Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_846/2022  
 
 
Arrêt du 15 décembre 2022  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Beusch. 
Greffier : M. Dubey. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Kaloyan Stoyanov, 
Expert fiscal diplômé, 
recourante, 
 
contre  
 
Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée, Schwarztorstrasse 50, 3003 Berne. 
 
Objet 
TVA 2012 à 2015; déduction de l'impôt préalable, évasion fiscale, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 6 septembre 2022 (A-1706/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ SA (ci-après: l'assujettie) est une société anonyme inscrite au registre du commerce du canton de Vaud depuis le 10 décembre 2007. Elle a pour but « l'exploitation d'une entreprise générale de construction ». B.________ est inscrit comme administrateur de l'assujettie avec signature individuelle. Celle-ci est immatriculée au registre de l'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'AFC) en qualité d'assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) depuis le 1er janvier 2008 sous le n° xxx'xxx et depuis le 1er janvier 2011 sous le n° CHE-ttt.ttt.ttt.  
 
A.b. C.________ Sàrl, dont le siège se situait à à U.________ du 27 avril 2012 au 29 janvier 2013 et à V.________ du 30 janvier 2013 au 15 juillet 2015, était inscrite au registre du commerce du canton de Vaud comme société à responsabilité limitée. Elle avait pour but « entreprise générale de construction; entreprise de transport de marchandise ». D.________ en était l'associé gérant avec signature individuelle selon l'extrait de la Feuille officielle suisse du commerce du 24 avril 2012. Il a été remplacé par E.________ selon l'extrait de la FOSC du 30 janvier 2013. C.________ Sàrl a été déclarée en faillite par décision du 10 février 2014 du Tribunal de l'arrondissement de la Côte (VD). C.________ Sàrl a été assujettie à la TVA depuis le 1er mai 2012 jusqu'à sa mise en faillite.  
 
A.c. D.________ a été salarié de l'assujettie du 1er mars au 30 avril 2012 et du 1er janvier au 31 décembre 2013 ainsi qu'employé de C.________ Sàrl entre le 1er mai et le 31 décembre 2012, selon les relevés des revenus déclarés à la Caisse AVS de la Fédération patronale vaudoise et à la Caisse AVS de la Fédération vaudoise des entrepreneurs.  
 
A.d. Lors de la création de C.________ Sàrl, D.________ et B.________ ont tous deux signé un formulaire de la Banque cantonale vaudoise (ci-après : BCV) intitulé « demande d'ouverture d'un compte de consignation pour société en formation / augmentation de capital » le 17 avril 2012, qui désigne D.________ comme administrateur et B.________ comme fondateur et ayant-droit économique. Le capital social de C.________ Sàrl d'un montant de 20'000 fr. a été versé en espèces le même jour sur le compte de consignation n° y yyyy.yy.yy de C.________ Sàrl par B.________, comme le démontre la documentation d'ouverture de ce compte. Le montant de 17'650 fr. a été retiré du même compte le 30 avril 2012 et a été versé sur le compte appartenant à C.________ Sàrl également ouvert auprès de la BCV et portant la référence n° z zzzz.zz.zz. Le 1er mai 2012, le montant de 17'000 fr. a été débité de ce dernier compte.  
 
A.e. Du 8 au 10 mai 2017, l'assujettie a fait l'objet d'un contrôle TVA pour les périodes fiscales entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2015. Le 16 janvier 2019, en se fondant sur les éléments constatés lors du contrôle, l'AFC a procédé à une correction d'impôt en sa faveur par notification d'estimation, concernant les périodes du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2015, pour un montant de 104'489 fr., plus intérêts moratoires dès le 31 août 2014. Par courrier du 18 février 2019, l'assujettie a partiellement remis en cause la notification d'estimation.  
 
