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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_510/2023  
 
 
Arrêt du 11 octobre 2024  
I  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jametti, Présidente, Hohl et Rüedi. 
Greffière : Mme Raetz. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. B.________ SA, 
toutes deux représentées par Me Thierry Sticher, avocat, 
recourantes, 
 
contre  
 
C.________, 
représentée par Me Emmanuelle Guiguet-Berthouzoz, avocate, 
intimée. 
 
Objet 
contrat de bail à loyer; défaut de la chose louée; réduction du loyer; dommage consécutif au défaut, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 18 septembre 2023 par la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève (C/29656/2017, ACJC/1192/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ et B.________ SA (ci-après: les locataires) et C.________ (ci-après: la bailleresse) ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur une arcade située au rez-de-chaussée d'un immeuble à U._________. Le bail a débuté le 1er décembre 1997 et le loyer annuel hors charges a été fixé à 30'000 fr. Les locaux étaient destinés à l'usage d'un salon de beauté-boutique.  
 
A.b. A partir du mois d'octobre 2014, la bailleresse a entrepris des travaux de rénovation dans l'immeuble. Le commerce a été fermé dès le 31 janvier 2016 en raison de ces travaux et les locataires ont réintégré les locaux le 20 mai 2016. Le 20 juin 2016, un huissier judiciaire a établi un état des lieux.  
Par procès-verbal de conciliation du 4 juillet 2016 portant sur une demande en paiement introduite par les locataires, la bailleresse s'est engagée à leur verser un montant de 9'392 fr. pour solde de tout compte en lien avec la perte de chiffre d'affaires subie au jour concerné en raison de la rénovation de l'immeuble. 
Par courrier du 19 octobre 2016, les locataires ont indiqué à la bailleresse que le système d'aération ne fonctionnait pas. L'installation produisait un bruit assourdissant. Les locaux n'étaient pas chauffés. Elles ont sollicité un chauffage d'appoint, ainsi qu'une diminution de loyer de 30 % pour l'absence de chauffage et ventilation, et le bruit. 
Le 3 novembre 2016, la bailleresse leur a répondu qu'elles avaient pu bénéficier d'un radiateur électrique d'appoint dès le 14 octobre 2016. Elle a ajouté que le chauffage fonctionnait. 
Par courrier du 14 novembre 2016, les locataires ont informé la bailleresse qu'une odeur nauséabonde provenant des toilettes se répandait dans l'arcade, ce qui avait causé la perte de plusieurs clientes. 
Le 15 décembre 2016, les locataires ont écrit à la bailleresse que les locaux n'étaient toujours pas en état d'être exploités. Le chauffage ne fonctionnait pas, les locaux étaient infestés d'insectes, les odeurs d'égout subsistaient et les autres défauts mentionnés par l'huissier judiciaire n'avaient pas été réparés. Des inondations survenaient lorsqu'il pleuvait. Elles subissaient toujours les nuisances liées au chantier. La bailleresse était mise en demeure de supprimer les défauts sous quinzaine. 
Entre le 18 et le 24 janvier 2017, l'entreprise D.________ SA a relevé dans l'arcade des températures oscillant entre 23 et 28 degrés. 
Par courrier du 30 janvier 2017, les locataires ont indiqué à la bailleresse qu'il avait été constaté, lors d'une visite du 25 janvier 2017, que le défaut de ventilation n'avait été réglé que le 13 janvier 2017 et que le chauffage ne fonctionnait que partiellement depuis cette date, ne permettant d'atteindre qu'au maximum une température de 20 degrés. Les différents défauts mentionnés dans la lettre du 15 décembre 2016 n'avaient pas été corrigés. S'y ajoutaient d'autres. Elles réclamaient une réduction de loyer et une perte d'exploitation de 2'900 fr. par mois du 5 juillet 2016 au 13 janvier 2017, sous déduction du chiffre d'affaires réalisé et estimé à 5'000 fr. pour cette période. 
En juillet 2017, les locataires ont encore signalé d'autres problèmes. 
 
