Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_464/2024
Arrêt du 10 décembre 2024
IIe Cour de droit public
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Aubry Girardin, Présidente, Ryter et Kradolfer.
Greffière : Mme Joseph.
Participants à la procédure
1. A.A.________,
2. B.A.________,
3. C.A.________,
agissant par ses parents A.A.________ et B.A.________,
4. D.A.________,
agissant par ses parents A.A.________ et B.A.________,
tous les quatre représentés par Me Rachel Cavargna-Debluë, avocate,
recourants,
contre
Service de la population du canton de Vaud, avenue de Beaulieu 19, 1014 Lausanne Adm cant VD,
intimé.
Objet
Autorisations de séjour et renvoi de Suisse,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 22 août 2024 (PE.2023.0023).
Faits :
A.
A.A.________, ressortissant du Kosovo né en 1977, est entré en Suisse en 2010 et y séjourne depuis lors, sans autorisation. Il a d'abord travaillé en tant que chanteur de musique albanaise dans divers établissements vaudois et genevois, puis, depuis 2021, comme salarié dans le domaine de la construction.
B.A.________, ressortissante kosovare née en 1988, est entrée illégalement en Suisse le 4 janvier 2020 pour rejoindre A.A.________, qu'elle a rencontré en 2017 au Kosovo.
B.A.________ et A.A.________ ont eu un premier enfant, C.A.________, né à Lausanne en 2020.
B.A.________ et A.A.________ se sont mariés en Suisse le 7 mars 2022.
B.
Le 14 janvier 2021, A.A.________ a sollicité auprès du Service de la population du canton de Vaud (ci-après: le Service de la population) l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur en sa faveur ainsi que pour sa compagne et leur fils C.A.________.
Le Service de la population a formé plusieurs demandes de renseignements complémentaires, concernant notamment la continuité du séjour de A.A.________ en Suisse.
Par décision du 28 juillet 2022, le Service de la population a refusé l'octroi d'autorisations de séjour aux intéressés.
Le 24 août 2022, ces derniers ont formé opposition à l'encontre de la décision précitée, laquelle a été rejetée par le Service de la population le 19 janvier 2023.
Par acte du 20 février 2023, A.A.________ et B.A.________, agissant également pour leur fils, ont recouru devant la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal) contre la décision sur opposition précitée, concluant principalement au renvoi du dossier à l'autorité intimée pour nouvelle décision et subsidiairement à sa réforme en ce sens que des autorisations de séjour leur soient délivrées.
Le 11 septembre 2023, l'instruction a été suspendue jusqu'à la naissance annoncée du deuxième enfant du couple.
Le 23 décembre 2023, B.A.________ a donné naissance à D.A.________. L'instruction a été reprise, selon avis du 22 janvier 2024.
Par arrêt du 22 août 2024, le Tribunal cantonal a rejeté le recours.
C.
Contre l'arrêt précité, A.A.________ (ci-après: le recourant 1) et B.A.________ (ci-après: la recourante 2), agissant également pour leur fils C.A.________ et leur fille D.A.________, déposent un recours en matière de droit public et un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral. Ils concluent, avec suite de frais et dépens, à la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens que des autorisations de séjour leur soient délivrées. Subsidiairement, ils demandent l'annulation de l'arrêt entrepris et le renvoi de la cause au Tribunal cantonal pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Ils requièrent par ailleurs l'effet suspensif ainsi que le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Par ordonnance du 24 septembre 2024, la Présidente de la II e Cour de droit public a octroyé l'effet suspensif au recours.
Le 25 septembre 2024, le Tribunal de céans a renoncé provisoirement à exiger une avance de frais et dit qu'il sera statué ultérieurement sur l'octroi de l'assistance judiciaire.
Le Tribunal cantonal renonce à se déterminer sur le recours et se réfère aux considérants de l'arrêt attaqué. Le Service de la population renonce à se déterminer. Le Secrétariat d'État aux migrations ne s'est pas prononcé.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 II 66 consid. 1.3; 148 I 160 consid. 1).
