Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_654/2024
Arrêt du 11 avril 2025
Ire Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Haag, Président,
Kneubühler et Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffière : Mme Tornay Schaller.
Participants à la procédure
A.________
recourant,
contre
Secrétariat d'État aux migrations
Quellenweg 6, 3003 Berne.
Objet
Rejet de la demande de naturalisation facilitée,
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour VI, du 30 septembre 2024 (F-4767/2023).
Faits :
A.
Le 25 février 2015, A.________, ressortissant kosovar né en 1964, a épousé une ressortissante suisse, née en 1961. À la suite de cette union, il a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial.
B.
Le 15 avril 2020, le Secrétariat d'État aux migrations (ci-après: le SEM) a réceptionné la demande de naturalisation facilitée déposée par le prénommé.
Le 24 août 2020, le SEM a énuméré les documents manquants et a prié A.________ de les lui faire parvenir dans un délai de deux mois. Le 2 novembre 2020, le SEM lui a indiqué qu'il manquait encore le certificat relatif à la maîtrise de la langue française. A.________ a transmis le 15 février 2021 un passeport des langues, daté du 7 janvier 2021, attestant d'un niveau B1 de français à l'oral; le SEM l'a averti le 17 février 2021 que le certificat attestant de son niveau à l'écrit manquait.
B.a. A.________ s'est inscrit à l'examen écrit de français qui devait avoir lieu le 9 septembre 2021 mais ne s'est pas présenté pour des raisons professionnelles. Il ne s'est pas non plus présenté à la seconde date réservée, le 24 novembre 2021, en raison d'un accident de la route dont il avait été victime le 8 novembre 2021.
Le 17 novembre 2021, le SEM a émis un préavis négatif et demandé à A.________ s'il souhaitait retirer sa requête ou recevoir une décision formelle. Le 31 mars 2022, A.________ a transmis un passeport des langues attestant d'un niveau A1 de français à l'écrit (44 % des points obtenus). Les 5 avril et 24 mai 2022, le SEM lui a indiqué que ses connaissances linguistiques étaient insuffisantes et lui a demandé s'il désirait maintenir ou retirer sa requête.
B.b. Le 3 juin 2022, A.________ a expliqué ne pas avoir été en mesure de se présenter à l'examen, en raison d'un accident de la route qui avait eu lieu le jour de l'examen. Les 24 juin et 4 août 2022, le SEM l'a, une nouvelle fois, enjoint à produire l'attestation de langue requise.
Le 27 septembre 2022, A.________ a produit un nouveau passeport des langues, daté du 22 septembre 2022 et attestant d'un niveau A1 de français à l'écrit (73 % des points obtenus).
Le 5 octobre 2022, le SEM l'a averti de son intention de rejeter sa demande de naturalisation en lui donnant la possibilité de la retirer. Le 18 octobre 2022, A.________ a pris position en soulignant que son niveau de français n'était que de 3 % inférieur au niveau requis et qu'il allait tenter un nouveau test. Il a indiqué maintenir sa requête. Il a produit des documents complémentaires relatifs à son état de santé les 21 décembre 2022 et 13 janvier 2023.
Par décision du 9 août 2023, le SEM a rejeté la demande de naturalisation facilitée formée par l'intéressé.
C.
A.________ a interjeté recours contre la décision du 9 août 2023 auprès du Tribunal administratif fédéral (ci-après: TAF); il a joint à son recours quatre certificats médicaux datés des 7 septembre et 19 décembre 2022 ainsi que des 25 et 30 août 2023, tous quatre relatifs à son premier accident de la route du 8 novembre 2021.
Par arrêt du 30 septembre 2024, le TAF a rejeté le recours. Il a retenu en substance que A.________ n'avait pas été en mesure d'attester d'un niveau de français écrit suffisant et qu'il ne pouvait être mis au bénéfice de circonstances personnelles particulières au sens de l'art. 9 de l'ordonnance sur la nationalité suisse du 17 juin 2016 (OLN; RS 141.01).
