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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_89/2023  
 
 
Arrêt du 16 février 2023  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Hänni et Hartmann. 
Greffière : Mme Colella. 
 
Participants à la procédure 
1. A.A.________, 
2. B.A.________, 
tous les deux représentés par Me Simone Nadelhofer 
et Me Anton Vallélian, avocats, 
recourants, 
 
contre  
 
Administration fédérale des contributions, Service d'échange d'informations en matière fiscale SEI, 
Eigerstrasse 65, 3003 Berne, 
intimée. 
 
Objet 
Assistance administrative (CDI CH-IN), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif 
fédéral, Cour I, du 11 janvier 2023 (A-3332/2020). 
 
 
Considérant en fait et en droit :  
 
1.  
Par décision finale du 27 mai 2020, l'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'Administration fédérale) a accordé l'assistance administrative que l'autorité fiscale indienne avait requise le 31 octobre 2018 - réactivant ainsi une demande formulée initialement le 1er février 2013 mais close par l'Administration fédérale le 20 février 2014 - au sujet des époux A.A.________ et B.A.________, résidents fiscaux indiens. 
Par arrêt du 11 janvier 2023, le Tribunal administratif fédéral a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours que A.A.________ et B.A.________ avaient formé contre cette décision. Il a précisé dans son dispositif que l'Administration fédérale devait informer l'autorité requérante que les renseignements transmis dans le cadre de l'assistance administrative ne pouvaient être utilisés que dans le contexte d'une procédure fiscale relative aux intéressés, à l'exclusion de quiconque d'autre. En substance, le Tribunal administratif fédéral a estimé que les conditions d'octroi de l'assistance administrative à l'Inde étaient remplies, et que ni les pièces produites par les intéressés ni le dépôt d'une plainte à leur encontre par une autorité de poursuite indienne ne constituaient des indices suffisants de violation de l'ordre public suisse ou du principe de spécialité. 
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.A.________ et B.A.________ demandent au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du 11 janvier 2023 et la décision finale du 27 mai 2020, de déclarer qu'il ne peut être entré en matière sur les demandes de renseignements du 1er février 2013 et du 31 octobre 2018, respectivement de rejeter ces demandes, puis d'ordonner à l'Administration fédérale de détruire le dossier de la cause; subsidiairement, d'annuler l'arrêt du 11 janvier 2023 et la décision finale du 27 mai 2020 et de renvoyer la cause au Tribunal administratif fédéral ou à l'Administration fédérale pour qu'ils obtiennent des garanties de l'autorité fiscale indienne quant à l'utilisation des données. 
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. 
 
 
2.  
Selon l'art. 83 let. h LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions en matière d'entraide administrative internationale, à l'exception de l'assistance administrative en matière fiscale. Il découle de l'art. 84a LTF que, dans ce dernier domaine, le recours n'est recevable que lorsqu'une question juridique de principe se pose ou lorsqu'il s'agit, pour d'autres motifs, d'un cas particulièrement important au sens de l'art. 84 al. 2 LTF
 
2.1. D'après la jurisprudence, la présence d'une question juridique de principe suppose que la décision en cause soit importante pour la pratique. Cette condition est en particulier réalisée lorsque les instances inférieures doivent traiter de nombreuses causes analogues ou lorsqu'il est nécessaire de trancher une question juridique qui se pose pour la première fois et qui donne lieu à une incertitude caractérisée, laquelle appelle de manière pressante un éclaircissement de la part du Tribunal fédéral (ATF 139 II 404 consid.1. 3; arrêts 2C_289/2015 du 5 avril 2016 consid. 1.2.1 non publié in ATF 142 II 218; 2C_481/2021 du 19 mai 2022 consid. 1.1.1). Comme le Tribunal fédéral n'a pas pour fonction de trancher des questions abstraites (cf. en matière d'assistance administrative, ATF 142 II 161 consid. 3), la question soulevée doit se poser concrètement dans le cas d'espèce et être déterminante pour l'issue du litige (cf. notamment arrêts 2C_556/2022 du 14 juillet 2022 consid. 2.1; 2C_267/2022 du 12 avril 2022 consid. 2.2).  
 
