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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_256/2024  
 
 
Arrêt du 14 octobre 2024  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Heine et Métral. 
Greffière : Mme Castella. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Christophe Sansonnens, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Secrétariat d'État à l'économie (SECO), Marché du travail et assurance-chômage, TCJD, Holzikofenweg 36, 3003 Berne, 
représenté par Me Isabelle Häner et/ou Me Florian Brunner, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-chômage (indemnité en cas de travail à temps réduit, restitution), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 19 mars 2024 (B-2785/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ SA (ci-après: la société) a perçu des indemnités en cas de réduction de l'horaire de travail (RHT) de la Caisse publique de chômage du canton de Fribourg (ci-après: la caisse de chômage), sur plusieurs périodes s'étendant de mars 2020 à avril 2021. 
Le 2 novembre 2022, sur mandat du Secrétariat d'État à l'économie (SECO), la société a fait l'objet d'un contrôle du bien-fondé des indemnités versées. 
Par décision du 20 février 2023, le SECO a requis la société de restituer à la caisse de chômage la somme de 102'823 fr. 15, correspondant au montant des prestations versées indûment. En substance, il a considéré qu'en raison de l'absence de système de contrôle de l'horaire de travail, il n'était pas possible de vérifier la véracité et l'ampleur des heures perdues en raison de facteurs d'ordre économique. Saisi d'une opposition, le SECO l'a rejetée par décision du 13 avril 2023. 
 
B.  
Par arrêt du 19 mars 2024, le Tribunal administratif fédéral a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours formé par la société. 
 
C.  
La société interjette un recours en matière de droit public, dans lequel elle conclut à l'annulation de l'arrêt du 19 mars 2024 et des décisions du SECO des 20 février et 13 avril 2023. Elle demande également à ce qu'il soit dit que le SECO n'est pas en droit de procéder à la révision, ni à la reconsidération, de son droit aux indemnités en cas de RHT versées de mars 2020 à avril 2021 et qu'elle n'est pas tenue de restituer quelconque montant à la caisse de chômage. 
Le SECO conclut au rejet du recours, sous suite de frais et dépens, tandis que le Tribunal administratif fédéral a renoncé à prendre position. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par le Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il y a dès lors lieu d'entrer en matière sur le recours. 
 
2.  
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF) et n'est donc limité ni par les arguments de la partie recourante ni par la motivation de l'autorité précédente. Il n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur les faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). 
 
3.  
Le litige porte sur le point de savoir si la juridiction précédente a violé le droit fédéral en confirmant l'obligation de la recourante de restituer la somme de 102'823 fr. 15, versée à titre d'indemnités en cas de RHT de mars 2020 à avril 2021. La recourante ne conteste pas le caractère indu des prestations. Il s'agit uniquement d'examiner si, en date du 20 février 2023, l'intimé était encore fondé à revenir sur les décisions d'octroi des indemnités et à en exiger le remboursement à la caisse de chômage. 
 
4.  
Après avoir considéré, en référence à la jurisprudence (notamment arrêts 8C_469/2011 du 29 décembre 2011 consid. 5; C 367/99 du 12 mai 2000 consid. 3), que le défaut d'un système de contrôle de la perte de travail ouvrait la voie de la reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) plutôt que de la révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA), la juridiction précédente a examiné le point de savoir si la reconsidération était soumise à un délai particulier. Elle y a répondu par la négative, considérant que seuls entraient en considération les délais de l'art. 25 al. 2 LPGA applicables à la restitution des prestations. En l'espèce, la décision rendue par l'intimé le 20 février 2023, à la suite du contrôle du bien-fondé des prestations allouées à la recourante, échappait donc à la critique et ne pouvait pas non plus être considérée comme tardive sous l'angle des règles de la bonne foi puisqu'elle avait été rendue moins de quatre mois après le contrôle du 2 novembre 2022. 
 
5.  
La recourante soutient que le délai relatif de 90 jours prévu à l'art. 67 al. 1 PA (relatif aux demandes de révision des décisions des autorités de recours) devrait s'appliquer par analogie à l'assureur social dans le cadre d'une reconsidération. Pour parvenir à cette conclusion, elle s'appuie sur plusieurs arguments, soutenant en particulier que les délais de l'art. 25 al. 2 LPGA ne suffisent pas à garantir la sécurité du droit et que l'absence de délai spécifique à l'art. 53 al. 2 LPGA serait concerné par le renvoi à la PA de l'art. 55 al. 1 LPGA, aux termes duquel les points de procédure qui ne sont pas réglés de manière exhaustive aux art. 27 à 54 LPGA ou par les dispositions des lois spéciales sont régis par la PA. La recourante évoque également l'importance attachée à la stabilité des décisions formellement entrées en force, l'absence de raison objective de traiter différemment la reconsidération et la révision procédurale en relation avec le principe de l'égalité de traitement (art. 8 Cst.). Elle soutient par ailleurs qu'une pratique qui affirmerait que la reconsidération n'est soumise à aucun délai sous réserve des règles de la bonne foi n'existerait pas et que, dans son ATF 140 V 514, le Tribunal fédéral aurait uniquement clarifié le fait que le délai absolu de dix ans de l'art. 67 al. 1 PA ne s'applique pas à la reconsidération avec effet ex nunc d'une décision concernant des prestations périodiques de longue durée (consid. 3). Partant, cette jurisprudence ne trancherait pas la question de l'application du délai relatif de l'art. 67 al. 1 PA à la reconsidération. Quant à l'arrêt I 276/04 du 28 juillet 2005, qui indiquerait qu'une date limite à la reconsidération est souhaitable dans l'intérêt de la sécurité du droit, il serait toujours d'actualité. Enfin, la recourante soutient que la pesée des intérêts, effectuée par le législateur, entre les principes de la légalité, de la confiance et de la sécurité du droit résiderait dans l'établissement des délais figurant à l'art. 67 al. 1 PA. Elle conclut, se référant à la jurisprudence relative à l'art. 25 al. 2 LPGA, que le dies a quo du délai relatif de l'art. 67 al. 1 PA serait la date du contrôle du 2 novembre 2022, de sorte que la décision de reconsidération serait tardive. 
 
