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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_423/2024  
 
 
Arrêt du 17 décembre 2024  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Kiss, juge présidant, Rüedi et May Canellas. 
Greffier: M. O. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
Holding Benjamin et Edmond de Rothschild, Pregny Société Anonyme, 
route de Pregny 21, 1292 Pregny-Chambésy, représentée par Mes Saverio Lembo, Markus Wang et Aurélie Conrad Hari, avocats, 
quai de la Poste 12, 1204 Genève, 
recourante, 
 
contre  
 
Fondation Edmond et Nadine de Rothschild, c/o Nicolas Didisheim, avocat, 
rue des Cordiers 14, 1207 Genève, 
représentée par Me Jean-François Ducrest, avocat, rue Kitty-Ponse 4, 1205 Genève, 
intimée. 
 
Objet 
droit des marques, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 11 juin 2024 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (C/21608/2022 ACJC/761/2024). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Edmond de Rothschild, qui s'est marié avec Nadine Lhopitalier en 1963, laquelle a changé de nom à cette occasion, est décédé en novembre 1997. Déjà à l'époque où les époux faisaient vie commune, Nadine de Rothschild a rédigé des ouvrages sur leur mode de vie et sur le savoir-vivre, lesquels lui ont valu une certaine notoriété en la faisant connaître comme la " papesse des bonnes manières ".  
Les époux ont eu un fils unique, prénommé Benjamin de Rothschild. En 1999, ce dernier a épousé Ariane Langner, qui a pris le patronyme de son mari lors du mariage. Benjamin de Rothschild est décédé en janvier 2021. 
 
A.b. Edmond de Rothschild a fondé le groupe éponyme (ci-après: le groupe Rothschild ou le groupe) au milieu du vingtième siècle. Deux holdings chapeautent les activités dudit groupe. Edmond de Rothschild Holding SA (ci-après: EDRH) s'occupe du domaine financier et Holding Benjamin et Edmond de Rothschild, Pregny Société Anonyme (ci-après: HBER) gère les autres activités.  
Dès 2008, Ariane de Rothschild est devenue membre des conseils d'administration d'EDRH et de HBER. Au décès de son époux, elle a accédé à la présidence desdites entités. 
Nadine de Rothschild et sa belle-fille Ariane de Rothschild entretiennent de mauvaises relations, la première désapprouvant les méthodes de gouvernance de la seconde. 
 
A.c. HBER détient, en Suisse et à l'étranger, la marque " EDMOND DE ROTHSCHILD " (ci-après: la marque ou la marque concernée), utilisée au sein du groupe individuellement, en combinaison avec d'autres éléments verbaux ou sous la forme des initiales "EdR". En Suisse, ladite marque est enregistrée sous le n. 601770 pour des services en classes 35 (publicité, relations publiques et administration commerciale), 36 (affaires financières), 38 (information et télécommunication) et 41 de la Classification de Nice. Cette dernière classe comprend les services suivants:  
 
" éducation, formation, divertissement, activités sportives et culturelles, informations en matière de divertissement ou d'éducation, services de loisirs, publication de livres, prêt de livres, dressage d'animaux, production de films sur bandes vidéos, location de films cinématographiques, location d'enregistrements sonores, location de magnétoscopes ou de postes de radio et de télévision, location de décors de spectacles, montage de bandes vidéo, services de photographie, organisation de concours (éducation ou divertissement), organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès, organisation d'expositions à buts culturels ou éducatifs, réservation de places de spectacle, services de jeu proposés en ligne à partir d'un réseau informatique, services de jeux d'argent, publication électronique de livres et de périodiques en ligne et micro-édition ". 
HBER détient également, en Suisse et à l'étranger, la marque figurative n. 648530. Celle-ci, associée à la marque concernée, est utilisée par Edmond de Rothschild (Suisse) S.A. (ci-après: la banque), dont le but social est l'exploitation d'une banque. Pour le secteur non financier du groupe, HBER est aussi titulaire de la marque figurative n. 697958, laquelle est employée en association avec la marque verbale " EDMOND DE ROTHSCHILD HERITAGE ", enregistrée sous le n. 702018. 
 
