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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_650/2022, 6B_664/2022  
 
 
Arrêt du 12 décembre 2024  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, 
Denys, Muschietti, van de Graaf et Hurni. 
Greffier : M. Tinguely. 
 
Participants à la procédure 
6B_650/2022 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
représentée par Me Jamil Soussi, avocat, 
intimée, 
 
et 
 
6B_664/2022 
A.________, 
représentée par Me Jamil Soussi, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
intimé. 
 
Objet 
Infractions à la loi fédérale sur les armes 
(art. 33 al. 1 let. a LArm), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice 
de la République et canton de Genève, 
Chambre pénale d'appel et de révision, 
du 24 mars 2022 (AARP/81/2022 P/7702/2019). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 9 juillet 2021, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a condamné A.________ pour infraction au sens de l'art. 33 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions (LArm; RS 514.54), s'agissant du transport d'un pistolet B.________ le 1er avril 2019 et de la possession de cette arme postérieure à cette date, tout en l'acquittant de l'infraction à l'art. 33 al. 1 let. a LArm pour le surplus. Il l'a exemptée de peine (art. 52 CP). 
 
B.  
Statuant par arrêt du 24 mars 2022, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a partiellement admis les appels que A.________ et le Ministère public de la République et canton de Genève avaient chacun interjetés contre le jugement du 9 juillet 2021. Celui-ci a été réformé en ce sens que A.________ était condamnée, s'agissant du transport d'un pistolet B.________ le 1er avril 2019, pour infraction au sens de l'art. 33 al. 1 let. a LArm, qu'une amende de 1'500 fr. lui était infligée et qu'elle était acquittée pour le solde des accusations. Le jugement du 9 juillet 2021 a été confirmé pour le surplus. 
En substance, la cour cantonale a retenu les faits suivants. 
 
B.a. En février 2019, A.________, journaliste à la Radio Télévision Suisse (ci-après: RTS), a visionné un reportage diffusé sur la chaîne française France Info au sujet du pistolet B.________, une arme à feu qui peut être produite au moyen d'une imprimante 3D. Le reportage décrivait en l'occurrence la commande sur internet des pièces détachées du pistolet B.________, le montage de cette arme, puis un essai dans un stand de tir de la police française. Il y était notamment exposé que le pistolet était composé de 19 pièces, dont 18 en plastique - et de ce fait indécelables par les systèmes de sécurité - ainsi que d'un simple clou servant de percuteur. Une fois assemblée, l'arme permettait le tir d'une cartouche de calibre 380 ACP.  
A.________ a proposé d'effectuer un reportage similaire pour la RTS, ceci afin de sensibiliser le public sur les dangers de cette arme et de vérifier la vigilance des entreprises offrant en Suisse romande des services en matière d'impression 3D. 
Le projet de reportage a été approuvé lors d'une séance de rédaction. 
 
B.b.  
 
B.b.a. Le 15 février 2019, A.________ a contacté le service juridique de la RTS afin notamment de solliciter son avis quant à la légalité des démarches envisagées, à savoir en particulier celle de la commande des pièces du pistolet B.________ sur internet, de même que celle de leur impression.  
D'après la prise de position de ce service, transmise par courriel à A.________ le 5 mars 2019, une arme imprimée en 3D relevait de la LArm. Ainsi, une autorisation préalable était nécessaire pour la commander et se la faire livrer, sans qu'il existe de faits justificatifs permettant de passer outre cette réglementation pour des motifs journalistiques. À défaut, la personne s'exposait à une sanction pénale. La demande d'autorisation devait être déposée auprès de la Brigade des armes, de la sécurité privée et des explosifs de la police cantonale genevoise (BASPE). 
 
B.b.b. À une date indéterminée, A.________ a téléchargé sur internet les plans de construction du pistolet B.________. Elle a ensuite contacté une vingtaine d'entreprises actives dans l'impression 3D en Suisse romande pour obtenir des devis pour l'impression des pièces en plastique du pistolet B.________, en joignant les plans y relatifs, mais sans préciser qu'il s'agissait d'une arme. Seuls trois imprimeurs ont accepté cette commande, les autres ayant reconnu d'emblée que les pièces en question allaient servir à la confection d'une arme à feu. Certains d'entre eux ont fait part de leur intention d'avertir la police.  
A.________ a commandé les pièces détachées auprès de l'imprimeur pour lequel il était possible de confirmer la commande directement en ligne et de payer au moyen d'une carte de crédit. 
 
B.b.c. Le 19 mars 2019, A.________ a reçu, à Genève, sur son lieu de travail, les 19 pièces imprimées du pistolet B.________.  
Par la suite, A.________ a assemblé les pièces du pistolet B.________ avec un collègue dans les locaux de la RTS. Elle n'a pas inséré le percuteur, afin de ne pas rendre l'arme fonctionnelle, et y a ajouté une pièce métallique permettant de le rendre détectable. 
 
 
B.c.  
 
B.c.a. Le 26 mars 2019, A.________ a adressé un courriel au service de presse de la police cantonale par lequel elle a sollicité une interview de la cheffe de la BASPE sur la question des armes imprimées en 3D ainsi que, si possible, l'organisation d'une séance de tir avec une telle arme dans un stand de la police. Elle a notamment expliqué que "le but de ce tournage serait de montrer la dangerosité de ces armes imprimées en 3D et de rappeler les sanctions qui s'appliquent pour les personnes qui en possèdent [...]".  
Le 28 mars 2019, le service de presse de la police cantonale a répondu à A.________ que la cheffe de la BASPE déclinait sa proposition d'interview, la brigade n'étant pas confrontée à la problématique en question. Il lui a été suggéré de s'adresser à l'École des sciences criminelles (ci-après: ESC) de l'Université de Lausanne. 
 
