Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
8C_757/2023
Arrêt du 20 décembre 2024
IVe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Heine et Métral.
Greffière : Mme Betschart.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Maxime Darbellay, avocat,
recourant,
contre
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Division juridique, Fluhmattstrasse 1, 6002 Lucerne,
intimée.
Objet
Assurance-accidents (maladie professionnelle),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du Valais du 23 octobre 2023 (S2 20 74).
Faits :
A.
A.a. A.________, né en 1968, était employé depuis novembre 2009 comme soudeur par la société B.________ SA à C.________. À ce titre, il était assuré auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) contre le risque d'accident et de maladie professionnelle. Par déclaration de sinistre LAA du 19 juillet 2016, l'employeur a annoncé à la CNA des problèmes pulmonaires et une suspicion de maladie professionnelle.
Dans un rapport du 26 juillet 2016, le docteur D.________, spécialiste en médecine du travail et pneumologue auprès de l'Institut E.________, a exposé que l'assuré était soudeur de formation et travaillait en tant que tel depuis l'année 2000. Cette activité avait été interrompue durant deux ans en raison d'une greffe rénale (en 2003) et d'avril 2010 à janvier 2012 en raison d'un accident professionnel. Dans son activité auprès de B.________ SA, il réalisait des tâches de soudure (environ 50 %), de meulage et de ponçage (également 50 %) et de peinture à de rares occasions, avec manipulation probable de solvants. Au 11 janvier 2015, les fonctions pulmonaires montraient un syndrome restrictif avec une capacité pulmonaire à 77 % du prédit, sans syndrome obstructif. Le docteur D.________ a posé le diagnostic de syndrome emphysème-fibrose, avec diagnostic histologique mixte pour la composante de pneumopathie interstitielle diffuse (RB-ILD). Il a estimé que si l'exposition aux fumées de soudure pouvait être dans certaines circonstances à l'origine du développement de cette maladie, le lien de causalité entre l'activité professionnelle de l'assuré et son atteinte fibrosante restait faible, notamment dans un contexte d'atteinte concomitante attribuable à une consommation tabagique chronique de 35 à 40 unités-paquet-année (UPA) récemment interrompue et à une exposition professionnelle aux fumées de soudure relativement récente.
Le docteur F.________, spécialiste en médecine du travail et en médecine interne générale auprès de la Division médecine du travail de la CNA, est parvenu à la conclusion, dans son appréciation médicale du 21 septembre 2017, que s'agissant de la reconnaissance d'une maladie professionnelle, le lien de causalité ne pouvait pas être établi entre l'exposition aux fumées de soudure et la fibrose pulmonaire. Le tabagisme, entre 20 et 30 UPA, était un facteur à prendre en compte également dans la survenue de l'emphysème.
Une visite du poste de travail de l'assuré a eu lieu le 20 octobre 2017. Dans une nouvelle appréciation médicale du 3 mai 2018, le docteur F.________ a précisé que le dernier élément qui manquait au dossier pour pouvoir se déterminer sur l'existence d'une maladie professionnelle était l'analyse minéralogique d'une biopsie pulmonaire prélevée en 2016.
Le rapport d'analyses minéralogiques des biopsies réalisées par le Laboratoire G.________ le 30 avril 2018, établi par le docteur H.________, spécialiste en pathologie, a mis en évidence la présence de nombreuses fibres d'amiante dans les poumons de l'assuré (9.6 millions de fibres d'amiante par gramme de tissu sec).
Le docteur I.________, spécialiste en médecine du travail auprès de la Division médecine du travail de la CNA, qui a repris le dossier à la suite du départ du docteur F.________, a retenu, les 20 et 22 août 2019, que l'atteinte à la santé n'était pas une maladie professionnelle. Se fondant sur cet avis, la CNA a informé l'assuré par décision du 9 septembre 2019 qu'aucune des conditions requises pour l'octroi de prestations n'était remplie dans le cas d'espèce et qu'elle ne pouvait donc lui allouer les prestations d'assurance sollicitées.
A.b. Dans le cadre d'un rapport du 3 octobre 2019, le docteur J.________, médecin adjoint auprès de la consultation de pneumologie de la Policlinique Médicale Universitaire de l'Hôpital K.________ et médecin traitant de l'assuré depuis 2013, a demandé à la CNA de reconsidérer l'hypothèse d'une cause professionnelle à la composante de fibrose pulmonaire au vu de critères cytopathologiques d'asbestose avec une charge significative en fibres d'amiante selon l'analyse minéralogique réalisée par le Laboratoire G.________.