A.d. La famille Rothschild s'est engagée dans des activités de mécénat et de bienfaisance dans différents domaines. Ces projets sont conduits par le réseau des Fondations Edmond de Rothschild (ci-après: les fondations EDR), qui comprend une dizaine d'entités dans divers pays.  
En 2014, feu Benjamin de Rothschild a décidé d'aligner les activités financières, non financières et philanthropiques du groupe sous le nom Edmond de Rothschild. 
 
A.e. Entre 2017 et 2022, la marque concernée, parfois associée à d'autres marques figuratives, a été employée en relation avec divers évènements organisés ou parrainés par le groupe Rothschild dans différents domaines.  
 
A.f. Edmond de Rothschild a légué à son épouse un ensemble d'objets de collection (meubles, tableaux, gravures, bibelots, bijoux, etc.), énumérés dans une liste, qui se trouvent pour la plupart à l'intérieur du château de Pregny, dans lequel résident Ariane de Rothschild et trois de ses filles. Cette dernière conteste le droit de propriété de Nadine de Rothschild sur les biens concernés, cette question faisant l'objet d'une procédure en revendication pendante.  
 
A.g. En juillet 2021, Nadine de Rothschild a créé la Fondation Edmond et Nadine de Rothschild afin, selon ses dires, de conserver et maintenir les biens qui lui ont été légués par son époux dans le canton de Genève. Ladite fondation poursuit le but suivant: " recevoir en donation des objets et oeuvres d'art ayant appartenu au baron Edmond de Rothschild et à la baronne Nadine de Rothschild, les exposer, créer et exploiter un musée à cette fin, et d'une manière générale faire perdurer la mémoire de l'art de vivre du baron Edmond de Rothschild et de son épouse, la baronne Nadine de Rothschild; la Fondation réalise son but exclusivement en Suisse, et uniquement dans le Canton de Genève ".  
 
A.h. Par ordonnance du 4 mai 2022, le Tribunal de première instance genevois, statuant sur la requête de mesures provisionnelles en protection du nom introduite notamment par EDRH et la banque, a fait interdiction à la Fondation Edmond et Nadine de Rothschild d'utiliser le prénom "Edmond" dans sa dénomination.  
Par arrêt du 21 octobre 2022, la Cour de justice du canton de Genève a annulé ladite ordonnance et rejeté la requête de mesures provisionnelles. En bref, elle a estimé que l'existence d'un risque de confusion entre la désignation de la défenderesse et les noms des parties demanderesses n'avait pas été rendue vraisemblable. 
 
A.i. Statuant le 30 juin 2022 en qualité d'instance cantonale unique, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté la requête de mesures provisionnelles, fondée sur le droit des marques, introduite le 29 mars 2022 par HBER à l'encontre de la Fondation Edmond et Nadine de Rothschild. En bref, elle a considéré que la marque concernée bénéficiait indéniablement d'une force distinctive, tout en soulignant que Nadine de Rothschild jouissait également d'une certaine notoriété auprès du public. Elle a notamment observé que les prénom et nom de Nadine de Rothschild n'avaient jamais été associés à ceux de son époux pour désigner une entité suisse, de sorte que la dénomination de la défenderesse présentait un caractère suffisamment distinctif par rapport à la marque concernée.  
 
