Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_283/2024
Arrêt du 15 janvier 2025
IIe Cour de droit public
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Aubry Girardin, Présidente,
Donzallaz et Hänni.
Greffier : M. de Chambrier.
Participants à la procédure
A.________ SA,
représentée par Me Louise Bonadio, avocate,
recourante,
contre
Département de l'économie et de l'emploi, rue de l'Hôtel-de-Ville 11, 1204 Genève,
représentée par Me Stephan Fratini, avocat.
Objet
Allocation d'aide extraordinaire destinée aux entreprises touchées par les mesures contre l'épidémie du Covid-19,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 1ère section, du 29 avril 2024 (ATA/524/2024).
Faits :
A.
A.a. A.________ SA (ci-après: la société, puis la recourante) est une société anonyme, inscrite au registre du commerce, dont le but est la création et l'exploitation d'hôtels meublés, restaurants, cafés, ainsi que de tous commerces similaires. Elle exploite notamment l'hôtel "B.________" à Genève.
A.b. Dans le cadre de la crise économique induite par l'épidémie du coronavirus, la société a déposé deux demandes d'aide pour cas de rigueur pour l'année 2020, le 9 décembre 2020 et le 10 février 2021.
Le 5 février 2021, la société et l'État de Genève ont signé une convention d'octroi de contributions à fonds perdu qui rappelait les bases légales applicables ainsi que les engagements de véracité et d'exactitude des déclarations de l'entreprise requérante et l'obligation de restitution de montants indûment perçus.
Dans le second formulaire de demande du 10 février 2021, la société a notamment indiqué que son chiffre d'affaires du 1er janvier au 31 décembre 2020 s'était élevé à 592'807 francs et que le montant total de ses coûts avait été de 904'458 francs.
Le 22 février 2022, la société a déposé une demande complémentaire concernant le premier semestre 2021 et une nouvelle demande le 14 mars 2022 pour le second semestre 2021.
Par décisions des 28 janvier 2021, 16 mars 2021 et 25 mars 2022, le Département de l'économie et de l'emploi de la République et canton de Genève (ci-après: le Département) a octroyé à la société une aide totale de 442'770.60 francs pour la période d'indemnisation comprise entre le 1er janvier 2020 et le 30 juin 2021, dont 311'651 francs pour l'année 2020. Les décisions précisaient que des contrôles
a posteriori pouvaient être effectués et que les montants indûment perçus devraient être restitués.
B.
B.a. Par décision du 25 juillet 2023, après avoir procédé à des mesures d'instruction, le Département a retenu, pour 2020, un chiffre d'affaires de 803'973.03 francs, au lieu des 592'807 francs indiqués par la société, en intégrant notamment dans ce premier montant la dissolution de la provision "
pour bonus, charges soc., honoraires juridiques " d'un montant de 189'000 francs. Il a également retenu des coûts totaux de 944'726.35 francs au lieu de 904'458 francs et des coûts fixes de 403'817.58 francs au lieu de 629'020.80 francs.
Sur cette base, le Département avait recalculé le montant de l'indemnisation à laquelle la société pouvait prétendre pour 2020, soit 140'753.30 francs, correspondant à la différence entre les coûts totaux (hors impôts et taxes) et le chiffre d'affaires. Aucune modification n'a été apportée au premier semestre 2021.
L'aide totale à laquelle la société pouvait prétendre s'élevait ainsi à 338'802.60 francs et la différence entre le montant perçu et celui dû, soit 103'968 francs (442'770.60 - 338'802.60 francs) devait être restitué.
B.b. La société a déposé une réclamation contre cette décision, en reprochant au Département d'avoir pris en compte la dissolution de la provision susmentionnée de 189'000 francs.
Le Département a confirmé la décision précitée du 25 juillet 2023 par décision sur réclamation du 29 septembre 2023.
B.c. Par arrêt du 29 avril 2024, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a rejeté le recours formé par la société contre la décision sur réclamation susmentionnée.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ SA demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, outre l'effet suspensif, d'annuler l'arrêt précité du 29 avril 2024 et de "
dire que l'aide cas de rigueur à laquelle [elle]
a droit pour l'année 2020 s'élève à 311'651 francs ". Elle requiert aussi la confirmation "
de la décision sur réclamation du 29 septembre 2023 confirmant la décision du 25 juillet 2023 du [Département]
pour le surplus, en confirmant en particulier que l'aide cas de rigueur à laquelle [elle]
a droit pour le premier semestre 2021 s'élève à CHF 198'049.30. " Elle conclut ensuite à ce que le Département soit condamné à lui verser la somme de 66'930.40 francs. Subsidiairement, elle demande l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à l'autorité cantonale afin qu'elle statue dans le sens des considérants.
