Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_426/2023
Arrêt du 19 septembre 2024
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président,
Haag, Müller, Merz et Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffière : Mme Tornay Schaller.
Participants à la procédure
1. Lionel Dugerdil,
2. Union Démocratique du Centre, Genève (UDC GE),
tous les deux représentés par
Mes Romain Jordan et Stéphane Grodecki, avocats,
recourants,
contre
Conseil d'État du canton de Genève.
Objet
Initiative populaire cantonale IN 188 "OUI au recyclage des déchets non biodégradables",
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre constitutionnelle, du 26 juin 2023 (A/563/2023-INIT ACST/27/2023).
Faits :
A.
Par arrêté du 21 septembre 2022, le Conseil d'État du canton de Genève (ci-après: le Conseil d'État) a constaté l'aboutissement de l'initiative populaire cantonale intitulée "OUI au recyclage des déchets non biodégradables" (ci-après: l'initiative ou l'IN 188). Cette initiative constitutionnelle porte sur l'introduction d'un art. 161A dans la Constitution du 14 octobre 2012 du canton de Genève (Cst./GE; RS/GE A 2 00). La teneur de ce nouvel article est la suivante:
Art. 161A Mâchefers et matériaux bioactifs (nouveau)
1 Dans la mesure permise par le droit fédéral, l'implantation de nouvelles décharges visant au stockage des mâchefers d'incinération et d'autres matériaux bioactifs est interdite sur le territoire du canton.
2 L' État s'efforce de prendre toutes les mesures visant au recyclage ou à la valorisation des mâchefers d'incinération et d'autres matériaux bioactifs, en veillant au respect de la santé de la population et de l'environnement.
Selon l'exposé des motifs, l'IN 188 vise notamment à sauver les terres agricoles (en interdisant l'enfouissement de mâchefers et de matériaux bioactifs, en interdisant le bétonnage et le goudronnage des terrains agricoles, en augmentant massivement et rapidement le taux d'autosuffisance alimentaire et en sécurisant un approvisionnement de denrées alimentaires de proximité et de qualité); elle tend aussi à sauver la biodiversité, les eaux, les paysages et à développer l'économie circulaire.
B.
La Chancellerie d'État du canton de Genève a invité le comité d'initiative ainsi que l'Office fédéral de l'environnement à se déterminer sur la conformité au droit supérieur et sur l'exécutabilité de l'IN 188.
Par arrêté du 18 janvier 2023, le Conseil d'État a partiellement invalidé l'IN 188 et supprimé l'al. 1 de l'art. 161A Cst./GE projeté pour non-conformité au droit supérieur et inexécutabilité.
C.
Lionel Dugerdil et l'Union Démocratique du Centre - Genève (UDC GE) ont interjeté un recours auprès de la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) contre l'arrêté du 18 janvier 2023, concluant à son annulation et à ce que l'intégralité du texte de l'IN 188 soit déclarée valable. Par arrêt du 26 juin 2023, la Cour de justice a rejeté le recours. Elle a considéré en substance que l'art. 161A al. 1 Cst./GE projeté était contraire au droit supérieur.
D.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, Lionel Dugerdil et l'UDC GE demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 26 juin 2023 et de le réformer en ce sens que l'IN 188 est entièrement valable.
Invitée à se déterminer, la Cour de justice s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Conseil d'État persiste dans son arrêté du 18 janvier 2023 ainsi que dans les observations formulées devant la cour cantonale. L'Office fédéral de l'environnement (OFEV) dépose des observations. Les recourants répliquent.
Considérant en droit :
1.
Selon l'art. 82 let. c LTF, le Tribunal fédéral connaît des recours qui concernent le droit de vote des citoyens ainsi que les élections et votations populaires. Le recours est formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d et 88 al. 2 LTF).
La qualité pour recourir dans le domaine des droits politiques appartient à toute personne disposant du droit de vote dans l'affaire en cause (art. 89 al. 3 LTF), même si elle n'a aucun intérêt juridique personnel à l'annulation de l'acte attaqué (ATF 138 I 171 consid. 1.3). La qualité pour agir de Lionel Dugerdil, citoyen genevois et président du comité d'initiative, est ainsi indiscutable. Elle doit aussi être reconnue à l'UDC GE en tant que parti politique qui a lancé l'initiative (ATF 147 I 206 consid. 2.5). Il y a donc lieu d'entrer en matière.