B.  
Le 1er novembre 2022, HBER a déposé auprès de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève une action en cessation du trouble fondée sur le droit des marques à l'encontre de la Fondation Edmond et Nadine de Rothschild. Elle a notamment conclu à ce qu'il soit fait interdiction à la défenderesse d'utiliser le signe distinctif " Fondation Edmond et Nadine de Rothschild " pour se faire connaître des tiers, ainsi que d'offrir et fournir des services à buts éducatifs et/ou culturel sous ledit signe distinctif ou d'utiliser celui-ci de toute autre manière pour ou en relation avec de tels services. La demande tendait en outre à ce qu'il soit ordonné à la défenderesse d'entreprendre les démarches nécessaires pour modifier sa dénomination au registre du commerce. La demanderesse a conclu à ce que les mesures requises soient assorties de la peine d'amende prévue par l'art. 292 du Code pénal suisse (CP; RS 311.0) ainsi que d'une amende d'ordre de 1'000 fr. pour chaque jour d'inexécution. 
La défenderesse a conclu au rejet de la demande. 
Les parties ont répliqué et dupliqué. 
Entendue en cours de procédure en qualité de témoin, A.________, responsable de la communication et des marques auprès de la banque, a déclaré que celle-ci organisait, respectivement soutenait financièrement différents évènements dans les domaines financier, culturel, sportif et scientifique. Dans le cadre de tels évènements, la banque invitait des clients, des clients potentiels ainsi que des leaders d'opinion. Selon A.________, l'objectif était de promouvoir les valeurs de " la marque ", comme l'excellence s'agissant des évènements culturels et artistiques ou la performance, voire la curiosité ou l'audace et le dépassement de soi, en matière sportive. La banque travaillait en étroite collaboration avec les fondations EDR qui participaient à ces évènements.  
Statuant par arrêt du 11 juin 2024 en tant qu'instance cantonale unique, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a débouté la demanderesse. Les motifs qui étayent cette décision seront exposés plus loin dans la mesure utile à la compréhension des critiques dont celle-ci est la cible. 
 
C.  
Le 16 août 2024, HBER (ci-après: la demanderesse ou la recourante) a formé un recours en matière civile à l'encontre de cet arrêt. Elle conclut, principalement, à la réforme de la décision querellée et reprend les mêmes conclusions que celles présentées devant l'autorité précédente. Subsidiairement, elle requiert l'annulation de l'arrêt entrepris et le renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Dans sa réponse, la Fondation Edmond et Nadine de Rothschild (ci-après: la défenderesse ou l'intimée) a conclu, principalement, à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, au rejet de celui-ci. 
La cour cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt. 
La recourante a répliqué suscitant le dépôt d'une duplique de la part de l'intimée. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 145 I 239 consid. 2; 138 III 46 consid. 1). 
 
1.1. Lorsque le droit fédéral prévoit une instance cantonale unique, le recours en matière civile est recevable indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 [LTF; RS 173.110]) et, contrairement à la règle générale (cf. art. 75 al. 2 LTF), le tribunal supérieur n'a pas à statuer sur recours (art. 75 al. 2 let. a LTF). En l'occurrence, la cour cantonale, qui a statué en instance cantonale unique, a fondé sa compétence ratione materiae sur l'art. 5 al. 1 let. a du Code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC; RS 272), de sorte que la décision attaquée est sujette au recours en matière civile indépendamment de la valeur litigieuse.  
 
1.2. Pour le reste, qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours ou des conclusions prises par la recourante, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Il convient dès lors d'entrer en matière. Demeure réservé l'examen de la recevabilité, sous l'angle de leur motivation, des critiques formulées par l'intéressée.  
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes. Il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 140 III 86 consid. 2; 137 III 580 consid. 1.3). Il n'examine la violation d'un droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 137 III 580 consid. 1.3; 135 III 397 consid. 1.4).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). "Manifestement inexactes" signifie ici "arbitraires" (ATF 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3). 
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.; RS 101), que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3; 129 I 8 consid. 2.1). Il ne suffit pas qu'une appréciation différente puisse être tenue pour également concevable, ou apparaisse même préférable (ATF 144 I 170 consid. 7.3; 142 II 369 consid. 4.3; 140 III 167 consid. 2.1). 
 