La Cour de justice indique s'en remettre à justice quant à la requête sur effet suspensif, ne pas avoir d'observation à formuler sur le recours et persister dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Département s'oppose à l'octroi de l'effet suspensif et, dans un écrit séparé, conclut sur le fond au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité.
La requête d'effet suspensif a été rejetée par ordonnance présidentielle du 20 juin 2024.
Sur demande du Tribunal fédéral, la recourante a produit une procuration actualisée.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 II 476 consid. 1).
1.1. L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF) rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF). Portant sur l'octroi d'aides financières de l'État en lien avec l'épidémie de Covid-19, il s'agit d'une cause de droit public (art. 82 let. a LTF). Le recours en matière de droit public est donc en principe ouvert. Toutefois, un tel recours n'est pas recevable contre les décisions concernant des subventions auxquelles la législation ne donne pas droit (art. 83 let. k LTF).
1.2. Le Tribunal fédéral a jugé que les aides financières à fonds perdu accordées par le canton de Genève aux entreprises dans le but de maintenir leur activité en relation avec l'épidémie de Covid-19 étaient des subventions au sens de l'art. 83 let. k LTF (cf. arrêt 2C_520/2023 du 28 février 2024 consid. 1.2 et la référence).
1.3. La jurisprudence a toutefois précisé que l'exception de l'art. 83 let. k LTF ne concernait pas les décisions qui ne portaient pas sur l'octroi initial d'une subvention, mais sur son remboursement. En pareil cas, le recours en matière de droit public est recevable, parce que le bénéficiaire est atteint dans sa situation juridique, même s'il n'existe, le cas échéant, aucun droit à la subvention en cause (arrêt 2C_520/2023 du 28 février 2024 consid. 1.3 et les références).
1.4. Selon la jurisprudence, l'objet de la contestation portée devant le Tribunal fédéral est déterminé par l'arrêt attaqué. L'objet du litige, délimité par les conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF), ne saurait s'étendre au-delà de l'objet de la contestation. Par conséquent, devant le Tribunal fédéral, le litige peut être réduit, mais ne saurait être ni élargi, ni transformé par rapport à ce qu'il était devant l'autorité précédente, qui l'a fixé dans le dispositif de l'arrêt entrepris et qui est devenu l'objet de la contestation devant le Tribunal fédéral (ATF 142 I 155 consid. 4.4.2). La partie recourante ne peut par conséquent pas prendre des conclusions ni formuler de griefs allant au-delà de l'objet du litige (ATF 143 V 19 consid. 1.1 et les références citées).
1.5. En l'occurrence, dans l'arrêt attaqué, la Cour de justice retient, sans être remise en question sur ce point par la recourante, que "
l'objet du litige porte sur la conformité au droit de la décision sur réclamation du 29 septembre 2023 confirmant la décision du 25 juillet 2023 qui demande la restitution de la part d'indemnisation indûment perçue pour l'année 2020. La présente cause ne concerne en revanche pas la période portant sur le premier semestre 2021."
Partant, la conclusion du recours tendant à l'octroi d'une aide supplémentaire de 66'930.40 francs, dans la mesure où elle porte sur le premier semestre 2021, est irrecevable, car hors objet de la contestation. Au demeurant, cette conclusion n'est aucunement motivée, si bien que le recours ne respecte pas à cet égard les exigences de l'art. 42 LTF.
1.6. Le présent litige porte donc exclusivement sur le remboursement d'une subvention, ce qui permet d'exclure l'application de l'art. 83 let. k LTF. La voie du recours en matière de droit public est ainsi ouverte.
1.7. Au surplus, déposé en temps utile (cf. art. 100 al. 1 LTF), le recours est, sous réserve de ce qui précède, recevable.
2.
