Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_674/2023
Arrêt du 17 avril 2025
Ire Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Haag, Président,
Merz et Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier : M. Alvarez.
Participants à la procédure
Commune de Cronay,
place de l'Eglise 2, 1406 Cronay,
représentée par Me Benoît Bovay, avocat,
recourante,
contre
Swisscom (Suisse) SA,
Alte Tiefenaustrasse 6, 3050 Berne,
représentée par Me Amédée Kasser, avocat,
A.________,
représenté par Me Yves Nicole, avocat,
intimés,
Direction générale du territoire et du logement du canton de Vaud, Service juridique, avenue de l'Université 5, 1014 Lausanne,
Direction générale de l'environnement du canton de Vaud, Unité droit et études d'impact, avenue de Valmont 30b, 1014 Lausanne.
Objet
autorisation cantonale spéciale; construction d'une nouvelle installation de communication mobile,
recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 10 novembre 2023 (AC.2023.0056).
Faits :
A.
La localité de Cronay est inscrite à l'inventaire fédéral des sites construits d'importance nationale (ISOS) en tant que village. Il est décrit comme "village adossé à une colline, organisé en deux composantes, supérieure et inférieure. Beaux points de vue sur les paysages alentours. Nombreuses rangées de fermes contiguës des 18
e et 19
e siècles" (cf. fiche ISOS n
o 5870 - Cronay, p. 1 [ci-après: fiche ISOS Cronay]).
Dès 2018, Swisscom (Suisse) SA (ci-après: Swisscom) a entamé des démarches pour l'édification d'une nouvelle antenne de téléphonie mobile sur le territoire de la commune de Cronay, en vue d'améliorer le réseau. L'opérateur a examiné plusieurs emplacements (parcelles n
os 107 et 112), jugés trop au coeur du village par la municipalité, qui a proposé une série d'autres sites, à l'écart des habitations (parcelles n
os 131, 175, 277, 426 et 548). Les discussions ne s'étant pas poursuivies, Swisscom a finalement retenu la parcelle n° 303, propriété de A.________.
Ce bien-fonds, à l'est du village, à environ 300 m de son centre, en zone agricole, selon le plan des zones communal adopté par le conseil général le 17 septembre 1981 et approuvé par le Conseil d'État du canton de Vaud le 7 décembre 1984, présente une surface totale de 19'122 m
2 entièrement recensée en surface d'assolement (ci-après: SDA). Il supporte plusieurs bâtiments agricoles, dont le bâtiment ECA n
o xxx. L'activité avicole menée antérieurement sur le site a été définitivement abandonnée en 2007 au profit de la pratique de l'équitation (manège). Une procédure de régularisation et de remise en état est actuellement pendante devant la Direction cantonale générale du territoire et du logement (ci-après: DGTL).
B.
Le 28 août 2019, A.________ a déposé une demande d'autorisation de construire une nouvelle installation de communication mobile sur la parcelle n
o 303 pour le compte de Swisscom. Le projet consiste à édifier un mât de 25,96 m servant de support à plusieurs antennes de téléphonie mobile. Au sol, l'installation comprend un mur de soutènement et deux caissons techniques, sur des socles de 2 m x 0,85 m et de 1,2 m x 0,85 m, le long de la rue B.________, près de l'angle nord du bâtiment ECA n
o xxx. Ce bâtiment, dont la hauteur au faîte mesure 4,82 m, servait d'ancienne halle à poulets mais n'est plus utilisé à cette fin aujourd'hui. Des panneaux solaires ont été installés en toiture et servent de ferme solaire à Romande Energie SA.
Le projet a été mis à l'enquête du 5 février au 6 mars 2022 et a suscité 29 oppositions, dont celle de la commune de Cronay. Les services cantonaux concernés ont délivré les autorisations spéciales nécessaires; elles font l'objet d'une synthèse CAMAC du 19 janvier 2023. La DGTL, Division hors zone à bâtir (HZB), a en particulier accordé l'autorisation spéciale requise pour une implantation hors de la zone à bâtir.
La commune de Cronay a recouru contre la décision de la DGTL à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Après avoir procédé à une inspection locale, la cour cantonale a rejeté le recours par arrêt du 10 novembre 2023, jugeant en substance que le projet ne contrevenait pas aux objectifs de protection de l'ISOS et que son implantation hors de la zone à bâtir était conforme à l'art. 24 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT; RS 700).