2.
Les recourants font grief à la Cour de justice d'avoir jugé que l'art. 161A al. 1 Cst./GE projeté était contraire au droit supérieur. Ils lui reprochent d'avoir invalidé l'art. 161A al. 1 Cst./GE projeté uniquement en procédant à une interprétation littérale, alors qu'une interprétation systématique permettrait une interprétation conforme au droit supérieur.
2.1. Une initiative populaire cantonale, quelle que soit sa formulation, doit respecter les conditions matérielles qui lui sont imposées. Elle ne doit, en particulier, rien contenir de contraire au droit supérieur, qu'il soit cantonal, intercantonal, fédéral ou international. En vertu du principe de la primauté du droit fédéral ancré à l'art. 49 al. 1 Cst., les cantons ne sont pas autorisés à légiférer dans les matières exhaustivement réglementées par le droit fédéral. Dans les autres domaines, ils peuvent édicter des règles de droit, pour autant qu'elles ne violent ni le sens, ni l'esprit du droit fédéral et qu'elles n'en compromettent pas la réalisation (ATF 143 I 129 consid. 2.1; arrêt 1C_297/2021 du 4 janvier 2022 consid. 2).
À teneur de l'art. 60 al. 4 Cst./GE, l'initiative, dont une partie n'est pas conforme au droit, est déclarée partiellement nulle si la ou les parties qui subsistent sont en elles-mêmes valides.
2.2. Pour examiner la validité matérielle d'une initiative, la première règle d'interprétation est de prendre pour point de départ le texte de l'initiative, qu'il faut interpréter selon sa lettre et non pas selon la volonté des initiants. Il peut être tenu compte d'une éventuelle motivation de l'initiative et des prises de position de ses auteurs. Bien que l'interprétation repose en principe sur le libellé, une référence à la motivation de l'initiative n'est pas exclue si elle est indispensable à sa compréhension. La volonté des auteurs doit être prise en compte, à tout le moins, dans la mesure où elle délimite le cadre de l'interprétation de leur texte et du sens que les signataires ont pu raisonnablement lui attribuer (cf. ATF 149 I 291 consid. 3.3; 147 I 183 consid. 6.2; 143 I 129 consid. 2.2 et les arrêts cités).
Lorsque, à l'aide des méthodes reconnues, le texte d'une initiative se prête à une interprétation la faisant apparaître comme conforme au droit supérieur, elle doit être déclarée valable et être soumise au peuple. L'interprétation conforme doit ainsi permettre d'éviter autant que possible les déclarations d'invalidité. Tel est le sens de l'adage "in dubio pro populo", selon lequel un texte n'ayant pas un sens univoque doit être interprété de manière à favoriser l'expression du vote populaire. Cela découle également du principe de la proportionnalité ( art. 34 et 36 al. 2 et 3 Cst. ), selon lequel une intervention étatique doit porter l'atteinte la plus restreinte possible aux droits des citoyens. Les décisions d'invalidation doivent autant que possible être limitées, en retenant la solution la plus favorable aux initiants (ATF 149 I 291 consid. 3.3; 143 I 129 consid. 2.2 et les arrêts cités).
Cela étant, la marge d'appréciation de l'autorité de contrôle est évidemment plus grande lorsqu'elle examine une initiative non formulée que lorsqu'elle se trouve en présence d'une initiative rédigée de toutes pièces, sous la forme d'un acte normatif. Cependant lorsque, de par son but même ou les moyens mis en oeuvre, le projet contenu dans une telle initiative ne pourrait être reconnu conforme au droit supérieur que moyennant l'adjonction de réserves ou de conditions qui en modifient profondément la nature, une telle interprétation entre en conflit avec le respect, fondamental, de la volonté des signataires de l'initiative et du peuple appelé à s'exprimer; la volonté de ce dernier ne doit pas être faussée par la présentation d'un projet qui, comme tel, ne serait pas constitutionnellement réalisable (ATF 143 I 129 consid. 2.2 et les arrêts cités).
