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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_618/2022  
 
 
Arrêt du 20 avril 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Müller, Juge présidant, 
Chaix et Kölz. 
Greffière : Mme Nasel. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Pierre Charpié, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Eric Cottier, Procureur général du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD, 
intimé. 
 
Objet 
Procédure pénale; récusation, 
 
recours contre la décision de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 5 octobre 2022 (727 - PE22.014624-ECO). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Selon décision du 20 janvier 2020 de la Justice de paix du district de l'Ouest lausannois, A.________ se trouve au bénéfice d'une curatelle de coopération. Dans ce cadre, son curateur a pour tâche, en matière d'affaires juridiques, de consentir ou non à tout acte du prénommé devant toute autorité judiciaire. 
Le 21 septembre 2021, A.________ a déposé plainte pénale contre B.________, Premier Procureur du Ministère public de l'arrondissement [...], pour "entrave à l'action de la justice". Après avoir fait l'objet d'une procédure en fixation de for, la cause a été reprise par avis du 11 août 2022, adressé au plaignant sous la signature du (ci-après le Procureur général). A.________ a demandé la récusation de ce dernier par lettre du 26 août 2022. Le Procureur général s'y est opposé et a transmis la cause à la Chambre de recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après la Chambre pénale ou la cour cantonale). 
Par acte du 29 septembre 2022, le curateur de A.________ a indiqué qu'il refusait de ratifier la demande de récusation. 
 
B.  
Par décision du 5 octobre 2022, communiquée aux parties par pli du 1 er novembre 2022, la Chambre pénale a déclaré irrecevable la demande de récusation déposée par A.________ et a mis à la charge de ce dernier les frais de la décision par 550 francs.  
Agissant en personne par un acte daté du 5 décembre 2022, A.________ forme un recours contre cette décision. Il conclut à l'admission de son recours et à la constatation qu'il a le droit de défendre ses intérêts devant les autorités judiciaires. Il sollicite en outre la récusation du Procureur général. 
Agissant en qualité de curateur de représentation provisoire du recourant dans le cadre de la présente procédure par acte daté du 2 décembre 2022, Pierre Charpié conclut à titre principal à ce que l'arrêt attaqué soit réformé en ce sens qu'il soit constaté que, faute de ratification par le curateur de coopération, la demande de récusation est inexistante, la cause devant être radiée du rôle sans frais. A titre subsidiaire, il conclut en substance à la confirmation de l'arrêt attaqué, sous réserve des frais qui doivent être laissés à la charge de l'Etat. Il sollicite par ailleurs que A.________ soit mis au bénéfice de l'assistance judiciaire. 
Dans ses observations, la Chambre pénale a déclaré s'en remettre à justice s'agissant du recours déposé par Pierre Charpié, tout en indiquant que la décision du 29 novembre 2022 d'instituer une curatelle de représentation pour la présente procédure faisait l'objet d'un recours de la part de A.________; cette cause était pendante auprès de la Chambre des curatelles du Tribunal cantonal. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. La décision attaquée constitue une décision incidente notifiée séparément et porte sur une demande de récusation déposée dans le cadre d'une procédure pénale (art. 92 al. 1 LTF), de sorte qu'elle peut en principe faire l'objet d'un recours immédiat en matière pénale au Tribunal fédéral, selon l'art. 78 al. 1 LTF. En outre, tant le recours de A.________, qui a réceptionné l'arrêt cantonal le 7 novembre 2022, que celui de son curateur ont été interjetés en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue par une autorité cantonale statuant en tant que dernière instance (art. 80 al. 1 LTF).  
 
1.2. La question de savoir si et dans quelle mesure le recourant a qualité pour recourir seul au Tribunal fédéral au regard de la mesure de curatelle de coopération dont il fait l'objet n'a pas besoin d'être tranchée en l'espèce, du moment que son recours est de toute manière irrecevable (cf. infra consid. 2).  
 
1.3. S'agissant du recours déposé par le curateur de A.________, il tend à la réforme de la décision entreprise en ce sens que la cause de récusation est rayée du rôle sans frais. En ce sens, le recours est recevable au regard de l'art. 92 LTF.  
 
2.  
 
2.1. Selon l'art. 42 al. 2 LTF, les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit. Pour satisfaire à cette exigence, il appartient à la partie recourante de discuter au moins brièvement les considérants de la décision litigieuse et d'expliquer en quoi ceux-ci seraient contraires au droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1). Les griefs de violation des droits fondamentaux sont en outre soumis à des exigences de motivation accrues (art. 106 al. 2 LTF), la partie recourante devant alors citer les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés (ATF 148 I 127 consid. 4.3). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les griefs insuffisamment motivés ou sur les critiques de nature appellatoire (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1).  
 
2.2. En l'espèce, la Chambre pénale a considéré que la cause en récusation du Procureur général ne mettait pas en jeu des droits strictement personnels, de sorte que le recourant n'avait pas la qualité au sens de l'art. 58 al. 1 CPP pour demander une telle récusation; la demande était irrecevable pour ce motif déjà. Elle a ensuite relevé que la demande de récusation était tardive, le recourant n'ayant pas présenté sa demande de récusation en temps utile. De toute manière, le motif de fond avancé par le recourant n'était pas de nature à fonder une suspicion de partialité, de sorte que le recours aurait de toute manière dû être rejeté.  
 
