Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_536/2023
Arrêt du 15 janvier 2025
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Haag, Président,
Chaix et Müller,
Greffier : M. Alvarez.
Participants à la procédure
A.A.________ et B.A.________,
C.________,
D.________,
E.E.________ et F.E.________,
G.________,
H.H.________ et I.H.________,
J.________,
K.K.________ et L.K.________,
tous représentés par Me Thibault Blanchard, avocat,
recourants,
contre
S.I. M.________ SA,
représentée par Me Daniel Pache, avocat,
N.________
O.________,
intimés,
Municipalité de Lutry,
Le Château, case postale 190, 1095 Lutry,
représentée par Me Jean-Samuel Leuba, avocat, HCML Etude d'avocats,
galerie Saint-François A, 1003 Lausanne,
Ét ablissement d'assurance contre l'incendie et les éléments naturels du canton de Vaud (ECA),
Service juridique,
avenue du Grey 111, 1018 Lausanne,
Direction générale de l'environnement du canton de Vaud (DGE-DIRNA), Unité droit et études d'impact,
avenue de Valmont 30B, 1014 Lausanne,
Direction générale de l'environnement du canton de Vaud (DGE-DIREV), Unité droit et études d'impact,
rue Caroline 11, 1014 Lausanne.
Objet
Permis de construire,
recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 1er septembre 2023
(AC.2021.0293).
Faits :
A.
N.________ et O.________ sont copropriétaires de la parcelle n
o 597 de la Commune de Lutry, d'une surface de 1'819 m
2. P.________ et Q.________ sont copropriétaires de la parcelle n
o 598 de la Commune de Lutry, d'une surface de 3'555 m
2. Les parcelles n
os 597 et 598 sont plantées de vigne et supportent deux capites ainsi que des murs de vignes; elles sont promises-vendues à S.I M.________ SA Elles sont comprises dans la zone de faible densité au sens des art. 136 à 139 du règlement communal sur les constructions et l'aménagement du territoire du 12 juillet 2005 (RCAT). Les parcelles n
os 597 et 598 jouxtent au sud la parcelle n
o 474 propriété des Chemins de fer fédéraux suisses SA (ci-après: CFF) qui supporte la ligne de chemin de fer Lausanne-Berne. Au-delà de cette ligne se trouve un secteur largement bâti colloqué en zone de moyenne densité. Les parcelles n
os 597 et 598 sont bordées côté sud par des parcelles bâties et une parcelle plantée de vignes et, côté ouest, par le chemin de Gotta-d'Or, au-delà duquel se trouve une parcelle supportant un volumineux bâtiment d'habitation. Enfin, du côté est, la parcelle n
o 597 jouxte deux parcelles bâties, alors que la n
o 598 borde le chemin de Mourat, au-delà duquel se trouve un vaste secteur de vigne affecté à la zone viticole, longeant la voie CFF.
B.
Du 6 mars 2021 au 4 avril 2021, N.________, O.________, P.________, Q.________ et M.________ ont soumis à l'enquête publique la construction sur les parcelles n
os 597 et 598 de trois bâtiments d'habitation (bâtiments A et B au sud et bâtiment C au nord), totalisant 14 appartements, et d'un parking souterrain de 16 places. L'accès est prévu par le chemin de Mourat, dont la partie supérieure présente une déclivité importante (entre 14 et 26%). L'extrémité nord de ce chemin est en impasse; en direction du sud, il croise l'avenue William et débouche sur le chemin des Moulins.
Plusieurs oppositions ont été déposées durant l'enquête dont celle formée conjointement notamment par A.A.________ et B.A.________, C.________, D.________, E.E.________ et F.E.________, G.________, H.H.________, J.________, K.K.________ et L.K.________ (ci-après: A.A.________ et consorts).
Par courrier du 17 août 2020 - préalablement à l'enquête -, les CFF ont donné leur accord au projet en application de l'art. 18m de la loi fédérale sur les chemins de fer du 20 décembre 1957 (LCdF; RS 742.101), le subordonnant à plusieurs conditions. Le 3 juin 2021, la Centrale cantonale des autorisations en matière de construction a établi une synthèse des autorisations et préavis des services de l'État concernés (synthèse CAMAC); elle renferme notamment l'autorisation spéciale délivrée par l'Établissement cantonal d'assurance (ci-après: ECA), les parcelles concernées étant répertoriées en zone de danger de glissements de terrain spontanés et coulées de terre (niveau de danger faible); elle contient également l'assentiment délivré par la Direction cantonale générale de l'environnement (ci-après: DGE) en application de l'art. 31 al. 2 de l'ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB; RS 814.41), les valeurs limites d'exposition au bruit des chemins de fer étant dépassées au niveau de quatre chambres faisant face à la ligne CFF.
Le 5 juillet 2021, la Municipalité de Lutry a délivré le permis de construire et levé les oppositions. Par acte conjoint du 8 septembre 2021, les opposants prénommés ont recouru à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Par arrêt du 1
er septembre 2023, la cour cantonale a partiellement admis le recours, le permis de construire étant modifié, conformément à l'engagement de la constructrice, en ce sens que l'angle de la terrasse de l'étage du bâtiment A doit être réalisé de manière à ce qu'il respecte la ligne d'anticipation de 1,80 m sur les espaces de non bâtir, et l'a rejeté pour le surplus.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.A.________ et consorts demandent principalement au Tribunal fédéral de reformer cet arrêt cantonal en ce sens que leur recours cantonal est admis et les décisions attaquées annulées, en particulier le permis de construire accordé par la Municipalité de Lutry et l'assentiment de la DGE figurant dans la synthèse CAMAC. Subsidiairement, ils concluent à l'annulation de l'arrêt attaqué. Ils requièrent également l'octroi de l'effet suspensif, accordé par ordonnance du 3 novembre 2023.
