Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_612/2024
Arrêt du 18 septembre 2024
Ire Cour de droit pénal
Composition
Mmes et MM. les Juges fédéraux
Jacquemoud-Rossari, Présidente,
Denys, Muschietti, van de Graaf et von Felten.
Greffière : Mme Meriboute.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Camille Duroux, avocate,
recourant,
contre
Ministère public du canton du Valais,
Procureure générale,
rue des Vergers 9, case postale, 1950 Sion,
intimé.
Objet
Quotité de la peine (viol)
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du Valais,
Cour pénale I, du 18 juillet 2024 (P1 24 45).
Faits :
A.
Par jugement du 15 mars 2024, le Tribunal du III e arrondissement des districts de Martigny et St-Maurice a acquitté A.________ du chef de prévention de mise en danger de la vie d'autrui et l'a condamné pour viol à une peine privative de liberté de 30 mois dont 15 mois fermes, le solde de la peine étant suspendu durant un délai de deux ans et la détention avant jugement étant déduite. Il a également ordonné l'expulsion de A.________ du territoire suisse pour une durée de dix ans et l'a astreint à verser à B.________ une indemnité de 10'000 fr. avec intérêts, à titre de tort moral.
B.
Par arrêt du 18 juillet 2024, la Cour pénale I du Tribunal cantonal du Valais a partiellement admis l'appel formé par le ministère public en ce sens qu'elle a condamné A.________ à une peine privative de liberté de 42 mois, sous déduction de la détention subie dès le 5 juillet 2023.
En substance, il en ressort les éléments suivants.
B.a. Le 1er juillet 2023, vers 23h, B.________ s'est rendue dans le bar C.________ à U.________. Alors qu'elle était sortie fumer une cigarette, elle a fait la connaissance de deux hommes, l'un d'entre eux étant A.________. Elle leur a proposé d'entrer dans le bar où il y avait de la musique. Comme ils n'avaient pas d'argent, elle leur a payé un verre. Ils ont ensuite dansé.
Vers 2h du matin, heure de la fermeture de l'établissement, B.________ a quitté le bar seule. A.________ se trouvait déjà à l'extérieur avec d'autres clients. B.________ a pris le chemin de son domicile situé à quelques centaines de mètres. Lorsque A.________ lui a proposé de la raccompagner, elle a décliné l'invitation. || l'a tout de même suivie. Pendant le trajet, elle lui a indiqué qu'elle n'habitait pas loin et qu'il pouvait la laisser, ce qu'il a ignoré. Alors qu'ils étaient parvenus à proximité de chez elle, A.________ a tenté de l'embrasser sur la bouche, ce qu'elle a refusé en le repoussant avec les mains. Énervé, il l'a basculée sur la pelouse avant de se coucher sur elle en lui tenant les poignets. Elle a essayé de le repousser et de crier mais il a rapidement mis une de ses mains sur sa bouche, l'empêchant par moments de respirer. Avec l'autre main, il a relevé sa robe et enlevé sa culotte avant de la pénétrer avec son sexe. Après quelques minutes de va-et-vient, elle a réussi à appeler à l'aide. A.________ s'est retiré sans éjaculer et a pris la fuite.
B.b. B.________ a porté plainte le jour même.
C.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal du 18 juillet 2024. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à la réforme de cet arrêt en ce sens que le jugement de première instance est confirmé. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Il sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire et l'octroi de l'effet suspensif.
Considérant en droit :
1.
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 47 CP. De plus, invoquant une violation de son droit d'être entendu, il se plaint d'une motivation insuffisante concernant la peine.
1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 149 IV 217 consid. 1.1; 142 IV 137 consid. 9.1).
1.2. Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans la fixation de la peine. Le Tribunal fédéral n'intervient que lorsque l'autorité cantonale a fixé une peine en dehors du cadre légal, si elle s'est fondée sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, si des éléments d'appréciation importants n'ont pas été pris en compte ou, enfin, si la peine prononcée est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 149 IV 217 consid. 1.1; 144 IV 313 consid. 1.2).
