Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
8C_140/2024
Arrêt du 18 septembre 2024
IVe Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Wirthlin, Président,
Maillard et Métral.
Greffière : Mme Barman Ionta.
Participants à la procédure
1. A.________,
2. B.________,
agissant par A.________,
toutes les deux représentées par C.________, juriste,
recourantes,
contre
Caisse de compensation du canton du Jura,
rue Bel-Air 3, 2350 Saignelégier,
intimée.
Objet
Prestation complémentaire à l'AVS/AI (calcul du droit à la prestation),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 6 février 2024
(PC 80 et 82 / 2023 + AJ 81 et 83 / 2023).
Faits :
A.
A.________, née en 1988, est au bénéfice d'une rente de l'assurance-invalidité (AI) et d'une rente pour enfant en faveur de sa fille B.________, née en juin 2011, dont elle a la garde. Par décision du 10 octobre 2022, la Caisse de compensation du canton du Jura (ci-après: la caisse de compensation) a alloué à A.________ des prestations complémentaires à partir du 1er juin 2022, faisant abstraction, dans son calcul, de la fille de l'assurée. Par une seconde décision du même jour, la caisse de compensation a refusé le droit de B.________ à des prestations complémentaires en tenant compte - notamment - dans ses revenus déterminants de la contribution d'entretien du père. Dans les faits, dite contribution a été versée à la commune de U.________ jusqu'au 30 novembre 2022 sur la base d'une cession établie par le Service cantonal de l'aide sociale, A.________ étant alors bénéficiaire de prestations de l'aide sociale; la cession en faveur de la commune a été levée au 1er décembre 2022. Le 23 décembre 2022, la caisse de compensation a, sur les mêmes bases de calcul que la décision du 10 octobre 2022, adapté le droit aux prestations complémentaires de A.________ pour l'année 2023. A.________ et B.________ se sont opposées, en temps utile, à ces décisions. Par deux décisions sur opposition du 28 juin 2023, la caisse de compensation a confirmé ses décisions des 10 octobre et 23 décembre 2022.
B.
Statuant le 6 février 2024 sur le recours formé par A.________ et B.________ contre cette décision, la Cour des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura l'a rejeté.
C.
A.________ (ci-après: la recourante 1) et B.________ (ci-après: la recourante 2) forment un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à sa réforme dans le sens de l'octroi de prestations complémentaires à hauteur de 1'095 fr., sous déduction des 844 fr. reçus mensuellement, pour les mois de juillet à novembre 2022. Elles sollicitent par ailleurs le bénéfice de l'assistance judiciaire limitée aux frais judiciaires pour la procédure fédérale.
L'intimée et la juridiction cantonale concluent au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité. L'Office fédéral des assurances sociales ne s'est pas déterminé.
Les recourantes ont répliqué.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
2.
Le recours en matière de droit public peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), que le Tribunal fédéral applique d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'étant limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement juridique sur les faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF) et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause, ce qu'il appartient à la partie recourante de démontrer de manière claire et circonstanciée (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 145 V 188 consid. 2). Au demeurant, sauf exception non réalisée en l'espèce, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté devant le Tribunal fédéral (art. 99 al. 1 LTF).
3.
Compte tenu des conclusions et motifs du recours, le litige porte sur le calcul du montant des prestations complémentaires de droit fédéral allouées à la recourante 1 de juillet à novembre 2022.
4.
4.1. Le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants (art. 9 al. 1 LPC [RS 831.30]). Les dépenses reconnues sont énumérées à l'art. 10 LPC. Les revenus déterminants figurent à l'art. 11 LPC; ils comprennent notamment les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l'AVS et de l'AI (cf. al. 1 let. d), les allocations familiales (cf. al. 1 let. f) et les pensions alimentaires prévues par le droit de la famille (cf. al. 1 let. h).