B.c.b. Par courriel du même 28 mars 2019, A.________ a demandé à C.________, doctorant à l'ESC, si elle pouvait l'interviewer au sujet du pistolet B.________ et s'il était possible de tester de manière sécurisée l'arme imprimée.  
Le 29 mars 2019, C.________ a répondu à A.________ qu'il était disposé à donner suite à sa demande d'interview le 1er avril 2019. S'agissant du tir avec l'arme, il souhaitait connaître les dispositions qu'elle avait prises pour être en conformité avec la LArm, soit notamment si elle était au bénéfice d'une autorisation d'acquisition exceptionnelle pour la fabrication et la possession d'une telle arme. 
Par retour de courriel, A.________ a confirmé à C.________ la date du 1er avril 2019 pour réaliser l'interview. Elle lui a en outre expliqué qu'elle n'avait pas formellement sollicité un permis d'acquisition de l'arme pour le moment, en concertation avec le service juridique de la RTS, car le projet était initialement de réaliser l'expérience en collaboration avec la police cantonale. Elle allait essayer d'obtenir une autorisation exceptionnelle pour un tir le 1er avril 2019, sans quoi cette partie du tournage serait abandonnée. 
 
B.c.c. Par courriel du même vendredi 29 mars 2019, A.________ a demandé au service de presse de la police cantonale s'il était possible d'obtenir de la BASPE une autorisation exceptionnelle pour la fabrication et la possession d'un pistolet B.________ pour le tournage du lundi 1er avril 2019, tout en expliquant être consciente que le traitement d'une telle demande requérait probablement des délais plus longs.  
Après avoir interpellé la BASPE au sujet de la demande de A.________, le service de presse de la police a répondu à celle-ci que le délai était trop bref pour que l'autorisation requise lui soit délivrée dans les temps. 
 
B.d. Le 1er avril 2019, A.________ a transporté le pistolet B.________ depuis les locaux de la RTS, à Genève, jusqu'à ceux de l'ESC, à Lausanne, en train, soit lors d'un trajet d'une durée minimale d'une heure. L'arme était alors dans le sac de sa caméra, sans percuteur ni munitions. Elle a procédé à l'interview de C.________, sans que l'arme soit testée, puis a effectué le trajet inverse, dans les mêmes conditions.  
Entre la construction de l'arme et le déplacement du 1er avril 2019, ainsi qu'au retour de celui-ci jusqu'à l'audition de A.________ par la police le 4 avril 2019, à l'issue de laquelle le pistolet B.________ a été remis à la police, cette arme est restée sous clé dans un tiroir du bureau de la journaliste, dans le bâtiment sécurisé de la RTS, à Genève. 
 
B.e.  
 
B.e.a. Le reportage réalisé par A.________ a été diffusé le 7 avril 2019 dans le journal télévisé "19h30". Il contenait notamment des images du montage partiel de l'arme.  
A.________ a confirmé sur le plateau de l'émission que le pistolet B.________ était une arme à feu et qu'il était interdit de l'imprimer, sauf pour un armurier disposant d'une patente ou un particulier bénéficiant d'une autorisation exceptionnelle. La fabrication et la détention d'un pistolet B.________ étaient illégales et passibles d'une sanction pénale, avec inscription au casier judiciaire. 
 
B.e.b. Selon un encadré publié le même jour sur le site internet de la RTS, 11 pistolets B.________ avaient été imprimés et testés dans un stand de tir sécurisé, dans le cadre d'une étude menée par l'ESC en collaboration avec la police cantonale. Il y était à cet égard notamment mentionné ce qui suit: "Les résultats sont formels: l'arme est très dangereuse et peut provoquer des blessures mortelles, pour la cible comme pour le tireur".  
 
C.  
 
C.a. Le Ministère public de la République et canton de Genève forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 24 mars 2022 (cause 6B_650/2022). Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens que A.________ est condamnée pour infraction au sens de l'art. 33 al. 1 let. a LArm, s'agissant de l'acquisition et de la possession d'un pistolet B.________, sans autorisation, entre le 5 mars 2019 et le 4 avril 2019, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, à 100 fr., avec sursis pendant 3 ans, ainsi qu'à une amende de 1'200 fr. à titre de sanction immédiate. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt du 24 mars 2022 et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision.  
Invitée à se déterminer, A.________ conclut au rejet du recours, avec suite de frais et dépens. La cour cantonale renonce quant à elle à présenter des observations. 
 
C.b. A.________ forme également un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 24 mars 2022 (cause 6B_664/2022). Elle conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à son acquittement. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt du 24 mars 2022 et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision.  
Invité à se déterminer, le ministère public conclut au rejet du recours. La cour cantonale renonce quant à elle à présenter des observations. 
 
D.  
Le 12 décembre 2024, le Tribunal fédéral a délibéré sur les présents recours en séance publique. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les deux recours, dirigés contre le même arrêt, concernent le même complexe de faits et portent dans une large mesure sur les mêmes questions de droit. Il se justifie de les joindre et de statuer par une seule décision (art. 71 LTF et 24 PCF). 
 
2.  
 
2.1. Pour rappel, la cour cantonale a condamné A.________ (recourante 2) pour infraction au sens l'art. 33 al. 1 let. a LArm en lien avec le transport du pistolet B.________ entre Genève et Lausanne, le 1er avril 2019. Elle l'a en revanche acquittée de cette même infraction en ce que l'accusation portait sur l'acquisition et la possession de cette arme entre les 5 et 22 mars 2019.  
 
2.2. Dans son recours en matière pénale, le ministère public (recourant 1) conclut à la condamnation de la recourante 2 pour l'ensemble des chefs de prévention la visant sous l'angle de l'art. 33 al. 1 let. a LArm, soit non seulement en ce qui concerne le transport de l'arme, mais également en ce qui concerne l'acquisition et la possession du pistolet B.________ aux dates précitées. Il conteste en particulier l'appréciation de la cour cantonale selon laquelle il peut être fait application de la théorie dite du "risque admissible" s'agissant de ce dernier chef de prévention.  
Pour sa part, la recourante 2 soutient qu'elle doit intégralement être acquittée, soit y compris du chef de prévention de violation de l'art. 33 al. 1 let. a LArm s'agissant du transport de l'arme. Elle fait notamment valoir que sa condamnation consacrerait une violation de l'art. 10 CEDH, garantissant la liberté d'expression (cf. consid. 4 infra).  
 
