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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_581/2023  
 
 
Arrêt du 15 octobre 2024  
I  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, Présidente, Hohl et Kiss. 
Greffière : Mme Raetz. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Matthieu Bois, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
1. B.________, 
2. C.________, 
3. D.________, 
tous représentés par Mes Michel Montini et Marino Montini, avocats, 
intimés. 
 
Objet 
preuve à futur; expertise judiciaire, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 28 octobre 2023 par la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel (ARMC.2023.54). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. B.________, C.________ et D.________ sont propriétaires d'une parcelle à U.________, sur laquelle est érigée une halle. Par convention du 21 décembre 2020, les propriétaires et A.________ SA ont convenu que cette dernière installerait et exploiterait, sur le toit de cette halle et à l'intérieur, une centrale solaire photovoltaïque. Les travaux ont été réalisés en 2021.  
 
A.b. Le 24 mars 2023, les propriétaires ont déposé une requête de preuve à futur auprès du juge du Tribunal civil du Littoral et du Val-de-Travers, tendant à la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire pour établir les éventuels dommages causés par A.________ SA à la halle. Ils ont allégué divers dégâts, en s'appuyant sur un rapport d'expertise privée du 20 décembre 2022 établi sur leur mandat.  
Par ordonnance du 20 juillet 2023, le juge du Tribunal a ordonné l'expertise judiciaire sollicitée, en précisant que le dossier et les questionnaires des parties seront transmis à l'expert, sans modifications. Il n'était pas nécessaire d'extraire du dossier soumis à l'expert les pièces nos 10, 13 et 23 (soit en particulier le rapport d'expertise privée précité), ni de procéder à des adaptations des questions posées par les propriétaires. 
 
A.c. Statuant par arrêt du 28 octobre 2023, la Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours formé par A.________ SA à l'encontre de cette ordonnance.  
 
B.  
A.________ SA (ci-après: la recourante) exerce un recours en matière civile contre cet arrêt. Elle conclut à sa réforme, en requérant la désignation d'un nouvel expert, le retrait des pièces nos 10, 13 et 23 du dossier remis à celui-ci, ainsi que la modification de certaines questions à lui soumettre. Subsidiairement, elle demande l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Dans leur réponse, les propriétaires (ci-après: les intimés) ont notamment conclu au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité. 
La cour cantonale s'est référée à son arrêt. 
Par ordonnance du 12 janvier 2024, l'effet suspensif sollicité par la recourante a été conféré au recours. Par ailleurs, la requête des intimés tendant à faire constater l'incapacité de procéder de Me Matthieu Bois et à lui faire interdiction d'assurer la défense des intérêts de la recourante a été déclarée irrecevable. 
La recourante a encore déposé des observations complémentaires, lesquelles n'ont pas suscité de réaction des intimés. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 145 I 239 consid. 2). 
 
1.1. Le recours en matière civile au Tribunal fédéral n'est recevable que contre les décisions finales (art. 90 LTF), contre les décisions partielles (art. 91 LTF) et, sous réserve des cas visés par l'art. 92 LTF, contre les décisions incidentes (art. 93 al. 1 LTF) si celles-ci peuvent causer un préjudice irréparable (let. a) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b). Cette réglementation est fondée sur des motifs d'économie de procédure, le Tribunal fédéral ne devant en principe s'occuper d'une affaire qu'une seule fois, lorsqu'il est certain que la partie recourante subit effectivement un dommage définitif (ATF 134 III 188 consid. 2.2).  
Contrairement à la décision qui refuse d'ordonner une preuve à futur fondée sur l'art. 158 al. 1 let. b CPC " hors procès ", c'est-à-dire dans une procédure indépendante, qui constitue une décision finale au sens de l'art. 90 LTF, puisqu'elle met fin à cette procédure (ATF 138 III 46 consid. 1.1), la décision qui ordonne l'administration de cette preuve à futur est une décision incidente au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF - les conditions de l'art. 93 al. 1 let. b LTF n'entrant pas en considération - car elle ne termine pas la procédure; cette dernière se poursuit par l'administration de la preuve, par d'éventuelles questions complémentaires des parties à l'intention de l'expert, ou encore, en cas de renonciation ou de récusation de l'expert, par la nécessité de nommer un autre expert (ATF 138 III 46 consid. 1.1). 
 