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, la commune de Cronay demande principalement au Tribunal fédéral de réformer cet arrêt cantonal en ce sens que l'autorisation spéciale de la DGTL du 19 janvier 2023 est refusée. Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. La commune recourante requiert également l'octroi de l'effet suspensif, accordé par ordonnance du 18 janvier 2024.
Le Tribunal cantonal renonce à se déterminer et se réfère aux considérants de son arrêt. La DGTL conclut au rejet du recours. La Direction cantonale de l'environnement industriel, urbain et rural, division Air, climat et risques technologiques (DGE/DIREV-ARC), section Rayonnement non ionisant, n'a pas de remarque à formuler. Par actes séparés, Swisscom et A.________ concluent au rejet du recours, respectivement à son rejet dans la mesure de sa recevabilité. Sans prendre de conclusions formelles, l'Office fédéral du développement territorial (ci-après: ARE) estime que l'autorisation spéciale de la DGTL repose sur une pesée des intérêts conforme au droit. La recourante réplique et confirme implicitement ses conclusions.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 89 consid. 1; 144 V 280 consid. 1).
1.1. Le recours est dirigé contre un arrêt de renvoi. Ce dernier doit être considéré comme une (autre) décision incidente (cf. art. 93 LTF). La commune devra cependant statuer sur la demande d'autorisation de construire en étant liée par les décisions cantonales (art. 25 al. 2 LAT), qu'elle estime contraire au droit. On ne saurait cependant attendre d'elle qu'elle se prononce sur la demande d'autorisation de construire, pour ensuite contester sa propre décision devant les tribunaux. Dans une telle configuration, la commune peut directement recourir au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal confirmant les autorisations spéciales cantonales (cf. ATF 145 I 239 I consid. 3.3; 133 II 409 consid. 1.2; arrêts 1C_230/2022 du 7 septembre 2023 consid. 2.2; 1C_643/2018 du 30 septembre 2019 consid. 1.1).
1.2. Selon l'art. 89 al. 2 let. d LTF, ont qualité pour recourir les personnes, organisations et autorités auxquelles une autre loi fédérale accorde un droit de recours. La qualité pour recourir de la commune de Cronay résulte ainsi de l'application combinée des art. 89 al. 2 let. d LTF et 34 al. 2 let. b et c LAT), qui permet aux cantons et aux communes de recourir à l'encontre des autorisations visées aux art. 24 à 24d [
recte : e] LAT, à savoir pour des constructions sises, comme en l'espèce, hors de la zone à bâtir (cf. arrêts 1C_162/2019 du 25 novembre 2019 consid. 2.2; 1C_61/2014 du 30 juin 2015 consid. 1; HEINZ AEMISEGGER, in Commentaire pratique LAT: Autorisation de construire, protection juridique et procédure, 2020, n. 118 et 138 ad art. 34 LAT). Dans la mesure où le recours poursuit l'intérêt de la protection de la nature et du patrimoine, la légitimation de la commune se fonde également sur l'art. 12 al. 1 let. a de la loi fédérale sur la protection de la nature du 1er juillet 1966 (LPN; RS 451) - en lien avec l'art. 89 al. 2 let. d LTF (cf. ATF 139 II 499 consid. 2.3; voir également, PETER M. KELLER, in Kommentar NHG, 2e éd. 2019, n. 9 ad art. 12 LPN) -, tant la délivrance d'autorisations hors de la zone à bâtir (art. 24 à 24e LAT) que la réalisation d'installations de téléphonie relevant de l'accomplissement de tâches de la Confédération au sens de l'art. 2 LPN (cf. ATF 131 II 545 consid. 2.2; arrêt 1C_360/2009 du 3 août 2010 consid. 3.1, respectivement ATF 147 III 351 consid. 4.4; 136 II 214 consid. 3). Point n'est dès lors besoin d'examiner si les conditions de recevabilité de l'art. 89 al. 1 LTF, dont se prévaut encore la commune recourante, sont réalisées (cf. arrêt 1C_61/2014 du 30 juin 2015 consid. 1; FLORENCE AUBRY GIRARDIN, in Commentaire de la LTF, 3
e éd. 2022, n. 89 ad art. 89 LTF) pour lui reconnaître la qualité pour recourir.
