Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_1375/2023
Arrêt du 20 août 2024
Ire Cour de droit pénal
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Jacquemoud-Rossari, Présidente,
Denys et van de Graaf.
Greffière : Mme Klinke.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Loïc Parein, avocat,
recourant,
contre
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD,
intimé.
Objet
Opposition à une ordonnance pénale; fiction de notification (lésions corporelles simples),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal
du canton de Vaud, Chambre des recours pénale,
du 7 novembre 2023 (n° 911 PE23.005728-STL).
Faits :
A.
Par décision du 16 octobre 2023, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a constaté l'irrecevabilité de l'opposition formée par A.________ à l'encontre de l'ordonnance pénale rendue le 20 juillet 2023 par le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne.
B.
Par arrêt du 7 novembre 2023, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours interjeté par A.________ contre cette décision.
La cour cantonale a en substance retenu les faits suivants.
B.a. À Lausanne, le 24 novembre 2022, à la suite d'un litige routier, A.________ est sorti de son véhicule, s'est dirigé vers B.________ qui se trouvait au volant de sa voiture et dont la fenêtre était abaissée et, en rentrant quasiment sa tête dans l'habitacle, lui a asséné un coup de poing au niveau du nez, occasionnant une plaie ouverte d'environ deux centimètres au niveau du nez, qui a nécessité deux points de suture. Le 5 décembre 2022, B.________ a déposé plainte pénale contre A.________.
B.b. Le 2 mars 2023, A.________ a été entendu par la police en qualité de prévenu dans le cadre de la procédure pénale ouverte à son encontre pour lésions corporelles. Contestant les faits qui lui étaient reprochés, il a lui-même déposé plainte pénale contre B.________ le lendemain, le 3 mars 2023.
B.c. Par ordonnance du 20 juillet 2023, le ministère public n'est pas entré en matière sur la plainte de A.________.
Par ordonnance pénale du même jour, le ministère public a reconnu A.________ coupable de lésions corporelles simples et l'a condamné à une peine pécuniaire de 45 jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 80 fr., avec sursis et délai d'épreuve de 3 ans et à une amende de 720 francs. Cette ordonnance pénale a été envoyée à A.________ sous pli recommandé du même jour, lequel est venu en retour le 3 août 2023 avec la mention "non réclamé", le délai de garde étant arrivé à échéance le 28 juillet 2023. L'ordonnance précitée a été renvoyée à A.________ sous pli simple le 4 août 2023, munie de l'information que cet envoi ne faisait pas courir un nouveau délai pour former opposition. Le 9 août 2023, A.________ a formé opposition contre l'ordonnance pénale du 20 juillet 2023, en alléguant ne pas avoir pu s'opposer plus tôt, dès lors qu'il était parti en vacances et qu'il ne s'attendait pas à recevoir une décision.
C.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 7 novembre 2023. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt cantonal et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle instruction.
Considérant en droit :
1.
Le recourant conteste l'application de la fiction de notification prévue par l'art. 85 al. 4 let. a CPP. Il fait valoir qu'il avait contesté les faits lors de son audition par la police et déposé lui-même une plainte pénale, et que la période d'inactivité de l'autorité était excessive, de sorte qu'il ne devait pas s'attendre à ce qu'une ordonnance pénale lui soit notifiée près de 5 mois après son audition.
1.1. Conformément à l'art. 354 al. 1 let. a CPP, le prévenu peut former opposition contre l'ordonnance pénale devant le ministère public, par écrit et dans les dix jours. Le délai commence à courir le jour qui suit celui de la notification (art. 90 al. 1 CPP).
Selon l'art. 85 al. 4 let. a CPP, un prononcé est réputé notifié lorsque, expédié par lettre signature, il n'a pas été retiré dans les sept jours à compter de la tentative infructueuse de remise du pli, si la personne concernée devait s'attendre à une telle remise.