3.  
 
3.1.  
 
3.1.1. La LArm a pour but de lutter contre l'utilisation abusive d'armes, d'accessoires d'armes et de munitions. Elle trouve son fondement dans l'art. 107 al. 1 Cst. et vise à protéger l'ordre public, ainsi que la sécurité des personnes et des biens, par un contrôle accru de l'achat et du port d'armes individuelles. Elle cherche également à prévenir le risque de fausses manipulations, afin d'éviter, autant que faire se peut, toute utilisation dangereuse pour le détenteur lui-même ou pour autrui (arrêt 6B_227/2007 du 5 octobre 2007 consid. 6.1.2 et les références citées).  
La loi régit ainsi d'une manière générale l'acquisition, l'importation, l'exportation, le transit, la conservation, le port, le transport, le courtage, la fabrication et le commerce d'armes, d'éléments essentiels d'armes, de composants d'armes spécialement conçus et d'accessoires d'armes ainsi que de munitions et d'éléments de munitions (art. 1 LArm). Elle ne s'applique ni à l'armée, ni aux administrations militaires, ni aux autorités douanières et policières (art. 2 al. 1 LArm). 
 
3.1.2. Sont notamment considérés comme des armes les engins qui permettent de lancer des projectiles au moyen d'une charge propulsive et peuvent être portés et utilisés par une seule personne, ou les objets susceptibles d'être transformés en de tels engins (armes à feu; art. 4 al. 1 let. a LArm).  
Par éléments essentiels d'armes, on entend, pour les pistolets, la carcasse, la culasse et le canon (art. 3 let. a de l'ordonnance sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions [OArm; RS 514.541]). 
 
3.1.3. Aux termes de l'art. 8 al. 1 LArm, toute personne qui acquiert une arme ou un élément essentiel d'arme doit être titulaire d'un permis d'acquisition d'armes. Toute personne qui demande un permis d'acquisition pour une arme à feu dans un but autre que le sport, la chasse ou une collection doit motiver sa demande (art. 8 al. 1bis LArm). Le permis d'acquisition d'armes est délivré par l'autorité compétente du canton de domicile ou, pour les personnes domiciliées à l'étranger, par l'autorité compétente du canton dans lequel l'arme est acquise (art. 9 al. 1 LArm).  
Selon l'art. 10 al. 1 LArm, certaines armes à un coup ainsi que leurs éléments essentiels peuvent s'acquérir sans permis d'acquisition. Tel est notamment le cas des armes à chasse, des copies d'armes se chargeant par la bouche ainsi que des pistolets à lapins (art. 10 al. 1 let. a et c LArm). Néanmoins, l'aliénation d'une arme ou d'un élément essentiel d'arme ne nécessitant pas de permis d'acquisition d'armes au sens de l'art. 10 LArm doit être consignée dans un contrat écrit; ce contrat doit être conservé par chaque partie pendant au moins dix ans (art. 11 al. 1 LArm). 
Toute personne ayant acquis légalement une arme, un élément essentiel d'arme, un composant d'arme spécialement conçu ou un accessoire d'arme est autorisée à posséder l'objet ainsi acquis (art. 12 LArm). De même, toute personne qui porte une arme dans un lieu accessible au public ou qui transporte une arme doit être titulaire d'un permis de port d'armes; le titulaire de ce permis doit le conserver sur lui et le présenter sur demande aux organes de la police ou des douanes, les exceptions décrites à l'art. 28 al. 1 LArm étant réservées (art. 27 al. 1 LArm). 
 
3.2. L'art. 33 LArm réprime, d'une peine privative de liberté de 3 ans au plus ou d'une peine pécuniaire, les agissements de quiconque, intentionnellement et sans droit, notamment offre, aliène, acquiert, possède, fabrique, modifie, transforme, porte, exporte vers un État Schengen ou introduit sur le territoire suisse des armes, des éléments essentiels d'armes, des composants d'armes spécialement conçus, des accessoires d'armes, des munitions ou des éléments de munitions, ou en fait le courtage (al. 1 let. a). Si l'auteur agit par négligence, la peine est une amende; dans les cas de peu de gravité, le juge peut exempter l'auteur de toute peine (al. 2).  
Par sa teneur, l'art. 33 LArm proscrit différents comportements en lien avec l'utilisation d'armes au sens large qui, en raison de leur potentiel de dangerosité, sont soumis à des interdictions ou à des restrictions (PHILIPPE WEISSENBERGER, Die Strafbestimmungen des Waffengesetzes, in: PJA 2000 p. 153, spéc. p. 164). Les comportements visés doivent ainsi être appréhendés comme des infractions de mise en danger abstraite, pour lesquelles il est admis que l'acte en lui-même est tenu pour dangereux et doit être puni comme tel, sans exiger que le danger se soit effectivement manifesté. En particulier, le juge n'a pas à rechercher si le danger a effectivement existé, comme il doit le faire dans le cas d'une infraction de mise en danger concrète (cf. sur ces notions: ATF 97 IV 205 consid. 2; cf. également à propos de l'art. 34 al. 1 let. e LArm: arrêt 6B_884/2013 du 9 octobre 2014 consid. 3.4.3; à propos de l'art. 260quater CP: arrêt 6S.387/2003 du 10 mars 2004 consid. 2.1). 
 
3.3. En l'espèce, s'agissant de l'acquisition et de la possession du pistolet B.________ entre les 4 et 22 mars 2019, de même que pour le transport de cette arme le 1er avril 2019 entre Genève et Lausanne, la cour cantonale a jugé que le comportement de la recourante 2 était contraire à l'art. 33 al. 1 let. a LArm, les éléments constitutifs de cette infraction étant réalisés.  
 