A.f. Par décision du 16 juillet 2020, l'AFC a modifié partiellement la correction d'impôt en la fixant à 98'618 fr., plus intérêts moratoires dès le 31 août 2014, pour les périodes fiscales du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2015. Par courrier du 11 septembre 2020, l'assujettie a déposé une réclamation à l'encontre de la décision du 16 juillet 2020.  
Par décision sur réclamation du 3 mars 2021, l'AFC a admis partiellement la réclamation et elle a fixé le nouveau montant de la correction d'impôt TVA dû par l'assujettie à 97'605 fr. sous déduction du montant de 8'981 fr. 45 déjà versé. 
Par mémoire du 14 avril 2021, l'assujettie, représentée par F.________ SA, a déposé un recours auprès du Tribunal administratif fédéral contre la décision sur réclamation rendue le 3 mars 2021 par l'AFC. Elle a conclu à l'annulation de la décision sur réclamation du 3 mars 2021, au remboursement du montant de 8'981 fr. 45 plus intérêts déjà versé à l'autorité inférieure, sous suite de frais et dépens. 
 
B.  
Par arrêt du 6 septembre 2022, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours de l'assujettie. Les conditions d'une évasion fiscale étaient réalisées. C.________ Sàrl était une structure insolite qui avait permis à l'assujettie de déduire l'impôt préalable de façon indue et obtenir ainsi une notable économie d'impôt. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, l'assujettie, représentée par Kaloyan Stoyanov, demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt rendu le 6 septembre 2022 par le Tribunal administratif fédéral, d'admettre la déduction de l'impôt préalable d'un montant de 97'605 fr. et d'ordonner la restitution du montant de 8'981 fr. 45 plus intérêts déjà versé. Elle se plaint de la violation de l'interdiction de l'arbitraire dans l'établissement des faits et de l'appréciation des preuves et s'oppose à la reconnaissance d'une évasion fiscale. 
Le Tribunal administratif fédéral, qui a produit le dossier de la cause, se réfère intégralement à son arrêt et n'a pas formulé d'autres observations. L'AFC renonce à déposer une réponse sous la forme d'un mémoire et renvoie à l'arrêt attaqué. Elle émet néanmoins des observations qui concernent la prescription et l'ensemble des griefs de l'assujettie et conclut au rejet du recours sous suite de frais et dépens. Les prises de position des autorités ont été communiquées à l'assujettie, qui n'a pas déposé d'observations à leur égard. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 IV 453 consid. 1). 
 
1.1. Le présent recours est dirigé contre un arrêt rendu par le Tribunal administratif fédéral confirmant une décision sur réclamation de l'Administration fédérale des contributions portant sur les montants dus par la recourante à titre de TVA pour les périodes fiscales du 1er juin 2012 au 31 décembre 2013. Il s'agit d'une cause de droit public (art. 82 let. a LTF). Comme aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'est réalisée, la voie du recours en matière de droit public au sens des art. 82 ss LTF est dès lors ouverte.  
 
1.2. Pour le reste, l'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF), rendue par le Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF). Comme le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF), il convient d'entrer en matière.  
 
2.  
Aux termes de l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. 
La recourante produit avec son mémoire de recours la pièce n° 10 qu'elle aurait, écrit-elle, " enfin pu se procurer et que la première instance avait occulté " (recours, p. 6). Cette pièce est un document bancaire daté du 1er mai 2012. Ce document porte une mention manuscrite selon laquelle il aurait été transmis à M. Stoyanov par mail le 7 juin 2021. Cette pièce n'est pas citée et son contenu n'apparaît pas dans l'arrêt attaqué. Il s'agit d'un moyen de preuve nouveau. Comme la recourante n'expose pas en quoi il lui aurait été impossible d'obtenir et de produire ce document devant le Tribunal administratif fédéral, ni en quoi sa production devant le Tribunal fédéral résulterait de la décision attaquée, il doit être écarté. 
 
3.  
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a et b LTF). Toutefois, les griefs de violation des droits fondamentaux sont soumis à des exigences de motivation accrue (cf. art. 106 al. 2 LTF). La partie recourante doit indiquer les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés (ATF 146 I 62 consid. 3; 142 II 369 consid. 2.1; 141 I 36 consid. 1.3). 
 
4.  
Invoquant l'art. 105 al. 2 LTF et l'interdiction de l'arbitraire, la recourante formule une batterie de six griefs à l'encontre de l'établissement des faits et de l'appréciation des preuves effectués par l'instance précédente. 
 