2.3. Dans son écriture déposée personnellement, le recourant ne s'en prend pas à cette argumentation. Il fait valoir, de façon peu compréhensible, qu'il serait injustement privé de l'exercice de ses droits civils et remet en cause la validité des décisions prises à son égard. Ces critiques n'exposent pas en quoi le droit aurait été violé et ne répondent pas aux exigences minimales de motivation prévues à l'art. 42 LTF. En outre, aucune critique n'est dirigée contre la motivation - indépendante de la précédente - liée à la tardiveté de la demande de récusation (cf. ATF 142 III 364 consid. 2.4).  
Pour ces motifs, l'écriture formée par l'intéressé en personne doit être déclarée irrecevable. 
 
3.  
 
3.1. Le curateur de A.________ dénonce dans son recours une violation de l'art. 59 al. 4 CPP. A le suivre, en l'absence de ratification par ses soins de la demande de récusation, celle-ci n'aurait pas d'existence juridique, de sorte que la cause aurait dû être rayée du rôle.  
 
3.2. La personne sous curatelle de coopération voit sa capacité civile active restreinte par rapport aux actes énumérés dans la décision de l'autorité de protection, l'exercice de ses droits civils étant limité de plein droit par rapport à ces actes (art. 396 CC). Pour ces actes, la personne concernée ne peut agir qu'avec le consentement du curateur de coopération (art. 396 al. 1 CC), étant précisé que la curatelle de coopération ne peut en principe pas porter sur des actes relevant de l'exercice des droits strictement personnels au sens de l'art. 19c CC. Selon la jurisprudence, en l'absence de droits strictement personnels et à défaut de consentement, l'acte de la personne concernée n'est pas inexistant, mais boiteux (arrêt 5A_750/2022 du 21 décembre 2022 consid. 1.2 concernant le même recourant, et les références citées; cf. art. 19c CC). Sur le plan judiciaire, cela conduit à une décision d'irrecevabilité (arrêt 8C_583/2021 du 2 novembre 2021, également concernant le même recourant).  
 
3.3. Il n'est en l'occurrence pas contesté que la demande de récusation ne relevait pas de l'exercice de droits strictement personnels. Jusqu'à la décision du curateur de ne pas ratifier cet acte, celui-ci était dès lors boiteux. Contrairement à ce que soutient le curateur de manière péremptoire, cet acte avait une existence juridique - même provisoire - et une radiation du rôle de la Chambre pénale n'entrait pas en ligne de compte. C'est donc à juste titre que cette juridiction a rendu une décision d'irrecevabilité.  
 
4.  
 
4.1. Le curateur ajoute que l'un des buts de la mesure de curatelle de coopération est d'éviter d'aggraver inutilement la situation financière de la personne concernée. Dans cette perspective, il estime qu'une décision d'irrecevabilité - qui clôt la procédure sans examen du fond - aurait dû être rendue sans frais.  
 
4.2. En principe, il est admissible de percevoir de tels frais en cas de non entrée en matière sur un recours (cf. ATF 139 III 334 consid. 3.1). La règle s'applique aussi en matière de récusation (art. 59 al. 4 CPP), domaine où sont repris les principes énoncés à l'art. 428 al. 1 2ème phrase CPP pour la procédure de recours (ANDREAS J. KELLER, in DONATSCH/LIEBER/SUMMERS/WOHLERS [édit.], Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung [StPO], 3e éd. 2020, no 11 ad art. 59 CPP).  
Selon la jurisprudence, lorsqu'une personne incapable de discernement a causé des frais de procédure par un comportement objectivement illicite, ces frais peuvent être mis à sa charge si l'équité le justifie, conformément au principe de l'art. 54 al. 1 CO (ATF 113 Ia 76 consid. 1b; arrêt 1P.40/1992 du 18 août 1993 consid. 1). L'équité n'exige pas ici de mettre à la charge de A.________ - dont le but de la mesure de protection est de sauvegarder son patrimoine - les frais de la procédure de récusation. Il convient dès lors d'admettre le recours du curateur sur ce point et de réformer l'arrêt cantonal. 
 
5.  
Les considérants qui précèdent conduisent à l'irrecevabilité du recours déposé par A.________. 
S'agissant du recours du curateur, il est admis et l'arrêt cantonal réformé en ce sens qu'il est rendu sans frais. 
Le curateur obtient ainsi gain de cause en tant que les frais de la décision cantonale ne sont pas mis à la charge de A.________. Il a dès lors droit à des dépens pour la procédure fédérale, à la charge du canton de Vaud (art. 68 al. 1 LTF). La demande d'assistance judiciaire pour la présente procédure est par conséquent sans objet. Il n'y a en outre pas lieu de percevoir des frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours déposé par A.________ en personne est irrecevable. 
 
2.  
Le recours déposé par le curateur de A.________, Me Pierre Charpié, est partiellement admis. L'arrêt rendu le 5 octobre 2022 par la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud est réformé en ce sens qu'aucun frais n'est mis à la charge de A.________. 
 
3.  
Le canton de Vaud versera à Me Pierre Charpié un montant de 2'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
La demande d'assistance judiciaire est sans objet. 
 
5.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
6.  
Le présent arrêt est communiqué à A.________, à Me Pierre Charpié, au et à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 20 avril 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Müller 
 
La Greffière : Nasel