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral ( art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF ), alors qu'il ne revoit le droit cantonal, sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce (cf. art. 95 LTF), que sous l'angle de la violation des droits fondamentaux - en particulier l'arbitraire (cf. ATF 147 I 433 consid. 4.2; 146 II 367 consid. 3.1.5). Les griefs de violation de ces droits sont soumis à des exigences de motivation accrue (cf. art. 106 al. 2 LTF). La partie recourante doit indiquer les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés (ATF 146 I 62 consid. 3; 142 II 369 consid. 2.1; 141 I 36 consid. 1.3).
3.
La recourante critique en substance la prise en compte d'une notion élargie du chiffre d'affaires déterminant dans le calcul de l'indemnisation. Elle reproche en particulier à l'autorité précédente d'avoir confirmé sur ce point la prise en considération de la dissolution de la provision "
pour bonus, charges soc., honoraires juridiques " d'un montant de 189'000 francs. La recourante se plaint à cet égard de violations de l'égalité de traitement, du principe de la légalité, de l'interdiction de l'arbitraire, du principe de la bonne foi et de la liberté économique. Ces griefs sont essentiellement invoqués en lien avec un arrêt de la Cour de justice ATA/474/2023 du 24 avril 2023, dans lequel cette autorité avait admis une notion étroite du chiffre d'affaires, limitée aux produits des ventes de biens ou de services.
4.
La recourante dénonce une violation du principe de la légalité, en lien avec l'art. 5 al. 1 de l'ordonnance fédérale du 25 novembre 2020 concernant les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises en lien avec l'épidémie de Covid-19 (Ordonnance Covid-19 cas de rigueur, OMCR 20; RS 951.262, dans sa teneur en vigueur du 1er avril au 31 décembre 2021 [RO 2021 184]) et l'art. 5 al. 1 du règlement cantonal du 5 mai 2021 d'application de la loi 12938, entré en vigueur à cette même date (ci-après: RAFE/GE-2021). En substance, elle fait valoir, en se référant à l'arrêt susmentionné de la Cour de justice ATA/474/2023 du 24 avril 2023, que l'on ne peut pas donner des sens différents à la notion de chiffre d'affaires présente dans les dispositions précitées.
4.1. L'art. 5 al. 1 Cst. consacre le principe de la légalité en prévoyant que le droit est la base et la limite de l'activité de l'État. En ce sens, il exige notamment que l'ensemble de l'activité étatique se fonde sur la loi et repose ainsi sur une base légale. Cette exigence de base légale signifie que les actes étatiques doivent trouver leur fondement dans une loi au sens matériel, qui soit suffisamment précise et déterminée et qui émane de l'autorité constitutionnellement compétente. La précision (ou la densité normative) que l'on est en droit d'exiger de la base légale en question varie selon les domaines du droit concerné et dépend des circonstances (ATF 149 I 329 consid. 6.1 et les références).
4.2. Le principe de la légalité, tel que consacré à l'art. 5 al. 1 Cst. ne constitue pas un droit constitutionnel distinct, sauf en matière pénale ou fiscale, mais uniquement un principe constitutionnel général régissant l'activité de l'État. Ce principe constitutionnel, en relation avec une mesure de droit cantonal, ne peut pas être invoqué séparément, mais seulement en relation avec la violation, notamment, du principe de la séparation des pouvoirs, de l'égalité, de l'interdiction de l'arbitraire ou d'un droit fondamental spécial (ATF 149 I 329 consid. 6.1; 140 I 381 consid. 4.4; 136 I 241 consid. 2.5; 134 I 322 consid. 2.1).
4.3. En principe, il appartient aux tribunaux d'interpréter et de concrétiser les notions juridiques indéterminées dans chaque cas particulier. Ils ne restreindront leur cognition que dans les cas où il résulte de l'interprétation de la loi que le législateur a voulu, en se servant d'une telle notion, laisser au pouvoir exécutif une marge d'appréciation que les tribunaux doivent respecter (cf. ATF 136 IV 97 consid. 4; 132 II 257 consid. 3.2: arrêt 2C_976/2022 du 22 mars 2024 consid. 3.5 et les références). Même dans ce cas de figure ou si, comme en l'espèce, le droit cantonal ne confère pas de droit et qu'il existe en ce sens une large marge d'appréciation de l'administration, l'autorité judiciaire cantonale unique ne doit pas se limiter à un contrôle de l'arbitraire (cf. arrêt 2C_976/2022 du 22 mars 2024 consid. 3.5 et les références).