L'exercice de ce contrôle suppose que le juge exprime, dans sa décision, les éléments essentiels relatifs à l'acte ou à l'auteur qu'il prend en compte, de manière à ce que l'on puisse constater que tous les aspects pertinents ont été pris en considération et comment ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens aggravant ou atténuant (art. 50 CP; ATF 149 IV 217 consid. 1.1; 144 IV 313 consid. 1.2). Le juge peut passer sous silence les éléments qui, sans abus du pouvoir d'appréciation, lui apparaissent non pertinents ou d'une importance mineure. La motivation doit ainsi justifier la peine prononcée, en permettant de suivre le raisonnement adopté, même si le juge n'est pas tenu d'exprimer en chiffres ou en pourcentages l'importance qu'il accorde à chacun des éléments qu'il cite. Un recours ne saurait toutefois être admis simplement pour améliorer ou compléter un considérant lorsque la décision rendue apparaît conforme au droit (ATF 149 IV 217 consid. 1.1; 144 IV 313 consid. 1.2).
1.3. La cour cantonale a reconnu le recourant coupable de viol. Le cadre légal de cette infraction s'étendait d'un à dix ans de peine privative de liberté (cf. art. 190 CP dans sa teneur en vigueur jusqu'au 30 juin 2024).
La cour cantonale a retenu que dans sa situation personnelle aucun élément n'influençait sa culpabilité. Âgé de 51 ans, le recourant n'avait jamais fréquenté l'école et n'avait pas de formation professionnelle. Célibataire, il était le père de dix enfants nés de six femmes différentes. Ils étaient indépendants financièrement, à l'exception de deux d'entre eux, encore en formation. En 2022, le recourant avait travaillé en Suisse durant sept mois comme manoeuvre dans le bâtiment avant de retourner au Portugal. Au moment des faits, il avait regagné la Suisse depuis quatre mois pour des missions temporaires et vivait dans un studio à U.________ avec trois autres personnes. Son dernier salaire s'élevait à 3'900 fr. au moyen duquel il payait sa part au loyer de 400 francs.
Pour la cour cantonale, l'acte commis par le recourant, avec conscience et volonté, était grave. Il avait eu lieu de nuit alors que la victime était isolée et vulnérable car prise de boisson. Le recourant s'en était pris à l'intégrité sexuelle d'une femme qui avait été durablement marquée par une agression durant laquelle elle s'était vue mourir. La victime souffrait désormais d'un état de stress post-traumatique en raison duquel elle avait dû être suivie par un psychologue.
Sous couvert de la raccompagner à son domicile et de prolonger une soirée qui s'était jusque-là bien déroulée, le recourant avait passé outre le refus de la victime pour lui imposer une relation sexuelle sans préservatif. Celle-ci lui avait d'abord clairement dit qu'elle ne voulait pas qu'il la raccompagne, l'avait repoussé lorsqu'il avait essayé de l'embrasser et s'était ensuite débattue et avait tenté de crier. Face à cette défense énergique, il s'était montré brutal pour arriver à ses fins et, usant de sa supériorité physique, l'avait empêchée d'appeler à l'aide en lui mettant la main sur la bouche, coupant par moments la respiration de sa victime. C'étaient d'ailleurs finalement les cris de celle-ci qui l'avaient mis en fuite. Ces circonstances témoignaient d'une énergie criminelle très importante que le recourant avait dirigée contre une personne qui s'était pourtant montrée bienveillante avec lui durant la soirée. Sur le plan subjectif, la cour cantonale a déduit de ces éléments une volonté délictuelle élevée. Ses mobiles étaient égoïstes. Le recourant, incapable de supporter la frustration engendrée par le refus de la victime, l'avait soumise à sa volonté d'entretenir des relations sexuelles et avait fait fi de son libre arbitre.
Compte tenu de ces éléments, la cour cantonale a estimé qu'il fallait partir du principe que la gravité objective et subjective était telle qu'une peine proche du milieu de l'échelle des peines envisageables devait être prononcée.