D.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 30 septembre 2024 et de lui accorder la naturalisation facilitée. Il conclut à titre subsidiaire au renvoi de la cause à l'instance précédente ou au SEM pour nouvelle décision au sens des considérants.
Le Tribunal administratif fédéral renonce à prendre position, alors que le SEM conclut au rejet du recours. Le recourant réplique par courriers des 14 et 25 janvier 2025.
Considérant en droit :
1.
Dirigé contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral qui confirme le rejet de la demande de naturalisation facilitée du recourant, le recours est recevable comme recours en matière de droit public (art. 82 let. a et 86 al. 1 let. a LTF). Le motif d'exclusion de l'art. 83 let. b LTF n'entre pas en ligne de compte, dès lors qu'il s'agit en l'espèce de naturalisation facilitée et non pas de naturalisation ordinaire. Le recourant a la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF et les conditions formelles de recevabilité sont remplies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.
2.
Le recourant se plaint d'une violation des art. 12 al. 2 de la loi fédérale sur la nationalité suisse du 20 juin 2014 (LN; RS 141.0), 6 et 9 OLN.
2.1. À teneur de l'art. 21 al. 1 LN, quiconque possède une nationalité étrangère peut, ensuite de son mariage avec un citoyen suisse, former une demande de naturalisation facilitée s'il vit depuis trois ans en union conjugale avec son conjoint (let. a) et a séjourné en Suisse pendant cinq ans en tout, dont l'année ayant précédé le dépôt de la demande (let. b).
L'art. 20 al. 1 LN prévoit que les critères fixés à l' art. 12 al. 1 et 2 LN doivent être respectés dans le cas d'une naturalisation facilitée.
L'art. 12 al. 1 LN énumère en particulier cinq critères d'intégration parmi lesquels figure l'aptitude à communiquer au quotidien dans une langue nationale à l'oral et à l'écrit (let. c). Ces exigences sont précisées à l'art. 6 OLN. À teneur de l'art. 6 al. 1 OLN, le requérant doit justifier de connaissances orales d'une langue nationale équivalant au moins au niveau B1 du cadre européen commun de référence pour les langues et de compétences écrites de niveau A2 au minimum. La preuve des compétences linguistiques est réputée fournie lorsque le requérant dispose d'une attestation qui confirme ses compétences linguistiques et repose sur une procédure d'attestation conforme aux normes de qualité généralement reconnues en matière de tests linguistiques (art. 6 al. 2 let. d OLN).
2.2. Selon l'art. 12 al. 2 LN, la situation des personnes qui, du fait d'un handicap ou d'une maladie ou pour d'autres raisons personnelles majeures, ne remplissent pas ou remplissent difficilement les critères d'intégration prévus à l'alinéa 1 let. c et d, est prise en compte de manière appropriée.
Les motifs de dérogation sont précisés à l'art. 9 OLN. Selon cette disposition, il est possible de déroger aux critères relatifs à l'aptitude linguistique notamment lorsque le requérant ne peut pas les remplir ou ne peut les remplir que difficilement en raison d'un handicap physique, mental ou psychique, (let. a) en raison d'une maladie grave ou de longue durée ou (let. b) pour d'autres raisons personnelles majeures (let. c), telles que de grandes difficultés à apprendre à lire ou à écrire (ch. 1), un état de pauvreté malgré un emploi (ch. 2), des charges d'assistance familiale à assumer (ch. 3), ou une dépendance à l'aide sociale résultant d'une première formation formelle en Suisse, pour autant que la dépendance n'ait pas été causée par le comportement du requérant (ch. 4).
