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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_837/2022  
 
 
Arrêt du 17 avril 2023  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux 
Denys, Juge présidant, Muschietti et Hurni. 
Greffier : M. Tinguely. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. B.________, 
3. C.________, 
4. D.________, 
tous les quatre représentés par Me Olivier Peter, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
intimé. 
 
Objet 
Violation des règles de la circulation routière; 
principe d'accusation; liberté de réunion et 
d'association (art. 11 CEDH), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice 
de la République et canton de Genève, 
Chambre pénale d'appel et de révision, 
du 23 mai 2022 (P/20586/2020 AARP/151/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 15 octobre 2021, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a condamné A.________, B.________, E.________ et D.________ pour violation des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR), leur infligeant des amendes, fixées respectivement à 100 fr., 300 fr., 200 fr. et 600 francs. Le Tribunal de police a par ailleurs condamné C.________ pour refus d'obtempérer (art. 11F de la loi pénale genevoise [LPG/GE; RS/GE E4 05]) à une amende de 300 francs. 
 
B.  
Statuant par arrêt du 23 mai 2022, la Chambre pénale d'appel et de révision a admis l'appel formé par E.________ et a rejeté ceux formés par A.________, B.________, C.________ et D.________. Le jugement du 15 octobre 2021 a été réformé en ce sens que E.________ était acquittée; il a été confirmé pour le surplus. 
En substance, la cour cantonale a retenu les faits suivants. 
 
B.a. Tous les derniers vendredis du mois et dans différentes villes de par le monde, des manifestations, s'inscrivant dans le cadre du mouvement Critical Mass (ou Masse critique), réunissent des cyclistes se déplaçant en cortège sur la voie publique, dans la perspective notamment de dénoncer l'occupation excessive de l'espace public par les automobiles à usage privé.  
Le vendredi 26 juin 2020, une manifestation Critical Mass s'est déroulée dans les rues de Genève, sans autorisation. A.________, B.________, C.________ et D.________ y ont tous quatre participé, parmi quelque 1'000 autres manifestants.  
 
B.b.  
 
B.b.a. A 19 heures 20, alors que des agents de police procédaient au contrôle d'un cycliste au carrefour situé à l'intersection des rues P.________ et Q.________, C.________ s'est approché d'eux. Les agents lui ont demandé à plusieurs reprises de "circuler". C.________ n'a pas obtempéré.  
 
B.b.b. A 19 heures 37, alors que A.________ circulait sur son cycle, sur la rue R.________ en direction de la rue S.________, et qu'elle était arrivée à l'intersection avec la rue T.________, elle s'est arrêtée sans raison sur la chaussée, entravant le conducteur de l'automobile se trouvant derrière elle et prenant le risque que celui-ci la percute.  
 
B.b.c. A 20 heures 25, alors que D.________ circulait sur son cycle sur le quai U.________ et qu'il se trouvait peu après la place V.________, il a franchi une ligne double de sécurité et roulé sur la voie de gauche jusqu'à la rue W.________, obligeant ainsi plusieurs automobilistes à ralentir et à se déporter sur le côté afin d'éviter une collision.  
 
B.b.d. A 20 heures 42, alors que B.________ circulait sur son cycle sur le quai X.________ en direction de l'avenue Y.________ et qu'il était arrivé à la jonction avec celle-ci, il a franchi la double ligne de sécurité et a circulé sur la voie de gauche, entravant ainsi la circulation en direction du pont Z.________.  
 
C.  
A.________, B.________, C.________ et D.________ forment un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 23 mai 2022. Ils concluent, avec suite de frais et dépens, principalement à leur acquittement. Subsidiairement, ils concluent à l'annulation de l'arrêt et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La recourante A.________ (recourante 1) invoque une violation du principe de l'accusation. 
 