3.4. Cette approche ne prête pas le flanc à la critique.  
Il est ainsi acquis, sur le plan objectif, que le pistolet B.________ est une arme à feu, pour laquelle une autorisation est nécessaire, en vertu de la LArm, que ce soit pour l'acquérir, la posséder ou la transporter. Or, il est constant qu'en l'occurrence, la recourante 2 n'avait, à aucun moment, bénéficié d'une quelconque autorisation ou permis. 
Sur le plan subjectif, de son propre aveu, la recourante 2 se savait, dès réception des pièces détachées du pistolet B.________, en possession des éléments essentiels d'une arme. Elle les avait sciemment assemblées afin de démontrer, dans le cadre de son reportage, que cela était à la portée de quiconque. Néanmoins, à la suite de la prise de position qui lui avait été communiquée le 5 mars 2019 par le service juridique de la RTS, elle ne pouvait plus ignorer qu'une autorisation préalable était nécessaire pour acquérir, détenir et transporter l'arme en question. La recourante 2 avait ainsi commis l'ensemble des agissements reprochés avec conscience et volonté, celle-ci s'étant accommodée d'agir sans autorisation, de sorte que l'infraction était réalisée, à tout le moins au stade du dol éventuel (cf. arrêt attaqué, consid. 2.2 p. 13 ss). 
 
4.  
La recourante 2 soutient que sa condamnation constituerait une ingérence excessive à la liberté d'expression ainsi que, plus singulièrement, à la liberté de la presse et des médias, dont elle jouit, en vertu de l'art. 10 CEDH, en sa qualité de journaliste. 
 
4.1.  
 
4.1.1. Tel que formulé, le grief de la recourante 2 impose de déterminer si, en tant que tel, l'exercice d'un droit fondamental qui est reconnu à l'auteur d'une infraction est susceptible en soi de rendre licite le comportement typique qu'il a réalisé et ainsi de faire obstacle à une condamnation pénale, laquelle devrait alors être considérée comme une ingérence excessive au droit fondamental en cause.  
On observera en effet qu'à ce jour, le Tribunal fédéral n'a pas précisé, si et dans quelle mesure, les normes de rang constitutionnel ou conventionnel devaient également être considérées comme des "lois", dont il pourrait être déduit des "actes autorisés" au sens compris par l'art. 14 CP (cf. sur cette question: BERTRAND PERRIN, La conséquence sur la punissabilité d'une atteinte disproportionnée à un droit fondamental, in: Revue de droit suisse [RDS] 143 [2024] II, pp. 281-311, spéc. pp. 299 ss). 
 
4.1.2. Dès lors que la recourante 2 se prévaut en l'espèce exclusivement de l'art. 10 CEDH, et non par hypothèse des art. 16 et 17 Cst. - garantissant sur le plan fédéral les libertés d'opinion et d'information ainsi que la liberté des médias -, le Tribunal fédéral limitera son examen, dans le présent arrêt, aux conditions auxquelles les garanties fondamentales issues de normes de la CEDH sont susceptibles d'être invoquées dans le contexte de l'art. 14 CP.  
 
 
4.2. L'art. 14 CP prévoit que quiconque agit comme la loi l'ordonne ou l'autorise se comporte de manière licite, même si l'acte est punissable en vertu du Code pénal ou d'une autre loi.  
Il s'agit là d'une "disposition-cadre" ( Blankettnorm) qui renvoie à d'autres normes légales: elle n'introduit aucun fait justificatif en tant que tel mais se limite à déclarer licites les actes qui le sont déjà en vertu d'une autre norme juridique (NIGGLI/GÖHLICH, Basler Kommentar, Strafrecht, 4e éd., 2019, n° 1 ad art. 14 CP; DUPUIS ET AL., Petit commentaire du Code pénal, 2e éd., 2017, n° 1 ad art. 14 CP).  
 
4.3.  
 
4.3.1. D'une manière générale, il est admis que le concept de loi figurant à l'art. 14 CP doit s'entendre dans le sens matériel du terme (ATF 94 IV 5 consid. 1; arrêts 6B_1020/2018 du 1er juillet 2019 consid. 2.1; 6B_1179/2015 du 4 août 2016 consid. 7). Selon une jurisprudence déjà ancienne, l'auteur peut ainsi, pour justifier son comportement, se référer à toute règle de droit, qu'elle soit contenue dans une loi (au sens formel) ou dans une ordonnance, dans un acte normatif fédéral ou cantonal, de droit civil ou de droit public (ATF 94 IV 5 consid. 1; cf. également ATF 85 IV 4 consid. 2).  
Si une partie de la doctrine s'oppose certes à cette conception de la notion de "loi", qu'elle estime trop large, les critiques apportées à ce sujet se rapportent essentiellement à des considérations relatives à la hiérarchie des normes, un acte pénalement répréhensible au regard de la loi pénale n'étant, selon ces auteurs, pas susceptible d'être justifié par une norme déduite, par exemple, d'un simple règlement de service ou de directives internes (TRECHSEL/GETH, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 4e éd., 2021, n° 2 ad art. 14 CP; GILLES MONNIER, Commentaire romand, Code pénal I, 2e éd., 2021, n° 2 ad art. 14 CP; NIGGLI/GÖHLICH, op. cit., n° 10 ad art. 14 CP; TRECHSEL/NOLL/PIETH, Schweizerisches Strafrecht, Allgemeiner Teil I, 7e éd., 2017, p. 132; DUPUIS ET AL., op. cit., n° 5 ad art. 14 CP).  
Il s'agit là toutefois d'un aspect qui ne concerne à l'évidence pas les normes conventionnelles, l'ordre juridique suisse reconnaissant la primauté du droit international sur le droit interne. L'art. 5 al. 4 Cst. dispose en effet que la Confédération et les cantons sont tenus d'appliquer le droit international, alors que l'art. 190 Cst. prévoit que le Tribunal fédéral et les autres autorités sont tenus d'appliquer les lois fédérales et le droit international. Aussi, selon une jurisprudence bien établie, lorsqu'une contradiction insurmontable entre les deux ordres juridiques est constatée, le droit international public l'emporte sur le droit interne, spécialement lorsque la norme internationale a pour objet la protection des droits de l'Homme (ATF 147 I 280 consid. 9.1; 136 II 241 consid. 16.1; 122 II 485 consid. 3a). 
 