2.2. Selon l'art. 84 al. 2 LTF, un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves. Selon la formulation expresse de l'art. 84 al. 2 LTF ("notamment"), la loi contient une liste non exhaustive de cas particulièrement importants (ATF 145 IV 99 consid. 1.1 et les références; 139 II 340 consid. 4). La reconnaissance d'un cas particulièrement important doit être admise avec retenue. Le Tribunal fédéral jouit à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 145 IV 99 consid. 1.2 et les références; 139 II 340 consid. 4).  
 
2.3. Il appartient au recourant de démontrer de manière suffisante en quoi les conditions de recevabilité de l'art. 84a LTF sont remplies (art. 42 al. 2 LTF; ATF 145 IV 99 consid. 1.5; 139 II 340 consid. 4; 404 consid. 1.3), à moins que tel ne soit manifestement le cas (cf. ATF 146 II 150 consid. 1.2.1; 139 II 340 consid. 4 et 5; 404 consid. 1.3).  
 
2.4. Lorsqu'une décision attaquée se fonde sur plusieurs motivations indépendantes, alternatives ou subsidiaires, toutes suffisantes pour sceller le sort de la cause, la partie recourante doit, sous peine d'irrecevabilité, démontrer que chacune d'entre elles est contraire au droit en se conformant aux exigences de motivation requises (cf. ATF 142 III 364 consid. 2.4; 138 III 728 consid. 3.4).  
 
3.  
Les recourants font tout d'abord valoir que la présente cause soulève la question juridique de principe de savoir si la communication d'informations par une autorité fiscale à une autorité de poursuite pénale est d'emblée contraire à l'art. 26 par. 2 de la Convention entre la Confédération suisse et la République de l'Inde en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu (RS 0.672.942.31; ci-après: CDI CH-IN), ou s'il suffit que la violation du principe de spécialité puisse être invoquée devant les juridictions de l'Etat requérant pour considérer que l'art. 26 par. 2 CDI CH-IN est respecté. 
Ils expliquent qu'une autorité de poursuite indienne ("Enforcement Directorate") a formulé, le 23 mars 2018, une plainte à leur encontre pour violation d'une disposition pénale indienne en s'appuyant, d'une part, sur une demande d'entraide fiscale entre l'Inde et la Suisse datée du 23 décembre 2014 et, d'autre part, sur des documents transmis par la France à l'autorité fiscale indienne dans le cadre d'une CDI liant ces deux Etats, en violation du principe de spécialité. Le Tribunal administratif fédéral - au terme d'une constatation arbitraire des faits (art. 9 Cst.) - n'aurait, à tort, pas retenu de violation du principe de spécialité au motif que le grief d'une telle violation pouvait encore être contesté devant les juridictions indiennes. 
 
3.1. Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de se prononcer sur l'étendue du principe de spécialité prévu à l'art. 26 al. 2 CDI CH-IN en lien avec le risque d'utilisation des informations reçues dans le cadre d'une procédure purement pénale menée en Inde (cf. arrêts 2C_750/2020 du 25 mars 2021 consid. 8.2; 2C_542/2018 du 10 mars 2021 consid. 4.4). Le point de savoir si la question juridique soulevée par les recourants a déjà été implicitement tranchée dans ces arrêts peut cependant rester ouvert, car elle repose sur une motivation subsidiaire de l'arrêt attaqué.  
En effet, le Tribunal administratif fédéral a estimé en premier lieu que les recourants ne pouvaient rien tirer de la plainte formulée à leur encontre le 23 mars 2018 par le Enforcement Directorate, car il n'y était nullement fait mention de documents transmis par la France à l'Inde "dans le cadre de la CDI les liant" (arrêt attaqué, consid. 9.3.3.3). Dans une motivation subsidiaire, il a précisé qu'en admettant que tel fût le cas, le dépôt d'une plainte ne constituait pas, à lui seul, un indice suffisant pour mettre en doute le respect du principe de spécialité par l'Inde puisque le grief d'une telle violation pouvait encore être soulevé devant les juridictions indiennes et faire échec à la poursuite. Par conséquent, la question juridique de principe soulevée par les recourants ne se pose que si les faits à la base de la motivation principale du Tribunal administratif fédéral ont été constatés de façon arbitraire par ce dernier, comme l'allèguent les recourants, de sorte que, sous cet angle, leur critique est recevable (cf. supra consid. 2.4).  
 