1.1. Ce principe est consacré par l'art. 9 CPP. Selon cette disposition, une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits. En effet, le prévenu doit connaître exactement les faits qui lui sont imputés et les peines et mesures auxquelles il est exposé, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (ATF 143 IV 63 consid. 2.2; 141 IV 132 consid. 3.4.1). Le tribunal est lié par l'état de fait décrit dans l'acte d'accusation (principe de l'immutabilité de l'acte d'accusation), mais peut s'écarter de l'appréciation juridique qu'en fait le ministère public (art. 350 al. 1 CPP), à condition d'en informer les parties présentes et de les inviter à se prononcer (art. 344 CPP). Il peut également retenir dans son jugement des faits ou des circonstances complémentaires, lorsque ceux-ci sont secondaires et n'ont aucune influence sur l'appréciation juridique. Le principe de l'accusation est également déduit de l'art. 29 al. 2 Cst. (droit d'être entendu), de l'art. 32 al. 2 Cst. (droit d'être informé, dans les plus brefs délais et de manière détaillée, des accusations portées contre soi) et de l'art. 6 par. 3 let. a CEDH (droit d'être informé de la nature et de la cause de l'accusation; arrêts 6B_136/2021 du 6 septembre 2021 consid. 3.3; 6B_1188/2020 du 7 juillet 2021 consid. 2.1; 6B_623/2020 du 11 mars 2021 consid. 1.1).  
Selon l'art. 325 CPP, l'acte d'accusation désigne le plus brièvement possible, mais avec précision, les actes reprochés au prévenu, le lieu, la date et l'heure de leur commission ainsi que leurs conséquences et le mode de procéder de l'auteur, les infractions réalisées et les dispositions légales applicables de l'avis du ministère public. En d'autres termes, l'acte d'accusation doit contenir les faits qui, de l'avis du ministère public, correspondent à tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée au prévenu. L'acte d'accusation définit l'objet du procès et sert également à informer le prévenu (fonctions de délimitation et d'information; ATF 143 IV 63 consid. 2.2; 141 IV 132 consid. 3.4.1 et les références citées; arrêt 6B_88/2022 du 16 mars 2023 consid. 1.1). 
L'ordonnance pénale doit fournir les mêmes indications qu'un acte d'accusation (ATF 145 IV 438 consid. 1.3.1; arrêts 6B_1325/2021 du 27 septembre 2022 consid. 6.3.1 destiné à la publication; 6B_38/2022 du 11 mai 2022 consid. 2.2; 6B_1262/2021 du 23 mars 2022 consid. 3.1). La description des faits doit, même s'agissant des éléments constitutifs simples d'une contravention, satisfaire aux exigences d'un acte d'accusation (ATF 140 IV 188 consid. 1.5; arrêt 6B_644/2022 du 9 février 2023 consid. 2.1). 
 
1.2. Aux termes de l'art. 90 al. 1 LCR, celui qui viole les règles de la circulation prévues par cette loi ou par les dispositions d'exécution émanant du Conseil fédéral est puni de l'amende.  
Le conducteur qui veut s'arrêter aura égard, dans la mesure du possible, aux véhicules qui le suivent (art. 37 al. 1 LCR). L'art. 18 al. 1 OCR prescrit que le conducteur s'arrêtera si possible hors de la chaussée; sur la chaussée, ils ne placeront leur véhicule qu'au bord et parallèlement à l'axe de circulation; l'arrêt sur le bord gauche de la route n'est autorisé que s'il y a sur la droite une voie de tramway ou de chemin de fer routier (let. a), si une interdiction de s'arrêter ou de parquer est signalée ou marquée à droite (let. b), sur les routes étroites à faible trafic (let. c) et sur les routes à sens unique (let. d). 
L'art. 26 al. 1 LCR dispose que chacun doit se comporter, dans la circulation, de manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies (al. 1). La jurisprudence a déduit de cette règle le principe de la confiance, qui permet à l'usager qui se comporte réglementairement d'attendre des autres usagers, aussi longtemps que des circonstances particulières ne doivent pas l'en dissuader, qu'ils se comportent également de manière conforme aux règles de la circulation, c'est-à-dire ne le gênent ni ne le mettent en danger (ATF 143 IV 500 consid. 1.2.4; 143 IV 138 consid. 2.1; 125 IV 83 consid. 2b et les références citées; arrêt 6B_239/2022 du 22 mars 2023 consid. 6.2.3). 
 
1.3. En l'espèce, l'ordonnance pénale rendue le 8 janvier 2021 par le Service des contraventions, tenant lieu d'acte d'accusation (art. 356 al. 1, 2e phrase, CPP), décrit comme suit l'infraction reprochée à la recourante 1:  
 
"Attendu en fait que le 26 juin 2020 à 19:37, lieu: rue R.________, 1202 Genève, avec un cycle sans immatriculation, il est reproché à Madame A.________: 
Entraver la circulation routière, avec mise en danger. 
Qu'un rapport de contravention N° xxx a été établi le 27 juin 2020 par un policier, duquel il ressort que Madame A.________ a commis l'infraction précitée. 
Attendu en droit que Madame A.________ a contrevenu aux (à la) disposition (s) légale (s) suivante (s) : [citation du texte des art. 26 al. 1 et 90 al. 1 LCR]". 
 