3.  
La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir enfreint l'art. 11 de la loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance (LPM; RS 232.11) et de s'être rendue coupable d'arbitraire au moment d'apprécier les preuves disponibles et d'appliquer l'art. 12 al. 3 LPM. Avant d'examiner la recevabilité et, le cas échéant, les mérites des critiques formulées par l'intéressée, il convient de rappeler certains principes et de résumer les considérations émises par la cour cantonale dans l'arrêt attaqué. 
 
3.1.  
 
3.1.1. Aux termes de l'art. 1 al. 1 LPM, la marque est un signe propre à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux proposés par d'autres entreprises. Selon la jurisprudence, le rôle de la marque est de distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises; son but est d'individualiser les prestations ainsi désignées et de les différencier des autres, de telle sorte que le consommateur puisse retrouver, dans l'abondance de l'offre, un produit ou un service qu'il apprécie (ATF 148 III 257 consid. 6.2.1; 122 III 382 consid. 1; 119 II 473 consid. 2c; arrêt 4A_458/2022 du 3 avril 2023 consid. 4.1). La marque a donc une fonction de différenciation, dans l'intérêt de l'entreprise. D'autres fonctions économiques éventuelles de la marque, notamment celles visant à garantir une qualité constante et à provoquer un impact publicitaire, ne jouissent en revanche pas d'une protection en soi (ATF 148 III 257 consid. 6.2.1; 128 III 146 2b/bb; 122 III 469 consid. 5f; Message du 21 novembre 1990 concernant une loi fédérale sur la protection des marques et des indications de provenance, FF 1991 I p. 18). Les marques portant sur des services destinés uniquement à assurer l'offre d'un autre service ne sont pas protégées (FF 1991 I p. 18).  
 
3.1.2. La protection d'une marque vaut sur le territoire suisse dès l'enregistrement (art. 5 LPM). Son titulaire dispose du "droit exclusif" de faire usage de la marque pour distinguer les produits ou services enregistrés (art. 13 al. 1 LPM). Il peut notamment interdire à des tiers l'usage de signes identiques ou similaires pour caractériser des produits ou services identiques ou similaires (art. 13 al. 2 LPM en lien avec l'art. 3 LPM; arrêt 4A_509/2021 du 3 novembre 2022 consid. 3.3 et les références citées). La personne qui subit une violation de son droit à la marque peut ainsi demander au juge de la faire cesser, si elle dure encore (art. 55 al. 1 let. b LPM).  
 
