaud, le refus de désigner un arbitre émane d'un tribunal inférieur.
3.2. Pareille argumentation tombe manifestement à faux.
En vertu de l'art. 356 al. 2 let. a CPC, les cantons ont le choix d'attribuer la compétence pour nommer des arbitres soit à un tribunal supérieur, à la condition qu'il siège dans une composition différente de la formation appelée à statuer sur les recours (art. 356 al. 1 let. a CPC en liaison avec l'art. 390 al. 1 CPC) et les demandes de révision (art. 356 al. 1 let. a CPC en liaison avec l'art. 396 al. 1 CPC), soit à un tribunal différent, i.e. inférieur (ATF 141 III 444 consid. 2.2.4.1). Le canton de Vaud a opté pour la seconde solution, en attribuant cette compétence au président du Tribunal d'arrondissement (cf. art. 47 al. 2 du Code de droit privé judiciaire vaudois du 12 janvier 2010 [RSV 211.02]).
Selon l'art. 356 al. 2 let. a CPC, le juge appelé à se prononcer sur une requête tendant à la désignation d'un arbitre statue en "
instance unique ". Une simple lecture de la disposition précitée permet ainsi d'exclure tout recours au niveau cantonal contre la décision prise par le juge d'appui au sujet d'une telle demande. Contrairement à ce que soutient le recourant, l'exclusion de tout recours au niveau cantonal contre une telle décision ne résulte ainsi pas de la jurisprudence du Tribunal fédéral, mais bel et bien de la loi. Au consid. 1.4.1 de l'arrêt publié aux ATF 142 III 230, la Cour de céans a simplement rappelé qu'il n'existe aucune voie de recours cantonale contre la décision du juge d'appui rejetant une requête de nomination d'un arbitre.
Dans l'arrêt publié aux ATF 141 III 444, le Tribunal fédéral, loin de vouloir "verrouiller" toute possibilité de recours, a jugé que la décision par laquelle le juge d'appui refuse de nommer un arbitre ou déclare irrecevable la requête ad hoc, dans le cadre d'un arbitrage interne, peut être attaquée directement par la voie du recours en matière civile, quand bien même elle n'émane pas d'un tribunal statuant sur recours, y compris lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, le juge d'appui qui rend cette décision n'est pas un tribunal supérieur au sens de l'art. 75 al. 2 LTF (consid. 2.3). Autrement dit, il a estimé, en substance, que l'expression "en instance unique" utilisée à l'art. 356 al. 2 let. a CPC excluait uniquement les voies de recours cantonales. Dans la décision attaquée, la juridiction cantonale a correctement exposé les considérations émises par la Cour de céans dans l'arrêt précité. Aussi est-ce à tort que le recourant reproche aux juges précédents d'avoir mal saisi le sens et la portée de cette jurisprudence publiée. Contrairement à ce que semble soutenir l'intéressé, le Tribunal fédéral n'a, à aucun moment, laissé entendre qu'un recours au niveau cantonal était possible dans un tel cas.
Le recourant ne peut pas davantage être suivi lorsqu'il soutient que la solution retenue dans l'arrêt publié aux ATF 141 III 444 ne pourrait pas être transposée ici, sous prétexte que le juge d'appui n'a en l'occurrence pas examiné si les conditions permettant de désigner un arbitre selon l'art. 362 CPC étaient réunies - mais a rejeté la requête qui lui était soumise en raison d'un défaut de légitimation active. La voie de droit ouverte à l'encontre de la décision par laquelle le juge d'appui rejette une requête de nomination d'un arbitre ne saurait en effet dépendre des motifs qui sous-tendent une telle décision.
3.3. On relèvera encore que, dans l'arrêt attaqué, les juges précédents ont considéré que l'indication erronée de la voie de droit figurant au pied de la décision de première instance, selon laquelle un appel cantonal était possible, ne pouvait en l'occurrence pas conduire à créer une voie de droit inexistante. La juridiction cantonale a aussi estimé qu'il ne lui appartenait pas de transmettre d'office l'acte qui lui avait été soumis à l'autorité compétente. Dans son mémoire de recours, l'intéressé ne formule aucune critique motivée à l'encontre des considérations émises à ce propos par la cour cantonale. Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner ces questions.
Au vu de ce qui précède, il appert que l'autorité précédente n'a pas enfreint le droit fédéral en prononçant l'irrecevabilité de l'appel formé devant elle. Partant, le recours ne peut qu'être rejeté, ce qui rend sans objet la requête d'effet suspensif et de mesures provisionnelles présentée par le recourant.
4.
Le recourant voudrait se voir restituer le délai pour former un recours en matière civile contre le jugement rendu le 14 août 2023 par la Présidente du Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte. A cet égard, il fait valoir qu'il a saisi l'autorité mentionnée dans l'indication des voies de droit figurant au pied de la décision de première instance et qu'il n'a pas à souffrir d'une "jurisprudence du Tribunal fédéral peu claire, éclectique, voire d'un certain point de vue piégeuse en matière de voie de recours".
4.1. Aux termes de l'art. 50 al. 1 LTF, si, pour un autre motif qu'une notification irrégulière, la partie ou son mandataire a été empêché d'agir dans le délai fixé sans avoir commis de faute, le délai est restitué pour autant que la partie en fasse la demande, avec indication du motif, dans les 30 jours à compter de celui où l'empêchement a cessé; l'acte omis doit être exécuté dans ce délai. La restitution du délai est ainsi subordonnée à la condition qu'aucun reproche ne puisse être formulé à l'encontre de la partie ou de son mandataire. La restitution d'un délai au sens de l'art. 50 al. 1 LTF suppose l'existence d'un empêchement d'agir dans le délai fixé, lequel doit être non fautif.
4.2. En l'occurrence, la simple lecture de l'art. 356 al. 2 let. a CPC aurait permis au recourant, assisté d'un avocat, de se rendre compte de l'indication inexacte de la voie de droit figurant au pied du jugement de première instance. En outre, deux décisions publiées (ATF 141 III 444 et 144 III 230) confirmaient l'existence d'une voie de recours immédiate au Tribunal fédéral contre la décision du juge d'appui rejetant la demande de nomination d'un arbitre. Dans ces circonstances, le mandataire du recourant ne pouvait pas raisonnablement partir de l'idée que la décision prise par l'autorité de première instance était susceptible d'un appel. Il devait, à tout le moins, envisager l'éventualité du refus de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois d'entrer en matière et agir en conséquence, c'est-à-dire former un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre la décision de l'autorité de première instance portant refus de nommer un arbitre. Partant, la requête du recourant visant à obtenir une restitution du délai pour recourir au Tribunal fédéral contre le jugement rendu le 14 août 2023 par la Présidente du Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte ne saurait être admise.
5.
Le recourant, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF). L'intimée, qui n'a pas été invitée à répondre au recours, n'a pas droit à des dépens.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
La requête tendant à la restitution du délai pour former un recours en matière civile contre le jugement rendu le 14 août 2023 par la Présidente du Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte dans la cause divisant les parties est rejetée.
2.
Le recours est rejeté.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. L'intimée et la cour cantonale reçoivent copie des act. 18 et 19.
Lausanne, le 10 octobre 2024
Au nom de la I re Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Juge présidant : Kiss
Le Greffier : O. Carruzzo