B.  
 
B.a. Les locataires ont déposé une demande auprès de la Commission de conciliation, déclarée non conciliée puis portée le 15 août 2018 auprès du Tribunal des baux et loyers du canton de Genève. Dans leurs conclusions modifiées les 22 octobre 2019, 31 décembre 2020 et 12 octobre 2021, elles ont requis l'octroi d'une réduction de loyer de 100 % du 1er juin 2016 au 27 juin 2017, de 40 % du 28 juin au 31 décembre 2017, de 100 % du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020, et à ce que la bailleresse soit condamnée à leur verser le surplus de loyer en résultant, avec intérêts, qu'elles ont chiffré. En outre, cette dernière devait leur payer le montant total de 143'728 fr. avec intérêts à titre de dédommagement pour la perte d'exploitation jusqu'au 31 décembre 2020.  
Les locataires ont restitué les locaux le 31 décembre 2020. 
Le Tribunal a entendu plusieurs témoins. Des clientes de l'institut ont confirmé avoir cessé de s'y rendre en raison notamment des mauvaises odeurs, de la température trop froide ou trop chaude, ainsi que de la présence de nuisibles. Des commerçants voisins ont déclaré avoir constaté la présence de mauvaises odeurs dans l'arcade des locataires. 
Le 6 février 2020, la bailleresse a allégué que le gérant technique de la nouvelle régie s'était rendu dans l'arcade les 27 et 29 janvier 2020 et avait constaté qu'elle était régulièrement exploitable. Il n'avait pas détecté de problème de température, ni de mauvaise odeur. A.________ lui avait indiqué que ces odeurs apparaissaient en moyenne une fois par jour. 
Par jugement du 13 octobre 2022, le Tribunal a octroyé une réduction de loyer oscillant entre 5 % et 20 % pour différentes périodes entre le 1er juin 2016 et le 31 décembre 2020. Il a condamné la bailleresse à verser aux locataires le trop-perçu de loyer, ainsi que la somme de 11'183 fr. à titre de dommages-intérêts. 
 
B.b. Par arrêt du 18 septembre 2023, la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève a partiellement admis l'appel interjeté par les locataires. Statuant à nouveau, elle a accordé une réduction de loyer de 5 % du 1er juin au 19 octobre 2016, de 10 % du 20 octobre au 14 novembre 2016, de 30 % du 15 novembre 2016 au 27 juin 2017 et de 20 % du 28 juin 2017 au 31 décembre 2020. Elle a condamné la bailleresse à verser aux locataires les montants, avec intérêts, de 27'422 fr. 85 à titre de trop-perçu de loyer, et de 20'624 fr. 25 en guise de dommages-intérêts.  
 
C.  
Les locataires (ci-après: les recourantes) ont exercé un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Elles ont conclu à l'octroi d'une réduction de loyer de 100 % du 1er juin 2016 au 27 juin 2017, de 40 % du 28 juin 2017 au 31 décembre 2017, et de 100 % du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020, et à la condamnation de la bailleresse (ci-après: l'intimée) à leur verser les sommes totales, avec intérêts, de 128'350 fr. pour le trop-perçu de loyer et de 143'728 fr. à titre de dédommagement pour la perte d'exploitation du 5 juillet 2016 au 31 décembre 2020. 
L'intimée a conclu au rejet du recours. 
La cour cantonale ne s'est pas déterminée, bien qu'invitée à le faire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment celles afférentes à la valeur litigieuse minimale de 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF) et au délai de recours (art. 100 al. 1 LTF). 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 140 III 115 consid. 2; 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3). 
En matière d'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral se montre réservé, vu le large pouvoir qu'il reconnaît en ce domaine aux autorités cantonales. Il n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 140 III 26 consid. 2.3). L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait concevable, voire préférable (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2). 
 