4.3.2. Tout comme les normes constitutionnelles, les normes conventionnelles se distinguent par le degré d'abstraction de leurs formulations: elles se caractérisent en effet par une densité normative qui est bien moins élevée que celle des lois au sens formel ou des autres textes de rang inférieur (cf. sur ce point: PERRIN, op. cit., p. 302).  
Aussi, si l'on s'en tient à la seule formulation parfois sibylline des dispositions de la CEDH, il apparaît fortement compromis d'anticiper, dans l'abstrait, l'ensemble des configurations dans lesquelles les droits fondamentaux qui en sont déduits seraient susceptibles de rendre licite un comportement typique sur le plan pénal et ainsi de faire obstacle à une condamnation. À cet égard, une prise en compte intégrale et inconditionnelle des normes conventionnelles dans le cadre de l'art. 14 CP pourrait se heurter à la sécurité et à la prévisibilité du droit, dont on rappelle qu'il s'agit de composantes essentielles du principe de la légalité en droit pénal (cf. art. 1 CP et 7 CEDH; cf. parmi d'autres: ATF 147 IV 274 consid. 2.1.1). 
 
4.3.3. Néanmoins, la situation apparaît différente lorsque, eu égard à un statut personnel spécifique ou à la nature particulière des faits qui lui sont reprochés, l'auteur est en mesure de déduire, d'une norme de rang conventionnel, un fait justificatif dont les contours peuvent être distingués de manière suffisamment claire dans la jurisprudence, en particulier dans celle rendue par la Cour européenne des droits de l'Homme (CourEDH).  
 
4.3.3.1. Tel est le cas de la liberté de la presse et des médias, garantie par les art. 10 CEDH, en ce qui concerne la protection de la profession de journaliste. La CourEDH souligne ainsi constamment, dans sa jurisprudence relative à l'art. 10 CEDH, l'importance de la mission professionnelle des journalistes et en particulier le rôle essentiel de "chien de garde" qu'ils jouent dans une société démocratique. La fonction des journalistes - qui consiste à diffuser des informations et des idées sur toutes les questions d'intérêt général - est à cet égard rattachée au droit, pour le public, d'en recevoir (cf. parmi d'autres: arrêts Satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oy c. Finlande [GC] du 27 juin 2017 [req. n° 931/13], § 126; Bédat c. Suisse [GC] du 29 mars 2016 [req. n° 56925/08], § 51). La CourEDH précise par ailleurs que la phase préparatoire à une publication, soit en particulier la collecte d'informations, est une étape préparatoire essentielle du travail de journalisme, qu'elle est inhérente à la liberté de la presse et qu'elle est donc, à ce titre, également protégée par l'art. 10 CEDH (arrêts Satakunnan Markkinapörssi Oy et Satamedia Oy c. Finlande [GC] précité, § 128; Dammann c. Suisse du 25 avril 2006 [req. n° 77551/01], § 52).  
 
4.3.3.2. Une telle approche s'inscrit du reste en cohérence avec la jurisprudence rendue par la CourEDH dans des affaires concernant la Suisse. En effet, dans deux causes concernant des journalistes (cf. ATF 127 IV 166 consid. 5b; arrêt 6B_225/2008 du 7 octobre 2008 consid. 3), le Tribunal fédéral avait refusé de reconnaître que ceux-là puissent invoquer leur devoir de profession à titre de fait justificatif déduit d'une application conjointe des art. 14 CP et 10 CEDH. Or la CourEDH, saisie de requêtes visant les arrêts précités, avait par la suite constaté, pour chacune de ces deux causes, une violation par la Suisse de l'art. 10 CEDH (arrêts Dammann c. Suisse précité; Haldimann et autres c. Suisse du 24 février 2015 [req. n° 21830/09]).  
Il apparaît dans ce contexte approprié que le juge pénal suisse soit en mesure d'anticiper l'examen qui sera opéré par la CourEDH au cas où le condamné choisit de porter sa cause devant cette autorité. 
 
4.3.4. Au regard des considérations qui précèdent, il y a donc lieu d'admettre qu'un journaliste puisse invoquer, pour tenter de justifier son comportement dans le cadre de l'application de l'art. 14 CP, le devoir afférent à sa profession tel qu'il lui est reconnu en vertu de l'art. 10 CEDH.  
 
4.4.  
 
4.4.1. Cela étant relevé, la prise en compte d'un droit fondamental comme fait justificatif impose au juge pénal d'intégrer le raisonnement constitutionnel dans son schéma de réflexion habituel en trois points (typicité, illicéité, culpabilité). Comme le prévoit l'art. 36 Cst., le juge doit à cet égard s'assurer que la condamnation qui porte atteinte à un droit fondamental repose sur une base légale, poursuit un intérêt public et se révèle proportionnée au but visé. Dans le cadre de cet examen, la condition de la base légale devrait le plus souvent être réalisée, étant observé qu'une disposition qui érige en infraction pénale un certain comportement répond en principe à cette exigence. La condition de l'intérêt public ne devrait non plus poser de difficulté, dans la mesure où, en règle générale, il n'est guère contestable que l'infraction pénale vise à préserver l'ordre public face à des comportements que le législateur a estimé justifié de proscrire (PERRIN, op. cit., p. 306 s.).  
 