Le Tribunal cantonal renonce à se déterminer et se réfère aux considérants de son arrêt. L'ECA confirme ses écritures cantonales et, au surplus, s'en remet à justice. La DGE n'a pas de remarque à formuler. La Municipalité de Lutry propose le rejet du recours. M.________ conclut également au rejet; par écriture ultérieure, elle informe par ailleurs la Cour de céans être désormais seule propriétaire de la parcelle n
o 598. N.________ et O.________ adhèrent aux mémoires de la commune et de la constructrice et demandent aussi le rejet du recours. Q.________ s'en remet à justice. Également invité à se prononcer, l'Office fédéral de l'environnement (ci-après: OFEV) estime que l'arrêt attaqué n'est pas conforme au droit de l'environnement, les conditions d'une dérogation au sens des art. 22 de la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE; RS 814.01) et 31 OPB n'étant selon lui pas respectées. M.________, d'une part, et la commune, d'autre part, se sont déterminées, confirmant en particulier leur position s'agissant du respect des conditions d'une dérogation au sens de l'art. 31 OPB. Aux termes d'un ultime échange d'écritures, les parties persistent dans leurs conclusions respectives.
Considérant en droit :
1.
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans une cause relevant du droit public de la construction (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Comme le reconnaît au demeurant la constructrice intimée, certains recourants sont propriétaires de parcelles proches du projet litigieux confirmé par l'arrêt attaqué, si bien qu'ils jouissent, à ce titre, d'un intérêt digne de protection à la modification ou à l'annulation de cette décision; dans cette mesure, ils bénéficient de la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF; il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner individuellement la qualité pour agir de chacun des recourants, qui agissent de surcroît par l'intermédiaire du même mandataire. Les autres conditions de recevabilité étant au surplus réunies, il convient d'entrer en matière.
2.
Les recourants font valoir un défaut d'intégration du projet et se plaignent à cet égard d'une application arbitraire de l'art. 86 de la loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les constructions du 4 décembre 1985 (LATC; RS/VD 700.11) ainsi que de l'art. 24 RCAT.
2.1.
2.1.1. En droit vaudois, une règle générale d'esthétique et d'intégration des constructions est prévue à l'art. 86 LATC. Cet article dispose que la municipalité veille à ce que les constructions, quelle que soit leur destination, ainsi que les aménagements qui leur sont liés, présentent un aspect architectural satisfaisant et s'intègrent à l'environnement (al. 1). Elle refuse le permis pour les constructions ou les démolitions susceptibles de compromettre l'aspect et le caractère d'un site, d'une localité, d'un quartier ou d'une rue, ou de nuire à l'aspect d'un édifice de valeur historique, artistique ou culturelle (al. 2). L'art. 24 RCAT - qui reprend ces principes - prévoit que sont interdites toutes constructions de nature à compromettre l'aspect ou le caractère d'un site, d'une localité, d'un quartier ou d'une rue, ou à nuire à l'aspect d'un édifice de valeur historique, artistique ou pittoresque.
Selon la jurisprudence, l'application d'une clause d'esthétique ne doit cependant pas aboutir à ce que, de façon générale, la réglementation sur les zones en vigueur soit vidée de sa substance. Une intervention des autorités dans le cas de la construction d'un immeuble réglementaire qui ne serait pas en harmonie avec les bâtiments existants, ne peut s'inscrire que dans la ligne tracée par la loi elle-même et par les règlements communaux, qui définissent en premier lieu l'orientation que doit suivre le développement des localités. Ainsi, lorsqu'un plan de zones prévoit que des constructions d'un certain volume peuvent être édifiées dans tel secteur du territoire, une interdiction de construire fondée sur l'art. 86 LATC ne peut se justifier que par un intérêt public prépondérant. Il faut que l'utilisation des possibilités de construire réglementaires apparaisse déraisonnable et irrationnelle (ATF 115 Ia 363 consid. 3a; arrêt 1C_234/2020 du 5 février 2021 consid. 7). Tel sera par exemple le cas s'il s'agit de protéger un site, un bâtiment ou un ensemble de bâtiments présentant des qualités esthétiques remarquables, qui font défaut à l'immeuble projeté ou que mettrait en péril sa construction (ATF 101 Ia 213 consid. 6c; arrêt 1C_391/2023 du 8 août 2024 consid. 6.1).
Lorsqu'il est amené à examiner l'application de clauses d'esthétique, le Tribunal fédéral fait preuve de retenue dans l'appréciation des circonstances locales, spécialement en matière de protection des monuments et des sites bâtis, compte tenu du large pouvoir d'appréciation des autorités locales dans ce domaine (cf. ATF 146 II 367 consid. 3; 142 I 162 consid. 3.2.2). C'est le cas notamment lorsqu'il s'agit de savoir si une construction ou une installation est de nature à compromettre l'aspect ou le caractère d'un site, d'une localité, d'un quartier ou d'une rue (cf. ATF 115 Ia 114 consid. 3d; arrêt 1C_383/2021 du 13 septembre 2022 consid. 2.2.1).
2.1.2. Le Tribunal fédéral revoit librement l'interprétation et l'application du droit fédéral et du droit constitutionnel cantonal (art. 95 LTF). Il examine en revanche sous l'angle restreint de l'arbitraire l'interprétation et l'application des autres règles du droit cantonal ou communal (ATF 147 I 433 consid. 4.2; 146 II 367 consid. 3.1.5). Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Il ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable ou en contradiction manifeste avec la situation effective, ou encore si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. Si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire préférable (ATF 148 II 465 consid. 8.1; 148 I 145 consid. 6.1). Dans ce contexte, le recours est soumis aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 149 III 81 consid. 1.3; 146 I 62 consid. 3).
2.2. Les recourants reprochent à l'instance précédente d'avoir fait abstraction des vignes sur les parcelles du projet. Comme l'a jugé la cour cantonale, la présence, respectivement la suppression de ces plantations n'est pas pertinente au stade du permis de construire et de la question de l'esthétique et de l'intégration. En effet, ce grief concerne en réalité la planification, singulièrement le caractère constructible des parcelles litigieuses; or cette affectation a été confirmée par l'instance précédente à l'issue d'un contrôle incident (cf. arrêt attaqué, consid. 1) que les recourants ne discutent pas céans. Au surplus, ils ne soulèvent aucun grief directement en lien avec l'élimination de ces plantations susceptible de remettre en cause le projet. La critique est écartée.
