Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_892/2024
Arrêt du 13 mai 2025
Ire Cour de droit pénal
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Jacquemoud-Rossari, Présidente,
Muschietti et von Felten.
Greffière : Mme Kistler Vianin.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
Ministère public central du canton de Vaud,
avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD,
intimé.
Objet
Déclaration d'appel tardive; violation du droit d'être entendu; présomption d'innocence; récusation; etc.,
recours contre le jugement de la Cour d'appel
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud,
du 11 septembre 2024 (n° 451 PE22.001151/CGS/roa).
Faits :
A.
Par jugement du 15 mars 2024, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a reconnu A.________ coupable de violation de l'obligation de tenir une comptabilité et d'inobservation par le débiteur des règles de la procédure pour dettes ou de faillite, l'a condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à 80 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans, ainsi qu'à une amende de 900 fr., la peine privative de liberté de substitution étant de neuf jours en cas de non-paiement fautif de celle-ci.
B.
Par jugement du 11 septembre 2024, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a déclaré irrecevable l'appel formé par A.________, au motif que la déclaration d'appel avait été déposée tardivement.
En résumé, elle a retenu les faits suivants:
A.________ a annoncé faire appel du jugement du 15 mars 2024 par courrier adressé le 27 mars 2024.
Par envoi recommandé du 3 juillet 2024, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a notifié une copie motivée du jugement à A.________ et lui a imparti un délai de vingt jours, non prolongeable, dès la notification de ce jugement, pour adresser à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois une déclaration d'appel motivée conformément aux réquisits légaux.
Selon le suivi des envois de La Poste suisse, ce pli est arrivé à l'office de retrait le 5 juillet 2024, le destinataire a prolongé le délai de garde le 12 juillet 2024 jusqu'au 1er août 2024 et le pli a été distribué le 31 juillet 2024.
A.________ a adressé sa déclaration d'appel motivée au Tribunal cantonal vaudois le 20 août 2024.
Par envoi recommandé du 23 août 2024, le Président de la cour d'appel pénale vaudoise a informé A.________ qu'il semblait que sa déclaration d'appel était tardive, puisque le jugement était réputé notifié le 19 juillet 2024, que la prolongation du délai de garde n'était pas opposable aux autorités et que le délai d'appel était ainsi venu à échéance le 9 août 2024. Il lui impartissait par le même courrier un délai au 2 septembre 2024 pour se prononcer sur la recevabilité de l'appel.
Selon le suivi des envois de La Poste suisse, ce pli est arrivé à l'office de retrait le 27 août 2024 et le destinataire a prolongé le délai de garde le 3 septembre 2024.
C.
Contre ce jugement cantonal, A.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut, prioritairement, à la récusation de la juge cantonale B.________, à la constatation de la violation du droit à un tribunal impartial, à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision rendue par une composition différente, excluant la juge B.________. Subsidiairement, dans la mesure où le Tribunal fédéral rejetterait sa demande de récusation, il requiert à ce qu'il soit constaté la violation de ses droits fondamentaux, que son appel soit déclaré recevable et qu'il soit ordonné à la cour cantonale d'entrer en matière sur celui-ci. En outre, il sollicite l'assistance judiciaire.
Considérant en droit :
1.
Invoquant notamment son droit d'être entendu, le droit à un procès équitable et le principe de la bonne foi, le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir déclaré irrecevable sa déclaration d'appel.
1.1.
1.1.1. La partie qui veut former un appel doit déposer, dans une première étape, une annonce d'appel devant le tribunal de première instance, par écrit ou oralement pour mention au procès-verbal, dans le délai de dix jours à compter de la communication du jugement (art. 399 al. 1 CPP). En cas d'appel de l'une des parties, le tribunal doit motiver son jugement et le notifier à toutes les parties (art. 82 al. 2 et 84 al. 4 CPP).
Si la partie qui a fait une annonce d'appel entend maintenir son appel, elle doit compléter celle-ci par une déclaration d'appel écrite, adressée à la juridiction d'appel, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP).
1.1.2. Selon l'art. 85 al. 4 let. a CPP, un prononcé est réputé notifié lorsque, expédié par lettre signature, il n'a pas été retiré dans les sept jours à compter de la tentative infructueuse de remise du pli, si la personne concernée devait s'attendre à une telle remise.
De jurisprudence constante, celui qui se sait partie à une procédure judiciaire et qui doit dès lors s'attendre à recevoir notification d'actes du juge est tenu de relever son courrier ou, s'il s'absente de son domicile, de prendre des dispositions pour que celui-ci lui parvienne néanmoins. À ce défaut, il est réputé avoir eu, à l'échéance du délai de garde, connaissance du contenu des plis recommandés que le juge lui adresse. Une telle obligation signifie que le destinataire doit, le cas échéant, désigner un représentant, faire suivre son courrier, informer les autorités de son absence ou leur indiquer une adresse de notification (ATF 146 IV 30 consid. 1.1.2; 141 II 429 consid. 3.1; 139 IV 228 consid. 1.1 et les références citées).