3.2. Les recourants soutiennent en effet que le Tribunal administratif fédéral aurait arbitrairement retenu que la plainte du 23 mars 2018 ne mentionnait pas de documents transmis par la France à l'Inde dans le cadre de la CDI les liant. Ils reproduisent un extrait (non daté, non signé, ne mentionnant ni destinataire, ni expéditeur) d'un courrier qui attesterait, selon eux, de l'engagement univoque de l'Inde envers la France à ne pas utiliser les informations à des fins autres que fiscales. Cette reproduction, qui fait référence à une procédure dont on ignore tout de l'objet, de la nature juridique et du contenu des informations fournies, ne permet à l'évidence pas d'établir que le Tribunal administratif fédéral aurait retenu de manière insoutenable que la plainte ne précisait pas que l'échange d'informations concerné s'inscrivait dans le contexte de la CDI entre la France et l'Inde. Les recourants ne parviennent donc pas à démontrer l'arbitraire de cette constatation.  
Les recourants allèguent ensuite que le Tribunal administratif fédéral aurait arbitrairement omis de tenir compte d'une demande d'entraide fiscale entre l'Inde et la Suisse datée du 23 décembre 2014, pourtant jointe à la plainte du 23 mars 2018. A ce propos, il ressort de l'arrêt attaqué que l'Administration fédérale a confirmé n'avoir jamais reçu la demande d'assistance du 23 décembre 2014, qui ne lui était du reste pas adressée. L'argumentation des recourants ne permet pas non plus de démontrer l'arbitraire de cette constatation. 
Par conséquent, l'argumentation principale du Tribunal administratif fédéral peut être confirmée, ce qui rend superflue l'argumentation subsidiaire et partant l'examen de la question juridique de principe qui y est liée (cf. supra consid. 3.1 in fine). 
 
4.  
A titre subsidiaire, les recourants font valoir que la présente cause relève du cas particulièrement important parce qu'elle démontrerait des violations avérées de la réserve d'ordre public et du principe de spécialité par l'Inde. 
 
4.1. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il est concevable que, si l'on se trouve en présence d'une situation dans laquelle il existe des indices concrets de violation du principe de spécialité au sens de l'art. 26 par. 2 CDI CH-IN ou d'atteinte à l'ordre public garanti par l'art. 26 par. 3 let. c CDI CH-IN, le Tribunal fédéral entre en matière en raison d'un cas particulièrement important au sens de l'art. 84 al. 2 LTF (cf. supra consid. 2.2), indépendamment de l'existence d'une question juridique de principe. Pour ce faire, il faut cependant que le recourant fournisse à l'appui de son recours devant le Tribunal fédéral, des indices suffisants du risque d'une violation du principe de la spécialité ou d'une atteinte à l'ordre public (arrêt 2C_664/2022 du 13 septembre 2022, consid. 4).  
 
4.2. Sous l'angle du principe de spécialité, les recourants font valoir la même argumentation que celle présentée dans le cadre de la question juridique de principe. Pour les mêmes raisons que celles ayant justifié l'absence d'une telle question (cf. supra consid. 3.2 et 3.3), il sied de retenir que la présente cause ne relève pas du cas important au sens de l'art. 84a LTF.  
 
