Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_485/2024
Arrêt du 18 février 2025
IIIe Cour de droit public
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Moser-Szeless, Présidente,
Stadelmann et Bollinger.
Greffier : M. Feller.
Participants à la procédure
A.________ SA,
recourante,
contre
Administration fiscale cantonale de la République et canton de Genève, rue du Stand 26, 1204 Genève,
intimée.
Objet
Impôts cantonaux et communaux du canton de Genève et impôt fédéral direct, période fiscale 2019,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 6 août 2024 (A/1933/2023-ICCIFD - ATA/923/2024).
Faits :
A.
A.a. Le 3 juillet 2018, A.________ SA (ci-après: la Société ou la contribuable), dont le siège est à Genève, a acquis une participation de 80% de toutes les parts de quatre sociétés regroupées dans B.________ Société Anonyme Monégasque (SAM) (anciennement C.________ S.A.M, ci-après: la filiale). Le montant total de l'investissement s'élevait à 3'100'000 euros (3'381'522 fr.). Pour la période fiscale 2019, la Société a notamment déclaré un amortissement pour un montant correspondant à l'investissement réalisé pour l'acquisition des parts de la filiale.
A.b. En réponse à deux demandes de renseignements de l'Administration fiscale cantonale de la République et canton de Genève (ci-après: l'Administration fiscale cantonale) concernant l'acquisition des parts de la filiale et l'amortissement y afférant, la Société a notamment indiqué que la baisse de la profitabilité et les mauvais résultats de sa filiale justifiaient l'amortissement.
A.c. Par deux décisions sur réclamation du 22 février 2023 portant sur l'impôt fédéral direct (IFD) et l'impôt cantonal et communal (ICC) pour la période fiscale 2019, l'Administration fiscale cantonale a confirmé ses décisions de taxation du 22 novembre 2022. Par celles-ci, elle avait refusé l'amortissement d'un montant de 3'381'522 fr. relatif à la participation acquise par A.________ SA dans la filiale, réintégrant cette somme dans le bénéfice imposable de la Société, au motif que la filiale n'avait pas subi de perte de valeur significative.
A.d. Par jugement du 25 mars 2024, le Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (ci-après: le TAPI) a admis le recours de la contribuable, en retenant que l'amortissement de 3'381'522 fr. était justifié.
B.
Par arrêt du 6 août 2024, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a admis le recours de l'Administration fiscale cantonale du 29 avril 2024 et a partiellement rétabli les décisions de taxation du 22 novembre 2022, en réduisant tant en matière d'IFD que d'ICC la reprise au titre de bénéfice de la recourante de 3'381'522 fr. à 947'086 fr. et en statuant qu'une réserve latente de 947'086 fr. devait être inscrite dans le bilan fiscal 2019 pour l'ICC.
C.
A.________ SA interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt. Elle conclut à son annulation, à la confirmation du jugement du TAPI du 25 mars 2024 "dans le sens où l'amortissement intégral de la participation" dans la filiale est admis et à ce qu'il soit ordonné à l'Administration fiscale cantonale d'émettre de nouveaux bordereaux de taxation au sens des considérants dudit jugement.
Considérant en droit :
1.
1.1. L'arrêt attaqué a été rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) qui ne tombe sous le coup d'aucune exception de l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est donc ouverte (cf. voir aussi l'art. 146 LIFD [RS 642.11] et l'art. 73 LHID [RS 642.14]).
1.2. La juridiction cantonale a rendu un seul arrêt valant pour les impôts en matière d'IFD et d'ICC pour la période fiscale 2019, ce qui est admissible. Partant, le dépôt d'un seul acte de recours est aussi autorisé, dans la mesure où la recourante s'en prend clairement aux deux catégories d'impôt (cf. ATF 150 II 11 consid. 1.1 et les références). Au surplus, le recours a été déposé en temps utile (art. 46 al. 1 let. c et 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF) par la destinataire de la décision attaquée, qui a qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF). Il convient donc d'entrer en matière.
2.
2.1. D'après l'art. 106 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral applique le droit d'office. Il examine en principe librement l'application du droit fédéral, ainsi que la conformité du droit cantonal harmonisé et de sa mise en pratique par les instances cantonales aux dispositions de la LHID lorsque les dispositions de cette loi ne laissent pas de marge de manoeuvre aux cantons (cf. arrêts 2C_132/2020 du 26 novembre 2020 consid. 2.1; 2C_147/2019 du 20 août 2019 consid. 2.1). Tel est le cas en l'occurrence s'agissant de la reprise d'amortissements sur des participations qualifiées non justifiés par l'usage commercial (cf. art. 24 al. 1 let. a LHID). Le Tribunal fédéral examinera partant librement la cause tant sous l'angle de l'IFD que des ICC (cf. 2C_132/2020 du 26 novembre 2020 consid. 2.1).
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. La partie recourante ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 147 I 73 consid. 2.1; 145 V 188 consid. 2; 142 II 355 consid. 6). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces deux conditions seraient réalisées. À défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 145 V 188 consid. 2; 137 II 353 consid. 5.1).
3.