2.2. Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Eu égard, toutefois, à l'exigence de motivation qu'impose l'art. 42 al. 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), il n'examine que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes (ATF 140 III 115 consid. 2). Le recourant doit discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 140 III 86 consid. 2).  
 
3.  
Il n'est pas contesté que les locaux loués ont présenté différents défauts pendant la période du 1er juin 2016 au 31 décembre 2020, date de leur restitution. A ce stade, demeurent uniquement litigieux les quotités de réduction de loyer accordées en raison de ces défauts, ainsi que le montant du dommage consécutif à ces derniers. 
 
4.  
Tout d'abord, les recourantes dénoncent une " constatation manifestement inexacte des faits ", dans la mesure où la cour cantonale aurait omis de constater certains faits. 
Il s'agit en premier lieu de la teneur de certains témoignages de clientes de l'institut, dont il ressortait qu'elles avaient cessé de le fréquenter en raison de divers défauts; il était précisé les montants qu'elles y dépensaient. Or, la cour cantonale a bel et bien exposé que des témoins avaient confirmé avoir renoncé à se rendre à l'institut en raison notamment des mauvaises odeurs, de la température trop froide ou trop chaude, ainsi que de la présence de nuisibles (cf. lettres C.z et C.af de l'arrêt cantonal). Les montants dépensés n'ont quant à eux pas été constatés. Toutefois, le simple renvoi aux procès-verbaux en question, avec la mention que cela " s'inscrit dans le contexte " de certains allégués de la demande " en lien avec la baisse du chiffre d'affaires ", n'est pas suffisant au regard des exigences précitées. D'autant plus que ces montants ne figuraient déjà pas dans l'état de fait du jugement de première instance, sans que les intéressées ne prétendent, ni ne démontrent, références précises à l'appui, qu'elles auraient demandé un complètement de l'état de fait à cet égard devant la cour cantonale. Il n'en sera donc pas tenu compte. 
En second lieu, les recourantes reprochent à la cour cantonale de ne pas avoir constaté leurs chiffres d'affaires pour les années 2013 à 2020. Ce point n'influe toutefois pas sur l'issue du litige (cf. consid. 6 infra).  
 
5.  
Ensuite, les recourantes soutiennent que la cour cantonale a fixé des quotités de réduction de loyer largement insuffisantes. Elles dénoncent une violation de l'art. 259d CO
 
5.1. Des défauts de moyenne importance et des défauts graves ouvrent notamment au locataire le droit à une réduction du loyer (art. 259a al. 1 let. b CO, art. 259d CO). Le défaut de moyenne importance restreint l'usage convenu de la chose louée sans l'entraver considérablement. Le défaut grave exclut l'usage de la chose louée tel qu'il a été convenu par les parties ou le restreint de telle sorte qu'on ne peut objectivement exiger du locataire qu'il use de l'objet du bail. Tel est notamment le cas du défaut qui met en danger la santé du preneur (arrêt 4A_395/2017 du 11 octobre 2018 consid. 5.2 et les références). La gravité du défaut peut également résulter de la durée de l'entrave (arrêts 4A_395/2017 précité consid. 5.2; 4C.97/2003 du 28 octobre 2003 consid. 3.3).  
La réduction du loyer est due à partir du moment où le bailleur a eu connaissance du défaut et jusqu'à l'élimination de ce dernier; elle est proportionnelle au défaut (art. 259d CO). En principe, il convient de procéder selon la méthode dite relative ou proportionnelle: la valeur objective de la chose avec défaut est rapportée à sa valeur objective sans défaut, le loyer étant ensuite réduit dans la même proportion. Cependant, le calcul proportionnel n'est pas toujours aisé. Il est alors admis qu'une appréciation en équité, par référence à l'expérience générale de la vie, au bon sens et à la casuistique, n'est pas contraire au droit fédéral (ATF 130 III 504 consid. 4.1). 
Lorsque le juge est amené à évaluer en équité la diminution de jouissance de la chose louée, il doit apprécier objectivement la mesure dans laquelle l'usage convenu se trouve limité, en tenant compte des particularités de chaque espèce, au nombre desquelles la destination des locaux joue un rôle important (arrêts 4A_490/2010 du 25 janvier 2011 consid. 2.1; 4C.219/2005 du 24 octobre 2005 consid. 2.4). 
Le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec réserve la décision d'équité (art. 4 CC) prise en dernière instance cantonale. Il n'intervient que lorsque celle-ci s'écarte sans raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en matière de libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou encore lorsqu'elle ignore des éléments qui auraient absolument dû être pris en considération; en outre, le Tribunal fédéral redresse les décisions rendues en vertu d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 142 III 336 consid. 5.3.2). 
 