La jurisprudence a précisé que le délai de garde de sept jours n'était pas prolongé lorsque La Poste permet de retirer le courrier dans un délai plus long, par exemple à la suite d'une demande de garde. En effet, des accords particuliers avec La Poste ne permettent pas de reporter l'échéance de la notification, réputée intervenue à l'échéance du délai de sept jours. L'ordre donné au bureau de poste de conserver les envois ne constitue pas une mesure appropriée afin que les communications de l'autorité puissent être notifiées (ATF 141 II 429 consid. 3.1 et références citées; cf. aussi parmi d'autres arrêts 6B_14/2022 du 6 juin 2023 consid. 1.2.1; 6B_1321/2019 du 15 janvier 2020 consid. 1).
1.1.3. Le respect des délais pour annoncer un appel ou adresser une déclaration d'appel est une condition de recevabilité de l'appel, que la juridiction doit examiner d'office et dont l'inobservation entraîne la déchéance du droit d'interjeter appel, sous réserve de la possibilité d'en obtenir la restitution, aux conditions strictes de l'art. 94 CPP (cf. art. 403 al. 1 CPP).
1.2. La cour cantonale a constaté que la motivation du jugement rendu le 15 mars 2024 par le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne était réputée avoir été notifiée au recourant à l'issue des sept jours du délai de garde postale, à savoir le 19 juillet 2024, conformément à l'art. 85 al. 4 let. a CPP. Le délai de vingt jours, non prolongeable, pour adresser la déclaration d'appel était dès lors arrivé à échéance le 9 août 2024. Conformément à la jurisprudence, la cour cantonale a considéré que la prolongation du délai de garde par le recourant jusqu'au 1er août 2024 n'était pas opposable aux autorités judiciaires (cf. ci-dessus; ATF 141 II 429 consid. 3.3.2). Elle a donc jugé la déclaration d'appel déposée le 20 août 2024 par le recourant comme tardive et déclaré irrecevable l'appel de ce dernier.
1.3. Le recourant reproche en substance au tribunal de première instance et à la cour cantonale de ne pas l'avoir informé que la prolongation du délai de garde ne permettait pas de reporter le délai pour déposer sa déclaration d'appel. La Poste, qui offre la possibilité de prolonger le délai de garde des envois recommandés, aurait dû l'avertir qu'une telle prolongation n'était pas opposable aux autorités judiciaires. Pour le recourant, le comportement des autorités judiciaires et de la Poste serait contraire au principe de la bonne foi. Le recourant explique qu'il était, de son côté, de bonne foi (présomption d'innocence) et qu'en l'absence de base légale claire et précise et d'information de la part des autorités, il ne pouvait pas savoir que la prolongation du délai de garde était sans effet sur les délais légaux, cette règle découlant uniquement de la jurisprudence et ne figurant pas dans la loi. Enfin, pour le recourant, la déclaration d'irrecevabilité de son appel serait une sanction disproportionnée. En déclarant son appel irrecevable pour des motifs formels, la cour cantonale l'aurait également privé de son droit à un recours effectif, garanti par l'art. 13 CEDH, et entravé son droit d'accès à un tribunal de deuxième instance, portant par là atteinte à son droit à un procès équitable (art. 6 CEDH).
1.4. Les critiques du recourant sont infondées.
C'est en vain qu'il se plaint de la violation de son droit à l'information. Il a en effet été informé des voies de droit conformément à l'art. 81 al. 1 let. d CPP. L'indication obligatoire des moyens de recours comporte celle de la voie de recours (recours, opposition, relief, appel, recours en matière pénale), de l'autorité compétente pour connaître du recours ainsi que de l'autorité auprès de qui le recours doit être déposé ou annoncé, s'il ne s'agit pas de la même, et du délai légal pour recourir (MACALUSO/TOFFEL, Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd. 2019, n° 30
ad art. 81 CPP; arrêt 1B_626/2022 du 21 février 2023 consid. 2.1). En l'espèce, le tribunal de première instance a mentionné à la fin de son jugement que celui-ci pouvait faire l'objet d'un appel, respectant ainsi l'art. 81 al. 1 let. d CPP. Il ne devait pas en outre informer les parties sur les règles relatives à la recevabilité des recours, et notamment sur le fait qu'une demande de prolongation du délai de garde auprès de l'office postal ne permet pas de prolonger le délai de recours et de faire obstacle à la fiction de la notification à l'échéance du délai de garde du courrier (cf. arrêt 1F_32/2019 du 18 juillet 2019).