La Cour de justice a rappelé de manière complète les règles légales et la jurisprudence applicables au bénéfice net imposable et aux amortissements non justifiés par l'usage commercial ( art. 57 et 58 al. 1 let. b LIFD ; art. 24 al. 1 let. a et b LHID ; art. 11 et 12 al. 1 let . e de la loi cantonale genevoise du 23 septembre 1994 sur l'imposition des personnes morales [LIPM; rs/GE D 3 1]; ATF 132 I 175). Elle a également exposé les règles relatives à l'impôt sur le capital et à l'inscription d'une réserve latente au bilan fiscal (art. 29 al. 2 let. a LHID; art. 27 et 28 LIPM; arrêts 9C_469/2023 du 9 avril 2024 consid. 8.2; 2C_723/2021 du 16 août 2022 consid. 6.2; 2C_132/202 du 26 novembre 2020 consid. 12, non publié in ATF 147 II 155). La Cour de justice a, en outre, mentionné le lien entre les règles du droit commercial et celles du droit fiscal (cf. "principe de déterminance"; ATF 137 II 353 consid. 6.2). Enfin, la juridiction cantonale a exposé la méthode d'évaluation des participations dans des sociétés non cotées en cas de transfert substantiel entre tiers indépendants préconisée par la Conférence suisse des impôts (CSI) dans sa circulaire n° 28 du 28 août 2008 (ci-après: Circulaire 28; cf. arrêts 2C_321/2019 du 1
er octobre 2019 consid. 2.3; 2C_1082/2013 du 14 janvier 2015 consid. 5.3.1). Il suffit de renvoyer à l'arrêt attaqué sur ces points (art. 109 al. 3 LTF).
4.
Le litige porte sur le montant de la reprise, admise par la juridiction cantonale à hauteur de 947'086 fr., sur l'amortissement déclaré par la recourante en lien avec le bénéfice imposable pour l'année fiscale 2019 (IFD et ICC) ainsi qu'en conséquence sur l'inscription au bilan fiscal d'une réserve latente sous l'angle de l'impôt sur le capital (ICC). L'étendue de cet amortissement et de cette réserve dépend de la valeur fiscale de la participation détenue par la Société dans la filiale.
5.
La Cour de justice a retenu que la recourante était en droit de comptabiliser un amortissement à hauteur de 2'434'436 fr., fin 2019, et que le montant de la reprise du bénéfice de 947'086 fr. dans le chef de la recourante avait été correctement calculé par l'intimée sur la base de la méthode des multiples de l'EBITDA (Earnings before interest, taxes, depreciation and amortization, soit le bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement). Celle-ci correspondait à la méthode d'évaluation qui avait été appliquée par la recourante lors de la fixation du prix d'achat de sa participation dans la filiale. Cette méthode permettait, en outre, une approche dynamique de la situation de la filiale (exploitation orientée vers le futur et vers sa continuation) ainsi que la prise en compte du résultat économique négatif allégué par la contribuable pour l'année 2019. La juridiction cantonale a dès lors considéré que cette méthode était opposable à la Société, puisqu'elle l'avait choisie conformément aux normes du droit commercial et qu'il n'existait pas de changement considérable des circonstances justifiant de s'en écarter. De plus, cette méthode prenait en considération le résultat négatif de la filiale en 2019, qui avait cependant continué ses activités au-delà de cette année. La Cour de justice a enfin retenu qu'il convenait (d'office) d'inscrire dans le bilan fiscal 2019 de la recourante le montant de 947'086 fr. au titre de réserve latente imposée en matière d'ICC, puisque l'on se trouvait en présence d'un cas d'amortissements surfaits.
6.
Invoquant l'établissement inexact des faits et l'interdiction de l'arbitraire, la recourante conteste avoir choisi une méthode d'évaluation pour comptabiliser sa participation dans sa filiale en 2018, et fait valoir qu'il conviendrait d'amortir l'intégralité de cette participation (pour un montant de 3'381'522 fr.). Elle soutient, en substance, que le prix d'acquisition, ressortant de ses états financiers, correspondrait à la notion de valeur vénale prévue par la Circulaire 28, dans la mesure où les parts acquises auraient fait l'objet d'un transfert entre tiers indépendants. La recourante fait dès lors valoir qu'elle n'aurait pas violé le principe de permanence des méthodes au sens de l'art. 958c al. 1 ch. 6 CO puisqu'elle n'avait pas choisi de méthode d'évaluation.
7.
Tout d'abord, il convient de retenir que la Cour de justice n'a pas établi les faits de manière manifestement inexacte lorsqu'elle a constaté que la recourante avait choisi la méthode dite des multiples pour déterminer le prix d'acquisition de sa participation dans la filiale acquise le 3 juillet 2018. En effet, la contribuable avait affirmé, dans son recours du 8 juin 2023 devant le TAPI, qu'elle avait acquis sa participation dans les quatre sociétés sur une base de valorisation de cinq fois l'EBITDA consolidé de ces sociétés. De plus, la première page des comptes de sa filiale produits à l'appui de son recours précité, mentionnait expressément l'application de cette méthode de valorisation. Il n'y a pas lieu de s'écarter des constatations cantonales.
La recourante ne démontre en outre pas non plus de manière suffisante en quoi la juridiction cantonale aurait appliqué arbitrairement la méthode des multiples pour évaluer sa participation dans la filiale à hauteur de 947'086 fr. pour 2019 (IFD et ICC), et pour ordonner l'inscription d'une réserve latente, du même montant, au bilan fiscal en matière d'ICC. En effet, elle se limite à alléguer qu'on ne pourrait pas lui opposer le principe de la permanence des méthodes puisqu'elle n'aurait pas choisi la méthode des multiples, argument qui a été écarté à juste titre par la juridiction cantonale. Au demeurant, elle n'explique pas le motif pour lequel il conviendrait d'amortir l'entier de sa participation dans la filiale une année après son acquisition pour 3'381'522 fr.
8.
Compte tenu de ce qui précède, le recours, qui est manifestement infondé, doit être rejeté selon la procédure simplifiée de l'art. 109 al. 2 let. a LTF. La recourante, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté en matière d'IFD pour la période fiscale 2019.
2.
Le recours est rejeté en matière d'ICC pour la période fiscale 2019.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 4ème section, et à l'Administration fédérale des contributions.
Lucerne, le 18 février 2025
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Moser-Szeless
Le Greffier : Feller