1.3. Les autres conditions de recevabilité étant au surplus réunies, il convient d'entrer en matière.
2.
La commune recourante se plaint d'une violation du principe de la coordination. Elle reproche à l'instance précédente d'avoir confirmé l'autorisation spéciale de la DGTL pour l'implantation d'une antenne de téléphonie mobile, alors que les aménagements existants sur la parcelle n
o 303 font actuellement l'objet d'une procédure de régularisation et de remise en état
2.1. L'art. 25a LAT énonce des principes en matière de coordination "lorsque l'implantation ou la transformation d'une construction ou d'une installation nécessite des décisions émanant de plusieurs autorités". Une autorité chargée de la coordination doit en particulier veiller à ce que toutes les pièces du dossier de demande d'autorisation soient mises simultanément à l'enquête publique (art. 25a al. 2 let. b LAT) et à ce qu'il y ait une concordance matérielle des décisions ainsi que, en règle générale, une notification commune ou simultanée (art. 25a al. 2 let. d LAT); ces décisions ne doivent pas être contradictoires (art. 25a al. 3 LAT). Conformément à l'art. 25a al. 4 LAT, ces principes doivent être mis en oeuvre au stade de l'autorisation de construire et du plan d'affectation (arrêt 1C_452/2022 du 7 novembre 2024 consid. 4.1). La loi ne tend pas à une coordination maximale, mais doit assurer une coordination suffisante, ce que précisent les textes allemand et italien de l'art. 25a al. 1 LAT. Le contenu ou l'ampleur d'une coordination "suffisante" ressort des principes généraux (notamment de la nécessité d'effectuer une pesée globale des intérêts, dans la mesure où elle est exigée dans le droit de la construction et de l'aménagement) ou de prescriptions spéciales (cf. arrêts 1C_620/2022 du 26 septembre 2024 consid. 4.1; 1C_209/2022 du 25 août 2022 consid. 5.1 et les références citées).
2.2. Il est constant que la parcelle n
o 303, située hors de la zone à bâtir, supporte plusieurs bâtiments agricoles, comprenant des hangars, un manège et une maison d'habitation. Le site abritait une activité avicole, qui a cessé définitivement en 2007. L'élevage de chevaux y était également pratiqué, avant d'être réorienté, pour des questions de rentabilité, vers la pratique de l'équitation, à partir des années 2000. Il est par ailleurs établi qu'une procédure de régularisation et de remise en état du site est actuellement pendante devant la DGTL; le projet de décision rendu dans ce cadre en octobre 2021 prévoit en particulier l'interdiction du changement d'affectation de la plupart des bâtiments, dont le bâtiment ECA n
o xxx, pour des activités équestres de pension en lien avec le manège.
Dans le cadre de l'examen de la conformité de l'installation de téléphonie litigieuse, l'instance précédente a en particulier tenu compte de la présence de ce dernier bâtiment, estimant en substance que l'antenne projetée s'y intégrait, ce qui en limitait non seulement l'impact esthétique, mais aussi l'utilisation de terrain hors de la zone à bâtir (cf. également consid. 3.2.3 ci-dessous). La recourante soutient pour sa part que la cour cantonale ne pouvait fonder son appréciation sur la présence de cette construction compte tenu de la procédure de remise en état actuellement pendante; il n'existerait aucune certitude quant au maintien de cet édifice, créant ainsi, selon elle, un risque de décisions contradictoires, contraire à l'art. 25a LAT.
