Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_309/2024
Arrêt du 12 mai 2025
I
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Hurni, Président, Denys et May Canellas.
Greffier : M. Botteron.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Christophe A. Gal, avocat,
recourante,
contre
B.________ SA,
représentée par Me Yves Bonard, avocat,
intimée.
Objet
Action en dissolution de la société; mesures provisionnelles,
recours contre l'arrêt rendu le 17 avril 2024 par la Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais (C1 23 217).
Faits :
A.
B.________ SA (ci-après: la défenderesse ou l'intimée) est une société ayant pour but l'achat, la location et la gérance d'immeubles.
A.________ (ci-après: la requérante ou la recourante) est actionnaire de la société intimée à hauteur de 32% du capital-actions. Le reste de la composition de l'actionnariat est litigieux suite au décès de C.________, ancien actionnaire de la société. D.________, administrateur unique inscrit au registre du commerce, prétend être titulaire d'une partie des actions de la société, reçues par voie de succession de C.________.
A.________ a introduit plusieurs actions en nullité, respectivement en annulation des assemblées générales de la société tenues en 2016, 2020 et 2023, qui sont encore pendantes.
B.
Par demande du 22 octobre 2021, A.________ a introduit une action en dissolution de B.________ SA (SIO C1 21 234), fondée sur une prétendue carence dans l'organisation de la société.
Le 12 décembre 2022, elle a également introduit une requête de mesures provisionnelles et superprovisionnelles, tendant en substance à ce qu'il soit constaté que B.________ SA est dépourvue de tout organe, et à nommer un commissaire à la société en la personne d'un avocat établi à Genève désigné par le Tribunal et le charger, le temps de la procédure de dissolution, de gérer les affaires courantes et ou urgentes de la société ainsi que de la représenter dans le cadre des différentes procédures judiciaires auxquelles elle est partie. Elle vise en sus à dire que Me Yves Bonard n'est pas au bénéfice d'une procuration valablement conférée qui l'autoriserait à postuler pour la société, et à désigner à la société un représentant d'office en la personne d'un avocat établi à Sion.
Le 15 décembre 2022, le juge de district a suspendu la cause SIO C1 21 234 jusqu'à droit connu sur la question de la validité de la "représentation" de B.________ SA par son administrateur inscrit.
Par décision du 17 octobre 2023, le juge de district a désigné une fiduciaire commissaire de la société avec pour mission de procéder à la nomination des organes de la société, et de représenter la société et de faire valoir ses droits dans toutes les procédures judiciaires pendantes ou à venir en mandatant, le cas échéant, l'avocat de son choix.
Par arrêt du 17 avril 2024, rendu sur appel déposé par Me Yves Bonard, prétendant agir au nom de la société, la Cour civile II du Tribunal cantonal du Valais a partiellement admis l'appel et réformé le jugement. La cour cantonale a confirmé la nomination de la fiduciaire et limité sa mission à la représentation de la société dans la procédure civile en dissolution introduite par A.________ (SIO C1 21 234). La mission est limitée à la durée de la procédure tendant à ce que soient prises les mesures nécessaires pour pallier les éventuelles carences de la société.
C.
Contre cet arrêt qui lui a été notifié le 19 avril 2024, la requérante interjette un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral le 13 mai 2024. Elle conclut préalablement à ce que le Tribunal fédéral attribue un avocat à la société, lequel ne pourra pas être Me Yves Bonard et, au fond, à sa réforme dans le sens du jugement de première instance. Subsidiairement, elle conclut à la désignation de la fiduciaire comme commissaire de la société avec pour mission de gérer les affaires courantes et ou urgentes de la société ainsi que de la représenter dans le cadre des différentes procédures judiciaires auxquelles elle est partie, ainsi qu'à ce qu'il soit ordonné au préposé du registre du commerce du Valais Central de procéder à la radiation de D.________ et des directeurs inscrits, ainsi qu'à l'inscription du commissaire nommé. Plus subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt et au renvoi à la cour cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants.
La cour cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt.
Me Yves Bonard, au nom de la société, a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement, à son rejet.
La recourante a répliqué.
Par ordonnance du 24 juillet 2024, la juge présidant a rejeté la requête de mesures provisionnelles visant à la désignation d'un avocat d'office à la société.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 141 III 395 consid. 2.1; 138 I 435 consid. 1).
2.
2.1. Les décisions en matière de mesures provisionnelles sont incidentes, au sens de l'art. 93 LTF, lorsque l'effet des mesures en cause est limité au procès en cours ou à la durée d'une procédure que la partie requérante doit introduire dans le délai qui lui est imparti, sous peine de caducité des mesures ordonnées (art. 263 CPC; ATF 137 III 324 consid. 1.1; 134 I 83 consid. 3.1). Cette nature incidente prévaut non seulement lorsque la décision attaquée accorde ce type de mesures provisionnelles, mais aussi lorsqu'elle les refuse (arrêts 4A_137/2020 du 24 mars 2020 consid. 7; 4A_281/2018 du 12 septembre 2018 consid. 1.1 et les arrêts cités).