2.3. En l'espèce, il convient d'examiner si l'initiative litigieuse est conforme au droit supérieur, notamment à l'art. 31a de la loi du 7 octobre 1983 sur la protection de l'environnement (LPE; RS 814.01). Les recourants soutiennent que la cour cantonale a fait une interprétation trop extensive de l'art. 31a LPE en jugeant que la position de principe imposée au canton de Genève de ne pas construire de décharge pour stocker les mâchefers et les autres matériaux bioactifs était contraire au droit supérieur. Ils allèguent que le droit fédéral n'interdirait pas à un canton de soutenir, de manière systématique, que son territoire, urbain comme à Genève, n'est pas favorable à la création de nouvelles installations; la question de savoir s'il est possible de se tourner vers les autres cantons serait une question de nature politique et non de validité de l'initiative.
2.3.1. Selon l'art. 30 LPE, la production de déchets doit être limitée dans la mesure du possible (al. 1); les déchets doivent être valorisés dans la mesure du possible (al. 2); ceux-ci doivent être éliminés d'une manière respectueuse de l'environnement et, pour autant que cela soit possible et approprié, sur le territoire national (al. 3). Ce dernier principe vaut au plan national, mais ne s'applique pas au plan cantonal où l'art. 31a LPE prescrit, au contraire, de collaborer et de planifier la gestion ainsi que l'élimination des déchets au-delà des frontières cantonales (arrêt 2C_139/2009 du 13 août 2009 consid. 5.2 et la référence citée).
L'art. 31 al. 1 LPE prévoit que les cantons planifient la gestion de leurs déchets en définissant, notamment, leurs besoins en installations d'élimination des déchets, en évitant les surcapacités et en fixant les emplacements de ces installations. Le plan de gestion des déchets comprend, notamment, les besoins en volume de stockage définitif et les sites des décharges (art. 4 al. 1 let. d de l'ordonnance du 4 décembre 2015 sur la limitation et l'élimination des déchets [OLED; RS 814.600]). Les cantons se consultent pour établir leurs plans de gestion des déchets et définissent, au besoin, des régions de planification supracantonales (art. 4 al. 2 OLED). L'obligation de planifier porte sur tous les déchets tombant dans le champ d'application de la LPE. Les dispositions prises par la planification cantonale ne doivent pas aller à l'encontre des règles supérieures, en vertu du principe de la primauté et du respect du droit fédéral (art. 49 Cst.; ALEXANDRE FLÜCKIGER, in Moor/Favre/Flückiger [éd.], Loi sur la protection de l'environnement (LPE), 2010, ad art. 31 LPE, n. 27).
Le plan de gestion des déchets définit les besoins en capacité de traitement des déchets, tout en tenant compte d'une capacité de réserve suffisante pour le cas où l'exploitation de l'une ou de plusieurs de ces installations serait interrompue, ainsi que les besoins en volume de stockage définitif pour les vingt années à venir, notamment pour les mâchefers et les résidus stabilisés, le but général étant de procéder à une évaluation plausible des besoins réels. Les notions de capacité et de besoin ne doivent pas être évaluées dans le cadre local seulement, mais doivent être estimées à un niveau régional plus large, dans le cadre du devoir de collaboration intercantonal, en particulier pour les décharges, lesquelles doivent être planifiées sur une base régionale (FLÜCKIGER,
op. cit., ad art. 31 LPE, n. 43 et 46).
2.3.2. L'art. 31a LPE prévoit que les cantons collaborent en matière de planification de la gestion des déchets et en matière d'élimination; ils évitent les surcapacités en installations d'élimination de déchets (al. 1). Si les cantons ne parviennent pas à se mettre d'accord, ils proposent des solutions à la Confédération, laquelle, si la médiation n'aboutit pas, peut leur ordonner (al. 2) : de définir pour les installations de traitement, de valorisation ou de stockage définitifs des zones d'apport des déchets (let. a); d'arrêter des emplacements pour la construction d'installations d'élimination des déchets (let. b); de mettre à la disposition d'autres cantons des installations d'élimination des déchets appropriées en réglant, le cas échéant, la répartition des frais (let. c).