2.3. À la lumière de son projet de décision, la DGTL n'envisage pas de requérir la démolition du bâtiment ECA n
o xxx à côté duquel doit prendre place l'antenne litigieuse. La DGTL l'a d'ailleurs confirmé lors de l'inspection locale du 27 septembre 2023 et le répète céans. Son projet de décision porte en effet uniquement, en ce qui concerne le bâtiment ECA n
o xxx, sur la cessation de toute activité économique en lien avec la pension de chevaux et activités équestres (cf. projet de décision, ch. 1 let. a, p. 6), qui ne peuvent en l'occurrence être régularisées en application des art. 16a, 16abis, 24 à 24d LAT (
ibid., p. 7 ss), ce qui n'est d'ailleurs pas ligitieux. Par ailleurs et contrairement à ce qu'affirme la recourante, ce projet de décision ne mentionne pas que ce bâtiment serait en soi illicite, respectivement qu'il aurait été édifié sans droit. Au contraire, la DGTL qualifie expressément ce hangar, anciennement utilisé dans le cadre d'une exploitation avicole (ancien poulailler; cf. projet de décision, ch. I, 14, p. 3 et ch. II, 13, p. 12), de bâtiment agricole; la direction cantonale souligne également que ce hangar a été érigé dans les années 1960, avant le 1
er juillet 1972 (à ce propos, cf. ATF 129 II 396 consid. 4.2.1; arrêts 1C_321/2023 du 12 juillet 2024 consid. 3.1; 1C_538/2021 du 25 juillet 2023 consid. 4.2), ce qui plaide également en faveur de son maintien, comme le sous-entend du reste l'ARE, précisant qu'il bénéficierait pour ce motif de la situation acquise (cf. observations du 7 mai 2024, p. 2). Enfin, la loi n'exige pas nécessairement la démolition de constructions existantes utilisées de manière contraire à l'affectation de la zone, mais interdit leur utilisation aussi longtemps qu'elles ne peuvent être réaffectées à un usage conforme (cf. art. 16b al. 1 et 2 LAT ; arrêt 1C_189/2022 du 13 janvier 2023 consid. 3.2.2); à cet égard, il ressort sans équivoque du dossier que cette construction n'est actuellement plus utilisée à des fins agricoles, si bien que le complètement de l'état de fait requis sur ce point apparaît sans fondement. Dans ces conditions, la cour cantonale pouvait - au demeurant sans ordonner la production du dossier de régularisation requise par la recourante (cf. arrêt 1C_282/2024 du 26 février 2025 consid. 2.1 et les arrêts cités) - retenir que cette première procédure ne portait pas sur la démolition du bâtiment ECA n
o xxx ni, plus généralement, ne remettait en cause l'aspect extérieur et le volume des constructions existantes. L'instance précédente pouvait ainsi tenir compte de la présence du bâtiment ECA n
o xxx pour juger de l'impact de l'antenne litigieuse, sans que cela n'apparaisse incohérent ni ne génère un risque de décisions contradictoires.
Le grief est rejeté.
3.
La recourante fait encore valoir une violation des art. 6 et 7 LPN et 24 LAT.
3.1. En vertu de l'art. 6 al. 1 LPN, l'inscription d'un objet d'importance nationale dans un inventaire fédéral indique que l'objet mérite spécialement d'être conservé intact ou en tout cas d'être ménagé le plus possible, y compris au moyen de mesures de reconstitution ou de remplacement adéquates. Cette disposition n'impose pas une interdiction absolue de modifier tout objet inscrit à l'ISOS; une atteinte à un bien protégé est possible dans la mesure toutefois où elle n'altère pas son identité ni ne contrevient au but assigné à sa protection. Pour déterminer ce que signifie, dans un cas d'espèce, l'obligation de "conserver intact" un bien protégé, il faut se référer à la description, dans l'inventaire et les fiches qui l'accompagnent, du contenu de la protection (ATF 127 II 273 consid. 4c; 123 II 256 consid. 6a; arrêt 1C_296/2022 du 7 juin 2023 consid. 4.1).
Lorsqu'il s'agit de l'accomplissement d'une tâche de la Confédération, au sens de l'art. 2 LPN, la règle suivant laquelle un objet doit être conservé intact dans les conditions fixées par l'inventaire ne souffre d'exception que si des intérêts équivalents ou supérieurs, d'importance nationale également, s'opposent à cette conservation (art. 6 al. 2 LPN). L'octroi d'une autorisation de construire une installation de téléphonie mobile à un exploitant de telles installations au bénéfice d'une concession fédérale relève en principe d'une tâche de la Confédération (ATF 131 II 545 consid. 2.2; arrêt 1C_361/2023 du 8 octobre 2024 consid. 4.1).