1.4. Certes, l'ordonnance pénale expose de manière particulièrement succincte les actes reprochés à la recourante 1, ne contenant guère de précisions quant aux circonstances de l'entrave à la circulation routière reprochée.  
Pour autant, il peut être déduit du rapport de contravention du 27 juin 2020, auquel il est expressément fait référence dans l'ordonnance pénale, "[qu'à] l'intersection avec la rue T.________, [la recourante 1] s'[était] arrêtée sans raison sur la chaussée, entravant ainsi une voiture qui se trouvait derrière elle et qui circulait normalement sur sa voie de circulation". 
Cela étant relevé, la recourante 1 ne prétend pas avoir ignoré la teneur du rapport de contravention en question, pas plus qu'elle reproche au Service des contraventions de ne pas l'avoir formellement reproduite dans l'ordonnance pénale. La recourante 1 a d'ailleurs reconnu en première instance s'être arrêtée sur la chaussée et avoir entravé une voiture derrière elle, expliquant avoir agi ainsi pour ralentir la circulation et de cette manière éviter que des voitures arrivent trop vite et provoquent un accident dans le cadre de la manifestation, qui s'était à ce moment séparée en deux (cf. arrêt attaqué, ad "En fait", let. B.c.a p. 4). 
 
1.5. Bien plutôt, la recourante 1 entend faire valoir que l'accusation n'avait pas exposé en quoi il devait être considéré, au regard des faits décrits, qu'elle avait mis en danger le conducteur du véhicule circulant derrière elle, voire qu'elle s'était elle-même mise en danger.  
Sur ce point, comme l'a relevé la cour cantonale à juste titre, il peut toutefois être déduit de l'ordonnance pénale, et des dispositions légales qui y étaient citées, qu'aux yeux du Service des contraventions, l'acte de la recourante 1, consistant à s'arrêter sans raison sur la chaussée, au guidon d'un cycle, était en soi de nature à gêner l'automobiliste circulant normalement derrière elle, en contravention à la règle de prudence de l'art. 26 al. 1 LCR, l'entrave ainsi décrite consacrant une mise en danger abstraite de la sécurité du trafic, punissable à titre de l'art. 90 al. 1 LCR, sans qu'il soit au surplus déterminant d'établir si l'automobiliste, voire un tiers ou la recourante 1 elle-même, s'était concrètement trouvé en danger. 
Au reste, la recourante 1 ne se plaint pas que la cour cantonale a fait référence aux art. 37 al. 1 LCR et 18 al. 1 OCR, lors même que ces dispositions ne sont pourtant pas évoquées dans l'ordonnance pénale, A tout le moins, elle ne prétend pas non plus que ces dispositions n'étaient pas pertinentes pour définir le caractère illicite de sa manoeuvre. 
Le grief doit en conséquence être rejeté. 
 
 
2.  
Pour le surplus, les recourants ne contestent pas que, comme la cour cantonale l'a jugé, les actes qui leur étaient reprochés réalisaient les éléments constitutifs de l'art. 90 al. 1 LCR (en ce qui concerne la recourante 1 ainsi que les recourants B.________ [recourant 2] et D.________ [recourant 4]), respectivement de l'art. 11F LPG/GE (en ce qui concerne le recourant C.________ [recourant 3]). 
 
3.  
Les recourants font en revanche valoir que leurs condamnations pénales consacrent une violation de leur liberté de réunion, garantie par les art. 11 CEDH et 22 Cst. 
 
3.1.  
 
3.1.1. L'art. 22 Cst. garantit la liberté de réunion (al. 1), toute personne ayant le droit d'organiser des réunions et d'y prendre part ou non (al. 2). Sont considérées comme des réunions les formes les plus diverses de regroupements de personnes dans le cadre d'une organisation déterminée, dans le but, compris dans un sens large, de former ou d'exprimer mutuellement une opinion (ATF 144 I 281 consid. 5.3.1; 132 I 256 consid. 3; 132 I 49 consid. 5.3; arrêts 6B_246/2022 du 12 décembre 2022 consid. 3.2.1; 6B_655/2022 du 31 août 2022 consid. 4.2).  
L'art. 11 par. 1 CEDH (en relation avec l'art. 10 CEDH), qui consacre notamment le droit de toute personne à la liberté de réunion et à la liberté d'association, offre des garanties comparables (ATF 132 I 256 consid. 3; arrêt 6B_246/2022 précité consid. 3.2.1); son exercice est soumis aux restrictions qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (art. 11 par. 2, 1re phrase, CEDH). 
 