2.3. Les recourants font également grief à l'instance précédente de n'avoir pas jugé déraisonnable l'utilisation "maximale" des possibilités de construire. L'instance précédente a certes reconnu que le projet litigieux impliquait une utilisation très intensive des parcelles n
os 597 et 598. Cependant, lors de son transport sur place, elle a constaté que le projet s'inscrivait dans un environnement largement bâti, soulignant que tout le secteur sis en aval était construit de manière continue jusqu'au lac Léman. Au nord, au-delà de la ligne CFF, ce que confirment du reste les photographies au dossier, se trouve aussi un secteur largement bâti. Ces images ne permettent en revanche pas de conclure, contrairement à ce que soutiennent les recourants, que le secteur serait essentiellement composé de villas familiales individuelles ou jumelées. Au demeurant, que les bâtiments sis en amont de la voie ferrée se trouvent par hypothèse dans une zone d'affectation différente de celle du projet est sans influence sur la question de son intégration, laquelle doit ici s'examiner à l'échelle du secteur bâti et non en fonction des limites des zones d'affectation prévues par le plan. À l'ouest se trouve un volumineux bâtiment d'habitation, dont la cour cantonale a jugé qu'il ne présentait pas d'intérêt particulier, ce qui n'est pas discuté. Enfin, les parcelles n
os 597 et 598 sont comprises dans le périmètre compact de l'agglomération Lausanne-Morges qui poursuit, de manière générale, des objectifs de densification (cf. plan directeur cantonal vaudois, adaptation 4 quater, fiche R11, p. 362), élément plaidant également en faveur de l'exploitation du potentiel constructible de ces parcelles, même s'il doit ici être relativisé, le secteur concerné se trouvant en périphérie et hors du milieu urbain. À l'opposé, on ne discerne pas d'intérêt prépondérant commandant de condamner le projet sous l'angle de l'intégration, en particulier en lien avec l'objet IFP 1202 Lavaux, situé à proximité, dont il n'est pas démontré que les objectifs de protection seraient compromis (cf. fiche IFP 12020 Lavaux, ch. 3, p. 5). Dans ces conditions et au regard de l'importante latitude de jugement dont jouissent les autorités locales en la matière, qui relève essentiellement de l'appréciation des circonstances locales, l'utilisation de l'entier du potentiel constructible n'apparaît pas déraisonnable, pas plus qu'il n'est arbitraire de nier que le projet souffre d'un défaut d'intégration.
2.4. Le grief est rejeté.
3.
Les recourants se plaignent d'un dépassement du coefficient d'utilisation du sol (ci-après: CUS).
3.1. Le CUS est le rapport numérique entre la surface brute de plancher utile et la surface de la parcelle. À teneur de l'art. 137 RCAT, le CUS dans la zone de faible densité est limité à 0,35.
En l'occurrence, la surface des parcelles nos 597 et 598 se monte à 5'374 m2. La surface brute de plancher utile (ci-après: SBPU) se chiffre par conséquent à 1'880,90 m2 (5'374 x 0,35). A cela s'ajoute le transfert de droits à bâtir de 68 m2 de la parcelle no 602 en faveur des parcelles du projet consenti par convention du 24 février 2023 ainsi qu'un bonus de performances énergétiques de 5% (art. 97 LATC et 54 RCAT), pour une SBPU maximale totale passant de 1974,95 m2 (1'880,90 x 1,05) à 2'046,34 m2. Selon le plan XIV du 21 février 2023 établi par la constructrice, le projet litigieux présente une surface brute de plancher de 2'044.86 m2 légèrement inférieure à la SBPU maximale, aussi a-t-il été jugé conforme à la réglementation communale sur ce point.
3.2. Les recourants soutiennent que la convention de transfert d'indice du 24 février 2023 ne serait pas valable. De plus, de par son ampleur, le transfert serait excessif. Ils affirment encore qu'en application des art. 72 et 72d du règlement de la LATC du 19 septembre 1986 (RLATC; RS/VD 700.11.1), cette opération aurait dû faire l'objet d'une enquête publique; s'agissant toutefois d'un grief nouveau de droit cantonal, celui-ci doit d'emblée être déclaré irrecevable (cf. arrêts 1C_481/2023 du 26 mars 2024 consid. 4; 1C_494/2023 du 2 février 2024 consid. 4; 1C_222/2019 du 4 septembre 2020 consid. 4.2.2).
3.2.1. Selon les recourants, il ne serait en particulier pas établi que le représentant officiel de la communauté héréditaire propriétaire de la parcelle cédante n
o 602 bénéficiait des pouvoirs pour conclure cette convention. Ils se prévalent du fait qu'en cours d'instance, par courrier du 25 avril 2023, l'une des copropriétaires concernées, Q.________, avait fait savoir au Tribunal cantonal qu'elle s'opposait à cette convention qu'elle n'avait pas signée. Toutefois, comme l'a jugé l'instance précédente, cela n'est pas déterminant. Il ressort tout d'abord de l'ordonnance rendue le 14 mai 2021 par la Présidente du Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois que l'avocat R.________ a été désigné représentant de la communauté héréditaire avec pour mission d'administrer, de gérer et de maintenir l'entier des actifs successoraux (sur les compétences du représentant officiel, cf. NICOLAS ROUILLER, Commentaire du droit des successions, 2
e éd. 2023, n. 107 ss ad art. 602 CC [RS 210]). Il n'est ensuite pas discuté qu'au moment de la signature de cet accord, aucune révocation du représentant n'était intervenue. Les recourants ne prétendent pas non plus que l'autorité de surveillance aurait été saisie pour interdire au représentant de consentir au transfert d'indice, pour peu que cela eût été de nature à invalider l'accord (sur ces questions cf. ROUILLER, op. cit., n. 115 ss ad art. 602 CC). Enfin, le représentant officiel a encore signalé à l'instance précédente faire l'objet d'une mention au Registre foncier, notamment sous la parcelle n
o 602. Dans ces conditions, rien ne permet de conclure que celui-ci ne bénéficiait pas des pouvoirs nécessaires pour consentir au transfert litigieux.