De plus, elle a retenu que sa collaboration lors de la procédure avait été mauvaise. Il était allé jusqu'à affirmer que la victime l'avait forcé à entretenir des relations sexuelles avec lui en le menaçant de le dénoncer pour viol s'il ne s'exécutait pas. Il n'y avait pas l'ombre d'une prise de conscience chez le recourant dont la responsabilité était entière. Le recourant n'avait pas d'antécédents judiciaires, ce qui avait un effet neutre sur la fixation de la peine. Enfin, aucune circonstance atténuante ou aggravante n'entrait en ligne de compte.
Eu égard à l'ensemble de ces éléments, la cour cantonale a fixé une peine privative de liberté de 42 mois. Celle-ci étant supérieure à trois ans, l'octroi du sursis, tant complet que partiel, était exclu.
1.4. Le recourant prétend que la cour cantonale aurait mal apprécié sa culpabilité.
1.4.1. Il essaye vainement de relativiser l'intensité du moyen de contrainte utilisé et les pressions subies par la victime. Il affirme qu'il n'aurait pas été brutal, que la victime n'aurait pas été vulnérable malgré son alcoolisation, qu'elle ne se serait pas "vu mourir" nonobstant le fait que sa main l'empêchait de respirer et qu'elle n'aurait pas de séquelles profondes suite au viol. Ce faisant le recourant s'écarte des faits retenus par la cour cantonale sans démontrer que ceux-ci auraient été établis de manière arbitraire, si bien que ses critiques sont irrecevables (cf. art. 106 al. 2 LTF).
Le recourant invoque également le fait qu'il n'avait pas fait usage d'une arme ou d'un objet dangereux. Or l'absence de tels moyens dangereux a eu pour effet que la cour cantonale n'a pas retenu l'aggravante de la cruauté au sens de l'art. 190 al. 3 aCP. Ainsi, il ne peut prétendre à une atténuation de sa culpabilité pour ce motif.
1.4.2. Le recourant soutient que la cour cantonale aurait dû atténuer sa culpabilité en raison "de la brièveté de l'acte". Pour ce faire, il se prévaut de l'arrêt 7B_15/2021 du 19 septembre 2023 en affirmant que la durée relativement courte d'un viol serait un facteur de diminution de la culpabilité.
Le recourant ne saurait tirer une telle conclusion générale. Cet arrêt ne renferme qu'une formule isolée et inadéquate, alors que la question de la durée de l'acte n'a pas fait l'objet de développement de la part du Tribunal fédéral. De manière générale et contrairement à ce que pourrait laisser supposer l'arrêt précité, il convient de rappeler que la durée d'une agression sexuelle est sans lien avec la gravité de la lésion au bien juridique protégé. La désignation de "viol de courte durée" constitue un non-sens, tant l'atteinte au bien juridique protégé est consommée dès les premiers instants de l'acte sexuel. Sous l'angle de la culpabilité, on ne saurait récompenser l'auteur d'un viol en fonction de la durée de son activité criminelle. En aucun cas la durée "relativement courte" d'un viol ne saurait être érigée en facteur atténuant. En effet, le fait qu'un auteur agisse avec une certaine rapidité ne peut nullement être considéré comme un élément à décharge. En revanche, rien n'empêche de prendre en compte la durée de l'activité criminelle dans un sens aggravant de la culpabilité dans la mesure où son prolongement dans le temps est susceptible de correspondre au déploiement d'une énergie criminelle d'autant plus conséquente.
Partant, le grief est rejeté dans la mesure où il est recevable.
1.4.3. Sans même invoquer l'interdiction de l'arbitraire dans ce contexte, le recourant rediscute ses motivations en affirmant qu'il était plausible qu'il puisse avoir cru que l'intimée consentirait à un rapport sexuel en raison de son prétendu comportement dans le bar. Le recourant se contente de se livrer à une libre discussion des faits et d'opposer sa propre appréciation à celle de la cour cantonale. Un tel procédé, purement appellatoire, est irrecevable. Au demeurant, c'est à juste titre que la cour cantonale a retenu une volonté délictuelle élevée et des mobiles égoïstes. En effet, l'intimée lui avait clairement dit qu'elle ne voulait pas qu'il la raccompagne, l'avait repoussé lorsqu'il avait essayé de l'embrasser et s'était ensuite débattue et avait tenté de crier. Incapable de supporter la frustration découlant d'un tel refus, le recourant avait soumis sa victime à sa volonté d'entretenir des relations sexuelles et avait fait fi de son consentement.