1.1. Les recourants ont formé dans un seul mémoire, conformément à l'art. 119 al. 1 LTF, un recours en matière de droit public et un recours constitutionnel subsidiaire. Celui-ci n'étant ouvert qu'à la condition que la décision attaquée ne puisse pas faire l'objet d'un recours ordinaire (cf. art. 113 LTF
a contrario), il convient d'examiner en premier lieu la recevabilité du recours en matière de droit public.
1.2. Le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions qui concernent le renvoi (art. 83 let. c ch. 4 LTF) et contre les dérogations aux conditions d'admission (art. 83 let. c ch. 5 LTF), parmi lesquelles celles pouvant être accordées en présence de cas individuels d'une extrême gravité au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI (arrêt 2C_470/2024 du 2 octobre 2024 consid. 5.2). C'est ainsi à juste titre que les recourants ne se prévalent pas de cette disposition.
1.3. Cette voie de droit n'est pas non plus ouverte contre les décisions relatives à une autorisation de droit des étrangers à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit (art. 83 let. c ch. 2 LTF), à moins qu'il existe un droit potentiel à l'autorisation, étayé par une motivation soutenable (cf. ATF 147 I 89 consid. 1.1.1; 139 I 330 consid. 1.1). Il en va ainsi lorsque la partie recourante se prévaut de manière défendable de l'art. 8 CEDH (cf. ATF 133 I 185 consid. 6.2; arrêts 2C_604/2023 du 9 janvier 2023 consid. 1.3; 2D_19/2022 du 16 novembre 2022 consid. 1.2). La question de savoir si les conditions d'un tel droit sont réunies relève du fond (cf. ATF 147 I 268 consid. 1.2.7).
1.4. En l'occurrence, le recourant 1 prétend que le refus de lui octroyer une autorisation de séjour, malgré une présence en Suisse de plus de 10 ans et une intégration qui doit être qualifiée de particulière tant sur le plan professionnel que social, constitue une violation de son droit au respect de la vie privée garanti par l'art. 8 CEDH et l'art. 13 Cst., dispositions qui ont une portée identique (cf. ATF 146 I 20 consid. 5.1 et références citées). Il invoque en particulier l'ATF 149 I 207 et se prévaut d'un droit à une autorisation de séjour.
1.4.1. Selon la jurisprudence, lorsque la personne étrangère réside légalement en Suisse depuis plus de dix ans, il y a lieu de présumer que les liens sociaux développés avec notre pays sont à ce point étroits qu'un refus de renouveler l'autorisation de séjour ou la révocation de celle-ci ne peuvent être prononcés que pour des motifs sérieux (cf. ATF 149 I 207 consid. 5.3.2; 144 I 206 consid. 3.9). Ce "séjour légal" n'inclut pas les années de clandestinité dans le pays. Il convient du reste de ne pas encourager les personnes étrangères à vivre dans notre pays sans titre de séjour et de ne pas valider indirectement des comportements tendant à mettre l'État devant le fait accompli (cf. ATF 149 I 207 consid. 5.6; arrêt 2C_923/2017 du 3 juillet 2018 consid. 5.4 et les arrêts cités). Ainsi, la présomption qu'il existe un droit de demeurer en Suisse après un séjour légal de dix ans ne s'applique pas dans le cas d'une première demande d'autorisation après un séjour illégal (cf. ATF 149 I 207 consid. 5.3.3; 149 I 72 consid. 2.1.3). Cela étant, une personne ayant résidé en Suisse sans autorisation de séjour peut, à titre exceptionnel, se prévaloir d'un droit au respect de la vie privée découlant de l'art. 8 CEDH pour demeurer en Suisse, à condition qu'elle fasse état de manière défendable d'une intégration hors du commun (cf. ATF 149 I 207 consid. 5.3.1 et 5.3.4; arrêt 2C_199/2024 du 12 septembre 2024 consid. 1.4.1).