5.2. La cour cantonale a relevé que les réductions octroyées par les premiers juges pour la période du 1er juin au 14 novembre 2016 (5 % du 1er juin au 19 octobre 2016 [pour tenir compte de défauts esthétiques et de nuisances liées au chantier], puis 10 % du 20 octobre au 14 novembre 2016 [manque de chauffage]), n'étaient pas critiquables. Les locataires n'avaient pas dénoncé le problème de température avant le 19 octobre 2016, celui des odeurs avant le 14 novembre 2016 et la présence de nuisibles avant le 15 décembre 2016. En outre, il ne se justifiait pas d'accorder une réduction de loyer supérieure à 10 % pour la période durant laquelle les locaux avaient été affectés d'un manque de chauffage puisque des relevés faisant état d'une température entre 23 et 28 degrés avaient été produits.  
S'agissant de la période du 15 novembre 2016 au 27 juin 2017, la cour cantonale a considéré que les réductions de loyer octroyées étaient insuffisantes au regard des nuisances subies et de la destination des locaux. En effet, les odeurs et la présence de nuisibles avaient largement affecté l'utilisation des locaux conformément à leur destination, à savoir l'exploitation d'un salon de beauté. Les témoins entendus avaient confirmé que ces défauts étaient d'importance et qu'ils les avaient dissuadés de continuer à bénéficier de soins dans l'institut. La quotité serait fixée en équité, compte tenu des circonstances et de la jurisprudence, à 30 %. 
La cour cantonale a relevé que dès le 28 juin et jusqu'au 31 décembre 2017, si les nuisibles avaient été supprimés, l'utilisation des locaux était encore affectée par la présence d'odeurs nauséabondes ayant fait fuir la clientèle. Il apparaissait que les premiers juges n'avaient pas pris ce point en compte, de sorte que la quotité octroyée devait être fixée à 20 %. 
Ce taux ne serait pas augmenté dès le 1er janvier 2018 jusqu'au 31 décembre 2020, les locataires ne critiquant pas le jugement en ce qu'il considérait qu'elles n'avaient pas démontré que les odeurs s'étaient aggravées dès cette date. 
 
5.3. Les recourantes soutiennent avoir établi que les défauts rendaient leur activité impossible: les juges cantonaux ont eux-mêmes retenu que les odeurs et la présence de nuisibles avaient largement affecté l'utilisation des locaux conformément à leur destination, et que les témoins avaient confirmé que ces défauts les avaient dissuadés de continuer à bénéficier de soins dans l'institut. Selon les recourantes, les juges ont ainsi reconnu que l'activité était rendue impossible au point que les clientes se détournaient de leur commerce, sans toutefois tirer les conclusions suffisantes de ce constat. L'impossibilité objective d'exploiter un salon de beauté supposant que les clientes se trouvent dans un cadre relaxant et qu'elles se dénudent pour les massages est en lien avec le fait que les locaux étaient envahis par des odeurs intenables, des nuisibles et sans température suffisante. La casuistique sur laquelle se sont fondés les juges ne concernait pas des salons de beauté. Enfin, il n'a pas été tenu compte de la longue durée des défauts, sans que la bailleresse n'explique avoir été empêchée d'y remédier plus rapidement. Ainsi, les recourantes réclament une réduction du loyer de 100 % du 1er juin 2016 au 27 juin 2017, de 40 % pour la période du 28 juin 2017 au 31 décembre 2017 pendant laquelle les nuisances avaient diminué, et de 100 % du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018 (recte: 2020).  
 