3.2.2. Les recourants soutiennent encore que les conditions pour autoriser un tel transfert ne seraient pas réalisées. Ils estiment que cette opération priverait la parcelle n
o 602 - d'une surface de 1'005 m
2 - d'une partie importante de ses droits à bâtir (19,33%), ce qui, selon eux, reviendrait à modifier de façon importante les règles de densité du RCAT. Ce faisant, les recourants se contentent toutefois d'opposer leur propre appréciation à celle de l'instance précédente sans démontrer en quoi celle-ci serait critiquable. Comme l'a expliqué la cour cantonale, la jurisprudence commande d'examiner à l'échelle de la zone ou du quartier si le transfert contrevient aux objectifs de l'aménagement du territoire consistant à maintenir une certaine harmonie entre les constructions et l'espace non bâti ( art. 1 et 3 LAT ; cf. arrêt 1C_389/2013 du 25 mars 2014 consid. 4.1). Or, en l'occurrence et pour les motifs exposés ci-dessus, le projet ne souffre pas d'un défaut d'intégration, en particulier au regard des constructions environnantes (cf. consid. 2.2 et 2.3 ci-dessus). Il est vrai toutefois que le transfert litigieux prive la parcelle n
o 602 de près de 20% de son potentiel constructible; le transfert se trouve cependant dilué dans la réalisation de trois bâtiments sur les parcelles n
os 597 et 598 - et non dans une unique construction -, si bien que la dysharmonie entre le projet et ce qu'il demeurera possible de réaliser sur la parcelle n
o 602 n'apparaît pas évidente (cf. BENOÎT BOVAY/PAULINE MONOD, Les conventions de droits à bâtir, in: VÉRONIQUE BOILLET ET AL., La contractualisation en droit public, 2021, p. 168), pas plus qu'il n'apparaît que cette opération entraînera une modification substantielle des règles de densité prévues par le règlement communal. Enfin, les recourants ne prétendent pas que les autres conditions fixées par la jurisprudence pour admettre un tel transfert, en particulier s'agissant de la contiguïté des parcelles et l'affectation à une même zone, ne seraient pas réunies (cf. arrêts 1C_437/2023 du 30 septembre 2024 consid. 4.1; 1C_82/2020 du 21 octobre 2020 consid. 3.5; 1C_389/2013 du 25 mars 2014 consid. 4.1). Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de s'écarter de l'appréciation de l'instance précédente, qui échappe à l'arbitraire (sur la cognition du Tribunal fédéral en la matière, cf. arrêt 1C_437/2023 précité consid. 4.1).
3.3. Toujours en lien avec le dépassement du CUS, les recourants se plaignent d'une application arbitraire de l'art. 16 let. j et l RCAT. Ils reprochent en particulier à l'instance précédente de n'avoir pas compté dans la SBPU les buanderies privées situées à l'intérieur des logements. Par ailleurs, il serait contraire au texte de l'art. 16 al. 2 let. l RCAT d'avoir exclu du calcul du CUS les couloirs d'accès entre le garage et les habitations, au rez-de-chaussée et à l'étage des bâtiments A et B, cette disposition mentionnant les couloirs et escaliers souterrains reliant un garage au "bâtiment d'habitation" et non aux "logements" ou encore aux "surfaces habitables".
3.3.1. Aux termes de l'art. 16 RCAT, la SBPU d'un bâtiment se compose de la somme des surfaces de tous les niveaux utilisés ou utilisables pour l'habitation ou l'exercice d'une activité professionnelle dans leur périmètre extérieur, y compris les murs et les parois dans leur section horizontale. Au nombre des surfaces qui ne sont pas prises en compte, l'art. 16 RCAT mentionne notamment les caves, buanderies, abris de protection civile, locaux techniques divers (chauffage, ventilation, citerne, etc.) (let. j) ainsi que les couloirs, escaliers et ascenseurs qui ne desservent pas des surfaces utilisées pour l'habitation ou des activités professionnelles (let. k); sont également exclus les couloirs, escaliers souterrains reliant un garage au bâtiment d'habitation, même s'ils constituent l'accès principal à l'immeuble (let. l).
3.3.2. Selon les recourants, il tomberait sous le sens, en particulier au regard des exemples de locaux mentionnés par l'art. 16 let. j RCAT, que le législateur communal entendait uniquement exclure de la SBPU les locaux de service en sous-sol, en principe à usage commun, si bien qu'il serait arbitraire d'avoir fait également profiter de cette exception les buanderies privatives situées dans les logements. Bien que cette interprétation de la disposition soit défendable, cela ne rend pas pour autant arbitraire l'appréciation de l'instance précédente. Il ne ressort en effet aucunement du texte réglementaire que le régime de l'art. 16 al. 2 let. j RCAT se cantonnerait aux seules pièces en sous-sol ou aux locaux communs. Par ailleurs, avoir exclu de la SBPU tant les buanderies privatives que les locaux au sous-sol ne revient pas, contrairement à ce qu'affirment les recourants, à faire bénéficier deux fois le projet de cette exception. À la lumière des plans, au sous-sol, sont en effet uniquement prévus des locaux de séchage communs et non, à strictement parler, des buanderies. À cet égard, on peut raisonnablement suivre la constructrice lorsqu'elle affirme qu'il est usuel, dans des appartements de standing, de prévoir des installations de lessive privatives. Cela conduit également à dissiper les craintes des recourants quant à l'utilisation de ces pièces à d'autres fins, ce d'autant que celles-ci présentent des dimensions modestes (pour l'essentiel entre 1,95 et 4,86 m
2, sous réserve d'une pièce à 7,24 m
2) et ne bénéficient d'aucun éclairage naturel; il appartiendra de surcroît à la municipalité de s'assurer, lors de la délivrance du permis d'habiter, que l'exécution corresponde en tous points aux plans approuvés (cf. arrêts 1C_302/2014 du 5 janvier 2015 consid. 6.2; 1C_416/2012 du 6 décembre 2012 consid. 4.2). La critique est écartée.
3.3.3. En ce qui concerne les accès entre le garage et les habitations sis au rez-de-chaussée et à l'étage des bâtiments A et B, le Tribunal cantonal a expliqué que l'art. 16 al. 2 let. k RCAT -
a contrario - posait le principe général selon lequel les couloirs et escaliers desservant des surfaces utilisées pour l'habitation ou des activités professionnelles devaient être comptés dans la SBPU. Il n'apparaît ainsi pas indéfendable de comprendre l'art. 16 al. 2 let. l RCAT comme une exception à ce principe en ce sens que les couloirs et escaliers ne sont pas pris en compte lorsqu'ils ont pour unique fonction l'accès à un garage, même s'ils desservent des surfaces utilisées pour l'habitation ou des activités professionnelles, ni de considérer, avec la commune, qu'il s'agit alors d'accès de service se distinguant d'un couloir donnant sur l'extérieur, comptant quant à lui dans la SBPU. A ce cela s'ajoute enfin, comme l'a retenu le Tribunal cantonal, que cette interprétation correspond à la pratique de la municipalité, qui dans ce domaine bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation (cf. arrêts 1C_279/2019 du 9 avril 2020 consid. 2.1.2 et 2.1.3; 1C_450/2018 du 11 décembre 2019 consid. 3.1.3). Certes les recourants le contestent; ils se contentent cependant d'affirmer que les plans et dossiers produits par la commune (cf. dossier cantonal, pièces produites par la constructrice le 8 avril 2022) attesteraient du contraire; à l'examen et à défaut d'explications complémentaires, cette lecture des plans n'apparaît toutefois pas évidente. Dans ces conditions, la critique est rejetée.