3.1.3. Pour pouvoir maintenir son droit à la marque enregistrée, le titulaire doit utiliser celle-ci de façon effective (art. 11 al. 1 LPM; sur la raison d'être de cette incombance, ATF 139 III 424 consid. 2.2.1; arrêt 4A_509/2021, précité, consid. 3.3 et les références citées). Il n'est pas tenu d'agir dès l'enregistrement: la loi lui laisse un délai de carence de cinq ans (art. 12 al. 1 LPM), qui recommence à courir s'il interrompt ultérieurement cet usage (arrêt 4A_509/2021, précité, consid. 3.3 et les références citées). Le titulaire a ainsi le temps d'introduire sa marque sur le marché ou de s'adapter à la situation économique (arrêt 4A_509/2021, précité, consid. 3.3 et les références citées).  
Lorsque, pendant une période ininterrompue de cinq ans, le titulaire d'une marque protégée s'abstient de l'utiliser en relation avec les produits ou les services enregistrés, il ne peut plus faire valoir son droit à la marque, à moins que le défaut d'usage ne soit dû à un juste motif (art. 12 al. 1 LPM). Toute personne peut alors demander la radiation de la marque pour défaut d'usage auprès du juge civil. Depuis le 1er janvier 2017, il existe également une procédure simplifiée de radiation pour défaut d'usage de la marque qui se déroule auprès de l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle (art. 35a ss LPM; arrêt 4A_299/2017 du 2 octobre 2017 consid. 3.2). 
Le législateur ne dit pas ce qu'il entend par "usage de la marque". Doctrine et jurisprudence admettent que l'usage doit se faire en Suisse (ATF 107 II 356 consid. 1c; arrêt 4A_509/2021, précité, consid. 3.3 et les références citées). L'usage doit intervenir conformément à la fonction de la marque, c'est-à-dire pour distinguer les produits ou les services ("usage à titre de marque"; " markenmässiger Gebrauch "). En d'autres termes, l'usage doit être public, la marque devant être utilisée de telle façon que le marché y voie un signe distinctif (ATF 139 III 424 consid. 2.4; arrêts 4A_458/2022 du 3 avril 2023 consid. 4.3; 4A_515/2017 du 4 juillet 2018 consid. 2.3.1). Il découle implicitement de l'art. 11 al. 1 LPM que l'usage de la marque doit également être sérieux (arrêts 4A_458/2022, précité, consid. 4.3; 4A_509/2021, précité, consid. 3.3). Notamment, un usage purement symbolique, fait à seule fin de ne pas perdre le droit à la marque, ne suffit pas; le titulaire doit manifester l'intention de satisfaire toute demande de marchandise ou de service (ATF 102 II 111 consid. 3; arrêt 4A_458/2022, précité, consid. 4.3). Par ailleurs, l'usage doit être économiquement raisonnable et intervenir dans le commerce. L'usage à des fins privées ou à l'intérieur de l'entreprise ne suffit pas à maintenir le droit (arrêt 4A_458/2022, précité, consid. 4.3). Les usages commerciaux habituels sont déterminants (arrêts 4A_458/2022, précité, consid. 4.3; 4A_515/2017, précité, consid. 2.3.1; 4A_257/2014, précité, consid. 3.4 et les références citées).  
Déterminer si on est en présence d'un usage à titre de marque est une question de droit (arrêts 4A_458/2022, précité, consid. 4.3; 4A_515/2017, précité, consid. 2.3.1; 4A_257/2014, précité, consid. 3.2). Pour opérer cette qualification, il convient toutefois de se fonder sur la perception (présumée) des personnes auxquelles s'adressent les produits enregistrés. Les circonstances du cas particulier doivent, pour cela, être prises en considération, notamment les habitudes de la branche concernée et la catégorie de marque en cause, constatations qui relèvent du fait (arrêts 4A_458/2022, précité, consid. 4.3; 4A_515/2017, précité, consid. 2.3.1; 4A_257/2014, précité, consid. 3.2). 
 