4.4.2. L'examen de la proportionnalité, et la pesée des intérêts qu'il induit, représentent ainsi le principal enjeu. Le point central pour le juge pénal consiste en effet le plus souvent à s'assurer que la condamnation qu'il entend prononcer soit fondée sur des motifs pertinents et suffisants, et qu'elle soit proportionnée aux buts qu'elle poursuit, lesquels correspondent à la défense du bien juridique protégé par la disposition pénale. Dans ce contexte, le juge doit se demander si la condamnation, et la peine qui y est assortie, sont aptes à assurer la protection de l'intérêt public en jeu, si le résultat ne pourrait pas être atteint autrement que par le prononcé d'une condamnation et d'une peine et, surtout, si la pesée des intérêts penche en faveur de l'intérêt de l'État à limiter le droit fondamental du prévenu. À cet égard, la règle de la nécessité doit être mise en relation avec le fait que le droit pénal doit toujours constituer une ultima ratio : il faut en effet déterminer si l'intérêt public en jeu nécessite vraiment que l'atteinte au droit fondamental du prévenu prenne la forme, ultime, de la condamnation pénale (PERRIN, op. cit., p. 307 s.).  
 
4.5. Il y a donc lieu de déterminer concrètement, eu égard aux principes exposés ci-avant, si la condamnation de la recourante 2 porte atteinte à sa liberté d'expression ou à la liberté des médias.  
 
4.5.1. L'art. 10 CEDH dispose que toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations (par. 1); l'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire (par. 2).  
 
4.5.2. La protection accrue offerte à la presse par l'art. 10 CEDH est subordonnée au respect des devoirs et des responsabilités liés à la fonction de journaliste et à l'obligation corollaire de pratiquer un "journalisme responsable". À cet égard, la CourEDH reconnaît que les journalistes peuvent parfois se trouver face à un conflit entre le devoir général de respecter les lois pénales de droit commun, dont ils ne sont pas exonérés, et leur obligation professionnelle de recueillir et de diffuser des informations qui permet aux médias de jouer le rôle essentiel de "chien de garde" qui est le leur. Il convient de souligner, dans le contexte d'un tel conflit d'intérêts, que la notion de "journalisme responsable" implique que, dès lors que le comportement du journaliste va à l'encontre du devoir de respecter les lois pénales de droit commun, il doit savoir qu'il s'expose à des sanctions juridiques, notamment pénales, s'il refuse d'obtempérer à des ordres légaux émanant entre autres de la police (arrêt Pentikäinen c. Finlande [GC] du 20 octobre 2015 [req. n° 11882/10], § 110).  
La CourEDH a ainsi eu l'occasion de rappeler que les journalistes ne sauraient être déliés de leur devoir de respecter les lois pénales de droit commun du seul fait qu'ils sont protégés par l'art. 10 CEDH (cf. not. arrêt Stoll c. Suisse [GC] du 10 décembre 2007 [req. n° 69698/01], § 102).  
 
4.5.3. Il n'en demeure pas moins qu'au regard de l'art. 10 par. 2 CEDH, la question principale à résoudre est celle de savoir si l'ingérence, qui en l'occurrence prend la forme d'une condamnation pénale, constitue une "mesure nécessaire dans une société démocratique". L'art. 10 par. 2 CEDH ne laisse en effet guère de place pour des restrictions à la liberté d'expression dans le domaine du discours politique ou des questions d'intérêt général. Il convient ainsi de faire preuve de la plus grande prudence lorsque les mesures prises ou les sanctions infligées sont de nature à dissuader la presse de participer à la discussion de problèmes relevant d'un intérêt général (arrêt Stoll c. Suisse [GC] précité, § 102).  
De jurisprudence constante, l'adjectif "nécessaire", contenu à l'art. 10 par. 2 CEDH, implique ainsi l'existence d'un "besoin social impérieux" (cf. parmi d'autres: arrêts Bédat c. Suisse [GC] précité, § 48; Stoll c. Suisse [GC] précité, § 101). Le caractère "impérieux" d'un besoin social n'est pas synonyme "[d']indispensable", mais ce vocable n'a pas non plus la souplesse de termes tels que "raisonnable", "admissible", "normal", "utile" ou "opportun" (arrêts Gorzelik et autres c. Pologne [GC] du 17 février 2004 [req. n° 44158/98], § 95; Sunday Times c. Royaume-Uni du 26 avril 1979 [req. n° 6538/74], § 59).  
Pour déterminer si la mesure litigieuse était nécessaire, il convient de tenir compte de plusieurs aspects distincts, selon les circonstances d'espèce, tels que les intérêts en présence, le comportement concrètement adopté par le journaliste et la proportionnalité de la sanction prononcée. Si les États contractants jouissent en règle générale d'une certaine marge d'appréciation pour juger de l'existence d'un tel besoin, cette marge d'appréciation est néanmoins restreinte lorsque la liberté de la presse est en cause (cf. parmi d'autres: arrêts Bédat c. Suisse [GC] précité, § 49; Stoll c. Suisse précité, § 102 [GC]).  
 
4.6.  
 
4.6.1. En l'espèce, comme cela a déjà été relevé (cf. consid. 3 supra), les comportements reprochés à la recourante 2 tombent tous sous le coup de l'art. 33 al. 1 let. a LArm.  
Il est à cet égard constant que l'intéressée a agi dans le cadre de son activité de journaliste alors qu'elle avait pour projet de réaliser, pour le compte de la RTS, un reportage destiné à mettre en lumière, d'une part, les dangers causés par les armes produites au moyen d'imprimantes 3D et, d'autre part, la facilité avec laquelle il était possible pour quiconque d'acquérir, en dehors de tout cadre légal, les éléments composant une telle arme, puis de la monter et de s'en servir de manière autonome. De manière tout aussi constante, il s'agissait pour la recourante 2 d'alerter la population sur le danger important pour la sécurité publique que causaient les armes imprimées en 3D, telles que le pistolet B.________, notamment sur le risque d'attentat ou de toute autre action violente susceptibles d'être menés au moyen de ces armes. 
 