2.1.1. Le recours porte sur une décision de mesures provisionnelles au terme de laquelle un commissaire a été désigné à la société intimée afin de la représenter dans la procédure civile introduite à son encontre le 22 octobre 2021 par la recourante (cause SIO C1 21 234). La mission du commissaire est limitée à la durée de la procédure tendant à ce que soient prises les mesures nécessaires pour pallier les éventuelles carences de la société.
Cette décision fait suite à une requête de mesures provisionnelles émise par la recourante. Son objet est de nommer un commissaire pour la société intimée, en la personne d'un avocat établi à Genève afin de gérer les affaires courantes et/ou urgentes de la société ainsi que de la représenter dans le cadre des différentes procédures judiciaires auxquelles elle est partie, ainsi que de désigner à la société un représentant d'office en la personne d'un avocat établi à Sion.
Dans la procédure au fond, la recourante a ouvert action en dissolution de la société, en raison d'une carence dans son organisation (art. 731b al. 1 et al. 1bis ch. 3 CO). Le Juge de district a suspendu la cause SIO C1 21 234 de l'action en dissolution de la SA jusqu'à droit connu sur la question de la validité de la représentation de l'intimée par son administrateur inscrit.
2.1.2. La décision rendue sur mesures provisionnelles consiste donc bel et bien en une décision dont les effets sont limités au procès en cours. L'arrêt entrepris relève de l'art. 93 al. 1 LTF.
2.2. Un recours immédiat contre une telle décision n'est ouvert que si elle peut causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF), l'autre hypothèse envisagée par le législateur (art. 93 al. 1 let. b LTF) n'entrant manifestement pas en ligne de compte.
Il y a risque de préjudice irréparable lorsque le recourant est exposé à un dommage qu'une décision finale favorable sur le fond ne pourrait pas faire disparaître, ou du moins pas entièrement. Le dommage doit être de nature juridique; un dommage économique ou de pur fait, tel que l'allongement de la procédure et/ou l'accroissement des frais, ne suffit pas (ATF 142 III 798 consid. 2.2; 141 III 80 consid. 1.2; 137 III 380 consid. 1.2.1; 134 III 188 consid. 2.1). Si la question visée par la décision incidente peut être soulevée à l'appui d'un recours contre la décision finale (art. 93 al. 3 LTF), il n'y a pas de préjudice irréparable (arrêts 4A_248/2014 du 27 juin 2014 consid. 1.2.3; 5A_435/2010 du 28 juillet 2010 consid. 1.1.1; 5D_72/2009 du 9 juillet 2009 consid. 1.1 in fine). La réglementation de l'art. 93 LTF est fondée sur des motifs d'économie de procédure: le Tribunal fédéral ne doit en principe traiter d'une affaire qu'une seule fois, lorsqu'il est certain que la partie recourante s'expose effectivement à un dommage définitif (cf. par ex. ATF 134 III 188 consid. 2.2).
2.2.1. En l'espèce, la recourante soutient qu'elle est exposée à deux risques de préjudice irréparable différents.
Elle invoque d'abord qu'elle fait valoir ses droits contre la société intimée dans plusieurs autres procédures et que la procédure au fond SIO C1 21 234 risque d'aboutir à la dissolution de la société. Si la procédure en dissolution aboutissait, cela la priverait de la faculté de faire valoir ses droits dans les autres procédures l'opposant à la société, ce qui constituerait selon elle un préjudice de nature juridique qui serait irréparable.
Or c'est la recourante elle-même qui est la demanderesse à l'action en dissolution de la société. Elle ne convainc donc pas lorsqu'elle expose que la dissolution de la société, qu'elle demande elle-même, lui causerait un préjudice irréparable si elle aboutissait.
De plus, la recourante soutient que l'arrêt querellé limite les pouvoirs du commissaire à la seule représentation en procédure dans l'affaire pendante et non pour l'ensemble de la gestion de la société intimée. Or, elle voudrait que le commissaire puisse procéder aux modifications du registre du commerce permettant de radier les pouvoirs des organes en place, afin que ceux-ci cessent de prendre des décisions dont elle soutient qu'elles violent ses droits.
Toutefois, il appartient justement à la procédure au fond de déterminer si les organes en place sont légitimes ou si la société présente une situation de carence organisationnelle. Si la procédure tourne en sa défaveur, elle pourra donc encore recourir contre la décision à rendre sans subir de préjudice irréparable.
3.
Au vu de ce qui précède, le recours est irrecevable. La recourante qui succombe supportera les frais de procédure et versera à l'intimée une indemnité de dépens (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais.
Lausanne, le 12 mai 2025
Au nom de la I re Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Hurni
Le Greffier : Botteron