4.4. En l'espèce, il est d'emblée rappelé que l'OMCR 20 intervient en tant que droit cantonal supplétif (cf. arrêt 2C_356/2023 du 28 mars 2024 consid. 1.6.6 et 5).
La réglementation liée aux aides financières extraordinaires pour cas de rigueur en lien avec l'épidémie de Covid-19 ne définit pas la notion de "chiffre d'affaires" (y compris dans les anciennes versions, cf. notamment, la loi genevoise 12863 du 29 janvier 2021 relative aux aides financières extraordinaires de l'État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l'épidémie de coronavirus pour l'année 2021 [aLAFE/GE-2021] et son règlement d'application [aRAFE/GE- 021]). La recourante n'explique pas pour quelle raison la notion large retenue dans la présente cause serait contraire au principe de la légalité ou, comme elle l'indique, contraire à ce que voulait le législateur. Elle se contente de souligner que dans l'arrêt ATA/474/2023, la Cour de justice avait estimé qu'une interprétation étroite de cette notion était acceptable, mais sans indiquer en quoi le principe de la légalité imposerait de retenir une notion étroite. Son recours ne respecte pas sur ce point les exigences de motivation accrues de l'art. 106 al. 2 LTF, faute de montrer par une argumentation claire en quoi une acceptation large de la notion de chiffre d'affaires serait contraire au principe de la légalité.
Par ailleurs, la Cour de justice, qui ne limite pas son examen à l'arbitraire, ne néglige pas l'arrêt cantonal précité, mais relève que celui-ci portait sur une autre catégorie d'entreprise (soit celle ayant un chiffre d'affaires supérieur à 5 millions de francs). La recourante perd aussi de vue que, dans l'arrêt attaqué, la Cour de justice se réfère également à deux de ses arrêts concernant des entreprises de la même catégorie que la recourante (soit avec des chiffres d'affaires inférieurs ou égaux à 5 millions de francs), dans lesquelles elle avait confirmé le recours à une notion élargie du chiffre d'affaires (ATA/1073/2023 du 28 septembre 2023 et ATA/429/2024 du 26 mars 2024).
Au demeurant, la seule existence d'un arrêt cantonal retenant une interprétation différente de la notion en cause ne permet pas, en soi, de retenir une violation manifeste du principe de la légalité.
Le grief de violation dudit principe doit partant être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.
5.
Dans un grief qui se confond avec celui de l'interdiction de l'arbitraire et de la violation de la liberté économique, la recourante dénonce une inégalité de traitement, contraire à l'art. 8 Cst., entre le chiffre d'affaires pris en compte par la Cour de justice dans la cause ATA/474/2023 susmentionnée, qui se limitait à la somme des ventes de biens ou de services d'une entreprise au cours d'un exercice comptable, et le chiffre d'affaires pris en considération dans son cas, qui résultait d'une définition plus large englobant l'ensemble des produits.
5.1. Une décision ou un arrêté viole le principe de l'égalité de traitement consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. L'inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 144 I 113 consid. 5.1.1; 142 I 195 consid. 6.1).
5.2. La liberté économique englobe le principe de l'égalité de traitement entre personnes appartenant à la même branche économique. Selon ce principe, déduit des art. 27 et 94 Cst. , sont prohibées les mesures étatiques qui ne sont pas neutres sur le plan de la concurrence entre les personnes exerçant la même activité économique. On entend par concurrents directs les membres de la même branche économique qui s'adressent avec les mêmes offres au même public pour satisfaire les mêmes besoins (cf. ATF 148 II 121 consid. 7.1; 145 I 183 consid. 4.1.1; 143 II 598 consid. 5.1).
Lorsqu'il s'agit de prendre des mesures d'aide ou d'encouragement, l'État dispose d'une marge de manoeuvre plus importante que lorsqu'il impose des restrictions, tant qu'il se fonde sur des critères objectifs et non discriminatoires (cf. arrêt 2C_35/2023 du 19 juin 2023 consid. 9.2).
5.3. Le Tribunal fédéral ne revoit l'interprétation et l'application faite du droit cantonal que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 147 I 433 consid. 4.2; 146 II 367 consid. 3.1.5). Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de justice et d'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable (cf. également consid. 2 ci-dessus). Si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF 149 I 329 consid. 5.1; 145 II 32 consid. 5.1; 145 I 108 consid. 4.4.1).