4.6.2. Cela étant rappelé, la condamnation pénale de la recourante 2 est effectivement de nature, eu égard au contexte dans lequel elle s'inscrit, à constituer une atteinte à la liberté d'expression, dont on rappelle qu'elle est protégée de manière accrue par l'art. 10 CEDH s'agissant de l'activité de journaliste.  
Il ne fait pas de doute que, s'agissant d'une loi au sens formel rédigé en des termes suffisamment précis quant aux comportements reprochés à la recourante 2, l'art. 33 LArm constitue une base légale suffisante pour appréhender pénalement le comportement en cause et, le cas échéant, pour justifier l'atteinte portée à la liberté d'expression. Il n'est pas non plus contestable que l'ingérence est inspirée par un but légitime: il est en effet tout à fait justifié que, compte tenu des dangers inhérents aux armes à feu, l'État soumette à autorisation notamment leur détention et leur transport et qu'il sanctionne pénalement les personnes qui ne respectent pas l'obligation légale de disposer d'une telle autorisation. 
 
4.7. Il ne reste dès lors qu'à examiner si la condamnation pénale, en tant qu'atteinte à la liberté d'expression, consacre une "mesure nécessaire dans une société démocratique" et si elle répond à un "besoin social impérieux", soit, en d'autres termes, si elle demeure proportionnée au regard des buts poursuivis par la loi pénale.  
 
4.7.1. En premier lieu, il faut prendre en considération que les actes reprochés à la recourante 2 se sont inscrits dans le strict cadre utile à la réalisation de son enquête journalistique.  
Si la recourante 2 s'était par exemple limitée à demander des devis aux imprimeurs 3D, sans commander ni acquérir effectivement le pistolet B.________, la démonstration n'aurait en effet pas été complète, dès lors qu'il aurait pu lui être rétorqué qu'au stade de la production, les procédures internes aux imprimeurs leur auraient permis de découvrir qu'ils fabriquaient des pièces servant au montage d'une arme. De la même manière, il était nécessaire de monter le pistolet et de le présenter à un spécialiste, cela afin de s'assurer que le matériel livré pouvait réellement conduire à la fabrication d'une arme fonctionnelle. 
 
4.7.2. Par le passé, la CourEDH a été saisie de causes portant sur des états de fait plus ou moins semblables à celui d'espèce.  
 
4.7.2.1. Des atteintes à la liberté d'expression ont ainsi été tenues pour proportionnées aux buts légitimes poursuivis par la législation pénale notamment dans des affaires, concernant des journalistes, où étaient en cause la détention illégale d'une authentique arme à feu visant à démontrer la facilité avec laquelle il était possible de s'en procurer une sur le marché noir (décision Salihu et autres c. Suède du 10 mai 2016 [req. n° 33628/15]), l'embarquement d'une arme blanche (couteau-papillon) à bord d'un avion de ligne dans le but de dénoncer les failles du système de sécurité dans les aéroports (décision Erdtmann c. Allemagne du 5 janvier 2016 [req. n° 56328/10]) ou encore l'achat et le transport illégaux de feux d'artifice interdits par la loi dès lors qu'ils étaient apparentés à des explosifs (décision Mikkelsen et Christensen c. Danemark du 24 mai 2011 [req. n° 22918/08]).  
 
4.7.2.2. La présente cause paraît néanmoins se distinguer des affaires évoquées ci-avant.  
En particulier, il doit être tenu compte du fait que, de manière encore plus évidente que s'agissant des comportements décrits plus haut, la mise en danger de la sécurité publique, telle que causée par les actes reprochés à la recourante 2, a en l'espèce été particulièrement abstraite et limitée, voire presque insignifiante. Il ressort ainsi de l'arrêt attaqué que, sitôt que la recourante 2 avait reçu, puis assemblé, à son lieu de travail les différents éléments en plastique composant le pistolet B.________, cette arme avait constamment été conservée sous clés dans un tiroir de son bureau situé dans le bâtiment sécurisé de la RTS, si bien que personne d'autre qu'elle n'avait pu y avoir accès. Si le choix de prendre le train pour le transport de l'arme à Lausanne n'était certes pas judicieux, la recourante 2 avait néanmoins effectué les trajets en cause avec toutes les précautions commandées par les circonstances, l'arme n'ayant alors été munie ni de percuteur ni de munitions, de sorte qu'elle était inutilisable en l'état; de même, durant ce transport, l'arme avait été entreposée de manière non reconnaissable dans le sac contenant la caméra de la recourante 2, lequel était resté sous sa surveillance constante; la recourante 2 avait enfin pris le soin de poser une pièce métallique pour rendre l'arme détectable. À cet égard, on observera encore que la détention d'armes dans les trains n'a rien d'insolite en Suisse si l'on songe aux militaires, souvent non professionnels, ou aux tireurs sportifs qui s'y déplacent parfois avec des armes à feu automatiques bien plus imposantes et dangereuses. 
C'est également le lieu de souligner qu'à l'inverse de ce qui prévaut pour certaines des affaires citées ci-avant, l'acquisition du pistolet B.________, essentiellement constitué d'éléments en plastique, n'a pas contribué à enrichir un quelconque réseau criminel, ni à faire prospérer le marché noir, la recourante 2 ayant fait appel pour l'acquisition des éléments en question à des imprimeurs 3D dont il apparaît qu'ils proposaient leurs services publiquement et de manière licite. 
 
 
4.7.3.  
 
4.7.3.1. Il est établi qu'en l'espèce, la recourante 2 connaissait l'obligation légale d'obtenir une autorisation en vertu de la LArm dès lors qu'elle avait été informée de cette circonstance, le 5 mars 2019, par le service juridique de la RTS, soit préalablement à la commande des pièces détachées. Il est aussi établi qu'en dépit de cette connaissance, la recourante 2 n'a pas requis une autorisation en vue de l'acquisition et de la détention de l'arme, qu'elle a reçue le 19 mars 2019, l'intéressée n'ayant formulé une demande d'autorisation exceptionnelle (cf. art. 28c LArm) à la police que le 29 mars 2019, soit dans un délai trop bref pour l'obtenir à la date de son déplacement à Lausanne, effectué le 1er avril 2019.  
 