La collaboration implique, en particulier, de participer activement et de manière constructive, à la recherche de solutions communes et exige une consultation mutuelle avant la décision définitive sur la solution. Une attitude d'opposition systématique de la part d'un canton serait contraire à l'exigence de collaboration (FLÜCKIGER,
op. cit., ad art. 31a LPE, n. 4). Le Tribunal fédéral a ainsi confirmé l'invalidation pour non-conformité au droit supérieur d'une initiative populaire cantonale demandant l'adoption d'une loi qui, dans le cadre du droit fédéral et du droit constitutionnel cantonal, obligerait les autorités cantonales à mettre en oeuvre tous les moyens juridiques et politiques à disposition pour empêcher l'aménagement de décharges pour déchets spéciaux sur le territoire cantonal jusqu'à ce que soit mis sur pied un concept fédéral conforme aux exigences de la protection de l'environnement; la mise en oeuvre de tous les moyens juridiques pour empêcher les installations de traitement de déchets dangereux oblige les autorités cantonales à adopter d'emblée une attitude négative; le canton abuserait de sa compétence s'il mettait en danger ou rendait impossible l'exécution d'une tâche commandée par un intérêt public important (ATF 117 Ia 147 consid. 5b).
Si les cantons ne parviennent pas à un accord, un mécanisme doublement subsidiaire est instauré. La Confédération intervient ainsi, dans un premier temps, à titre de médiatrice, après que les cantons ont proposé des solutions. Si la médiation fédérale échoue, le Conseil fédéral peut alors ordonner aux cantons, dans un deuxième temps, de définir des zones d'apport, d'arrêter des emplacements et de mettre à disposition d'autres cantons les installations appropriées (cf. art. 31a al. 2 LPE). La loi prévoit ainsi trois compétences spécifiques en cas d'échec de la médiation, qui concrétisent les compétences fédérales en matière de surveillance. Dans ces trois hypothèses, le Conseil fédéral ne dispose que de la compétence d'ordonner aux cantons de prendre des mesures, sans qu'il s'agisse d'une décision. Les procédures cantonales pour le choix des sites ou des zones d'apport continuent de s'appliquer. Ces trois moyens ne sont pas limitatifs. Le Conseil fédéral peut user de sa compétence générale de surveillance (art. 38 LPE) pour ordonner d'autres mesures en cas de conflit intercantonal (FLÜCKIGER,
op. cit., ad art. 31a LPE, n. 13 et 18; cf. aussi PIERRE TSCHANNEN, Kommentar zum Umweltschutzgesetz, 2e éd., 2002, ad art. 31a LPE, n. 16 ss).
2.3.3. L'OFEV avait indiqué dans ses observations au Conseil d'État en novembre 2022 que "rien ne s'opposait à [l'] interdiction [de créer de nouvelles décharges de type D sur le territoire cantonal], pour autant que le canton assure son obligation d'éliminer les déchets urbains. Nous doutons toutefois que ce nouvel article constitutionnel puisse être mis en oeuvre de cette manière et nous ne savons pas dans quelle mesure il est judicieux au vu de la situation actuelle". Dans ses déterminations devant le Tribunal de céans, l'OFEV rappelle que "la situation environnementale doit être considérée dans son ensemble pour toute la Suisse. Les possibilités du canton et la collaboration intercantonale (art. 31a LPE) seraient en effet massivement restreintes par une telle disposition constitutionnelle cantonale non conforme au droit fédéral".
2.3.4. L'art. 161A al. 1 Cst./GE projeté vise à interdire sur le territoire cantonal l'implantation de toute nouvelle décharge pour le stockage des mâchefers d'incinération et d'autres matériaux bioactifs (ce qui correspond aux décharges de type D selon l'art. 35 al. 1 let. d OLED).
L'art. 30 al. 3 LPE, qui prévoit l'élimination des déchets sur le territoire national, n'est pas transposable au niveau des cantons, lesquels ne sont ainsi pas tenus d'éliminer leurs déchets sur leur territoire, mais doivent collaborer entre eux. Le droit fédéral leur impose, toutefois, une obligation de planification de la gestion de leurs déchets, en définissant leurs besoins en installations d'élimination des déchets, en évitant les surcapacités et en fixant les emplacements de ces installations (art. 31 al. 1 LPE). Selon l'art. 31a LPE, cette planification doit s'effectuer en collaboration avec les autres cantons.