5.4. La cour cantonale a fixé, pour les différentes périodes, la quotité de réduction de loyer en équité. Les recourantes ne s'en prennent ni au choix d'appliquer cette méthode plutôt que la méthode proportionnelle, ni à celui de distinguer différentes périodes, mais uniquement aux quotités retenues.  
 
5.4.1. S'agissant de la première période, du 1er juin 2016 au 14 novembre 2016, les recourantes ne discutent pas la motivation de la cour cantonale. Même si elles requièrent une réduction de loyer de 100 %, elles ne disent mot sur ses considérations en lien notamment avec le fait qu'elles n'avaient annoncé la présence d'odeurs et de nuisibles qu'ultérieurement. Il n'y a pas à entrer en matière.  
 
5.4.2. En revanche, les recourantes formulent des critiques visant les deux périodes suivantes retenues par les juges cantonaux, du 15 novembre 2016 au 27 juin 2017 (réduction de 30 %), puis du 28 juin 2017 au 31 décembre 2017 (réduction de 20 %). Ils ont considéré que la seule différence entre ces deux périodes était la suppression des nuisibles, ce que les recourantes n'ont pas contesté.  
Pour la réduction de 30 % octroyée, les magistrats cantonaux ont ainsi pris en considération le manque de chauffage, les odeurs et la présence de nuisibles. Ce taux peut paraître détonner avec les termes utilisés (" largement affecté l'utilisation des locaux ", " odeurs nauséabondes ayant fait fuir la clientèle "). Il s'agit là toutefois d'une question d'appréciation que le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec réserve. La cour cantonale a tenu compte de la destination des locaux, à savoir l'exploitation d'un salon de beauté, ce qui ressort explicitement de son raisonnement, à l'issue duquel elle a d'ailleurs accordé une réduction plus élevée que les premiers juges. De plus, la problématique du manque de chauffage est relativisée par le relevé de températures oscillant entre 23 et 28 degrés, non contesté par les recourantes. En outre, il a été constaté que les odeurs n'étaient pas constantes, mais ponctuelles. La solution de la cour cantonale peut s'insérer dans la jurisprudence genevoise concernant des restaurants, pour lesquels la composante olfactive est également importante. 
En effet, cette casuistique fait état d'une réduction de 10 % pour des odeurs d'égouts incommodant les clients d'une petite salle de restaurant, sans que la constance des nuisances n'ait pu être établie précisément; de 20 % pour des odeurs nauséabondes causées par un défaut de ventilation d'un restaurant; de 50 % pour une ventilation gravement défectueuse d'un restaurant (impossible d'y manger); de 100 % pendant un mois réduite ensuite à 50 % pour une odeur intolérable dans un café-bar après une inondation (CAROLE AUBERT, in: Droit du bail à loyer et à ferme, Bohnet/Carron/Montini [éd.], 2e éd. 2017, n° 67 ad art. 259d CO, p. 421 ss). Dans la jurisprudence fédérale, les taux octroyés par les cours cantonales n'étaient pas spécifiquement contestés: on peut néanmoins citer une réduction de 35 % pour les locaux d'un fitness, en raison de problèmes d'étanchéité et d'odeurs particulièrement désagréables dans les vestiaires et le secteur hammam (arrêt 4A_365/2010 du 13 septembre 2010 consid. 2) et une réduction de 40 % s'agissant de locaux d'un institut de beauté, pour tenir compte de l'ampleur et du caractère évolutif d'un défaut d'humidité ayant abouti, à la fin de la période concernée, à une forte odeur de moisi rendant les locaux difficilement utilisables (arrêt 4A_94/2021 du 1er février 2022 consid. 4.2 ss). En l'occurrence, la réduction accordée par les juges cantonaux peut paraître faible, compte tenu aussi des autres défauts. Cependant, vu leur pouvoir d'appréciation et le contrôle restreint qu'il exerce en la matière, le Tribunal fédéral ne peut que retenir que cette réduction n'est pas indéfendable au regard des circonstances et de la jurisprudence exposée. 
Par ailleurs, la cour cantonale n'a pas constaté une impossibilité d'utiliser les locaux, contrairement à ce que semblent soutenir les recourantes. Elles ont au demeurant fait état, dans leur courrier du 30 janvier 2017, d'un chiffre d'affaires réalisé pendant les travaux. On peut également relever qu'elles ne sollicitent, dès le 28 juin 2017, alors que les odeurs et le manque de chauffage subsistaient - seuls les nuisibles ayant été supprimés - qu'un taux de réduction de 40 %. Ce taux est en contradiction avec l'impossibilité d'utilisation dont elles se prévalent dans leur recours sans distinguer les périodes. S'agissant de ce taux, elles le justifient en se limitant à énoncer vaguement que " les nuisances avaient diminué ". 
Les recourantes soulèvent encore, de manière générale, la longue période pendant laquelle ont duré les défauts. Elles n'exposent toutefois pas avoir déjà allégué cet argument devant la cour cantonale. 
Compte tenu de ce qui précède, et au vu de la retenue que s'impose le Tribunal fédéral, il ne peut que constater que la cour cantonale n'a pas abusé de son large pouvoir d'appréciation en fixant les réductions de loyer précitées. 
 