3.1.1. En l'espèce, le village de Cronay est certes compris dans deux périmètres de protection ISOS (deux périmètres comprenant l'essentiel de la localité avec un objectif de sauvegarde "A"; fiche ISOS Cronay, plan, p. 6). Il n'en va en revanche pas de même de la parcelle n
o 303: située à l'écart du village, celle-ci n'est comprise ni dans un périmètre de protection ni dans une échappée sur l'environnement (EE) (sous réserve de son angle sud-ouest, non-bâti); elle supporte de surcroît plusieurs grands bâtiments agricoles, qualifiés de peu esthétiques par l'instance précédente (modifiant la silhouette du village; cf. fiche ISOS Cronay, p. 10). Dans ces conditions, compte tenu des objectifs de protection poursuivis par l'inventorisation prévue par les art. 5 et 6 LPN , il n'apparaît pas d'emblée critiquable, sous l'angle de la protection du paysage, d'avoir favorisé une implantation de l'antenne litigieuse sur ce bien-fonds, à proximité immédiate de l'un des bâtiments préexistants et non à l'intérieur de la zone à bâtir du village protégé de Cronay.
3.1.2. Il est vrai cependant que ce terrain se situe à proximité du périmètre environnant II (PE II) et de l'EE III, pour lesquels l'ISOS commande la sauvegarde du paysage ou des espaces vacants (objectifs de sauvegarde "a"; cf. fiche ISOS Cronay, plan, p. 6 s.; Explications relatives à l'ISOS, p. 5). Contrairement à ce que soutient la recourante, cela ne commande toutefois pas de procéder à la pesée des intérêts pré-structurée prévue par l'art. 6 al. 2 LPN. Que les constructions existantes soient qualifiées d'inesthétiques ou encore que des constructions nouvelles sur ce fonds puissent avoir un impact sur le PE II ou sur l'EE III n'y change rien, la parcelle n
o 303 demeurant hors du périmètre, ce qui la prive du régime de protection accru de l'art. 6 LPN (cf. AURÉLIEN WIEDLER, La protection du patrimoine bâti, Etude de droit fédéral et cantonal, thèse 2019, p. 172 s.). Il est ainsi superflu d'examiner si l'intérêt national poursuivi par la réalisation de l'antenne litigieuse est équivalent à celui de la protection du site au sens de l'art. 6 al. 2 LPN; cela exclut également, par nature, de déterminer si l'atteinte est sensible ou minime au sens de cette même disposition (cf. arrêt 1C_361/2023 du 8 octobre 2024 consid. 4.2 ss; TREMP/MAURER/BÜHLMANN/JUD, EspaceSuisse, Guide Protection des sites construits et densification, La pesée des intérêt dans les communes disposant d'un site construit d'importance nationale [ISOS], 2018, ch. 3.2, p. 3 s.).
3.1.3. Cela ne veut pas pour autant dire que l'on doit ignorer les objectifs de protection de l'ISOS, spécialement l'impact que de nouvelles réalisations sur la parcelle n
o 303 pourraient entraîner sur les périmètres protégés à proximité, plus généralement sur le patrimoine et la nature. Il s'agit en effet de l'un des éléments à considérer dans le cadre de l'application de l'art. 3 al. 1 LPN (cf. art. 78 al. 2 Cst. et art. 3 LPN; arrêt 1C_48/2021 du 19 octobre 2023 consid. 8.1; voir également arrêt 1C_893/2013 du 1
er octobre 2014 consid. 5 ss, en particulier consid. 5.5; WIEDLER, op. cit., p. 173 s.), qui prescrit aux autorités fédérales et cantonales, lorsqu'elles accomplissent une tâche de la Confédération, de ménager l'aspect caractéristique du paysage et des localités, les sites évocateurs du passé, les curiosités naturelles et les monuments historiques et, lorsque l'intérêt général prévaut, d'en préserver l'intégrité (al. 1). Or, cette disposition doit non seulement être prise en compte dans le cadre de la pesée des intérêts au sens de l'art. 24 let. b LAT, mais aussi lors de l'évaluation de l'implantation imposée par sa destination au sens de l'art. 24 let. a LAT, qu'il convient ici d'opérer, l'installation litigieuse étant projetée hors de la zone à bâtir (cf. arrêt 1C_533/2010 du 20 juillet 2011 consid. 4.4.2).