4.1. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. En vertu de l'art. 97 al. 1 LTF, le recourant ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 145 V 188 consid. 2).  
La notion de « faits établis de façon manifestement inexacte » recouvre entièrement aussi bien l'arbitraire dans l'appréciation des preuves que l'arbitraire dans l'établissement des faits (cf. G. Bovey, Commentaire de la LTF, 3e éd., 2022, n° 28 ad art. 97 LTF et les références de jurisprudence citées). En d'autres termes, le recourant qui entend se plaindre de l'arbitraire dans l'appréciation des preuves ou de l'arbitraire dans l'établissement des faits est tenu de démontrer dans les deux cas que la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, le recourant doit expliquer de façon circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. Les faits invoqués de manière appellatoire sont irrecevables (ATF 145 I 26 consid. 1.3). 
En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle tire des conclusions insoutenables (ATF 148 IV 39 consid. 2.3.5; 143 IV 500 consid. 1.1; 140 III 264 consid. 2.3 et les arrêts cités). 
 
4.2. En l'occurrence, la recourante formule six griefs tendant à dénoncer l'arbitraire dans l'appréciation des preuves et dans l'établissement des faits par l'instance précédente, mais n'expose pas en quoi la correction des vices qu'elle souhaite voir reconnus par le Tribunal fédéral aurait une influence sur le sort de la cause.  
Certes, le titre " Dans les [recte: Des] conséquences insoutenables qui en résulteraient s'il n'y était pas remédié " du mémoire de recours (p. 8) laisse penser que la recourante entend démontrer que la correction des vices est susceptible d'influer sur le sort de la cause. Il n'en est rien. En effet, sous ce titre, la recourante expose que la vraie raison pour reprendre la déduction de l'impôt préalable dans son chapitre est que l'AFC n'a jamais encaissé la TVA auprès de C.________ Sàrl. Elle en veut pour preuve que l'instance précédente a écrit dans l'arrêt attaqué que " si la TVA a certes été acquittée par la recourante, elle n'a jamais été versée entièrement à l'AFC par C.________ Sàrl [l'Entreprise]. Etant admis que dans le présent contexte les Sociétés sont liées entre elles, force est alors de conclure que la chaîne ainsi créée doit se voir imputer le défaut de paiement de C.________ Sàrl [l'Entreprise] et que, par conséquent, l'admission de la déduction de l'impôt préalable permettrait une notable économie d'impôt en raison de l'absence d'acquittement par C.________ Sàrl [l'Entreprise] de la TVA payée par la recourante ". De l'avis de la recourante, admettre cette conclusion pour justifier la reprise de la déduction préalable chez elle reviendrait à créer une responsabilité solidaire pour le paiement de la TVA qui n'existe pas selon l'art. 15 LTVA. Au regard de ce résultat, conclut-elle, l'arrêt attaqué est arbitraire.  
Cet argument constitue en réalité un grief de violation du droit fédéral, qui sera examiné ci-dessous. Il ne permet toutefois pas de comprendre en quoi la correction des vices dénoncés par les six griefs d'arbitraire de la recourante aurait une influence sur le sort de la cause qui consiste à examiner si la vingtaine de faits retenus par l'instance précédente (cf. consid. 7.3 ci-dessous) remplissent les conditions d'une évasion fiscale. 
 
4.3. Par conséquent, les griefs d'arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves formulés par la recourante ne peuvent pas être examinés. Il s'ensuit que seuls les faits résultant de l'arrêt attaqué seront pris en compte.  
 
5.  
L'objet du litige peut être présenté comme suit. La recourante est assujettie à la TVA (art. 10 al. 1 de la loi fédérale du 12 juin 2009 régissant la taxe sur la valeur ajoutée [loi sur la TVA; LTVA; RS 641.20]). Elle a obtenu des prestations de travail à façon ou des prestations de montage fournies par C.________ Sàrl qui répondent à la définition légale de prestations de services imposables (art. 1 al. 2 let. a et 18 al. 1 et 23 a contrario LTVA). Elle a versé à C.________ Sàrl l'impôt facturé par cette dernière, ce qui lui a formellement ouvert le droit à la déduction de l'impôt préalable (art. 28 al. 1 let. a LTVA). Ni l'instance précédente ni l'AFC ne contestent que les conditions de la déduction de l'impôt préalable sont remplies. Elles soutiennent en revanche que les conditions pour admettre l'existence d'une évasion fiscale sont réalisées.  
Est ainsi seule litigieuse la question de savoir si la constitution de C.________ Sàrl et ses relations avec la recourante constituent un cas d'évasion fiscale ayant permis à cette dernière d'économiser l'impôt par la déduction de l'impôt préalable prévue à l'art. 28 LTVA durant les années 2012 et 2013. La recourante s'en défend. 
 