1.5. Comme l'a relevé la cour cantonale, à raison, selon la jurisprudence constante, l'absence d'antécédents a en principe un effet neutre sur la peine et n'a pas à être pris en considération dans un sens atténuant (ATF 141 IV 61 consid. 6.3.2; 136 IV 1 consid. 2.6; arrêt 6B_1093/2023 du 8 novembre 2023 consid. 3.3).
Pour le surplus, en tant que le recourant soutient qu'il aurait eu un bon comportement en prison et une volonté d'aller de l'avant, il invoque des éléments non constatés dans l'arrêt attaqué sans qu'il ne démontre, par une critique répondant aux exigences de motivation accrue de l'art. 106 al. 2 LTF, qu'ils auraient été arbitrairement omis. Partant, ses critiques sont irrecevables.
1.6. Le recourant soutient que la peine serait exagérément sévère en comparaison avec d'autres arrêts du Tribunal fédéral.
1.6.1. Le recourant se réfère à trois arrêts du Tribunal fédéral (6B_355/2023 du 19 octobre 2023; 6B_849/2022 du 21 juin 2023 et 6B_922/2023 du 19 mars 2024) pour affirmer cela. Il convient tout d'abord de constater que le Tribunal fédéral n'a nullement, dans l'arrêt 6B_355/2023 et 6B_922/2023, examiné la quotité de la peine qui avait été prononcée. Pour ce qui est de l'arrêt 6B_849/2022, également cité par le recourant à l'appui de son grief, il se distingue de la présente affaire notamment parce qu'il ne concernait pas la même infraction. Il n'était pas question d'un viol mais de contrainte sexuelle, de sorte qu'une comparaison est par essence hasardeuse. En outre, selon une jurisprudence bien établie, toute comparaison avec d'autres affaires est délicate, vu les nombreux paramètres entrant en ligne de compte pour la fixation de la peine. Les disparités en cette matière s'expliquent normalement par le principe de l'individualisation des peines, voulu par le législateur; elles ne suffisent pas en elles-mêmes pour conclure à un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 141 IV 61 consid. 6.3.2).
1.7. Le recourant soutient que la cour cantonale n'aurait pas exposé les critères retenus pour lui infliger une peine privative de liberté de 42 mois. Selon lui, la motivation serait lacunaire et ne permettrait pas de comprendre la sévérité de la peine.
En l'espèce, la cour cantonale a pris en compte les critères pertinents gouvernant la fixation de la peine conformément à l'art. 47 CP, sans omettre d'éléments d'appréciation importants, ni en se fondant sur des critères étrangers à cette disposition. Il n'existe aucune violation du droit d'être entendu du recourant, dont il se prévaut également.
Au surplus, la peine infligée au recourant n'apparaît pas exagérément sévère au point de constituer un abus du large pouvoir d'appréciation dont dispose le juge. Les griefs tirés de la violation de l'art. 47 CP doivent donc être rejetés dans la mesure de leur recevabilité.
2.
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Le recourant, dont la situation financière n'apparaît pas favorable, doit être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire et dispensé des frais de procédure (art. 64 al. 1 LTF). Il convient de lui désigner Me Camille Duroux, avocate à Martigny, en qualité de conseil d'office et d'indemniser cette dernière (art. 64 al. 2 LTF).
La cause étant jugée, la requête d'effet suspensif n'a plus d'objet.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Camille Duroux est désignée comme avocate d'office du recourant et une indemnité de 3'000 fr., supportée par la caisse du Tribunal fédéral, lui est allouée à titre d'honoraires.
3.
Il est statué sans frais.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du Valais, Cour pénale I.
Lausanne, le 18 septembre 2024
Au nom de la Ire Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
La Greffière : Meriboute