3.4. Sur le vu de ce qui précède, le grief portant sur la non-conformité du projet au CUS défini par le RCAT est rejeté dans son ensemble.
4.
Les recourants se prévalent d'une violation des art. 19 et 22 al. 2 let. b LAT . Selon eux, les accès au projet seraient inadéquats et n'offriraient pas un niveau de sécurité suffisant.
4.1. Conformément à l'art. 22 al. 2 let. b LAT, l'autorisation de construire n'est délivrée que si le terrain est équipé. Tel est le cas selon l'art. 19 al. 1 LAT lorsqu'il est desservi d'une manière adaptée à l'utilisation prévue par des voies d'accès. Une voie d'accès est adaptée à l'utilisation prévue lorsqu'elle est suffisante d'un point de vue technique et juridique pour accueillir tout le trafic de la zone qu'elle dessert (ATF 121 I 65 consid. 3a). La loi n'impose ainsi pas des voies d'accès idéales; il faut et il suffit que, par sa construction et son aménagement, une voie de desserte soit praticable pour le trafic lié à l'utilisation du bien-fonds et n'expose pas ses usagers ni ceux des voies publiques auxquelles elle se raccorderait à des dangers excessifs (cf. ATF 121 I 65 consid. 3a; arrêts 1C_368/2021 du 29 août 2022 consid. 3.1; 1C_88/2019 du 23 septembre 2019 consid. 3.1). Par ailleurs, la sécurité des usagers doit être garantie sur toute sa longueur, la visibilité et les possibilités de croisement doivent être suffisantes et l'accès des services de secours (ambulance, service du feu) et de voirie doit être assuré (ATF 121 I 65 consid. 3a; arrêts 1C_368/2021 du 29 août 2022 consid. 3.1; 1C_56/2019 du 14 octobre 2019 consid. 3.1). Il est à cet égard suffisant que, pour entrer en force, l'autorisation de construire soit assortie de la condition que l'accès routier est garanti (arrêts 1C_341/2020 du 18 février 2022 consid. 3.3.1; 1C_589/2020 du 25 mars 2021 consid. 3.1). Dans ce domaine également, les autorités communales et cantonales disposent d'un important pouvoir d'appréciation, que le Tribunal fédéral se doit de respecter (ATF 121 I 65 consid. 3a; arrêts 1C_304/2022 du 10 août 2023 consid. 4.1; 1C_209/2022 du 25 août 2022 consid. 6.1).
4.2. Le dossier comprend deux expertises privées émanant de bureaux d'ingénieurs établies, d'une part, sur mandat de la constructrice (rapport S.________) et, d'autre part, sur mandat des recourants (rapport T.________). L'accès au projet litigieux est prévu par le chemin existant de Mourat. Le tronçon susceptible de poser problème est la partie supérieure de ce chemin, soit celle située entre le croisement avec l'avenue William au sud et la voie CFF au nord, d'une longueur d'environ 185 m. Actuellement, 21 logements génèrent du trafic sur ce tronçon (cf. rapport S.________ p. 9); avec le projet, ce seront 35 logements qui généreront du trafic.
4.2.1. Le Tribunal cantonal a considéré que cet accès offrait des possibilités de croisement suffisantes (cf. rapports S.________, p. 25, et T.________, p. 9 ss et p. 21), au besoin en empiétant, selon un
modus vivendi établi, sur certaines parcelles, ce qui n'est en soi pas contraire aux exigences d'un accès suffisant (cf. arrêt 1C_225/2017 du 16 janvier 2018 consid. 4.2). De plus, dans le secteur litigieux, le chemin de Mourat est rectiligne et offre une bonne visibilité permettant au conducteur de voir suffisamment tôt un véhicule en sens inverse et de s'arrêter, voire de reculer si nécessaire. Selon la cour cantonale, cette manoeuvre pourra s'effectuer dans des conditions de sécurité suffisante, d'autant que le nombre de croisement restera limité (trois par jour; cf. expertise T.________, p. 13 s.; voir également rapport S.________, p. 20). Les recourants ne discutent pas en tant que tels ces différents éléments; ils se contentent, sans réellement émettre de critique, de reprendre certaines considérations et solutions issues des rapports d'expertise favorables à leur point de vue. Rien ne commande dès lors de revenir sur l'appréciation de l'instance précédente, qui a non seulement pris en compte l'ensemble des éléments versés au dossier, mais s'est également rendue sur place; il peut, à ce propos, et au surplus être renvoyé aux considérants pertinents de l'arrêt attaqué (en particulier, consid. 3a/ff; cf. art. 109 al. 3 LTF).
4.2.2. Sur la base des expertises au dossier, le Tribunal cantonal a par ailleurs établi que ce seront 25 véhicules qui circuleront à l'heure la plus chargée de la journée, contre 15 véhicules actuellement sur le tronçon problématique. De manière indirecte, les recourants le contestent: sans discuter la conformité du nombre de places de stationnement prévu par le projet (soit une case de stationnement par appartement plus, pour les visiteurs, 10% du nombre de cases de stationnement pour les habitants) à la norme VSS 40'291, applicable par renvoi de l'art. 45 RCAT, ils affirment que ce nombre pourrait facilement être doublé par la suppression de simples cloisons de séparation (cf. p. ex. plan II, étage AB et garage, du 21 février 2023), si bien qu'il pourrait en résulter un accroissement du trafic. Outre que cela relève de la conjecture, il y a lieu, avec la cour cantonale, de s'en tenir au nombre de places autorisé par le permis de construire, dont il appartiendra à la commune de vérifier le strict respect. Au surplus, les recourants ne discutent pas que le chemin de Mourat présente, comme l'a retenu l'instance précédente, une capacité suffisante pour absorber l'augmentation du trafic ainsi constatée (cf. rapport T.________, p. 15; voir également rapport S.________, p. 18), point sur lequel il n'y a dès lors pas non plus lieu de revenir.