1.1.1. La personne concernée ne doit s'attendre à la remise d'un prononcé que lorsqu'il y a une procédure en cours qui impose aux parties de se comporter conformément aux règles de la bonne foi, à savoir de faire en sorte, entre autres, que les décisions relatives à la procédure puissent leur être notifiées (ATF 146 IV 30 consid. 1.1.2; arrêts 6B_201/2024 du 23 avril 2024 consid. 3; 6B_826/2023 du 26 octobre 2023 consid. 2.2). Le devoir procédural d'avoir à s'attendre avec une certaine vraisemblance à recevoir la notification d'un acte officiel naît avec l'ouverture d'un procès et vaut en principe pendant toute la durée de la procédure (ATF 130 III 396 consid. 1.2.3; arrêts 6B_880/2022 du 30 janvier 2023 consid. 2.1; 6B_1455/2021 du 11 janvier 2023 consid. 1.1), sous réserve d'une longue période d'inactivité de l'autorité (cf. infra 1.1.2). Il est admis que la personne concernée doit s'attendre à la remise d'un prononcé lorsqu'elle est au courant qu'elle fait l'objet d'une instruction pénale au sens de l'art. 309 CPP (ATF 146 IV 30 consid. 1.1.2; arrêts 7B_277/2023 du 19 septembre 2023 consid. 2.3.2; 6B_880/2022 précité consid. 2.1). Ainsi, un prévenu informé par la police d'une procédure préliminaire le concernant, de sa qualité de prévenu et des infractions reprochées, doit se rendre compte qu'il est partie à une procédure pénale et donc s'attendre à recevoir, dans ce cadre-là, des communications de la part des autorités, y compris un prononcé (arrêts 6B_880/2022 précité consid. 2.1; 6B_1455/2021 précité consid. 1.1; 6B_1083/2021 du 16 décembre 2022 consid. 5.2 non publié in ATF 149 IV 105).
1.1.2. De jurisprudence constante, celui qui se sait partie à une procédure judiciaire et qui doit dès lors s'attendre à recevoir notification d'actes du juge, est tenu de relever son courrier ou, s'il s'absente de son domicile, de prendre des dispositions pour que celui-ci lui parvienne néanmoins. À ce défaut, il est réputé avoir eu, à l'échéance du délai de garde, connaissance du contenu des plis recommandés que le juge lui adresse. Une telle obligation signifie que le destinataire doit, le cas échéant, désigner un représentant, faire suivre son courrier, informer les autorités de son absence ou leur indiquer une adresse de notification (ATF 146 IV 30 consid. 1.1.2; arrêt 6B_38/2024 du 4 juin 2024 consid. 1.4). Cette obligation s'apprécie en fonction des circonstances concrètes et ne perdure pas indéfiniment (arrêts 6B_201/2024 précité consid. 3; 6B_1085/2022 du 20 décembre 2023 consid. 3; 6B_826/2023 précité consid. 2.2).
Ainsi, à titre d'exemple, le Tribunal fédéral a admis que le prévenu devait s'attendre à recevoir un prononcé pénal plus de sept mois après son audition par la police ou la dernière communication de la police à l'intéressé, concernant son audition en qualité de prévenu (cf. arrêts 6B_1083/2021 précité consid. 5.3 non publié in ATF 149 IV 105, concernant une infraction de violation de domicile et 6B_324/2020 du 7 septembre 2020 consid. 1.5.2, concernant des infractions à la LCR). Dans une autre affaire concernant des infractions à la LCR, une période de onze mois d'inactivité entre un contrôle de police et la notification d'une ordonnance pénale a été considérée comme trop longue pour imputer au prévenu le défaut de mesures prises afin d'être joignable pendant son absence. Dans les circonstances concrètes, une période d'environ six mois a été jugée admissible (arrêt 6B_674/2019 du 19 septembre 2019 consid. 1.4.3; pour des périodes inférieures à 6 mois, cf. aussi arrêts 6B_1057/2022 du 30 mars 2023 consid. 1.3 s.; 6B_1085/2022 précité consid. 4.2; 6B_110/2016 du 27 juillet 2016 consid. 1.3 et 1.4 non publié in ATF 142 IV 286).