5.4. Dans l'arrêt attaqué, la Cour de justice a nié l'existence d'une inégalité de traitement après avoir relevé que l'arrêt précité, contrairement au cas d'espèce, concernait des entreprises ayant un chiffre d'affaires supérieur à 5 millions de francs et que "
le montant de l'indemnité octroyée dans chacun des deux cas précités [entreprises avec un chiffres d'affaires moyen de 5 millions de francs au plus ou supérieur à ce montant]
est composé d'éléments (de calcul) différents (art. 15 al. 1 et 20 al. 1 RAFE-2021), tenant compte de l'importance économique respective des entreprises requérantes ".
5.5. L'arrêt ATA/474/2023 en cause portait sur le refus d'octroyer une aide financière extraordinaire pour cas de rigueur en lien avec l'épidémie de Covid-19 à une entreprise ayant un chiffre d'affaires moyen pour les années 2018 et 2019 supérieur à 5 millions de francs. L'objet du litige portait sur la question de savoir si des provisions pour débiteurs douteux et des pertes sur débiteurs devaient être portées en déduction du chiffre d'affaires. La Cour de justice avait répondu à cette question par la négative après avoir notamment relevé que le dispositif d'aide pour cas de rigueur limitait l'intervention des autorités aux conséquences des mesures adoptées pour lutter contre le Covid-19 et n'avait pas pour but de combler des lacunes résultant de débiteurs insolvables d'avant la pandémie. Selon elle, l'autorité intimée n'avait pas violé le droit en se limitant à l'addition des encaissements, soit aux produits des ventes réalisées, pour établir le chiffre d'affaires déterminant (consid. 9).
5.6. En l'espèce, comme le relèvent à juste titre les autorités précédentes, la présente situation n'est pas semblable à celle de l'arrêt ATA/474/2023. Celui-ci portait sur les conditions de l'éligibilité à l'aide, en lien avec le recul du chiffre d'affaires, pour une entreprise ayant un chiffre d'affaires supérieurs à 5 millions de francs, alors que le présent cas concerne le calcul de l'indemnisation d'une entreprise ayant un chiffre d'affaires inférieur à ce montant. La législation ne traite pas ces deux catégories d'entreprise de façon similaire (cf. art. 7 ss et 11 ss de la loi genevoise 12938 du 30 avril 2021 relative aux aides financières extraordinaires de l'État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l'épidémie de coronavirus, pour l'année 2021 [ci-après: LAFE/GE-2021]; art. 7 ss et 19 ss RAFE/GE-2021; art. 12 de la loi fédérale du 25 septembre 2020 sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l'épidémie de COVID-19 [loi Covid-19; RS 818.102], dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2022 [RO 2021 878 ch. II al. 2]; 8a ss OMCR 20). La Cour de justice n'ayant pas traité de façon différente une situation identique, on ne peut y voir d'inégalité de traitement, respectivement de décision arbitraire dans son résultat sous cet angle.
Par ailleurs, l'ensemble des produits - et non seulement les produits des ventes ou des services réalisés - est également pris en considération pour les entreprises avec un chiffre d'affaires supérieur à 5 millions de francs, lorsqu'il s'agit de déterminer l'existence d'une éventuelle surindemnisation conduisant à une obligation de rembourser (l'examen étant effectué pour ces entreprises sur la base du bénéfice annuel déterminant au regard du droit fiscal selon l'art. 12 al. 1septies de la loi Covid-19), ce qui permet de constater une égalité de traitement sous cet angle.
Le grief de violation de l'égalité de traitement est partant infondé.
5.7. Le constat qui précède permet aussi d'écarter le grief de violation du principe de la liberté économique sous l'angle de l'égalité de traitement. A cet égard, la recourante n'a pas établi qu'une entreprise concurrente, dans les mêmes circonstances, aurait été privilégiée. En particulier, elle n'explique pas en quoi la société concernée par l'arrêt ATA/474/2023 aurait tiré avantage de l'interprétation donnée alors par le Département à la notion de chiffre d'affaires. Pour le surplus, la recourante n'explique pas en quoi l'arrêt attaqué l'entraverait dans l'exercice de son activité. Le grief de violation de la liberté économique est partant infondé, dans la mesure où il est suffisamment motivé.