5.4.3. Pour finir, les recourantes sollicitent une diminution de 100 % du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020. Toutefois, elles n'ont présenté aucun grief à l'encontre de la motivation de la cour cantonale à cet égard, à l'issue de laquelle elle a retenu que le taux accordé pour la période précédente n'avait pas à être augmenté. Il n'y a donc pas à entrer en matière.  
 
6.  
En dernier lieu, les recourantes soutiennent avoir établi l'étendue de leur dommage. Elles reprochent à la cour cantonale d'avoir retenu qu'elles n'avaient pas démontré le montant exact du dommage, et d'avoir fixé l'indemnité sur la base de son pouvoir d'appréciation. Elles dénoncent une violation des art. 42, 97 et 259e CO
 
6.1. Selon l'art. 259e CO, le locataire qui a subi un dommage en raison d'un défaut de la chose louée a droit à des dommages-intérêts, si le bailleur ne prouve qu'aucune faute ne lui est imputable. Il s'agit d'un cas d'application de la responsabilité contractuelle (art. 97 ss CO), qui présuppose un défaut de la chose louée, un préjudice, un lien de causalité entre les deux ainsi qu'une faute du bailleur, laquelle est présumée. Il incombe donc au locataire d'établir les trois premiers éléments, tandis que le bailleur doit prouver qu'il n'a commis aucune faute (arrêts 4A_442/2020 du 11 novembre 2020 consid. 4.2; 4A_32/2018 du 11 juillet 2018 consid. 2.2; 4A_395/2017 précité consid. 6.2).  
La jurisprudence définit le dommage comme une diminution involontaire de la fortune nette; il correspond à la différence entre le montant actuel du patrimoine du lésé et le montant que ce même patrimoine aurait eu si l'événement dommageable ne s'était pas produit (ATF 149 III 105 consid. 5.1; 147 III 463 consid. 4.2.1). Le dommage peut se présenter sous la forme d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du passif (ATF 147 III 463 consid. 4.2.1; 133 III 462 consid. 4.4.2). 
Aux termes de l'art. 42 al. 2 CO, lorsque le montant exact du dommage ne peut être établi, le juge le détermine équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée. Cette disposition instaure une preuve facilitée en faveur du demandeur lorsque le dommage est d'une nature telle qu'une preuve certaine est objectivement impossible à rapporter ou ne peut pas être raisonnablement exigée, au point que le demandeur se trouve dans un état de nécessité quant à la preuve ( Beweisnot) (ATF 147 III 463 consid. 4.2.3 et les arrêts cités). Le demandeur n'est pas pour autant dispensé de fournir au juge, dans la mesure où c'est possible et où on peut raisonnablement l'exiger de lui, tous les éléments de fait qui constituent des indices de l'existence du dommage et permettent ou facilitent son estimation (ATF 131 III 360 consid. 5.1).  
 