1.2. En l'espèce, la cour cantonale a rappelé que l'ordonnance pénale avait été notifiée un peu moins de cinq mois après l'audition du recourant par la police en qualité de prévenu. Elle a retenu que la fiction de notification prévue par l'art. 85 al. 4 let. a CPP pouvait s'appliquer, sans caractère excessif. Partant, le délai de dix jours pour former opposition avait commencé à courir le lendemain du délai de garde et était arrivé à échéance avant l'opposition du recourant, de sorte que celle-ci était tardive et donc irrecevable.
1.3. C'est en vain que le recourant prétend qu'il ne pouvait pas s'attendre à recevoir une ordonnance pénale. Comme l'a relevé la cour cantonale, le recourant a été entendu par la police en qualité de prévenu le 2 mars 2023 dans le cadre de l'instruction pénale ouverte à son encontre pour lésions corporelles. Il a alors été auditionné sur les circonstances de l'altercation survenue le 24 novembre 2022 et les lésions du plaignant. À cette occasion, il a accusé réception du formulaire précisant quels étaient ses droits et obligations à ce titre et mentionnant la réception de décisions dans le cadre de l'affaire en cause (art. 105 al. 2 LTF). Ce même formulaire évoquait la possibilité de faire appel à un défenseur, de sorte que le recourant ne peut se prévaloir du fait qu'il n'était pas assisté et qu'il n'avait pas de connaissances juridiques pour justifier qu'il ne pouvait pas s'attendre à la notification d'une ordonnance pénale. Au vu de l'ensemble de ces éléments, le recourant devait se rendre compte qu'il était partie à une procédure pénale et s'attendre à recevoir des communications de la part des autorités, y compris une ordonnance pénale. En outre, par le dépôt d'une contre-plainte et d'une participation active à la procédure, le recourant devait s'attendre, à plus forte raison, à se voir notifier des actes par les autorités (cf. en ce sens arrêt 6B_511/2010 du 13 août 2010 consid. 4).
Dans ces circonstances, c'est en vain que le recourant se plaint d'une période d'inactivité excessive de l'autorité, dans la mesure où l'ordonnance pénale a été notifiée moins de cinq mois après son audition en qualité de prévenu (cf. supra consid. 1.1). Par ailleurs, il ne saurait rien déduire en sa faveur de la nature de l'infraction en cause, qu'il qualifie de peu de gravité, étant rappelé que les lésions corporelles simples sont passibles d'une peine privative de liberté de trois ans au plus (cf. s'agissant d'une violation de domicile, arrêt 6B_1083/2021 précité consid. 5.3; et s'agissant d'infractions à la LCR susceptibles d'une même peine privative de liberté de trois ans au plus, arrêt 6B_674/2019 précité consid. 1.4.3; cf.
supra consid. 1.1.2). Enfin, le recourant ne saurait reprocher à la cour cantonale, sous couvert d'une violation de son droit d'être entendu, de ne pas avoir examiné la concomitance de l'ordonnance pénale et de l'ordonnance de non-entrée en matière, dès lors qu'il ne s'agit pas d'un élément pertinent en sa faveur, au contraire.
Il s'ensuit que la cour cantonale pouvait, sans violer le droit fédéral, considérer que les conditions d'une notification fictive au sens de l'art. 85 al. 4 let. a CPP étaient réalisées et dès lors confirmer l'irrecevabilité, pour cause de tardiveté, de l'opposition à l'ordonnance pénale du 20 juillet 2023.
Au surplus, il ne sera pas entré en matière sur les griefs du recourant dirigés contre l'ordonnance de non-entrée en matière du 20 juillet 2023, dès lors qu'ils ne concernent pas l'objet de la contestation portée devant le Tribunal fédéral (art. 80 al. 1 LTF, cf. ATF 142 I 155 consid. 4.4.2; arrêt 6B_1146/2023 du 13 mai 2024 consid. 4).
2.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale.
Lausanne, le 20 août 2024
Au nom de la Ire Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
La Greffière : Klinke