4.3. Sous l'angle de la réserve d'ordre public, les recourants affirment que le Tribunal administratif fédéral aurait arbitrairement négligé de prendre en compte deux communications de l' Income Tax Departement du 26 juillet 2021, qui illustreraient que, sur la base d'informations recueillies dans le cadre de CDI avec Singapour et les Iles Vierges britanniques, l'Inde ouvrirait des procédures pénales fondées sur le Black Money (undisclosed foreign income and assets) and Imposition of Tax Act, 2015(ci-après: Black Money Act) qui auraient un effet rétroactif.  
Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de préciser qu'il ne pouvait être exclu que le Black Money Act contienne - en plus de dispositions de droit administratif fiscal et de droit fiscal matériel - des dispositions relatives à la poursuite pénale des délits fiscaux et qu'il prévoie une sanction rétroactive des délits fiscaux (cf. arrêt 2C_750/2020 du 25 mars 2021 consid. 9.3.1). Or, l'interdiction de la rétroactivité sur le plan pénal peut toucher l'art. 7 par. 1 CEDH et est contraire à l'art. 2 al. 1 CP (arrêt 2C_750/2020 du 25 mars 2021 consid. 7), de sorte qu'une violation de cette interdiction par le droit matériel interne de l'Etat requérant est susceptible de s'avérer contraire à la réserve d'ordre public figurant à l'art. 26 par. 3 let. c CDI CH-IN (cf. arrêts 2C_644/2022 du 13 septembre 2022 consid. 3.2; 2C_750/2020 du 25 mars 2021 consid. 7.3). Cependant, il appartient au recourant qui entend se prévaloir d'une atteinte à l'ordre public telle que prévue par cette disposition de démontrer de manière suffisante ("mit genügender Wahscheinlichkeit") qu'il risque une sanction pénale prononcée en violation de l'interdiction de la rétroactivité (cf.arrêt 2C_750/2020 du 25 mars 2021 consid. 9.3.4). 
En l'occurrence, comme l'admettent les recourants dans leur recours, le Tribunal administratif fédéral a dûment mentionné les deux communications du 26 juillet 2021 de l' Income Tax Departement dans l'arrêt attaqué (consid. 9.3.3.2) et, au terme d'une appréciation circonstanciée, en a conclu qu'elles ne permettaient pas de retenir un indice sérieux de violation du principe de la non-rétroactivité. Or, dans leur argumentation, les recourants ne parviennent pas à démontrer en quoi les constatations de l'instance précédente seraient arbitraires et ils ne font valoir aucun indice suffisant d'une atteinte de l'ordre public suisse.  
En réalité, sous couvert d'un grief portant sur l'établissement arbitraire des faits, les recourants s'en prennent à l'appréciation juridique que le Tribunal administratif fédéral a faite de la portée de ces communications sur l'issue de la demande d'assistance administrative litigieuse. Cela ne suffit pas à mettre en évidence de façon suffisamment crédible un risque d'atteinte à l'ordre public et à reconnaître l'existence d'un cas particulièrement important au sens de l'art. 84a LTF justifiant d'entrer en matière. 
 
5.  
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être déclaré irrecevable selon la procédure applicable en vertu des art. 107 al. 3 et 109 al. 1 LTF, étant précisé que, comme l'arrêt attaqué émane du Tribunal administratif fédéral, la voie du recours constitutionnel subsidiaire est exclue (art. 113 a contrario LTF). 
 
6.  
Succombant, les recourants doivent supporter les frais de justice devant le Tribunal fédéral, solidairement entre eux (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Il ne sera pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants, à l'Administration fédérale des contributions, Service d'échange d'informations en matière fiscale SEI, et au Tribunal administratif fédéral, Cour I. 
 
 
Lausanne, le 16 février 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
La Greffière : S. Colella