3.2. L'art. 24 LAT régit les exceptions prévues hors de la zone à bâtir. Selon cette disposition, des autorisations peuvent être délivrées pour de nouvelles constructions ou installations ou pour tout changement d'affectation, en dérogation à l'art. 22 al. 2 let. a LAT, lorsque sont réunies deux conditions. D'une part, l'implantation de ces constructions ou installations hors de la zone à bâtir est imposée par leur destination (let. a). D'autre part, aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose (let. b). Ces conditions sont cumulatives (arrêt 1C_131/2019 du 17 juin 2019 consid. 3.2; 1C_594/2021 du 28 juillet 2022 consid. 3.1). L'implantation d'une construction est imposée par sa destination au sens de l'art. 24 let. a LAT, lorsqu'un emplacement hors de la zone à bâtir est dicté par des motifs techniques, des impératifs liés à l'exploitation d'une entreprise, la nature du sol ou lorsque l'ouvrage est exclu de la zone à bâtir pour des motifs particuliers. Il suffit que l'emplacement soit relativement imposé par la destination: il n'est pas nécessaire qu'aucun autre emplacement n'entre en considération. Il doit toutefois exister des motifs particulièrement importants et objectifs qui laissent apparaître l'emplacement prévu plus avantageux que d'autres endroits situés à l'intérieur de la zone à bâtir (ATF 141 II 245 consid. 7.6.2; 136 II 214 consid. 2.1; plus récemment arrêt précité 1C_131/2019 consid. 3.2.1). Seuls des critères objectifs sont déterminants, à l'exclusion de préférences dictées par des raisons de commodité ou d'agrément (cf. ATF 136 II 214 consid. 2.1; 129 II 63 consid. 3.1). L'examen du caractère relativement imposé par sa destination de l'emplacement implique une pesée de l'ensemble des intérêts en présence (cf. art. 3 OAT), pesée qui se recoupe avec celle imposée par l'art. 24 let. b LAT (ATF 141 II 245 consid. 7.6.2). L'application du critère de l'art. 24 let. a LAT doit toutefois être stricte, dès lors qu'elle contribue à l'objectif de séparation du bâti et du non-bâti (ATF 124 II 252 consid. 4a; arrêts 1C_597/2023 du 27 février 2025 consid. 4.1; 1C_594/2021 du 28 juillet 2022 consid. 3.1 et les références citées).
Selon la jurisprudence, on peut admettre que les installations de téléphonie mobile sont relativement imposées par leur destination lorsqu'elles n'entraînent pas de changement d'affectation important de terrains situés hors de la zone à bâtir et qu'elles n'apparaissent pas perturbantes (
störend). Ces conditions sont susceptibles d'être réalisées notamment lorsque les installations peuvent être montées sur des constructions ou installations existantes, telles que des pylônes à haute tension ou des bâtiments et installations agricoles (ATF 141 II 245 consid. 7.6.2 et les arrêts cités).
3.2.1. En l'espèce, il ressort de l'arrêt attaqué que le site d'implantation, sur la parcelle n
o 303, hors de la zone à bâtir, a été choisi de manière à éviter - on l'a vu - une construction dans un secteur protégé de l'ISOS, en particulier les deux périmètres englobant la localité de Cronay; ce choix vise de même le respect des prescriptions de l'ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant du 23 décembre 1999 (ORNI; RS 814.710). Il s'agit également de ne pas trop s'éloigner des habitations auxquelles cette nouvelle infrastructure doit bénéficier, afin que leurs habitants puissent jouir d'un réseau de bonne qualité, ce qui n'est pour l'heure pas le cas.