3.2. Dans l'arrêt attaqué, la cour cantonale rappelle que la demanderesse doit avoir fait un usage sérieux de la marque pour les services revendiqués en classe 41, si elle entend pouvoir se prévaloir de l'effet protecteur de ladite marque. À cet égard, elle observe que l'intéressée a, dans son action en cessation du trouble, spontanément fait état de divers évènements dans le cadre desquels la marque concernée aurait été effectivement employée. Selon la juridiction cantonale, l'absence d'usage de ladite marque en lien avec des services de la classe 41 lors d'autres évènements que ceux mentionnés par la recourante a été rendu vraisemblable par son adversaire, étant donné que la demanderesse aurait, sinon, pris soin de les alléguer.  
Poursuivant son analyse, la cour cantonale souligne que la marque n'a pas été utilisée par la demanderesse elle-même mais par la banque. La titulaire de la marque concernée, à savoir la recourante, y a toutefois consenti, raison pour laquelle l'usage de la marque doit être assimilé à celui de la demanderesse. L'autorité précédente examine, ensuite, si les évènements mentionnés par cette dernière permettent de retenir que le signe en question a été sérieusement utilisé à titre de marque en relation avec des services relevant de la classe 41. 
La juridiction cantonale constate, en premier lieu, que diverses manifestations sportives et culturelles ont été organisées par la banque. Les 28 juillet 2017 et 13 juillet 2018, celle-ci a ainsi mis en place la " compétition de golf Edmond de Rothschild " dans le cadre du concours hippique " Jumping Longines " à Crans-Montana dont elle était le sponsor. Sur les invitations figurait la marque concernée associée à la marque figurative n. 648530. Le 7 décembre 2018, un déjeuner a eu lieu au siège de la banque pour remercier les amis et navigateurs du bateau " Force cash ", dont la voile arbore la mention " Groupe Edmond de Rothschild ", associée à la marque figurative n. 648530. Le 12 septembre 2019, la banque a organisé, sur invitation, une session de navigation à bord dudit bateau. La marque concernée était apposée sur les invitations aux côtés de la marque figurative n. 648530. En juillet 2019, un " prix Edmond de Rothschild " a été décerné lors du concours hippique "Jumping Longines" qui s'est tenu à Crans-Montana. La marque concernée, associée à la marque figurative n. 648530, figurait sur le programme de la manifestation. À l'occasion du festival "Gstaad Menuhin Festival & Academy", la banque a organisé, sur invitation, aux mois d'août 2019 et 2022, la " journée Edmond de Rothschild ", respectivement a convié des clients à une représentation musicale. La marque concernée, associée à la marque figurative n. 648530, figurait sur les invitations et apparaissait sur le programme de l'édition 2022 de la manifestation en tant que sponsor principal. 
Selon la cour cantonale, l'usage de la marque dans le cadre de ces évènements a été perçu par le public visé - à savoir des clients actuels ou potentiels de la banque et des leaders d'opinion - comme lié à la banque elle-même et non comme un signe distinguant les manifestations en question d'autres services culturels ou sportifs, étant précisé qu'il est usuel d'organiser des évènements promotionnels en matière bancaire. La juridiction cantonale estime que les manifestations concernées, qui n'étaient pas publiques mais accessibles uniquement sur invitation, constituaient des services auxiliaires, offerts gratuitement, visant à promouvoir les prestations que fournit la banque à titre principal dans le secteur financier. Elle considère en outre que la remise d'un prix portant le nom " Edmond de Rothschild " lors de la compétition équestre organisée en juillet 2019 ainsi que l'apposition de la mention " Groupe Edmond de Rothschild ", associée à la marque figurative n. 648530, sur la voile du bateau "Force Cash" relèvent d'une activité de sponsoring ou de parrainage laquelle, selon la jurisprudence du Tribunal administratif fédéral (arrêt du TAF B-5226/2015 du 13 septembre 2017 consid. 2.4.4 et la référence citée), ne saurait être assimilée à un usage à titre de marque. 
En ce qui concerne la soirée " Dare to be different ", organisée le 21 septembre à Versoix sur invitation des différents pôles du groupe Rothschild en vue d'affirmer sa singularité et de mettre en avant sa marque, la cour cantonale considère, en substance, qu'il s'agit avant tout d'un évènement à visée promotionnelle, qui n'entre pas dans les services de la classe 41, même si des créations artistiques et musicales ont été proposées au cours de cette soirée.  
Enfin, si la marque concernée a été utilisée dans le cadre de plusieurs conférences et séminaires de formation en matière de macroéconomie et de stratégies d'investissement organisés par la banque entre 2018 et 2022, la juridiction cantonale estime que ladite marque - qui apparaissait, associée à la marque figurative n. 648530, sur les invitations respectivement les confirmations d'inscription et les supports documentaires - n'a pas été employée comme un signe distinctif, mais pour promouvoir les activités de la banque et lui assurer une certaine publicité. 
Au terme de son analyse, la cour cantonale considère que les évènements mentionnés par la demanderesse ne permettent pas de retenir l'existence d'un usage sérieux de la marque concernée en relation avec les services enregistrés en classe 41, raison pour laquelle l'intéressée ne peut pas se prévaloir de la protection conférée par le droit des marques pour interdire à la défenderesse d'utiliser la dénomination " Fondation Edmond et Nadine de Rothschild " pour offrir des services culturels et éducatifs. 
 
3.3.  
 