3.1.2. Dans l'arrêt 6B_246/2022 du 12 décembre 2022, le Tribunal fédéral a rappelé, en référence à la jurisprudence de la CourEDH, qu'en l'absence d'actes de violence de la part de manifestants non autorisés, les pouvoirs publics devaient faire preuve, dans le cadre de l'application du droit pénal, d'une certaine tolérance pour les rassemblements pacifiques afin que la liberté de réunion garantie par l'art. 11 CEDH ne soit pas vidée de sa substance. La tolérance qui est demandée aux pouvoirs publics à l'égard des rassemblements pacifiques "illégaux" doit concerner les cas dans lesquels la manifestation en cause se tient dans un lieu public en l'absence de tout risque pour la sécurité, et si les nuisances causées par les manifestants ne dépassent pas le niveau de perturbation mineure qu'entraîne l'exercice normal du droit à la liberté de réunion pacifique dans un lieu public. Elle doit également s'étendre aux réunions qui entraînent des perturbations de la vie quotidienne, notamment de la circulation routière (arrêt 6B_246/2022 précité consid. 3.2.4 et les références citées, soit not. arrêts de la CourEDH Navalnyy c. Russie du 15 novembre 2018 [GC], § 128; Egitim ve Bilim Emekcileri Sendikasi et autres c. Turquie du 5 juillet 2016, § 95).  
 
3.1.3. En tout état, comme l'a également relevé le Tribunal fédéral dans l'arrêt 6B_246/2022 précité, les limites de la tolérance, que les autorités sont censées démontrer à l'égard d'un rassemblement illicite, dépendent des circonstances particulières de l'espèce, notamment de la durée et de l'ampleur du trouble à l'ordre public causé par le rassemblement ainsi que de la question de savoir si ses participants se sont vu offrir une possibilité suffisante d'exprimer leurs opinions (arrêt 6B_246/2022 précité consid. 3.2.4; arrêts de la CourEDH Frumkin c. Russie du 5 janvier 2016, § 97; Kudrevicius et autres c. Lituanie du 15 octobre 2015 [GC], §§ 155-157 et 176-177).  
Il ne faut ainsi pas perdre de vue que les autorités sont fondées à prendre des mesures répressives et imposer des sanctions pour des infractions spécifiques commises au cours d'un rassemblement. Des ingérences dans l'exercice du droit à la liberté de réunion sont en principe justifiées pour la défense de l'ordre et la prévention du crime, ainsi que pour la protection des droits et des libertés d'autrui lorsque les manifestants se livrent à des actes de violence (arrêt de la CourEDH Giuliani et Gaggio c. Italie du 24 mars 2011 [GC], § 251). De même, lorsque des manifestants perturbent intentionnellement la vie quotidienne et les activités licites d'autrui, ces perturbations, lorsque leur ampleur dépasse celle qu'implique l'exercice normal de la liberté de réunion pacifique, peuvent être considérées comme des "actes répréhensibles". Pareil comportement peut donc justifier l'imposition de sanctions, y compris de nature pénale (arrêt de la CourEDH Kudrevicius et autres c. Lituanie [GC], § 173-174). La nature et la lourdeur des peines infligées sont aussi des éléments à prendre en considération lorsqu'il s'agit de mesurer la proportionnalité de l'ingérence par rapport au but qu'elle poursuit (arrêt de la CourEDH Kudrevicius et autres c. Lituanie [GC], § 146).  
 
3.2. En l'espèce, il est constant que les recourants ont pris part à une manifestation sur la voie publique, qui n'avait pas été autorisée. Si celle-ci était certes encadrée par les forces de l'ordre et n'avait été émaillée d'aucune violence, elle avait néanmoins occasionné un fort ralentissement, voire des blocages du trafic routier, en tant qu'elle consistait en un grand défilé de cyclistes sur certains axes routiers principaux du canton de Genève (cf. arrêt attaqué, consid. 5.2 p. 19).  
 