6.  
 
6.1. La LTVA ne définit pas ce qu'il faut entendre par activité "indépendante ". Elle se limite à préciser à son art. 10 al. 1, 2e phrase - abrogé au 31 décembre 2017 et depuis repris presque mot pour mot par le nouvel art. 10 al. 1bis LTVA (RO 2017 3575) - qu'une personne exploite une entreprise lorsqu'elle exerce à titre indépendant une activité professionnelle ou commerciale en vue de réaliser, à partir de prestations, des recettes ayant un caractère de permanence et lorsqu'elle agit en son propre nom vis-à-vis des tiers (RO 2009 5203). Il est toutefois admis que la question de savoir si une activité doit être qualifiée d'indépendante ou non au sens de la LTVA ne se pose qu'en lien avec des activités professionnelles ou commerciales exercées par des personnes physiques (ATF 138 II 251 consid. 2.4.2; arrêts 2C_387/2020 du 23 novembre 2020 consid. 5.2; 2C_711/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2.2; 2C_814/2013 du 3 mars 2014 consid. 2.3.3 et 2C_399/2011 du 13 avril 2012 consid. 2.4.2). Le Tribunal fédéral a en effet posé le principe selon lequel il fallait considérer que les personnes morales exerçaient toujours une activité indépendante, même lorsqu'elles constituaient des filiales d'autres personnes morales et exploitaient une seule et même entreprise avec celles-ci d'un point de vue économique (ATF 142 II 113 consid. 7.3; 138 II 251 consid. 2.4.2).  
Dès lors que l'entreprise remplit les conditions énoncées ci-dessus, elle est en principe considérée comme un assujetti distinct et les prestations qu'elle fournit lui sont attribuées aux fins de l'assujettissement et de l'imposition. Le principe de l'unité de l'entreprise, qui sert à déterminer l'étendue de l'assujettissement d'un contribuable donné, ne joue pas de rôle s'agissant de savoir si l'on est en présence d'un ou de plusieurs contribuables. Il ne permet pas, en particulier, de faire abstraction de la forme juridique pour admettre l'existence d'un seul assujetti en présence de plusieurs entités juridiquement distinctes, mais qui exploitent une seule entreprise d'un point de vue économique. Selon la jurisprudence en matière de taxe sur la valeur ajoutée, la règle selon laquelle une entité qui fournit ses prestations en son nom, en apparaissant comme prestataire vis-à-vis de l'extérieur, est considérée comme un assujetti distinct, vaut toutefois sous réserve de l'évasion fiscale. C'est donc seulement dans le cas d'évasion fiscale qu'il convient de privilégier l'approche économique et de s'écarter de la construction juridique mise en place (arrêt 2C_742/2008 du 11 février 2009 consid. 5 et les nombreuses références citées, qui a reçu l'approbation de la doctrine, cf. Pierre-Marie Glauser, Evasion fiscale : une approche théorique et pratique de l'évasion fiscale, Genève 2010, p. 42). 
 
6.2. En l'occurrence, la recourante et C.________ Sàrl sont des personnes morales. Elles doivent en principe être considérées comme assujetties distinctes, sous réserve toutefois, comme on vient de le voir, d'un cas d'évasion fiscale.  
 
 
7.  
 
7.1. Selon la jurisprudence, il y a évasion fiscale lorsque (a) la forme juridique choisie par le contribuable apparaît comme insolite, inappropriée ou étrange, en tout cas inadaptée à la situation économique, lorsque, en outre (élément dit objectif), (b) il y a lieu d'admettre que ce choix a été abusivement exercé uniquement dans le but d'économiser des impôts qui seraient dus si les rapports de droit étaient aménagés de façon appropriée (élément dit subjectif), et lorsque (c) le procédé choisi conduirait effectivement à une notable économie d'impôt (élément dit effectif; pour une application détaillée de ces critères, cf. ATF 138 II 239 consid. 4.1 avec renvois).  
 