1.4.2. Selon les faits constatés, le recourant 1 séjourne illégalement en Suisse depuis un peu plus de 10 ans. Pour ce qui est de son intégration, il a certes travaillé dès son arrivée en Suisse, comme chanteur de musique albanaise et est au bénéfice, depuis 2021, d'un contrat de durée indéterminée pour un emploi à 100 % dans le domaine de la construction. Si le recourant 1 ne dépend pas de l'aide sociale, la famille touche toutefois une assistance de l'Établissement vaudois d'accueil des migrants, notamment des prestations en nature tel que le logement. Bien que le recourant 1 exerce effectivement une activité lucrative, rien dans sa vie professionnelle ne démontrerait une intégration particulièrement réussie justifiant, à titre exceptionnel, qu'il puisse invoquer de manière défendable un droit de séjour fondé sur l'art. 8 CEDH sous l'angle de la vie privée. Sur le plan social, il ressort ensuite de l'arrêt entrepris que les recourants ont produit plusieurs lettres de soutien. L'intégration ne peut toutefois pas être qualifiée de particulièrement poussée pour autant. En effet, comme cela ressort de l'arrêt attaqué, les connaissances du recourant 1 ont en particulier attesté de son implication en tant que chanteur dans divers évènements ou manifestations culturelles albanaises. Celui-ci a lui-même affirmé, durant la procédure, "être très apprécié comme chanteur de sa communauté". Il ressort encore de l'arrêt entrepris que le recourant 1 a fait part, au stade du recours, de sa "volonté à apprendre le français" et non d'une maîtrise, même partielle, de cette langue. Il y a également allégué être investi dans des associations humanitaires, sans toutefois en apporter la preuve. Au vu de ces éléments, l'intégration sociale du recourant 1 ne saurait être qualifiée de remarquable au sens exigé par la jurisprudence. Le fait qu'il ait également été actif dans des clubs sportifs, comme il le mentionne dans son mémoire au Tribunal fédéral, ne suffit quoi qu'il en soit pas à mettre à mal cette conclusion.
Dans ce contexte, le recourant 1 ne peut se prévaloir de manière défendable d'une intégration hors du commun susceptible de lui conférer exceptionnellement un droit de demeurer en Suisse fondé sur le droit au respect de la vie privée prévu à l'art. 8 CEDH.
1.4.3. La recourante 2, qui est pour sa part arrivée illégalement en Suisse en 2020, qui n'exerce pas d'activité lucrative, qui n'a pas démontré maîtriser le français ni être socialement intégrée, ne peut pas non plus se prévaloir de son droit de demeurer en Suisse sur le fondement de l'art. 8 CEDH protégeant sa vie privée. On ne voit pas qu'il puisse en aller différemment des deux enfants du couple, nés en 2020 et 2023. Les intéressés ne prétendent pas le contraire.
1.5. Ensuite et quoi qu'ils en disent, les recourants ne peuvent pas non plus se prévaloir du droit au respect de la vie familiale prévu à l'art. 8 CEDH, puisque la mesure litigieuse n'a pas pour effet de séparer la famille (cf. ATF 144 I 91 consid. 4.2; arrêt 2C_631/2023 du 13 septembre 2024 consid. 1.3.2).
1.6. On ne voit enfin pas en quoi la décision entreprise violerait l'art. 14 Cst. (droit au mariage et à la famille), disposition mentionnée dans le recours. Les recourants ne le motivent d'ailleurs pas de sorte que ce grief est quoi qu'il en soit irrecevable (art. 106 al. 2 LTF).
Partant, la voie du recours en matière de droit public est exclue. Seule la voie du recours constitutionnel subsidiaire peut encore entrer en considération (art. 113 LTF
a contrario).
2.
2.1. Le recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF) est limité à la violation des droits constitutionnels (art. 116 LTF), qui doivent être invoqués et les griefs motivés par la partie recourante de manière suffisante ( art. 106 al. 2 et 117 LTF ; cf. ATF 147 I 73 consid. 2.1).
2.2. La qualité pour former un recours constitutionnel subsidiaire suppose un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 115 let. b LTF). L'intérêt juridiquement protégé requis par l'art. 115 let. b LTF peut être fondé directement sur un droit fondamental particulier (cf. ATF 140 I 285 consid. 1.2; 136 I 323 consid. 1.2).
En l'occurrence, les recourants ne peuvent pas se prévaloir d'un droit de séjour, que ce soit sous l'angle de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, de l'art. 8 CEDH ou de l'art. 14 Cst. Ils n'ont donc pas une position juridique protégée leur conférant la qualité pour agir au fond. Les recourants n'invoquent par ailleurs aucune autre disposition susceptible de leur conférer une telle qualité. En particulier, la recourante 2, qui mentionne son état de santé et indique que son renvoi l'exposerait à des complications sévères, ne fait pas valoir
de droits constitutionnels spécifiques, notamment l'art. 3 CEDH (cf. art. 106 al. 2 LTF; ATF 137 II 305 consid. 1 à 3).