Il est possible de déroger aux critères d'intégration en cas de handicap physique, mental ou psychique qui entrave le candidat à la naturalisation dans sa vie quotidienne à un point tel qu'il ne puisse dans un proche avenir être à même de remplir les conditions fixées pour obtenir la naturalisation. Il en va de même en cas de maladie. Il s'agit, en règle générale, de maladies d'une certaine gravité et/ou qui s'étendent sur une période prolongée et qui sont, dans le pire des cas, incurables. Font notamment partie de ces maladies les handicaps importants de la vue et de l'ouïe, les maladies mentales et le cancer. Quant aux autres raisons personnelles majeures au sens de l'art. 9 let. c OLN, il doit s'agir de grandes difficultés à lire et écrire (illettrisme) (Rapport explicatif - Projet d'ordonnance relative à la loi sur la nationalité d'avril 2016, du Département fédéral de justice et police, p. 20 et 21).
2.3. En l'espèce, il n'est pas contesté que le recourant n'a pas obtenu le niveau suffisant de français à l'écrit lors des deux examens passés les 31 mars et 22 septembre 2022. Le recourant reproche cependant au TAF de ne pas avoir fait application de la possibilité de déroger au critère de compétence linguistique en vertu de l'art. 9 OLN. Il prétend d'abord qu'une dérogation s'imposerait en vertu de son intégration sociale et professionnelle, de sa présence en Suisse depuis 30 ans ainsi que du résultat obtenu lors du deuxième examen (son niveau de français écrit n'était que de 3 % inférieur au niveau prescrit).
Le recourant ne peut être suivi car les éléments qu'il avance ne sont pas des motifs de dérogation au sens des art. 12 al. 2 LN et 9 OLN. Il ne démontre pas avoir de grandes difficultés à apprendre, à lire et à écrire au sens de l'art. 9 let. c OLN. Le fait que le résultat atteint lors de son deuxième examen est proche du niveau A2 n'est pas un motif de dérogation. De même, le fait qu'il réside en Suisse depuis de nombreuses années et qu'il y soit intégré professionnellement et socialement ne lui permet pas non plus d'obtenir un assouplissement des exigences linguistiques posées par l'art. 6 OLN.
2.4. Le recourant fait aussi grief à l'instance précédente de ne pas l'avoir mis au bénéfice d'une dérogation en raison de ses problèmes de santé, survenus à la suite de son accident du 8 novembre 2021.
2.4.1. Le TAF a examiné les quatre certificats médicaux produits par le recourant, celui du 7 septembre 2022 d'un médecin spécialiste en oto-rhino-laryngologie et chirurgien cervico-facial, celui du 19 décembre 2022 d'un médecin spécialiste ORL, celui du 25 août 2023 d'un psychiatre et psychothérapeute et celui du 30 août 2023 de son médecin généraliste. L'instance précédente a retenu qu'il ne faisait aucun doute que le recourant avait gardé des séquelles de l'accident de la route subi le 24 [recte 8] novembre 2021 (vertiges, céphalées et problèmes de concentration). Il a toutefois estimé que les problèmes de santé du recourant n'étaient assimilables ni à un handicap ni à une maladie au sens de l'art. 9 OLN, à défaut d'atteindre la gravité suffisante lui permettant d'être dispensé de produire une attestation de compétences linguistiques. Il a souligné que le recourant s'était présenté à un deuxième examen, après l'accident dont il avait été victime et était parvenu à améliorer son score de façon notable (son résultat était passé de 44 % à 73 %). Le TAF a aussi indiqué que le recourant aurait pu, comme l'avait relevé le SEM, demander un aménagement des modalités d'examen tenant compte de ses difficultés, les centres d'examen accrédités pouvant offrir des conditions d'examen individuelles sur présentation d'un certificat médical pour les candidats ayant des déficiences notamment visuelles, auditives, de lecture ou d'écriture. Enfin, le TAF a relevé qu'au vu du nombre d'années durant lesquelles le recourant avait résidé en Suisse, il était douteux que le déficit linguistique puisse être uniquement mis sur le compte des séquelles dudit accident.