4.2. Selon l'art. 9 al. 2, première phrase, LPC, les dépenses reconnues et les revenus déterminants des conjoints et des personnes qui ont des enfants ayant droit à une rente d'orphelin ou donnant droit à une rente pour enfant de l'AVS ou de l'AI sont additionnés. En vertu de l'art. 9 al. 4 LPC, il n'est pas tenu compte, dans le calcul de la prestation complémentaire annuelle, des enfants dont les revenus déterminants dépassent les dépenses reconnues. L'art. 8 al. 2 OPC-AVS/AI (RS 831.301) prévoit que conformément à l'art. 9 al. 4 LPC, il n'est pas tenu compte, dans le calcul de la prestation complémentaire annuelle, des enfants ayant droit à une rente d'orphelin ou donnant droit à une rente pour enfant de l'AVS ou de l'AI, et dont les revenus déterminants atteignent ou dépassent les dépenses reconnues (première phrase); pour déterminer de quels enfants il ne faut pas tenir compte, on comparera les revenus déterminants et les dépenses reconnues, y compris le montant pour l'assurance obligatoire des soins visé à l'art. 10 al. 3 let. d LPC, des enfants susceptibles d'être éliminés du calcul. Il y a donc lieu de procéder à un calcul comparatif, soit de calculer la prestation complémentaire du bénéficiaire une fois avec et une fois sans l'enfant en question puis de comparer ces résultats. Si du calcul global (avec cet enfant) il résulte une prestation d'un montant supérieur à celui qui est déterminé sans tenir compte de cet enfant, ce dernier reste englobé dans le calcul. Dans le cas contraire, il reste exclu du calcul. Lors du calcul sans l'enfant, ses revenus (rente pour enfant ou d'orphelin, allocation pour enfant et contribution d'entretien pour l'enfant en question, son revenu d'activité lucrative, sa fortune) et ses dépenses (son montant pour la couverture des besoins vitaux, sa prime moyenne cantonale, sa part de loyer) sont exclus du calcul (MICHEL VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, 2015, n° 51 s. ad art. 9 LPC; cf. également ch. 3124.05 et 3124.06 des Directives concernant les prestations complémentaires à l'Assurance-vieillesse, survivants et invalidité [DPC], état au 1er janvier 2022).
5.
La juridiction cantonale a retenu que la contribution d'entretien (10'260 fr. par année) représentait un revenu pour la recourante 2. En tant qu'il s'agissait d'une contribution à charge du père de l'enfant et non de la mère, la recourante 1 ne pouvait s'en prévaloir en tant que dépense. Le fait que la contribution a été versée à la commune de U.________ n'y changeait rien. Les juges cantonaux ont en outre constaté qu'en procédant aux calculs comparatifs (une fois avec et une fois sans l'enfant), la prestation complémentaire de la recourante 1 était plus élevée si elle était calculée sans sa fille, dès lors que la recourante 2 présentait un excédent de revenus selon les décisions de l'intimée.
6.
6.1. Liminairement, les recourantes se plaignent d'un établissement inexact des faits par la juridiction cantonale. Elles font valoir qu'avant décembre 2022, la pension alimentaire n'a jamais été reçue par la recourante 1, les premiers juges ayant retenu à tort que cette dernière la percevait avant de la reverser à la commune de U.________. À l'appui de leur argumentation, elles produisent des relevés bancaires afférents à cette période en annexe à l'acte de recours. L'exception prévue à l'art. 99 al. 1 LTF (cf. consid. 2 supra) n'étant pas réalisée - ce que les recourantes ne prétendent d'ailleurs pas -, il y a lieu d'écarter d'emblée les pièces y relatives, dans la mesure où elles n'ont pas été produites devant la juridiction cantonale. En tout état de cause, les recourantes ne contestent pas l'existence de la pension alimentaire en faveur de la fille. Elles ne démontrent au demeurant pas en quoi l'état de fait corrigé influerait sur l'issue du litige. Insuffisamment motivé, le grief doit être écarté.
6.2. Les recourantes s'en prennent à la motivation de la juridiction cantonale portant sur la contribution d'entretien, arguant que celle-ci devrait être prise en considération, en vertu du droit fédéral, tant dans les revenus déterminants (art. 11 al. 1 let. h LPC) que dans les dépenses reconnues (art. 10 al. 3 let. e LPC). Du fait qu'elles ne percevaient pas cette contribution d'entretien - versée à la commune de U.________ avant décembre 2022 -, il s'agirait, selon elles, forcément d'une dépense. Procédant ensuite à leur propre calcul comparatif, les recourantes concluent que le calcul global (avec la fille) est plus avantageux que celui de la recourante 1 seule.