3.3. Cela étant observé, il apparaît qu'en l'occurrence, les recourants n'ont pas été sanctionnés précisément en raison de leur participation à la manifestation, mais bien parce qu'il avaient, dans le cadre de celle-ci, commis des contraventions à la LCR, respectivement à la LPG/GE. Dans ce contexte, il n'est pas spécialement déterminant d'examiner si, en tant que telle, la manifestation non autorisée avait, dans une mesure excédant ce qui est tolérable, entraîné des perturbations de la vie quotidienne.  
A tout le moins, la cour cantonale pouvait valablement retenir que la police n'avait pas cherché à entraver la manifestation, ni à l'empêcher. Le nombre et la nature des sanctions contestées ne témoignent en effet pas, à eux seuls, d'une volonté de harceler les manifestants et de les détourner de la Critical Mass, ni d'une stratégie de l'autorité visant à les sanctionner à des fins dissuasives, alors qu'il a par ailleurs été retenu, en fait, que seules 23 condamnations, pour des contraventions, avaient été prononcées pour les quelque 1'000 participants à la manifestation.  
 
3.4.  
 
3.4.1. Au reste, comme l'a relevé la cour cantonale, il apparaît que les actes imputés aux recourants 1, 2 et 4 avaient bien porté atteinte à la sécurité du trafic, sans que cela fût nécessaire au déroulement de la manifestation.  
Les comportements réprimés n'étaient en effet pas inhérents au but de sensibilisation visé par les manifestants. En particulier, la participation au cortège, qui n'occupait que la voie de droite de la chaussée, ne rendait pas nécessaire le franchissement de lignes de sécurité continues (art. 73 OSR), ni encore d'effectuer des zigzags entre les deux voies de circulation. Elle n'obligeait pas non plus les manifestants à s'arrêter au milieu d'un carrefour afin d'y bloquer les véhicules venant d'une autre voie. 
Si le risque d'accident était certes un peu plus faible que dans des conditions de circulation normales, celle-ci ayant été globalement ralentie aux abords de la manifestation, ce risque n'en demeurait pas moins réel, comme l'a retenu sans arbitraire la cour cantonale, dès lors que le cortège s'était déroulé en plein centre-ville, un vendredi soir d'été en début de soirée (cf. arrêt attaqué, consid. 5.3.2 p. 20). 
 
3.4.2. Quant au recourant 3, il n'est pas contesté qu'il avait approché des agents de police, qui se trouvaient en train de procéder au contrôle d'un manifestant, ni qu'il avait, à cette occasion, refusé de se conformer à leur ordre de quitter les lieux du contrôle et de "circuler".  
Cela étant, cette injonction n'avait pas eu pour effet d'empêcher le recourant 3 de prendre part au cortège, celle-là ayant plutôt visé, bien au contraire, à l'inviter à rejoindre les autres manifestants. Aussi, à l'inverse de l'injonction formulée dans le cadre de l'état de fait objet de l'arrêt 6B_246/2022 précité, celle litigieuse dans le cas d'espèce ne portait pas sur le fait de quitter les lieux de la manifestation ou de cesser celle-ci, de sorte qu'elle n'a entraîné aucune ingérence dans l'exercice de son droit de réunion pacifique. 
En tout état, il est rappelé, à la suite de la cour cantonale, que l'art. 11 CEDH n'oblige pas seulement l'État à s'abstenir d'apporter des restrictions indirectes abusives au droit de réunion pacifique, mais peut également engendrer des obligations positives afin d'assurer la jouissance effective de ces droits (cf. arrêt de la CourEDH Kudrevicius et autres c. Lituanie [GC], § 146). L'injonction formulée à l'adresse du recourant 3 semble ainsi bien s'inscrire dans cette perspective: il apparaît en effet justifié, afin de garantir la sécurité publique et le bon déroulement d'une manifestation, que les agents de police puissent intervenir de manière efficace et sûre, et en particulier sans être perturbés ou dérangés lorsqu'ils procèdent à un contrôle.  
 
3.5. Il est enfin observé que les peines infligées aux recourants, consistant en des amendes s'échelonnant entre 100 fr. et 600 fr., demeurent proportionnées au regard des objectifs de préservation de l'ordre et de la sécurité publics, visés par ces condamnations.  
 
3.6. En définitive, les recourants échouent donc à démontrer que leurs condamnations consacrent une violation de leur liberté de réunion pacifique, telle que garantie par les art. 11 CEDH et 22 Cst.  
 
4.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
Les recourants succombent. Ils supportent les frais de la procédure, solidairement entre eux (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 17 avril 2023 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
Le Greffier : Tinguely