6.2. En l'espèce, les premiers juges ont établi les chiffres d'affaires et bénéfices des locataires de 2013 à 2020. Ils s'en sont finalement écartés en expliquant notamment qu'elles avaient grandement exagéré les conséquences des défauts sur la possibilité d'exploiter l'institut, puisqu'elles avaient sollicité une suppression de loyer pendant une longue période, alors qu'il avait été jugé que les défauts avaient bien moins d'impact sur l'usage des locaux, l'institut demeurant exploitable, à tout le moins partiellement. Ils ont ainsi fixé le montant des dommages-intérêts en appliquant l'art. 42 al. 2 CO. Pour ce faire, ils se sont fondés sur la perte économique mensuelle convenue entre les parties durant l'été 2016, soit 1'880 fr. par mois (basée sur la somme de 9'392 fr. obtenue en conciliation pour la perte du chiffre d'affaires entre le 31 janvier et le 4 juillet 2016). Ils y ont appliqué le pourcentage des réductions de loyer octroyées pour les différentes périodes.  
La cour cantonale a retenu que les locataires avaient échoué à démontrer le montant exact de leur dommage. En effet, il ne ressortait pas des pièces produites qu'elles auraient réalisé un bénéfice avant les travaux; le commerce présentait au contraire déjà un déficit. Il n'était ainsi pas nécessaire de déterminer si ces pièces étaient suffisamment probantes. Les premiers juges pouvaient donc fixer les dommages-intérêts sur la base de l'art. 42 al. 2 CO. Leur méthode de calcul n'était pas critiquable. En appliquant le pourcentage des réductions de loyer au montant de la perte économique mensuelle convenue entre les parties (1'880 fr.), ils n'avaient pas confondu les principes applicables en matière de réduction de loyer et la notion de dommage; ils avaient utilisé leur pouvoir d'appréciation pour fixer, en équité, le montant du dommage. La cour cantonale a ainsi repris cette méthode de calcul, en l'adaptant aux réductions qu'elle a allouées, et a fixé un dommage total de 20'624 fr. 25 pour la période du 1er juin 2016 au 31 décembre 2020. 
 
6.3. Les recourantes soutiennent qu'elles ont prouvé le montant exact du dommage. Les juges cantonaux avaient, de manière insoutenable, renoncé à établir les pertes de chiffres d'affaires encourues, tout en retenant que les pertes n'avaient pas été démontrées. La perte correspondait aux différences entre le chiffre d'affaires moyen des années 2013 à 2015 (avant travaux) et le chiffre d'affaires effectif des années 2016 à 2022 (recte: 2020), tout en déduisant les réductions de loyer sollicitées.  
 