4.7.3.2. Certes, les circonstances décrites ci-avant pourraient laisser apparaître que la recourante 2 disposait des moyens pour agir dans la légalité: il lui aurait ainsi été loisible, avant qu'elle entreprenne de demander des offres aux imprimeurs contactés, de solliciter une autorisation exceptionnelle à la police, une telle démarche n'ayant a priori rien d'insurmontable pour elle.  
On rappellera cependant que, comme l'a constamment soutenu la recourante 2, son travail d'investigation visait précisément à démontrer qu'il était possible d'acquérir l'arme "en dehors de tout cadre légal". Or une demande d'autorisation, formulée auprès de la police avant même d'avoir acquis l'arme, aurait été de nature à mettre en péril cette démonstration, attendu que, dès le moment du dépôt de la demande à la police, il existait l'éventualité que celle-ci cherche notamment à identifier l'imprimeur qui allait fournir à la recourante 2 les pièces détachées de l'arme et à l'en dissuader, ce qui aurait été de nature à supprimer une grande partie de l'intérêt du projet journalistique de la recourante 2. 
 
4.7.3.3. Il est pour le surplus constant qu'après être parvenue à se faire livrer puis à monter les pièces détachées du pistolet B.________, la recourante 2 avait finalement requis de la police, le vendredi 29 mars 2019, une autorisation exceptionnelle en vue du transport de l'arme à l'École des sciences criminelles de l'Université de Lausanne, prévu le lundi suivant. Si cette demande avait certes été déposée dans un délai assurément trop bref pour qu'elle puisse l'obtenir en temps utile, il apparaît néanmoins que, pour ce transport, les conditions matérielles présidant à la délivrance d'une autorisation exceptionnelle au sens de l'art. 28c LArm étaient a priori réunies, de sorte que la recourante 2 aurait très vraisemblablement obtenu une telle autorisation si elle l'avait requise à temps. En particulier, il ne semble guère contestable qu'au moment précis du transport de l'arme, elle pouvait justifier d'un "motif légitime" (cf. art. 28c al. 1 let. a LArm), un tel motif étant notamment reconnu, selon l'art. 28c al. 2 let. e LArm, au requérant qui entend disposer d'une arme "à des fins éducatives, culturelles, historiques ou de recherche".  
Il pourrait encore être objecté que le transport de l'arme à Lausanne ne souffrait en l'occurrence d'aucune urgence, si bien que, dans l'attente de la délivrance de l'autorisation, la recourante 2 aurait très bien pu reporter de quelques jours son entrevue avec le spécialiste de l'ESC. Cela étant, il ne ressort pas de l'arrêt attaqué que la police, informée du projet de reportage dès le 21 mars 2019, avait finalement statué sur la demande du 29 mars 2019, ni qu'elle avait formellement réagi à la suite de cette demande, si ce n'est en refusant l'interview par ailleurs sollicité par la recourante 2 - estimant en substance que la problématique des armes imprimées était dénuée d'intérêt - et en la convoquant à une audition, le 4 avril 2019, lors de laquelle elle avait été invitée à s'exprimer sur les tenants et aboutissants de son reportage. 
 
4.7.4. Il apparaît, compte tenu de ces différents éléments, que la condamnation de la recourante 2 ne répond pas à un besoin social qui puisse être qualité d'impérieux.  
D'autres mesures, telles qu'un simple rappel à l'ordre, voire le prononcé d'un classement de la procédure, éventuellement par la voie de l'art. 52 CP, auraient en effet été suffisantes pour préserver le but de sécurité publique poursuivi par la législation sur les armes, étant encore rappelé que le reportage réalisé par la recourante 2 et finalement diffusé a précisément contribué à mettre en lumière les limites de cette législation face aux dangers inhérents aux armes imprimées en 3D. 
 
4.8. Pour ces motifs, les actes reprochés à la recourante 2 doivent être considérés comme licites en tant qu'ils s'inscrivaient dans le cadre de l'exercice par une journaliste de sa liberté d'expression.  
L'arrêt attaqué sera en conséquence réformé en ce sens que la recourante 2 est acquittée de l'infraction décrite à l'art. 33 al. 1 let. a LArm
 
 
5.  
Pour le surplus, il n'y a pas matière à examiner les autres griefs développés par les recourants. En particulier, il n'y a pas lieu de déterminer si les comportements de la recourante 2 devaient être tenus pour licites en vertu d'autres faits justificatifs, notamment en vertu de celui - extra-légal - déduit de la théorie du "risque admissible", comme l'a retenu la cour cantonale s'agissant de l'acquisition et de la détention de l'arme dans les locaux de la RTS. 
 
6.  
Il s'ensuit que le recours du ministère public (6B_650/2022) doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
Le recours de A.________ (6B_664/2022) doit pour sa part être admis. L'arrêt attaqué sera réformé en ce sens qu'elle est acquittée de l'infraction décrite à l'art. 33 al. 1 let. a LArm. Pour le surplus, la cause sera renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle rende une nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale. 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires pour les causes 6B_650/2022 et 6B_664/2022 (art. 66 al. 4 LTF). A.________, qui a obtenu gain de cause, a droit à des dépens à la charge du canton de Genève (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Les causes 6B_650/2022 et 6B_664/2022 sont jointes. 
 
2.  
Le recours du Ministère public de la République et canton de Genève (6B_650/2022) est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
3.  
Le recours de A.________ (6B_664/2022) est admis. 
 
4.  
L'arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 24 mars 2022 est réformé en ce sens que A.________ est acquittée de l'infraction décrite à l'art. 33 al. 1 let. a LArm. Pour le surplus, la cause est renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle rende une nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale. 
 
5.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
6.  
Une indemnité de 3'000 fr., à verser à A.________ à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral, est mise à la charge du canton de Genève. 
 
7.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 12 décembre 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
Le Greffier : Tinguely