4.2.3. Les recourants font encore valoir un défaut de visibilité et de sécurité dans le carrefour Mourat-William ressortant du rapport T.________ (p. 17 ss). Ils reprochent à l'instance précédente d'avoir considéré que cette question ne présentait pas de lien suffisant avec l'équipement des parcelles du projet et qu'il appartenait, le cas échéant, à l'autorité communale de prendre les mesures nécessaires pour remédier à ce problème. Comme l'a relevé le Tribunal cantonal, la problématique de visibilité à ce carrefour, éloigné du projet de plus de 100 m selon les éléments au dossier, est une question préexistante, concernant l'accès aux parcelles du secteur, emprunté par les résidants actuels. Or, il ne ressort pas du dossier que l'utilisation actuelle aurait conduit à des accidents ni que l'augmentation de trafic due au projet accroîterait ce risque et aboutirait à un danger excessif (cf. arrêt 1C_225/2017 du 16 janvier 2018 consid. 5.3.3). Dans ces conditions, même si en raison de ce défaut de sécurité l'accès n'apparaît certes, à ce niveau, pas idéal, rien ne permet de conclure qu'il serait insuffisant et de condamner le projet pour ce motif. D'ailleurs, au vu notamment de l'éloignement des parcelles du projet, on ne discerne pas que la constructrice pourrait influer sur cette problématique, singulièrement sur le réamenagement de la parcelle n
o 613 proposé par l'expert (rapport T.________, p. 19), ce qui plaide également en faveur de l'appréciation de l'instance précédente (cf. ATF 123 II 337 consid. 7a p. 353; 119 Ib 480 consid. 7b p. 491 et la réf. cit.; arrêt 1C_221/2007 du 3 mars 2008 consid. 7.2 in: DEP 2008 825). Il n'est ainsi pas indéfendable de retenir que la sécurisation de ce carrefour appartient, à première vue et le cas échéant, à la commune (cf. arrêt 1C_225/2017 du 16 janvier 2018 consid. 5.2).
4.2.4. En ce qui concerne l'accès des véhicules de sapeurs-pompiers, la cour cantonale a jugé que la directive concernant les accès, surfaces de manoeuvre et d'appui pour les moyens d'intervention sapeurs-pompiers (ci-après: directive CSSP) dont se prévalaient les recourants ne faisait pas partie des normes techniques déclarées applicables avec force de loi par le Conseil d'État du canton de Vaud sur la base de l'art. 3 al. 2 de la loi du 27 mai 1970 sur la prévention des incendies et des dangers résultant des éléments naturels (LPIEN; RS/VD 963.11) en relation avec l'art. 1 du règlement concernant les prescriptions sur la prévention des incendies (RPPI; RS/VD 963.11.2). Aussi l'accès litigieux ne pouvait-il être qualifié d'insuffisant au motif que sa largeur ou sa configuration, dans les tronçons rectilignes et les virages, ne correspondraient pas aux recommandations de cette directive édictée après la construction de la route et du quartier.
Les recourants ne partagent pas cet avis et soutiennent que la directive CSSP aurait dû être suivie. Il est vrai que, selon la jurisprudence, les prescriptions suisses de protection incendie AEAI sont directement applicables à titre de droit intercantonal et l'emportent sur le droit cantonal qui leur serait contraire (cf. arrêt 1C_340/2015 du 16 mars 2016 consid. 7.1; voir également arrêt 1C_303/2010 du 28 septembre 2010 consid. 2.1). Ces prescriptions renferment non seulement la norme AEAI elle-même (01.01.2015/1-15fr), mais également les directives AEAI de protection contre l'incendie. Or, la directive Prévention des incendies et protection incendie organisationnelle (01.01.2017/12-15fr) renvoie expressément à la directive CSSP (cf. arrêt 1C_666/2021 du 28 juillet 2022 consid. 2.1.2). Cela demeure toutefois sans incidence dans le cas particulier.
En effet, selon le ch. 3 de la directive CSSP, les dérogations à cette directive doivent être justifiées dans les documents de demande d'autorisation de construire et l'équivalence des mesures de remplacement appropriées à une intervention efficace des sapeurs-pompiers doit être démontrée. Ces dérogations sont à autoriser par l'autorité de protection incendie compétente en accord avec les sapeurs-pompiers concernés (cf. arrêt 1C_234/2020 du 5 février 2021 consid. 5). Or, en l'espèce, il ressort de l'arrêt attaqué, de même que du rapport T.________ (p. 17), que le SDIS Ouest-Lavaux, qui intervient à Lutry, a indiqué que, compte tenu de la hauteur des bâtiments projetés, d'éventuelles interventions pourraient se faire avec de petits véhicules; ceux-ci pouvaient se tenir à une distance allant jusqu'à 80 m du bâtiment, condition qui, à la lumière des plans et éléments au dossier, apparaît en l'espèce réalisée. L'ECA n'a du reste pas émis de remarques particulières dans le cadre de la présente procédure, se référant à ses écritures cantonales dans lesquelles il confirme notamment la conformité du plan de protection incendie du 26 juillet 2020 à la directive CSSP (cf. déterminations du 8 février 2022).
4.2.5. Quant au trafic de chantier, on peut, avec l'instance précédente, retenir que celui-ci relève des règles de l'art en matière de construction, voire d'aspects civils, quant à d'éventuels empiétements ou dommages notamment; l'art. 19 al. 1 LAT suppose en effet que le terrain soit desservi par des voies d'accès présentant des conditions de commodité et de sécurité tenant compte des besoins des constructions projetées (cf. arrêts 1C_298/2023 du 5 avril 2024 consid. 6.1; 1C_155/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.1), exigence réalisée en l'espèce. Par ailleurs, les deux rapports d'expertise au dossier confirment que la situation est gérable malgré l'étroitesse et la pente du chemin de Mourat (cf. rapport T.________, p. 19; rapport S.________, p. 21 ss), ceci moyennant la mise en oeuvre de mesures de gestion du trafic décrites dans ces mêmes rapports (cf. rapport T.________, p. 19; rapport S.________, p. 22 ss). A cela s'ajoute, comme l'a retenu la cour cantonale, que la configuration des lieux n'a pas été un obstacle à l'accès des véhicules de chantier lors de la construction des différents bâtiments sis au nord du site du projet litigieux, à un endroit où la pente est pourtant plus forte.