Pour le surplus, les règles relatives aux délais et à la communication des prononcés figurent dans le code de procédure pénale et il appartient, le cas échéant, à la partie qui désire faire appel de consulter un avocat. Sur la base du seul texte légal de l'art. 85 al. 4 let. a CPP, le recourant pouvait constater que le jugement était réputé notifié si le prononcé n'était pas retiré dans un délai de garde de sept jours. En jugeant que ce délai n'était pas prolongeable, la jurisprudence n'a fait que préciser l'art. 85 al. 4 let. a CPP, sans en modifier la portée. Le recourant dénonce à tort la violation du principe de la légalité, au motif que cette règle découlerait uniquement de la jurisprudence et non d'une disposition légale explicite.
C'est également en vain que le recourant se plaint de la violation du principe de la bonne foi. En effet, le tribunal de première instance a correctement informé le recourant des voies de recours. Pour le surplus, sur la base du texte légal, le recourant pouvait constater que le jugement était réputé notifié à l'échéance du délai de garde. Ni le tribunal de première instance ni la cour cantonale n'étaient tenus d'informer le recourant que la prolongation du délai de garde n'était pas opposable aux autorités judiciaires. La Poste, en tant que société anonyme de droit public, n'avait pas non plus à préciser que la prolongation du délai de garde n'avait pas pour effet de prolonger les délais judiciaires, étant précisé que les actes judiciaires ne sont qu'une partie des envois recommandés traités par la Poste.
Enfin, les critiques du recourant concernant le caractère disproportionné de la sanction du non-respect du délai pour déposer la déclaration d'appel tombent également à faux. En effet, le Tribunal fédéral a eu à plusieurs reprises l'occasion de rappeler que l'application stricte des règles sur les délais de recours se justifiait par des motifs d'égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (ATF 149 IV 97 consid. 2.1; 149 IV 196 consid. 1.1; cf. ATF 104 Ia 4 consid. 3; arrêts 4A_207/2019 du 17 août 2020 consid. 4.3, non publié in ATF 146 III 413; 6B_1187/2016 du 6 juillet 2017 consid. 1.4; 6B_51/2015 du 28 octobre 2015 consid. 2.1; arrêt 6B_659/2021 du 24 février 2022 consid. 2.1). La Cour européenne des droits de l'homme a également rappelé plusieurs fois qu'en matière de procédure et de délai, un impératif essentiel est celui de la sécurité juridique, qui assure l'égalité des justiciables devant la loi (cf. également arrêts CourEDH Üçdag c. Turquie du 31 août 2021, § 38; Sabri Günes c. Turquie du 29 juin 2012, §§ 39 ss et 56 s.).
1.5. En définitive, c'est à juste titre que la cour cantonale a déclaré l'appel formé par le recourant comme étant irrecevable à la suite du dépôt tardif de sa déclaration d'appel. Sa décision est conforme à la loi et aux droits fondamentaux. Les griefs du recourant doivent être rejetés.
2.
Le recourant sollicite la récusation de la juge cantonale B.________ en raison de sa position de Présidente de la Chambre des curatelles. En cette qualité, elle aurait participé à plusieurs décisions défavorables à son égard concernant la garde de sa fille (arrêt du 14 mars 2022, arrêt du 4 juillet 2022 et arrêt du 20 septembre 2023). Il ajoute également qu'elle est membre du Conseil de la magistrature, ce qui lui conférerait une influence potentielle sur les autres membres du tribunal.
2.1. Un magistrat est récusable pour l'un des motifs prévus aux art. 56 let. a à e CPP. Selon l'art. 56 let. b CPP, toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est tenue de se récuser lorsqu'elle a agi à un autre titre dans la même cause, en particulier comme membre d'une autorité, conseil juridique d'une partie, expert ou témoin. Le cas de récusation visé par cette disposition présuppose que le magistrat en question ait agi "dans la même cause". En l'espèce, la juge B.________ est intervenue dans une affaire concernant le droit de garde du recourant sur sa fille, à savoir dans une autre cause. L'art. 56 let. b CPP n'est donc pas applicable.
2.2. Un magistrat est aussi récusable, selon l'art. 56 let. f CPP, "lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil, sont de nature à le rendre suspect de prévention". Cette disposition a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes. Elle correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH (ATF 143 IV 69 consid. 3.2 p. 74). Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 144 I 159 consid. 4.3; 143 IV 69 consid. 3.2).
Le simple fait qu'un juge a participé à une décision d'une autre cour concernant la même partie ne permet pas de considérer, abstraitement - à savoir indépendamment d'indices concrets - qu'il est partial. En outre, même si comme le prétend le recourant, la juge en question avait commis des erreurs et des manquements procéduraux, cela ne saurait encore fonder en soi une apparence objective de prévention (ATF 143 IV 69 consid. 3.2). En définitive, le recourant ne fait pas état de comportements ou de déclarations de la juge en question qui viendraient démontrer objectivement une apparence de prévention de sa part à son encontre. Dans la mesure de leur recevabilité, les griefs du recourant doivent donc être rejetés.
3.
Le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
Comme il était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF) et le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière qui n'apparaît pas favorable.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 13 mai 2025
Au nom de la Ire Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
La Greffière : Kistler Vianin