3.2.1.1. La recourante remet en cause cette justification, s'appuyant à cet égard sur les données de couverture accessibles sur le site internet de l'opérateur intimé. Cependant, comme le relève l'ARE dans ses observations, les informations dont se prévaut la commune ne portent que sur la couverture 5G et non sur le réseau 5G+ de dernière génération qui, selon ce même site, ne s'étend pas à la localité de Cronay (cf. scmplc.begasoft.ch, accessible via www.swisscom.ch, consulté le 4 avril 2025). De plus, les informations disponibles sur ce site sont d'ordre général, alors que dans sa justification du 23 septembre 2019, l'opérateur intimé prend soin de préciser de manière technique et détaillée les secteurs du village dans lesquels la couverture réseau est considérée comme "critique", voir "mauvaise" (cf. justification du 23 septembre 2019, p. 3), analyse dont rien dans le recours ne commande de s'écarter (cf. art. 105 al. 2 et 106 al. 2 LTF; ATF 145 V 188 consid. 2). Le besoin de couverture est partant établi (cf. arrêts 1C_547/2022 du 19 mars 2024 consid. 4.4; 1C_518/2018 du 14 avril 2020 consid. 5.1.1 et les arrêts cités). Par ailleurs, il ressort du dossier d'enquête que le site choisi pour l'implantation de l'antenne permet de pallier cette carence de couverture, de par sa proximité avec le centre du village (cf. justification de site hors zone à bâtir du 23 septembre 2019, p. 3). Il apparaît ainsi que l'installation litigieuse et l'emplacement choisis répondent à un intérêt public important, celui d'assurer aux particuliers et aux milieux économiques, dans toutes les régions du pays, des services de télécommunication variés, avantageux, de qualité et concurrentiels sur le plan national et international (cf. art. 92 al. 2 Cst.; art. 1 al. 1 de la loi fédérale sur les télécommunications du 30 avril 1997 [LTC; RS 784.10]).
3.2.2. La recourante soutient qu'une implantation en zone à bâtir aurait aussi permis d'atteindre cet objectif de couverture, si bien qu'une implantation hors de la zone à bâtir ne serait pas nécessaire, respectivement pas imposée par sa destination. La justification du 23 septembre 2019 renferme cependant les motifs pour lesquels les sites alternatifs en zone à bâtir ont été écartés. On y trouve tout d'abord, des motifs esthétiques en lien avec les périmètres de protection ISOS (cf. consid. 3.1.1 ci-dessus). Est ensuite évoquée la problématique du respect de l'ORNI: l'implantation, hors zone à bâtir évite en particulier la proximité directe avec des habitations et des zones sensibles (art. 3 al. 3 ORNI; cf. Justification de site hors zone à bâtir du 23 septembre 2019, p. 5), ce dont la recourante ne discute plus. La justification du 23 septembre 2019 indique enfin qu'une implantation de l'installation en zone à bâtir la rendrait difficilement exploitable en raison de la topographie du village (p. 5). La cour cantonale a d'ailleurs pu s'en convaincre en se déplaçant sur ces différents sites, lors de l'inspection locale (cf. procès-verbal du 27 septembre 2023). Quoi qu'en dise la recourante, ces motifs apparaissent suffisants pour écarter en l'espèce une implantation en zone à bâtir, ce qui constitue un élément décisif pour l'octroi d'une dérogation selon l'art. 24 LAT (cf. arrêt 1A.98/2005 du 19 février 2007 consid. 3.3), cela sans qu'il soit nécessaire d'examiner en détail l'ensemble des sites en zone à bâtir initialement discutés, l'entier de la zone constructible du village de Cronay étant comprise dans l'ISOS (cf. plan d'affectation communal).
Quant à l'implantation hors zone à bâtir, la recourante soutient en particulier que la parcelle n
o 332, supportant le stand de tir, aurait été préférable. Elle perd cependant de vue que cette parcelle se trouve comprise dans un périmètre protégé de l'ISOS (EE IV avec un objectif de sauvegarde "a", préconisant la sauvegarde de l'état existant), qu'une implantation sur la parcelle n
o 303 vise précisément à ménager. Il est dès lors sans incidence que cette parcelle soit, comme le prétend la recourante, à la même altitude que la parcelle n
o 303 ou encore, plus proche du village. S'agissant par ailleurs d'une implantation sur le chemin agricole communal DP 48, la cour cantonale a expliqué que cet espace devait être préservé pour ses utilisateurs et qu'il ne pouvait en principe pas être aliéné (art. 63 al. 2 du Code de droit privé judiciaire du 12 janvier 2010 [CDPJ; RS/VD 211.02]; DENIS PIOTET, Droit privé judiciaire vaudois annoté, Bâle 2021, n. 28 ad art. 63 CDPJ); en outre, lors de l'inspection locale, l'ingénieur représentant de Swisscom a déclaré que ce site se trouvait trop loin du centre pour assurer une couverture suffisante (cf. procès-verbal du 27 septembre 2023), ce dont rien dans le recours ne permet de douter. De plus, à la lumière des plans au dossier, une implantation à l'extrémité de ce chemin paraîtrait incongrue: une antenne érigée de manière isolée au sein de la zone agricole, à l'orée de la forêt de surcroît. Il n'est ainsi pas critiquable d'avoir écarté ce site au profit de l'emplacement projeté, qui permet une intégration de l'installation à une construction agricole existante, déjà en soi inesthétique.