4.2.6. Sur le vu de ce qui précède, tout bien considéré, il n'est pas contraire au droit fédéral d'avoir jugé que les parcelles du projet étaient équipées. Le grief est rejeté.
5.
Les recourants se plaignent encore d'une violation des art. 22 LPE et 31 OPB. Ils reprochent à l'instance précédente d'avoir confirmé l'assentiment dérogatoire délivré par la DGE (art. 31 al. 2 OPB), en lien avec les pièces du bâtiment C au niveau desquels, en raison du bruit ferroviaire, les valeurs limites d'immission (ci-après: VLI) sont dépassées.
5.1. Aux termes de l'art. 22 LPE, les permis de construire de nouveaux immeubles destinés au séjour prolongé de personnes ne seront délivrés que si les valeurs limites d'immission ne sont pas dépassées (al. 1). Si les valeurs limites d'immission sont néanmoins dépassées, les permis de construire de nouveaux immeubles destinés au séjour prolongé de personnes ne seront délivrés que si les pièces ont été judicieusement disposées et si les mesures complémentaires de lutte contre le bruit qui pourraient encore être nécessaires ont été prises (al. 2). L'art. 31 al. 1 OPB précise que, lorsque les valeurs limites d'immission sont dépassées, les nouvelles constructions ou les modifications notables de bâtiments comprenant des locaux à usage sensible au bruit, ne seront autorisées que si ces valeurs peuvent être respectées par la disposition des locaux à usage sensible au bruit sur le côté du bâtiment opposé au bruit (let. a), ou par des mesures de construction ou d'aménagement susceptibles de protéger le bâtiment contre le bruit (let. b). Aux termes de l'art. 39 al. 1 1
ère phrase OPB, pour les bâtiments, les immissions de bruit seront mesurées au milieu de la fenêtre ouverte des locaux à usage sensible au bruit. La jurisprudence a précisé que pour répondre aux exigences des art. 22 LPE, 31 al. 1 et 39 al. 1 OPB, les valeurs limites d'immission doivent être respectées à la hauteur de chacune des fenêtres des locaux à usage sensible (ATF 146 II 187 consid. 4.1; 145 II 189 consid. 8.1; 142 II 100 consid. 4.7). Selon l'art. 31 al. 2 OPB, si les mesures fixées à l' art. 31 al. 1 let. a et b OPB ne permettent pas de respecter les valeurs limites d'immission, le permis de construire ne sera délivré qu'avec l'assentiment de l'autorité cantonale et pour autant que l'édification du bâtiment présente un intérêt prépondérant. La délivrance d'une autorisation dérogatoire au sens de cette disposition appelle une pesée des intérêts; l'intérêt à la réalisation du bâtiment doit être confronté aux exigences en matière de réduction des nuisances sonores (ATF 146 II 187 consid. 4.1; arrêt 1C_704/2013 du 17 septembre 2014 consid. 6.2, publié in DEP 2014 p. 643 avec une note de ANNE-CHRISTINE FAVRE).
5.2. Il est constant que les VLI sont dépassées de 1 à 2 dB (A), de nuit, pour les quatre chambres à coucher du bâtiment C situées au nord, face à la ligne CFF. Le Tribunal cantonal a relevé que le rapport acoustique du bureau EcoAcoustique SA du 10 juillet 2020 (ci-après: rapport acoustique) - établi à l'appui du projet - préconisait la pose d'un écran de protection permettant une ventilation protégée du bruit avec un gain d'au moins 3 dB (A). Compte tenu du faible dépassement et de cet écran, il n'existait manifestement pas de mesures de construction ou aménagement - au sens de l'art. 31 al. 1 let. b OPB - proportionnés permettant de respecter les VLI; seuls pourraient entrer en ligne de compte une paroi antibruit ou l'éloignement du bâtiment, solutions toutefois jugées disproportionnée, respectivement irréaliste; la suppression de l'attique serait également disproportionnée. Dans ces conditions et dès lors que le projet s'implantait dans le périmètre compact de l'agglomération Lausanne-Morges, dans un quartier déjà largement voué à l'habitation, les conditions fixées à l'art. 31 al. 2 OPB étaient réalisées; l'assentiment de la DGE autorisant le projet malgré le dépassement des VLI était confirmé.
5.2.1. Comme le relève l'OFEV dans ses observations, la pose d'un écran préconisée par le rapport acoustique ne constitue qu'une mesure d'isolation acoustique et non une mesure de construction au sens de l'art. 31 al. 1 let. b OPB (cf. ATF 146 II 187 consid. 4.4.3; CHRISTOPH JÄGER, Bâtir dans les secteurs exposés au bruit: La pesée des intérêts au titre de l'art. 31 al. 2 OPB, in Territoire et environnement/VLP-ASPAN, juillet 2009, n. 2.2.2.3 let. a p. 10). Il ne ressort du reste pas de ce rapport que de telles mesures de construction auraient été analysées. Les considérants de l'arrêt attaqué n'exposent en outre pas les motifs concrets ayant conduit l'instance précédente à conclure que la réalisation d'un mur anti-bruit - suggéré par les recourants - serait disproportionnée ou encore que l'éloignement du bâtiment C de la ligne CFF serait inefficace. Pourtant, au sujet de cette dernière mesure - et comme l'explique l'OFEV -, la situation du bâtiment C prévu dans la pente, au-dessous des voies ferrées, apparaît de ce point de vue favorable pour une telle mesure, sur le plan acoustique; au demeurant, comme le soulignent les recourants, à l'examen du rapport acoustique, il apparaît qu'en s'éloignant de la voie ferrée, le niveau du bruit baisse rapidement (cf. rapport acoustique, ch. 3, figures, p. 4 s.). En outre, en réponse au recours, la constructrice a affirmé que le bâtiment C avait ainsi été placé vers le nord, non seulement pour des questions d'intégration, mais également pour bénéficier d'une meilleure situation en termes de vue et de qualité des espaces extérieurs et pour suivre les courbes de niveaux. Une telle argumentation ne permet pas de conclure qu'un déplacement serait exclu; elle relève au demeurant et essentiellement du seul intérêt privé de la constructrice à l'optimisation des droits à bâtir qui, sans autre justification, ne saurait prévaloir sur l'intérêt de santé publique important poursuivi par le législateur fédéral par l'adoption des normes de protection contre le bruit (cf. ATF 146 II 187 consid. 4.1; 142 II 100 consid. 4.3 et 4.4). Quant au prétendu non-respect des distances prévues par le RCAT qu'entraînerait, selon la constructrice, un éventuel déplacement du bâtiment C, celui-ci n'apparaît pas évident; à ce stade, le Tribunal fédéral ne dispose quoi qu'il en soit pas des éléments nécessaires pour se prononcer, s'agissant de surcroît d'un point ressortissant au droit communal.