7.2. Il convient d'examiner si ces conditions sont remplies sur la base des circonstances concrètes du cas d'espèce. Si tel est le cas, l'imposition doit se fonder sur l'organisation juridique qui aurait été appropriée pour atteindre le but économique visé (cf. ATF 146 II 97 consid. 2.6.2; 142 II 399 consid. 4.2; 138 II 239 consid. 4.1; arrêts 2C_652/2018 du 14 mai 2020 consid. 4.1.1, in : StE 2020 B 27.1 no 61, SVR 2020 LPP no 34 p. 143; 2C_354/2018 du 20 avril 2020 consid. 4.2.1).  
 
7.3. En l'occurrence, se référant à la décision sur réclamation de l'AFC dont elle fait sien le contenu (arrêt attaqué, consid. 5.1.1), ce qui est admissible et a pour effet d'introduire ces faits dans l'arrêt attaqué (G. Bovey, op. cit., n° 13 ad art. 97 al. 1 LTF et les références citées), l'instance précédente expose que le caractère insolite de la construction mise en place résulte, s'agissant de C.________ Sàrl, de plus d'une vingtaine de faits. Il s'agit de l'absence d' animus societatis, de l'absence de locaux, de l'absence d'actifs, de l'absence de réelle présence sur le marché, de la confusion entre l'assujettie et C.________ Sàrl vis-à-vis des tiers lors de l'établissement des quittances et factures, de l'absence de comptabilité, de charges constituées uniquement de salaires et de matériel de bureau, du fait que les autres charges de fonctionnement de C.________ Sàrl sont supportées uniquement par la recourante, de l'absence d'autorisation de placer du personnel, de l'accès, du droit de regard et des paiements effectués par B.________ sur le compte bancaire de C.________ Sàrl, de paiements effectués depuis le compte bancaire de C.________ Sàrl en faveur de la recourante par son administrateur B.________, du rôle de représentation de C.________ Sàrl exercé par ce dernier, de la confusion entre direction et gestion entre C.________ Sàrl et la recourante, de la dépendance économique importante de C.________ Sàrl par rapport à la recourante et de la sous-traitance alors que B.________ sait que C.________ Sàrl n'a aucun moyen financier.  
L'arrêt attaqué constate également que B.________ avait prêté à D.________ les 20'000 fr. pour la fondation de C.________ Sàrl, comme cela ressortait du formulaire de demande d'ouverture d'un compte de consignation pour société en formation du 17 avril 2012, qui indiquait également B.________ comme fondateur et ayant-droit économique. Les mouvements d'argent sur le compte opérationnel montraient que le 1er mai 2012 déjà C.________ Sàrl ne disposait plus que de 650 fr. de liquidités et 2'350 fr. de capital social, ce qui était inférieur au minimum légal. Selon les documents bancaires, B.________ était une personne autorisée, ce qui signifiait qu'il avait un accès et un droit de regard sur le compte opérationnel de C.________ Sàrl; ce dernier avait d'ailleurs effectué des paiements au moyen de ce compte en faveur de tiers notamment d'employés, d'assurances, des impôts et de sponsoring. C.________ Sàrl ne disposait que de personnel, mais pas d'actifs immobilisés tels que machines ou mobiliers. Les employés de C.________ Sàrl et ceux engagés séparément par l'assujettie ne disposaient pas d'un savoir-faire distinct pour effectuer des travaux que l'assujettie n'aurait pas été en mesure de fournir. L'assujettie fournissait plus du 80% du chiffre d'affaires de C.________ Sàrl. Les dépenses de cette dernière se limitaient, au vu des documents bancaires à disposition et de l'absence de comptabilité, aux salaires et cotisations sociales. C.________ Sàrl avait en outre été déclarée en faillite à peine une année après avoir été reprise par E.________, qui était administrateur simultanément de plusieurs sociétés en liquidation. 
 