6.4. En l'espèce, les juges cantonaux se sont fondés sur une jurisprudence genevoise selon laquelle, dans le cas d'un local commercial, le préjudice consisterait dans la perte de bénéfice et non du chiffre d'affaires (ACJC/985/2000 du 9 octobre 2000). Ils ont relevé l'absence de bénéfice avant les travaux. Or, ainsi que le soutiennent les recourantes, selon la jurisprudence fédérale, le dommage peut également consister en une augmentation du passif.  
Toutefois, dire si le montant exact du dommage a été prouvé ou non est une question de fait, dont la correction ne peut être obtenue du Tribunal fédéral que si le résultat, soit le montant arrêté par la cour cantonale, se révèle aussi arbitraire (art. 97 al. 1 et 106 al. 2 LTF en relation avec l'art. 9 Cst.). En l'occurrence, il n'est pas insoutenable de retenir, en fin de compte, que le montant exact du dommage n'a pas été prouvé. Les premiers juges, qui avaient expressément exposé les différents chiffres d'affaires, s'en sont finalement écartés. Vu les circonstances du cas d'espèce, il n'est pas arbitraire de considérer (implicitement) que l'établissement des différents chiffres d'affaires ne permettrait pas, à lui seul, de déterminer avec exactitude le montant du dommage subi par les recourantes en lien de causalité avec les défauts. Au demeurant, les recourantes affirment que les défauts n'ont pas entraîné de diminutions de charges, ce qui n'a pas été constaté. 
Les recourantes se basent encore sur les montants dépensés par les clientes de l'institut, tels qu'il ressortent des témoignages, pour retenir qu'elles ont en tout état de cause établi le dommage. Toutefois, ces dépenses n'ont pas été constatées (cf. consid. 4 supra), de sorte qu'elles ne sont d'aucune utilité aux recourantes.  
Enfin, la cour cantonale ayant retenu sans arbitraire que le montant exact du dommage n'a pas été prouvé, la solution consistant à arrêter l'indemnité en équité, en appliquant l'art. 42 al. 2 CO, n'est pas critiquable. 
 
6.5. A titre subsidiaire, les recourantes allèguent que la méthode de calcul du dommage appliquée par les juges cantonaux dans le cadre de l'art. 42 al. 2 CO est arbitraire: ils ne pouvaient ni reprendre le montant ressortant de l'accord de 2016, pour lequel elles s'étaient montrées conciliantes, ni multiplier ce chiffre par les pourcentages de réduction de loyer.  
Or, l'estimation du dommage d'après l'art. 42 al. 2 CO repose sur le pouvoir d'apprécier les faits et relève donc de la constatation des faits (ATF 131 III 360 consid. 5.1). La méthode de calcul, se fondant sur la perte mensuelle convenue entre les parties en 2016, soit un élément concret, est parfaitement défendable. De plus, il est vrai que la question de la réparation d'un dommage subi par le locataire en raison du défaut de la chose louée (art. 259e CO) est séparée de celle concernant la réduction de loyer liée à une limitation dans l'usage de la chose louée (art. 259d CO) (ATF 126 III 388 consid. 11c). Cependant, dans le cadre d'une estimation du dommage selon l'art. 42 al. 2 CO, et dans ce cas précis, les juges cantonaux n'ont pas versé dans l'arbitraire en tenant compte des réductions octroyées pour fixer le dommage en équité, même si une autre méthode aurait été plus adaptée. 
Les recourantes se réfèrent enfin aux sommes dépensées par les clientes pour retenir que le dommage chiffré par la cour cantonale est arbitraire dans son résultat. Ces sommes n'ayant pas été constatées (cf. consid. 4 supra), il n'y a pas lieu de s'y attarder. Au demeurant, le montant total du dommage déterminé par la cour cantonale, soit 20'624 fr. 25, n'aboutit pas à un résultat qui nécessiterait que le Tribunal fédéral intervienne.  
 
7.  
En définitive, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
Les frais judiciaires et les dépens seront mis solidairement à la charge des recourantes, qui succombent (art. 66 al. 1 et 5; art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 fr., sont mis à la charge des recourantes, solidairement entre elles. 
 
3.  
Les recourantes, débitrices solidaires, verseront à l'intimée une indemnité de 7'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 11 octobre 2024 
 
Au nom de la I re Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
La Greffière : Raetz