3.3.1. Dans un moyen qu'il convient d'examiner en premier lieu, la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir arbitrairement considéré que l'intimée avait rendu vraisemblable un défaut d'usage de la marque concernée en lien avec les services relevant de la classe 41. À son avis, l'intimée n'a apporté aucun moyen de preuve permettant de rendre vraisemblable pareil élément.  
 
3.3.2. Celui qui invoque le défaut d'usage doit le rendre simplement vraisemblable; la preuve de l'usage incombe alors au titulaire de la marque, qui doit établir tous les éléments de fait qui permettront ensuite au juge, sous l'angle du droit, de déterminer que l'usage est intervenu conformément à la fonction de la marque (art. 12 al. 3 in fine LPM; arrêts 4A_515/2017 consid. 2.3.2; 4A_257/2014 du 29 septembre 2014 consid. 3.6).  
Il s'agit d'un assouplissement de la preuve par rapport à la certitude découlant du principe général de l'art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC; RS 210). La preuve au degré de la simple vraisemblance ne nécessite pas que l'autorité soit convaincue du bien-fondé des arguments de la partie concernée; le tribunal doit simplement disposer d'indices objectifs suffisants pour que les faits allégués présentent une certaine vraisemblance, sans devoir exclure qu'il puisse en aller différemment (ATF 144 II 65 consid. 4.2.2; 142 II 49 consid. 6.2; arrêts 4A_464/2022, précité, consid. 3.2; 4A_299/2017, précité, consid. 3.4). Par la nature des choses, il est plus aisé de rendre vraisemblable l'usage d'une marque que son non-usage (arrêts 4A_464/2022, précité, consid. 3.2; 4A_515/2017, précité, consid. 2.3.2; 4A_299/2017, précité, consid. 3.4 et la référence citée). En effet, vu qu'elle porte sur un fait négatif, la preuve du défaut d'usage est dans la plupart des cas impossible à apporter (arrêts 4A_464/2022, précité, consid. 3.2; 4A_257/2014, précité, consid. 3.5; 4A_253/2008 du 14 octobre 2008 consid. 4.1). C'est par conséquent de manière indirecte, sur la base d'un faisceau d'indices, que le défaut d'usage doit être rendu vraisemblable (arrêt 4A_299/2017, précité, consid. 4.1). 
La question de savoir si l'autorité est partie d'une juste conception du degré de la preuve exigé par le droit fédéral, soit en l'occurrence la simple vraisemblance du défaut d'usage, relève du droit. En revanche, celle de savoir si une partie a, ou non, rendu vraisemblable un élément factuel litigieux, soit si le degré de preuve exigé par le droit fédéral est atteint dans le cas particulier, relève du fait et ressortit à l'appréciation des preuves, appréciation que le Tribunal fédéral ne corrige que si elle se révèle arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 130 III 321 consid. 5; cf. ég. ATF 140 III 466 consid. 4.2.2; arrêt 5A_203/2023 consid. 4.1.3 et les références citées). 
 