2.4.2. Face à cette argumentation, le recourant se contente d'opposer sa propre lecture des rapports médicaux à celle qu'en a faite le TAF, sans exposer en quoi celle-ci serait contraire au droit. Il se borne en effet à rappeler qu'il souffre de troubles de santé documentés par des certificats médicaux qui affectent ses capacités de concentration et d'attention nécessaires pour réussir une épreuve écrite. Partant, le recourant ne démontre pas en quoi les rapports précités établiraient une incapacité d'apprentissage au sens de l'art. 9 let. c OLN, les certificats produits se limitant à rappeler qu'il souffre de problèmes de concentration ainsi que de vertiges et de céphalée. D'ailleurs, nonobstant ces troubles, le recourant a néanmoins réussi à passer de 44 % des points obtenus à 73 % lors de la seconde tentative, se rapprochant ainsi du niveau exigé. Comme l'a souligné l'instance précédente, le recourant a échoué à 3 % du seuil requis pour atteindre le niveau A2, ce qui prouve qu'il ne peut prétendre souffrir d'une maladie au sens de l'art. 9 OLN. Par ailleurs, le recourant n'a jamais fait valoir qu'il serait incapable d'atteindre le niveau A2 dans une quelconque langue, respectivement qu'il ne pouvait pas s'exprimer à ce niveau dans n'importe quelle langue. Les exigences de niveau A2 sont basses; ce niveau requiert en effet que la personne concernée puisse communiquer dans le cadre d'une tâche simple et courante ne demandant qu'un échange d'information simple et direct sur un sujet familier, par exemple relatif au travail ou aux loisirs, et qu'elle puisse comprendre des expressions et des mots relatifs à des informations personnelles et familiales de base aux achats et au travail (arrêt 1C_563/2023 du 28 mars 2024, consid. 5.3). Comme l'ont souligné le TAF et le SEM, le recourant pourra demander, lors d'un prochain essai, un aménagement des modalités d'examen sur présentation d'un certificat médical si cela s'avérait nécessaire.
Compte tenu des années passées en Suisse, du travail effectué par le recourant, des progrès accomplis dans la maîtrise de la langue écrite et de son état de santé tel qu'il ressort des certificats médicaux, le recourant ne parvient pas à démontrer que le TAF aurait fait une application erronée des art. 12 al. 2 LN et 9 OLN en refusant de le dispenser de justifier des connaissances linguistiques requises par l'art. 12 al. 1 let. c LN en relation avec l'art. 6 al. 1 OLN.
3.
Le recourant fait enfin valoir sommairement une violation des principes de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) et de l'égalité de traitement (art. 8 Cst.).
Comme l'a relevé le TAF, les art. 12 al. 2 LN et 9 OLN prévoient l'existence de dérogations aux critères d'intégration relatifs à l'aptitude à communiquer dans une langue nationale. Ces dispositions ont été introduites précisément afin de respecter le principe de non-discrimination et le principe de la proportionnalité (Rapport explicatif - Projet d'ordonnance relative à la loi sur la nationalité d'avril 2016, du Département fédéral de justice et police, p. 18). Elles ont été dûment examinées en l'espèce et il a été conclu, pour les motifs retenus précédemment (cf. supra, consid. 2), qu'elles ne sauraient s'appliquer à l'intéressé.
Au demeurant, le recourant pourra déposer une nouvelle demande de naturalisation facilitée une fois qu'il aura atteint le niveau requis de français à l'écrit.
Par conséquent, les griefs de violation des art. 8 Cst. et 5 al. 2 Cst. doivent être rejetés dans la mesure de leur recevabilité.
4.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Le recourant, qui succombe, doit supporter les frais de la présente procédure (art. 66 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité
2.
Les frais judiciaires arrêtés à 2'000 fr. sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Secrétariat d'État aux migrations et au Tribunal administratif fédéral, Cour VI.
Lausanne, le 11 avril 2025
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Haag
La Greffière : Tornay Schaller