6.  
 
6.1. Le raisonnement de la recourante ne peut pas être suivi. À l'ATF 140 V 514, le Tribunal fédéral a jugé que l'administration était en droit de revenir sur une décision manifestement erronée par la voie de la reconsidération même dix ans après son prononcé. Il a examiné cette question au regard de l'exigence de sécurité juridique, qu'il a considérée comme étant suffisamment garantie par l'art. 25 al. 2 LPGA, relevant également qu'il serait difficilement justifiable de maintenir le versement d'une prestation qui n'est manifestement pas due, uniquement parce que l'erreur de l'administration remonte à plusieurs années (cf. consid. 3, en particulier consid. 3.5). Dans l'arrêt 8C_680/2017 du 7 mai 2018 (consid. 4.1.3.1), les juges fédéraux ont expressément relevé que la pesée des intérêts entre l'application du droit objectif et l'intérêt à la pérennité des décisions avait été effectuée par le législateur, de manière abstraite et contraignante (art. 191 Cst.), en édictant l'art. 53 LPGA, sur la base des principes spécifiques au droit des assurances sociales développés par l'ancien Tribunal fédéral des assurances; ainsi, en présence d'une décision manifestement inexacte et dont la rectification est d'importance considérable, l'application correcte du droit matériel primait (cf. arrêt I 464/02 du 1er juillet 2003 consid. 1.5). Aussi les principes de la protection de la confiance (sous réserve des cas où les conditions pour un traitement dérogeant à la loi seraient remplies), de la stabilité du droit et de la sécurité juridique ne s'opposaient-ils pas à une reconsidération (cf. également arrêts 8C_177/2023 du 6 octobre 2023 consid. 4.4.3; 8C_441/2022 du 12 juin 2023 consid. 4.2.5.2; 8C_552/2022 du 9 mai 2023 consid. 4.3.1).  
Récemment le Tribunal fédéral a précisé la lecture qu'il fallait faire de l'ATF 140 V 514 (consid. 3.5), à savoir que cet arrêt répondait par la négative à la question soulevée dans l'ATF 97 V 144 de la limitation dans le temps d'une reconsidération (arrêt 8C_83/2022 du 29 juin 2022 consid. 5.2.2; cf. aussi arrêt 8C_441/2022 précité consid. 4.2.5.1); il a relevé en particulier qu'il n'apparaissait pas que l'ATF 140 V 514 ne concernerait pas le délai relatif de 90 jours de l'art. 67 al. 1 PA. Autrement dit, il ne fallait pas déduire de cet arrêt publié que seul le délai absolu de dix ans ne s'appliquait pas à la reconsidération et que le délai relatif de 90 jours devait dans tous les cas être respecté. À l'ATF 149 V 91 (consid. 7.7), les juges fédéraux ont confirmé, une nouvelle fois, qu'il n'existait pas de limitation dans le temps de la possibilité de procéder à une reconsidération. 
On relèvera enfin que les motifs pouvant justifier une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA; découverte de faits ou moyens de preuve nouveaux), respectivement une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA; erreur manifeste et importance de la rectification) sont différents, de sorte que la recourante ne saurait invoquer la nécessité d'un traitement identique au sens de l'art. 8 Cst. 
 
6.2. En conclusion, le Tribunal fédéral s'est déjà prononcé sur la possibilité pour l'administration de procéder à une reconsidération sans limitation dans le temps (pour autant que les conditions matérielles soient réalisées) et a nié une application par analogie du délai relatif de l'art. 67 al. 1 PA à cette voie de droit. Il n'y a pas lieu de revenir sur cette jurisprudence confirmée à de nombreuses reprises. La recourante ne soutient d'ailleurs pas que les conditions d'un changement de jurisprudence seraient remplies (à ce sujet cf. ATF 146 IV 126 consid. 3; 142 V 212 consid. 4.4). Elle ne conteste pas non plus que les délais prescrits par l'art. 25 al. 2 LPGA pour la demande de restitution des prestations ont été respectés en l'espèce. L'arrêt attaqué échappe donc à la critique et doit être confirmé.  
 
7.  
La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Bien qu'il obtienne gain de cause, l'intimé n'a pas droit aux dépens qu'il prétend (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal administratif fédéral, Cour II, et à la Caisse publique de chômage du canton de Fribourg. 
 
 
Lucerne, le 14 octobre 2024 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
La Greffière : Castella