Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_478/2024
Arrêt du 16 octobre 2024
IIIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président,
Moser-Szeless et Beusch.
Greffier : M. Feller.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par M e Mauro Poggia, avocat,
recourante,
contre
Administration fiscale cantonale du canton de Genève, rue du Stand 26, 1204 Genève,
intimée.
Objet
Impôts cantonaux et communaux du canton de Genève et impôt fédéral direct, périodes fiscales 2018 et 2019,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 6 août 2024 (A/4245/2023-ICCIFD ATA/925/2024).
Faits :
A.
Le 20 décembre 2023, A.________ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (ci-après: le TAPI) contre des décisions sur réclamation rendues respectivement le 16 et le 17 novembre 2023 par l'Administration fiscale cantonale de la République et canton de Genève relatives aux années fiscales 2018 et 2019, tant en matière d'impôt fédéral direct (IFD) que d'impôt cantonal et communal (ICC). Interpellée par le TAPI sur l'absence de signature sur les deux recours, A.________ a renvoyé ces actes munis de sa signature manuscrite en date du 1
er mars 2024. Par jugement du 25 mars 2024, le TAPI a déclaré les recours irrecevables, pour cause de tardiveté.
B.
Par arrêt du 6 août 2024, la Cour de justice de la République et canton de Genève, a déclaré irrecevable le recours formé par A.________ le 4 mai 2024 contre le jugement du TAPI du 25 mars 2024, au motif qu'il était tardif. Elle a constaté que l'intéressée avait été avisée par La Poste de l'envoi le 27 mars 2024 (avis de retrait), de sorte que le délai de recours était arrivé à échéance le 3 mai suivant.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt. Elle conclut à son annulation en tant qu'il a déclaré son recours du 4 mai 2024 irrecevable et au renvoi de la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision.
Considérant en droit :
1.
1.1. L'arrêt attaqué a été rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) qui ne tombe sous le coup d'aucune exception de l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est donc ouverte (cf. aussi art. 146 LIFD [RS 642.11]; art. 73 LHID [RS 642.14]).
1.2. La juridiction cantonale a rendu un seul arrêt valant pour les impôts en matière d'IFD et des ICC pour les périodes fiscales 2018 et 2019, ce qui est admissible (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1). Partant, le dépôt d'un seul acte de recours est aussi autorisé, dans la mesure où la recourante s'en prend clairement aux deux catégories d'impôt (cf. ATF 135 II 260 consid. 1.3.2). Au surplus, le recours a été déposé en temps utile (art. 46 al. 1 let. c et 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF) par la destinataire de la décision attaquée, qui a qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF). Il convient donc d'entrer en matière.
2.
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral ( art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF ). Sauf dans les cas cités expressément à l'art. 95 LTF, le recours devant le Tribunal fédéral ne peut pas être formé pour violation du droit cantonal en tant que tel. En revanche, il est possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine toutefois le moyen tiré de la violation d'une norme de rang constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise (art. 106 al. 2 LTF).
3.
Le litige porte sur le point de savoir si la Cour de justice était en droit de déclarer irrecevable le recours interjeté par la recourante le 4 mai 2024.
La juridiction cantonale a rappelé de manière complète le droit et la jurisprudence sur l'accès au juge (art. 29a Cst.; ATF 143 I 344 consid. 8.3), le formalisme excessif (art. 29 al. 1 Cst.; ATF 149 IV 97 consid. 2.1), la notification des actes judiciaires, les délais de recours et l'empêchement non fautif d'agir en procédure cantonale (art. 16, 62 al. 1 let. a et b et 62 al. 3 et 4 de la loi du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative de la République et canton de Genève [LPA/GE; RS/GE E 5 10]; ATF 137 III 308 consid. 3.1.2; cf. aussi l'art. 50 LHID et les art. 140 al. 1 et 145 al. 2 LIFD). Il suffit de renvoyer à l'arrêt attaqué sur ces points (art. 109 al. 3 LTF).
4.
La recourante reproche à la juridiction cantonale d'avoir violé son droit d'accès à un juge (art. 29a Cst.) ainsi que d'avoir commis un déni de justice formel (art. 29 al. 1 Cst.), en appliquant l'art. 62 al. 4 LPA/GE sans tenir compte du report de la date de retrait du pli recommandé, dont la recourante ne connaissait pas l'expéditeur. Elle fait valoir que son recours du 4 mai 2024 serait recevable, dès lors que le jugement du TAPI lui aurait été notifié le 27 avril 2024, puisqu'elle avait prolongé le délai de garde auprès de La Poste Suisse conformément à la "loi fédérale sur la poste". Elle soulève la question de savoir si le législateur cantonal peut prévoir une fiction de notification d'un pli recommandé lorsque la signature du destinataire est exigée par la loi, alors qu'il est tenu de respecter les dispositions constitutionnelles citées. Selon elle, la notification devrait avoir eu lieu au moment du retrait effectif du pli recommandé lorsqu'une personne fait usage de la possibilité de solliciter le prolongement du délai de garde (de sept jours). La recourante allègue encore que dans la mesure où elle aurait procédé à la rectification du vice formel (signature manuscrite) de son recours auprès du TAPI en date du 1
er mars 2024 et qu'aucun acte d'instruction n'aurait été effectué par ce dernier, elle ne pouvait pas s'attendre de bonne foi à recevoir le jugement trois semaines plus tard.