5.8. Au demeurant, concernant le grief d'arbitraire, la recourante perd de vue que les subventions en cause relèvent du droit cantonal (cf. arrêt 2C_356/2023 du 28 mars 2024 consid. 1.6.6 et 5). Il lui appartenait donc d'expliquer précisément quelle disposition de droit cantonal avait été appliqué arbitrairement par la Cour de justice et pourquoi (cf.
supra consid. 2), ce qu'elle ne fait pas. Son recours ne satisfait ainsi pas aux exigences de motivation accrues de l'art. 106 al. 2 LTF. A cela s'ajoute que la recourante n'explique pas en quoi la décision attaquée serait arbitraire dans son résultat, ni pour quel motif il serait insoutenable de prendre en compte un chiffre d'affaires au sens large, soit l'ensemble des revenus à disposition de l'entreprise, lorsque l'aide est destinée à couvrir les coûts non couverts (cf. art. 3 al. 1 LAFE/GE-2021 et 4 al. 2 RAFE/GE-2021).
La Cour de justice expose de façon soutenable que la prise en compte d'une notion large du chiffre d'affaires, comprenant l'ensemble des produits figurant dans les comptes annuels présentés, tels que les produits exceptionnels et financiers, permet de tenir compte au mieux de la situation financière réelle de l'entreprise. Comme le relève à juste titre le Département dans sa réponse, la dissolution de la provision en cause a généré un produit dans l'exercice 2020 qui ne peut être qualifié d'"artificiel" comme le mentionne la recourante. A cet égard, il ressort d'ailleurs de l'arrêt attaqué que les autorités fiscales ont pris en considération cette dissolution dans le calcul du bénéfice imposable de la recourante pour l'année fiscale 2020, sans contestation de celle-ci.
Enfin, la recourante ne prétend pas que, dans son cas, la notion de chiffre d'affaires aurait été interprétée de façon différente pour examiner son éligibilité aux prestations, d'une part, et pour le calcul de l'indemnisation, d'autre part.
6.
La recourante, citant les art. 5 al. 3 et 9 Cst. , invoque une violation du principe de la bonne foi.
6.1. Aux termes de l'art. 5 al. 3 Cst., les organes de l'État et les particuliers doivent agir conformément aux règles de la bonne foi. Cela implique notamment qu'ils s'abstiennent d'adopter un comportement contradictoire ou abusif (ATF 136 I 254 consid. 5.2). De ce principe général découle notamment le droit, consacré à l'art. 9 in fine Cst., du particulier d'exiger, à certaines conditions, que les autorités se conforment aux promesses ou assurances précises qu'elles lui ont faites et ne trompent pas la confiance qu'il a légitimement placée dans ces dernières. Parmi les conditions, cumulatives, fixées par la jurisprudence, figurent notamment celles voulant que l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées et que celle-ci se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont elle se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles elle ne saurait renoncer sans subir de préjudice (cf. ATF 148 II 233 consid. 5.5.1 et les références; 143 V 95 consid. 3.6.2; 141 V 530 consid. 6.2).
6.2. En l'occurrence, la recourante n'indique, ni
a fortiori, ne démontre avoir reçu l'assurance du Département que le chiffre d'affaires pris en compte dans le calcul de l'indemnisation devait être compris au sens étroit et que la dissolution d'une provision ne serait ainsi pas prise en considération. Elle ne peut à cet égard rien tirer de l'arrêt ATA/474/2023 du 24 avril 2023, lequel, comme déjà mentionné, portait sur une affaire différente et était postérieur aux décisions d'octroi des aides en cause à la recourante, prononcées respectivement les 28 janvier 2021, 16 mars 2021 et 25 mars 2022. Celle-ci n'indique pas non plus quelles dispositions elle aurait prises, sur lesquelles elle ne pourrait revenir sans subir un préjudice, à la suite des informations qu'elle aurait reçues. Les conditions de l'art. 9 Cst. ne sont ainsi pas remplies.
Le grief de violation de la bonne foi est infondé.
7.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité.
Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire de la recourante, au mandataire du Département de l'économie et de l'emploi et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 1ère section, ainsi qu'au Secrétariat d'État à l'économie.
Lausanne, le 15 janvier 2025
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
Le Greffier : A. de Chambrier