Il n'est par ailleurs pas non plus manifeste qu'une redistribution des pièces des appartements en attique concernés serait impensable; l'arrêt cantonal n'est guère étayé sur ce point, pas plus que le dossier, singulièrement le rapport acoustique, qui ne renferme à cet égard aucune réflexion.
L'OFEV évoque enfin une série de mesures relativement simples, à l'instar de la construction de murs creux ou encore d'un remodelage du terrain, qui auraient pu être examinées, mesures dont la pertinence est toutefois contestée par la constructrice. Il ne s'agit cependant que d'exemples cités par l'office fédéral pour asseoir encore le fait que l'analyse circonstanciée, pourtant exigée du constructeur en cas de dépassement des VLI (cf. arrêt 1C_244/2019 du 25 août 2020 consid. 3.4.4), n'a en l'occurrence pas été réalisée.
5.3. C'est en définitive en vain que l'on cherche dans l'arrêt attaqué (cf. ATF 146 II 187 consid. 4.4.2 et 4.4.3) ou encore dans le dossier (cf. arrêt 1C_244/2019 du 25 août 2020 consid. 3.4.4) la démonstration que toutes les mesures de protection raisonnablement concevables ont été envisagées, respectivement réalisées, si bien que l'autorisation dérogatoire au sens de l'art. 31 al. 2 OPB ne pouvait être délivrée. Pour ce motif, le recours doit être admis et la cause renvoyée à l'instance précédente pour compléter l'instruction et, dans ce cadre, notamment inviter la constructrice à parfaire l'analyse acoustique du projet litigieux, en particulier d'examiner de manière circonstanciée si des mesures de protection et constructives au sens de l' art. 31 al. 1 let. a et b OPB sont envisageables pour assurer le respect des VLI. En cas d'impossibilité, il conviendra de procéder à la pesée complète des intérêts au sens de l'art. 31 al. 2 OPB, en tenant également - et notamment - compte des éléments issus de cette instruction complémentaire.
6.
Les recourants font enfin valoir une violation de l'art. 18m LCdF. Ils estiment que les CFF ont consenti au projet sans avoir eu connaissance des plans définitifs et du rapport d'évaluation locale des risques naturels établi par le bureau V.________ du 26 avril 2021, leur accord étant intervenu préalablement à l'enquête publique. Les recourants se plaignent par ailleurs que les conditions posées par les CFF dans leur accord n'aient pas été reprises dans le permis de construire.
6.1. Aux termes de l'art. 18m al. 1, l'établissement et la modification de constructions ou d'installations ne servant pas exclusivement ou principalement à l'exploitation ferroviaire (installations annexes) sont régis par le droit cantonal. Ils ne peuvent être autorisés qu'avec l'accord de l'entreprise ferroviaire si l'installation annexe affecte des immeubles appartenant à l'entreprise ferroviaire ou leur est contiguë (let. a); risque de compromettre la sécurité de l'exploitation (let. b).
6.2. En l'espèce, la cour cantonale a considéré que tout indiquait que les CFF avaient donné leur accord en étant suffisamment informés des impacts du projet en ce qui concernait la sécurité de l'exploitation de la ligne Lausanne-Berne. Cela étant, l'examen du dossier ne permet pas d'identifier les documents sur la base desquels les CFF se sont prononcés ni, par voie de conséquence, de vérifier si ceux-ci leur permettaient de mesurer la portée sur la sécurité de l'exploitation ferroviaire des dangers de glissement de terrain affectant les parcelles du projet (cf. synthèse CAMAC du 3 juin 2021; zone GSS, niveau de danger résiduel, et zone GPP, niveau de danger faible). Il ne ressort en particulier pas du dossier que les CFF auraient eu connaissance du rapport d'évaluation locale des risques exigé pour cette raison par l'ECA (
ibid.), rapport qui demande notamment que des mesures appropriées soient prises en lien avec la présence de la ligne CFF en amont (rapport V.________, ch. 3.1, p. 6). Il convient dès lors sur ce point de compléter l'instruction (cf. art. 112 let. b LTF), notamment en interpellant les CFF.
Au surplus, étant donné que l'accord des CFF est, de par la législation fédérale (art. 18m al. 1 LCdF), une condition de validité du projet, les conditions qui y figurent font partie intégrante de l'autorisation de construire et devront être scrupuleusement observées par la constructrice. La critique sur ce point est en revanche infondée.
6.3. Pour ces motifs également le recours doit être admis et la cause renvoyée à l'instance précédente. Celle-ci est invitée à compléter l'instruction, notamment en interpellant les CFF quant à la problématique des dangers de glissement de terrain en lien avec la sécurité de la ligne ferroviaire Lausanne-Berne.
7.
Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission du recours et à l'annulation de l'arrêt attaqué. La cause est renvoyée à l'instance précédente pour nouvelle instruction et décision dans le sens des considérants (cf. en particulier consid. 5.3 et 6.2). Les frais judiciaires sont mis à la charge des intimés, qui succombent. La Commune de Lutry en est exemptée (art. 66 al. 3 LTF). Les recourants, qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat, ont droit à des dépens ( art. 68 al. 1 et 4 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à l'instance précédente pour nouvelle instruction et décision dans le sens des considérants.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge solidaire des intimés.
3.
Une indemnité de 3'000 fr. est allouée aux recourants à titre de dépens à la charge des intimés, solidairement entre eux.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au mandataire de la Municipalité de Lutry, à l'Etablissement d'assurance contre l'incendie et les éléments naturels du canton de Vaud (ECA), à la Direction générale de l'environnement du canton de Vaud (DGE-DIRNA), à la Direction générale de l'environnement du canton de Vaud (DGE-DIREV), à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud, à l'Office fédéral de l'environnement, au mandataire de Q.________ ainsi qu'à P.________.
Lausanne, le 15 janvier 2025
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Haag
Le Greffier : Alvarez