1.2. Pour qu'un recours immédiat soit ouvert contre une décision qui ordonne l'administration d'une preuve à futur, il faut donc que la décision rendue soit susceptible de causer un préjudice irréparable, soit un préjudice de nature juridique, qui ne puisse pas être ultérieurement réparé ou entièrement réparé par une décision finale favorable au recourant; un dommage économique ou de pur fait n'est pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 147 III 159 consid. 4.1; 142 III 798 consid. 2.2; 141 III 80 consid. 1.2; 138 III 333 consid. 1.3.1; 134 III 188 consid. 2.1-2.2).  
En principe, les décisions d'administration de preuves dans le procès principal ne causent pas un préjudice irréparable, puisqu'il est normalement possible, en recourant contre la décision finale, d'obtenir l'administration de la preuve refusée à tort ou d'obtenir que la preuve administrée à tort soit écartée du dossier (ATF 141 III 80 consid. 1.2; arrêts 4A_578/2020 du 25 janvier 2021 consid. 2.1; 4A_248/2014 du 27 juin 2014 consid. 1.2.3 et les arrêts cités). 
Il doit en aller de même en matière de preuve à futur hors procès au sens de l'art. 158 al. 1 let. b, 1er cas, CPC, puisqu'il sera toujours possible à l'intéressé d'obtenir que la preuve, en l'occurrence l'expertise, soit écartée du dossier et qu'une expertise complémentaire ou une contre-expertise soit ordonnée. Ainsi, il a été notamment admis que la décision rendue en cours de procédure de preuve à futur et refusant la révocation de l'expert ne cause pas de dommage irréparable, puisqu'elle pourra parfaitement être critiquée pour cause d'incompétence de celui-ci dans la procédure au fond qui suivra (arrêts 4A_419/2016 du 22 mars 2017 consid. 1.3.3; 4A_248/2014 précité consid. 1.2.3; 5A_435/2010 du 28 juillet 2010 consid. 1.1.2). 
 
1.3. En l'espèce, la cour cantonale a retenu que l'expertise requise en procédure de preuve à futur l'était pour mise en danger des preuves au sens de l'art. 158 al. 1 let. b, 1er cas, CPC.  
Se pose la question de savoir si l'expertise ordonnée sur requête des propriétaires pour établir les éventuels dommages occasionnés par la défenderesse à la halle appartenant à ceux-ci lors de la pose de panneaux solaires cause un dommage irréparable à la défenderesse au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF. La défenderesse et recourante ne s'oppose pas à l'expertise en tant que telle. 
Devant la cour cantonale, la défenderesse prétendait subir un dommage difficilement réparable, reprochant au tribunal et, à sa suite, à la cour cantonale, d'avoir ordonné que l'entier du dossier - y compris l'expertise privée commandée par les propriétaires, des échanges de courriels et un devis - soit transmis à l'expert, d'avoir refusé de modifier le questionnaire soumis par les requérants et d'avoir refusé de désigner un nouvel expert. 
Dans le présent recours, la défenderesse recourante soutient désormais que " la transmission à l'expert de l'ensemble du dossier aurait pour effet que le rapport à remettre serait entaché d'un vice qui conduira à un préjudice irréparable, la preuve étant susceptible de s'être modifiée entre-temps. Le temps qui passe, les éléments naturels ou une intervention des intimés sur leur toiture (...) sont susceptibles de modifier la situation de celle-ci et de rendre impossible dans le cadre d'une éventuelle procédure au fond un examen a posteriori de la situation de la toiture telle qu'elle se présente aujourd'hui ".  
Par cette motivation, qui manque totalement sa cible, la recourante ne démontre aucun préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Son recours est donc irrecevable. 
Au demeurant, de jurisprudence constante, l'administration d'un moyen de preuve, dans le cadre du procès principal ou en procédure de preuve à futur " hors procès ", ne saurait causer un dommage irréparable puisqu'il sera toujours possible aux parties d'en discuter le résultat jusque dans le procès principal au fond. 
 
2.  
Le recours est irrecevable. 
La recourante, qui succombe, prendra en charge les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Elle versera en outre une indemnité de dépens aux intimés, créanciers solidaires (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera une indemnité de 2'500 fr. aux intimés, créanciers solidaires, à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
 
 
Lausanne, le 15 octobre 2024 
 
Au nom de la I re Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
La Greffière : Raetz