7.4. Au vu des éléments de faits retenus par l'instance précédente, qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF) - la recourante ayant échoué à démontrer la réalisation des conditions de l'art. 97 al. 1 LTF pour en modifier le contenu ou pour les supprimer (cf. consid. 3 ci-dessus), force est d'admettre que la constitution de C.________ Sàrl est étrange, en tout cas inadaptée à la situation économique. En effet, C.________ Sàrl n'a eu qu'une brève existence. Les fonds dont elle disposait ont été fournis par B.________. Ce dernier avait un accès et un droit de regard sur le seul compte opérationnel de C.________ Sàrl, ce qui démontre que D.________ n'était que formellement associé gérant inscrit au registre du commerce et que B.________ en était l'administrateur de fait. A cela s'ajoute que C.________ Sàrl avait un chiffre d'affaires dépendant de la recourante pour plus de 80%, avant d'être liquidée à brève échéance par un tiers administrateur habitué à effectuer ce genre de liquidations, une fois que la recourante a cessé de lui confier des travaux. C.________ Sàrl ne pouvait par conséquent pas justifier son existence en dehors des travaux sous-traités par la recourante, quand bien même elle aurait eu quelqu'autres clients. La première condition objective d'une évasion fiscale est par conséquent réalisée.  
 
7.5. Il est également établi que la structure " recourante - C.________ Sàrl " ne peut pas se justifier pour des raisons commerciales ou personnelles, puisque les employés de C.________ Sàrl et ceux engagés séparément par la recourante ne disposaient pas d'un savoir-faire distinct pour effectuer des travaux que la recourante n'aurait pas été en mesure de fournir. Elle se justifie d'autant moins que C.________ Sàrl ne disposait pas de locaux ni d'actifs immobilisés. La deuxième condition subjective de l'évasion fiscale est ainsi également réalisée.  
 
7.6. Enfin, comme l'a jugé à bon droit l'instance précédente, l'économie d'impôt que génère la structure insolite mise en place se mesure à l'aune de la situation qui aurait dû exister si elle était appropriée au but économique poursuivi par les parties. En l'occurrence, C.________ Sàrl et la recourante ont produit un chiffre d'affaires imposable qui ne l'aurait pas été ou que partiellement eu égard aux charges de personnel. La recourante n'aurait ainsi pas pu déduire l'impôt préalable d'un montant de 97'605 fr. si elle n'avait pas collaboré avec C.________ Sàrl. A cela s'ajoute que C.________ Sàrl, qui a certes facturé à la recourante l'impôt et en a reçu le paiement par cette dernière, ne s'est jamais acquittée de l'impôt elle-même, ce qui faisait aussi partie du but du montage insolite, géré par l'ayant droit économique de C.________ Sàrl, B.________, qui a fait en sorte, au vu de la brièveté de l'existence de C.________ Sàrl, de sa liquidation rapide et de l'absence de toute comptabilité, que l'impôt perçu par C.________ Sàrl ne soit jamais perçu par l'autorité intimée. La dernière condition de l'évasion fiscale est par conséquent aussi réalisée.  
 
7.7. La recourante objecte que la confusion entre elle-même et C.________ Sàrl, alors qu'au regard de l'art. 10 LTVA (voir consid. 6.2 ci-dessus) elles sont en principe assujetties de manière distincte, revient à la rendre solidairement responsable de l'impôt dû par C.________ Sàrl. Elle soutient que cela serait contraire à l'art. 15 LTVA qui prévoit de manière exhaustive les cas de responsabilité solidaire, mais ne vise pas le présent cas de figure (cf. consid. 3.2 in fine ci-dessus).  
Cet argument tombe à faux. Il a été exposé ci-dessus (consid. 6.1) que la règle selon laquelle une entité qui fournit ses prestations en son nom, en apparaissant comme prestataire vis-à-vis de l'extérieur, est considérée comme un assujetti distinct, ne vaut que sous réserve de l'évasion fiscale. Celle-ci étant ici établie, il y a lieu de faire abstraction des deux entités distinctes que formaient la recourante et C.________ Sàrl, de sorte que la question de la responsabilité solidaire de l'une envers l'autre ne se pose pas. Elles doivent en effet être considérées comme une entreprise unique exerçant une même activité économique. 
 
7.8. En jugeant que la recourante ne peut pas faire valoir la déduction de l'impôt préalable d'un montant de 97'605 fr. sur les factures établies par C.________ Sàrl, l'instance précédente n'a pas violé le droit fédéral.  
 
8.  
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. 
 
Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (cf. art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au représentant de la recourante, à l'Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée, et au Tribunal administratif fédéral, Cour I. 
 
 
Lausanne, le 15 décembre 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
Le Greffier : Dubey