L'art. 161A al. 1 Cst./GE projeté n'empêche pas le canton de Genève de planifier la gestion de ses déchets. Il entrave cependant sérieusement la collaboration entre les cantons, telle que prévue par l'art. 31a LPE. En effet, l'art. 161A al. 1 Cst./GE projeté obligerait systématiquement le canton à répondre défavorablement aux demandes des autres cantons en matière de stockage des mâchefers, le plaçant dans la situation dans laquelle il aurait unilatéralement décidé de ne pas créer de nouvelle décharge de type D alors que celle existante se trouve en fin d'exploitation et que, comme l'a indiqué l'OFEV, un recyclage à 100 % des mâchefers n'est, en l'état de la technique, pas possible. La question est de savoir si un canton qui refuserait systématiquement et unilatéralement de stocker sur son territoire les déchets envisagés, y compris ceux des autres cantons qui le lui demanderaient, pourrait encore être considéré comme ouvert à la collaboration intercantonale requise par le droit fédéral. Tel n'est pas le cas, puisque le canton de Genève ne pourrait plus participer activement à la recherche de solutions communes, ce qui serait contraire au droit fédéral et nécessiterait alors l'intervention systématique de la Confédération, alors que ladite intervention n'est conçue que de manière subsidiaire.
En effet, la procédure de conciliation de la Confédération selon l'art. 31a al. 2 LPE n'intervient qu'à titre subsidiaire; la collaboration entre les cantons selon l'art. 31a al. 1 LPE reste le principal moyen de coordonner les planifications cantonales en matière de déchets et les systèmes d'élimination. La procédure de conciliation a donc pour mission de résoudre les conflits que les cantons concernés ne peuvent plus régler par leurs propres moyens. Le Conseil fédéral ne peut en effet être sollicité qu'en cas de divergences insurmontables. La collaboration entre les cantons doit avoir échoué de manière avérée et il doit s'agir d'une collaboration au cours de laquelle des solutions et des alternatives ont été sérieusement négociées (TSCHANNEN,
op.cit. ad art. 31a LPE, n. 19-20).
L'interdiction d'implanter de nouvelles décharges visant au stockage des mâchefers d'incinération et autres matériaux bioactifs sur le territoire cantonal n'est par conséquent pas conforme à l'art. 31a LPE.
2.3.5. Il y a lieu ensuite d'examiner si l'initiative peut être interprétée de manière conforme à la Constitution. Les recourants prétendent que l'IN 188 devrait s'interpréter comme un tout, en nuançant le principe de l'interdiction de l'al. 1 par l'objectif général de l'al. 2, qui est de prendre toutes les mesures tendant au recyclage ou à la valorisation des déchets visés par l'initiative, afin d'éviter l'implantation de nouvelles décharges. Ils soutiennent que la locution "dans la mesure permise par le droit fédéral" indiquerait que les initiants n'ont pas voulu imposer une interdiction absolue d'une décharge.
Le texte de l'initiative comprend toutefois le terme "est interdite". Il est dès lors difficile de s'en écarter pour concevoir l'initiative non pas comme une interdiction de nouvelle décharge mais comme une invitation faite aux autorités pour favoriser le recyclage afin d'éviter de devoir créer une nouvelle décharge. En effet, l'initiative est rédigée de toutes pièces sous la forme d'un acte normatif, ce qui laisse peu de marge d'interprétation. De plus, l'argumentaire des initiants se rapporte majoritairement à l'installation de nouvelles décharges et de ses éventuelles conséquences sur la nature. Le verbe "interdire" est utilisé deux fois dans l'exposé des motifs, qui explique que, pour la sauvegarde des terres agricoles, il convient d'interdire l'enfouissement de mâchefers et de matériaux bioactifs, de même que le bétonnage et le goudronnage des terres agricoles.
La locution "dans la mesure permise par le droit fédéral" figurant au début de l'alinéa 1 de l'art. 161A Cst./GE projeté ne suffit pas à rendre le texte compatible avec le droit supérieur. En effet, cette locution ne peut être qualifiée de réserve implicite permettant de construire une installation si la Confédération l'ordonne au canton de Genève en application de l'art. 31a al. 2 LPE car la compétence de la Confédération est subsidiaire dans ce domaine (voir
supra consid. 2.3.4; cf. aussi ATF 117 Ia 147 consid. 5a et b).
Par conséquent, l'IN 188 ne se prête pas à une interprétation la faisant apparaître comme conforme au droit supérieur.
3.
Il s'ensuit que le recours est rejeté, aux frais des recourants, qui succombent ( art. 65 et 66 al. 1 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 francs, sont mis à la charge des recourants.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants, au Conseil d'État du canton de Genève, à la Cour de justice du canton de Genève (Chambre constitutionnelle) et à l'Office fédéral de l'environnement.
Lausanne, le 19 septembre 2024
Au nom de la I re Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Kneubühler
La Greffière : Tornay Schaller