3.2.3. En effet, comme l'a constaté la cour cantonale, l'emplacement retenu permet l'intégration des installations à un hangar agricole existant, dans le creux du terrain, que surplombe la rue; cela en réduit non seulement l'impact visuel - même si l'antenne (d'environ 25 m) dépasse le gabarit du bâtiment (cf. procès-verbal du 27 septembre 2023; voir également plan de situation de l'antenne, non daté) -, mais répond également au principe de concentration (art. 1 al. 2 let. b LAT; cf. ATF 141 II 50 consid. 2.5; voir également BARBARA JUD, Mitage du paysage, Le principe de concentration s'applique aussi hors zone à bâtir, in Espace-Suisse (VLP-ASPAN), Inforum 2/2015, p. 10 ss). À cela s'ajoute, comme le souligne la DGLT, que le site d'implantation se trouve à 300 m du noyau protégé du village de Cronay. Les installations, qui ne présentent de surcroît qu'une faible emprise au sol (2 m x 0,85 m et de 1,2m x 0,85 m), prendront ainsi place en bordure de parcelle, entre ce hangar agricole et un talus. Compte tenu de cette configuration, la petite portion du terrain retenue pour le projet n'apparaît en outre pas propre à une exploitation agricole, comme l'a du reste relevé l'instance précédente, après s'être rendue sur place. Le préjudice porté au caractère inconstructible de la zone apparaît ainsi ténu. Il en est de même, et pour les mêmes motifs, s'agissant de l'atteinte aux SDA, qui demeure ainsi minime et contenue, étant précisé que selon les statistiques 2023 de l'ARE, le canton de Vaud respecte le quota exigé par le plan sectoriel de la Confédération (cf. SPYCHER/MAURER WEISBROD, ARE, Statistique des surfaces d'assolement en Suisse 2023, novembre 2023, p. 20, disponible sur le site www.are.admin.ch, consulté le 7 avril 2025; voir également feuille des avis officiels du canton de Vaud n
o 61 du 30 juillet 2024).
3.2.4. L'installation litigieuse répond ainsi à un besoin en matière de couverture par le réseau téléphonique et poursuit en cela un intérêt public important. Compte tenu en particulier du caractère sensible de la zone à bâtir du village de Cronay, inventoriée dans l'ISOS, son implantation hors de la zone à bâtir doit être considérée comme relativement imposée par sa destination et apparaît conforme aux conditions de l' art. 24 let. a et b LAT . L'autorisation de construire litigieuse procède en définitive d'une pesée conforme des intérêts et le grief doit être rejeté.
4.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. La commune recourante, qui agit dans le cadre de ses attributions officielles, n'est pas astreinte aux frais de justice (art. 66 al. 4 LTF). Elle versera en revanche des dépens aux intimés qui obtiennent gain de cause avec l'assistance de leurs avocats respectifs (art. 68 al. 1 LTF; arrêt 1C_296/2022 du 7 juin 2023 consid. 5).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Une indemnité de 3'000 fr. est allouée à Swisscom (Suisse) SA à titre de dépens, à la charge de la commune de Cronay.
4.
Une indemnité de 3'000 fr. est allouée à A.________ à titre de dépens, à la charge de la commune de Cronay.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à la Direction générale du territoire et du logement du canton de Vaud, à la Direction générale de l'environnement du canton de Vaud, à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud ainsi qu'à l'Office fédéral du développement territorial.
Lausanne, le 17 avril 2025
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Haag
Le Greffier : Alvarez