6.2.1. Contrairement à l'opinion des recourantes, la contribution d'entretien en question n'est pas une dépense reconnue au sens de l'art. 10 al. 3 let. e LPC, à teneur duquel sont reconnues comme dépenses, pour toutes les personnes, les pensions alimentaires versées en vertu du droit de la famille. En effet, il n'est pas contesté que la prestation d'entretien était versée par le père. La recourante 1 n'étant pas débitrice de cette prestation, elle ne peut être prise en compte comme une dépense reconnue.
Au surplus, il est établi - et non contesté - que les recourantes étaient au bénéfice de l'aide sociale jusqu'au 30 novembre 2022. La contribution d'entretien était versée par le Service cantonal d'avance et recouvrement des pensions alimentaires (ARPA) et remise à la commune de U.________, sur la base d'une cession établie par le Service de l'action sociale. Ainsi que l'a relevé la juridiction cantonale, et avant elle l'intimée, le fait que la prestation d'entretien a été versée, durant un temps, à la commune de U.________, pour compenser les prestations d'aide sociale qu'elle allouait, n'en fait pas une obligation financière de la recourante 1. Partant, conformément à l'art. 11 al. 1 let. h LPC, la prestation d'entretien versée par le père s'inscrit uniquement dans les revenus déterminants de la recourante 2, en tant que bénéficiaire. Il s'ensuit que mal fondé, le grief doit être rejeté.
6.2.2. Il reste à examiner si la recourante 2 doit être prise en compte dans le calcul des prestations complémentaires, pour la période de juillet à novembre 2022.
Selon les constatations de la cour cantonale, les revenus déterminants de la recourante 2 dépassent ses dépenses reconnues. Il en découle que la prise en compte de la fille dans le calcul global a pour effet de diminuer le droit à la prestation complémentaire de la recourante 1. Il est donc plus favorable pour les recourantes de ne pas tenir compte de l'enfant dans le calcul (art. 8 al. 2 OPC-AVS/AI). Au demeurant, le calcul global (avec la fille) opéré par les recourantes ne leur serait pas plus favorable. En effet, même à retenir les éléments de calcul avancés dans l'acte de recours, sans tenir compte - comme on vient de le voir (cf. consid. 6.2 supra) - de la pension d'entretien qui ne peut être reconnue comme dépense, le calcul global est moins favorable que le calcul sans la fille. L'excédent de dépenses serait, selon les chiffres allégués, de 9'458 fr. dans le calcul global alors qu'il serait de 15'512 fr. dans le calcul de la recourante 1 seule.
On ajoutera enfin que les recourantes ne soutiennent pas - et il n'apparaît pas non plus - que les besoins vitaux que la pension alimentaire est censée couvrir ne seraient pas déjà pris en compte dans les dépenses reconnues.
7.
Vu ce qui précède, le recours est mal fondé.
8.
Les frais afférents à la présente procédure seront supportés par les recourantes qui succombent (art. 66 al. 1 LTF). Elles ont cependant déposé une demande d'assistance judiciaire visant à la dispense des frais de justice. Dès lors que les conditions d'octroi en son réalisées (art. 64 al. 1 LTF), l'assistance judiciaire - portant uniquement sur le paiement des frais judiciaires - leur est accordée. Les recourantes sont rendues attentives au fait qu'elles devront rembourser la caisse du Tribunal fédéral si elles retrouvent ultérieurement une situation financière leur permettant de le faire (art. 64 al. 4 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
L'assistance judiciaire, limitée aux frais de justice, est accordée aux recourantes.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge des recourantes. Ils sont toutefois supportés provisoirement par la caisse du Tribunal fédéral.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 18 septembre 2024
Au nom de la IVe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Wirthlin
La Greffière : Barman Ionta