5.
5.1. L'art. 62 al. 4 LPA/GE prévoit que la décision qui n'est remise que contre la signature du destinataire ou d'un tiers habilité est réputée reçue au plus tard 7 jours après la première tentative infructueuse de distribution. Cette disposition concrétise la jurisprudence en matière de notification des actes adressés sous pli recommandé, selon laquelle l'envoi non retiré dans le délai de garde de sept jours est réputé notifié le dernier jour de ce délai (cf. ATF 134 V 49 consid. 4 et les références; arrêt 2C_523/2019 du 12 novembre 2019 consid. 3.3). Une telle règle existe également en droit fédéral, par exemple à l'art. 44 LTF (cf. également art. 38 al. 2bis LPGA [RS 830.1]). Selon la jurisprudence y relative, le délai de garde de sept jours n'est pas prolongé lorsque La Poste Suisse permet de retirer le courrier dans un délai plus long, par exemple à la suite d'une demande de garde voire de prolongation du délai de retrait. En effet, des accords particuliers avec La Poste Suisse ne permettent pas de repousser l'échéance de la notification, réputée intervenue à l'échéance du délai de sept jours (ATF 141 II 429 consid. 3.1 et 3.3 et les références).
Contrairement à ce que soutient la recourante, l'application qu'a faite la juridiction cantonale de l'art. 62 al. 4 LPA/GE est dès lors conforme au droit fédéral et au principe selon lequel, lorsque le destinataire donne l'ordre au bureau de poste de conserver son courrier, l'envoi recommandé est réputé notifié non pas au moment de son retrait effectif, mais le dernier jour du délai de garde de sept jours suivant la réception du pli par l'office de poste du lieu de domicile du destinataire (ATF 141 II 429 consid. 3.1 et les références). C'est donc à juste titre que la juridiction cantonale a retenu le 3 avril 2024 comme dies a quo du délai de recours de 30 jours contre le jugement du TAPI, dont l'avis de retrait avait été déposé dans la boite aux lettres de la recourante le 27 mars 2024. La recourante se plaint en vain de ce que la fiction établie par "la loi cantonale" aurait été prévue sans considération aucune du fait que l'expéditeur ne figurait pas sur l'avis de retrait et que le destinataire était en droit de prolonger le délai de garde.
5.2. Ensuite il suffit de constater, à la suite de la juridiction cantonale, que la recourante devait s'attendre, en vertu du principe de la bonne foi, à se voir notifier un acte judiciaire puisqu'elle avait formé recours contre les décisions fiscales de réclamation. Le fait que le TAPI n'a pas effectué de mesures d'instruction et que le jugement a été notifié dans un bref délai (trois semaines) après que la recourante a procédé au nouveau dépôt de ses recours signés n'y change rien. En effet, de jurisprudence constante, celui qui se sait partie à une procédure judiciaire et qui doit dès lors s'attendre à recevoir des actes du juge - condition en principe réalisée pendant toute la durée d'un procès - est tenu de relever son courrier ou, s'il s'absente de son domicile, de prendre des dispositions pour que celui-ci lui parvienne néanmoins. À ce défaut, il est réputé avoir eu, à l'échéance du délai de garde, connaissance de l'acte judiciaire (cf. ATF 141 II 429 consid. 3.1).
5.3. En conséquence, l'arrêt attaqué ne porte pas atteinte à la garantie de l'accès au juge de la recourante, dès lors que cette garantie ne s'oppose pas aux conditions de recevabilité habituelles du recours (ATF 143 I 344 consid. 8.2), qui ont été appliquées en l'occurrence (consid. 5.1 et 5.2 supra). En outre, l'application stricte des règles sur les délais de recours ne relève pas d'un formalisme excessif, mais se justifie dans l'intérêt d'un bon fonctionnement de la justice et de la sécurité du droit, ainsi que pour des motifs d'égalité de traitement (cf. ATF 149 IV 97 consid. 2.1; 104 Ia 4 consid. 3). Dès lors, les griefs de la recourante sont manifestement mal fondés.
6.
Compte tenu de ce qui précède, le recours doit être rejeté selon la procédure simplifiée de l'art. 109 al. 2 let. a LTF. La recourante, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 4ème section, et à l'Administration fédérale des contributions.
Lucerne, le 16 octobre 2024
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Parrino
Le Greffier : Feller