3.3.3. En l'occurrence, les explications fournies par la recourante ne permettent pas de retenir que la solution à laquelle a abouti la cour cantonale, en considérant que le défaut d'usage de la marque concernée en relation avec les services relevant de la classe 41 avait été rendu vraisemblable, serait entachée d'arbitraire. Il apparaît en effet que c'est la demanderesse qui a spontanément porté l'affaire sur cette question, en faisant elle-même référence, dans son action en cessation du trouble, à divers évènements censés démontrer que la marque concernée avait été effectivement utilisée au cours de la période topique et qui a produit pas moins de dix-huit pièces pour étayer sa démonstration. Comme elle le relève dans sa réponse au recours, sans être véritablement contredite par son adversaire, la défenderesse s'est attelée à contester les allégations de la recourante en indiquant précisément, dans sa réponse déposée devant la cour cantonale, les raisons pour lesquelles il n'y avait à son avis pas eu usage à titre de marque du signe concerné dans le cadre des évènements en question. Dans sa réponse à l'action en cessation du trouble, l'intimée a en outre formulé des allégations factuelles propres dans une section intitulée " Du défaut d'usage de la marque ". Dans la partie en droit de son écriture, elle a par ailleurs présenté une argumentation juridique s'étendant sur plusieurs pages aux fins de démontrer qu'il n'y avait pas eu utilisation de la marque concernée en relation avec des services relevant de la classe 41. Elle a conclu sa démonstration en soutenant que ladite marque n'était pas protégée, faute d'avoir été utilisée en lien avec les services revendiqués en classe 41. Dans sa réplique formée devant la cour cantonale, la recourante n'a pas fait état d'autres évènements que ceux ayant déjà été discutés par les parties. Eu égard aux circonstances procédurales singulières de la cause en litige, il y a lieu d'admettre que la cour cantonale n'a pas versé dans l'arbitraire en retenant, sur la base des explications avancées par les parties et des pièces disponibles, qu'un défaut d'usage de la marque concernée en relation avec les services relevant de la classe 41 avait été rendu vraisemblable. L'argumentation présentée par la recourante ne permet en effet pas d'établir le caractère arbitraire de cette appréciation. Que la juridiction cantonale n'ait pas fait état de tous les propos tenus par A.________, et singulièrement de la déclaration dudit témoin selon laquelle son équipe cherchait à promouvoir les valeurs de la marque en organisant des évènements dans le domaine scientifique avec l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) ou des visites d'exposition à la Fondation de l'Hermitage à Lausanne, ne suffit pas à taxer d'arbitraire l'appréciation de l'autorité précédente. Il s'ensuit le rejet du moyen considéré.  
 
3.4. Dans un autre moyen, la recourante fait grief à la cour cantonale d'avoir enfreint l'art. 11 LPM. En substance, elle soutient qu'un usage à titre de marque ne saurait être exclu sous prétexte qu'un effet promotionnel accessoire serait attaché aux services relevant de la classe 41. Elle prétend aussi que le caractère onéreux ou gratuit d'une prestation n'est pas décisif pour apprécier si une marque peut bénéficier d'une protection pour les services visés par la classe 41. L'intéressée reproche en outre à la juridiction cantonale d'avoir considéré que l'usage de la marque litigieuse aurait été cantonné à des activités de parrainage. Selon elle, rien n'empêchait le public cible de faire le lien entre la marque concernée et les services relevant de la classe 41 proposés par le groupe Rothschild. À son avis, ce dernier a fait un usage sérieux de la marque concernée pour désigner des activités culturelles, éducatives et sportives organisées par ses soins, soit des services revendiqués en classe 41.  
Par sa critique présentant un caractère appellatoire marqué, l'intéressée échoue à démontrer que la juridiction cantonale aurait enfreint le droit fédéral en niant tout usage sérieux de la marque concernée en relation avec les services enregistrés en classe 41. Il ressort en effet des considérations émises par les juges précédents que la marque utilisée lors des diverses manifestations organisées ou parrainées par la banque, qui étaient pour la plupart accessibles uniquement sur invitation, n'a pas été perçue par le public cible comme un signe visant à distinguer lesdites manifestations d'autres évènements, mais bel et bien comme un moyen de promouvoir les activités de la banque et de lui assurer une certaine publicité. Autrement dit, l'utilisation du signe concerné en relation avec les évènements mis en place par la banque ou dans le cadre d'opérations de parrainage n'avait pas pour but de désigner certains services relevant de la classe 41 et de les distinguer de ceux proposés par des tiers, mais d'assurer la promotion des activités de la banque dans le secteur financier. Bien que la recourante soutienne le contraire, il n'est dès lors pas possible de retenir que la marque aurait été utilisée dans l'optique d'offrir des services relevant de la classe 41. En tout état de cause, un tel usage de la marque concernée ne saurait être qualifié de sérieux. Le grief considéré doit dès lors être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
4.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. La recourante, qui succombe, supportera les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 17 décembre 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Juge présidant : Kiss 
 
Le Greffier : O. Carruzzo