2.3. La partie recourante qui n'a pas qualité pour agir au fond peut se plaindre par la voie du recours constitutionnel subsidiaire de la violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel, pour autant qu'il ne s'agisse pas de moyens ne pouvant être séparés du fond ("Star Praxis"; cf. ATF 146 IV 76 consid. 2; 137 II 305 consid. 2; 114 Ia 307 consid. 3c). Ainsi, les griefs qui reviennent de facto à critiquer l'arrêt attaqué sur le plan matériel sont exclus (ATF 136 I 323 consid. 1.2).
Il en découle que la partie recourante ne peut ni critiquer l'appréciation des preuves en invoquant l'art. 9 Cst., ni se plaindre, au titre de la violation de son droit d'être entendue, du refus d'administrer une preuve résultant de l'appréciation anticipée de celle-ci, puisque de tels griefs supposent nécessairement d'examiner, au moins dans une certaine mesure, le fond du litige lui-même (cf. ATF 135 I 265 consid. 1.3; arrêts 2D_13/2023 du 18 décembre 2023 consid. 2.3; 2C_107/2023 du 25 septembre 2023 consid.1.3.1). Elle ne peut pas non plus faire valoir que la motivation n'est pas correcte d'un point de vue matériel (arrêts 2D_21/2023 du 18 décembre 2023 consid. 2.3; 2D_3/2023 du 27 février 2023 consid. 4.3).
2.4. En l'occurrence, les recourants se plaignent d'une violation de leur droit d'être entendus (art. 29 al. 2 Cst.) car l'instance précédente n'aurait pas donné suite à leur offre de preuve, qui consistait à faire entendre plusieurs témoins pouvant attester de la continuité du séjour du recourant 1 en Suisse ainsi que du fait "qu'il y était bien intégré". Le Tribunal cantonal aurait également procédé à une appréciation arbitraire de plusieurs preuves, en particulier des lettres de soutien produites ainsi que des certificats médicaux de la recourante 2. Sur ce dernier point, les recourants prétendent également que le Tribunal cantonal aurait appliqué de manière arbitraire (art. 9 Cst.) la disposition cantonale prévoyant que l'autorité établit les faits d'office (cf. art. 29 al. 1 de la loi vaudoise sur la procédure administrative, LPA-VD, RS/VD 173.36), en ne mettant pas en oeuvre, de sa propre initiative, une expertise médicale afin de clarifier l'état de santé de la recourante 2. Ces griefs étant indissociables de l'arrêt attaqué au fond, ils sont irrecevables.
2.5. Au vu de l'ensemble de ces éléments, le recours constitutionnel subsidiaire doit également être déclaré irrecevable.
3.
Enfin, dans leur mémoire, les recourants indiquent qu'ils déposeront une demande de révision de l'arrêt cantonal querellé, dans le délai imposé par le droit cantonal. Ils n'ont toutefois pris aucune conclusion, notamment en suspension de la présente cause, et n'ont pas produit la demande de révision éventuellement formulée. Partant, cette indication reste sans conséquence sur la présente procédure.
4.
Il découle des considérants qui précèdent que tant le recours en matière de droit public que le recours constitutionnel subsidiaire sont irrecevables.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée, le recours étant d'emblée dénué de chances de succès (art. 64 al. 1 LTF). Succombant, les recourants 1 et 2 doivent supporter les frais judiciaires solidairement entre eux ( art. 66 al. 1 et 5 LTF ). Ceux-ci seront toutefois réduits afin de tenir compte de leur situation financière (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens ( art. 68 al. 1 et 3 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours en matière de droit public est irrecevable.
2.
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.
3.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
4.
Les frais judiciaires, fixés à 1'000 fr., sont mis à la charge des recourants 1 et 2, solidairement entre eux.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, et au Secrétariat d'État aux migrations.
Lausanne, le 10 décembre 2024
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
La Greffière : M. Joseph