Par courrier du 4 octobre 2019, l'assuré a formé opposition contre la décision de la CNA. Le docteur I.________ a maintenu sa position dans un avis du 10 octobre 2019, expliquant que l'assuré était atteint d'une fibrose pulmonaire idiopathique, non pas d'une asbestose. Il avait été exposé à des fibres d'amiante, mais sa pathologie actuelle ne correspondait pas à une asbestose. Le 8 novembre 2019, il a ajouté que l'assuré était arrivé en Suisse en 1993 et avait commencé à travailler comme soudeur chez B.________ SA seulement après l'an 2000 alors que l'amiante a été interdite en Suisse en 1990. Il n'y avait ainsi pas d'élément dans le dossier en faveur d'une exposition professionnelle en Suisse. Il a demandé des investigations complémentaires s'agissant de l'exposition à l'amiante pour tenter d'objectiver une exposition professionnelle en Suisse.
L'assuré à été vu par deux collaborateurs de la CNA les 7 et 14 janvier 2020 afin d'établir une anamnèse professionnelle dans le cadre de l'enquête sur son exposition professionnelle à l'amiante. Selon un rapport du 17 février 2020 concernant cette visite, l'assuré n'a très vraisemblablement pas été exposé professionnellement a des fibres d'amiante. Après avoir pris connaissance des nouveaux éléments au dossier, le docteur I.________ a confirmé, le 20 février 2020, qu'il ne lui était pas possible de reconnaître les troubles présentés par l'assuré comme une asbestose professionnelle au sens de l'art. 9 al. 1 LAA. Le 29 mai 2020, il a précisé que l'évaluation de l'exposition à l'amiante en Suisse correspondait à 0,0 fibre/année et que la conclusion en était que l'assuré n'avait très vraisemblablement pas été exposé professionnellement à des fibres d'amiante en Suisse. Il a également relevé que l'assuré avait travaillé de 1982 à 1993 en Macédoine dans des activités de serrurier-mécanique pendant une période où l'amiante était encore très présente dans le milieu du travail.
La CNA a, par décision sur opposition du 15 octobre 2020, rejeté l'opposition. Elle a considéré que l'exposition de l'assuré à l'amiante au cours de son parcours professionnel en Suisse était nulle, et que, selon le docteur I.________, les troubles de l'assuré ne constituaient pas une asbestose.
B.
A.________ a formé un recours à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du Valais contre cette décision sur opposition et a conclu principalement à la reconnaissance de ses troubles pulmonaires comme maladie professionnelle avec droit aux prestations de l'assurance-accidents. Au cours de la procédure, il a notamment produit un avis des doctoresses L.________ et M.________, respectivement cheffe de Clinique et médecin adjointe au sein du Département santé, travail et environnement du Centre N.________ et spécialisées en médecine du travail, du 21 juin 2021, complété le 12 août 2021. Ces praticiennes ont retenu le diagnostic de syndrome emphysème-fibrose, avec pneumopathie interstitielle commune et bronchiolite respiratoire avec pneumopathie interstitielle RB-ILD. Comme cause de la composante fibrose, elles ont noté "asbestose probable". Elles ont estimé que l'assuré aurait été exposé à l'amiante à plusieurs reprises lors de son parcours professionnel, notamment en Suisse. Dans le cadre de l'instruction de la cause, la cour cantonale a entendu l'assuré lors d'une audience tenue le 22 août 2022. La CNA a présenté un rapport du 12 septembre 2022 établi par le docteur O.________, spécialiste en médecine du travail et en médecine interne générale auprès de la CNA, qui a critiqué le rapport du Centre N.________; il a en outre estimé que le diagnostic d'asbestose n'était pas prouvé et que la pathologie de l'assuré (pneumopathie interstitielle) n'était pas en relation de causalité démontrée avec l'amiante. Par arrêt du 23 octobre 2023, la cour cantonale a rejeté le recours.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à sa réforme en ce sens qu'il soit reconnu qu'il souffre d'une maladie professionnelle et qu'il a droit aux prestations de l'assurance-accidents dès le 1 er janvier 2013. À titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale - plus subsidiairement à la CNA - pour complément d'instruction et nouvelle décision.
La CNA conclut au rejet du recours. Le Tribunal cantonal et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer.
Considérant en droit :
1.
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
2.
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF . Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'étant limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF).
3.
Est litigieuse la question de savoir si le recourant souffre d'une maladie professionnelle au sens de l'art. 9 LAA, plus concrètement d'une asbestose, qui lui ouvre le droit à des prestations de l'assurance-accidents.
4.
4.1. Aux termes de l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Aux termes de l'art. 9 al. 1 LAA, sont réputées maladies professionnelles les maladies dues exclusivement ou de manière prépondérante, dans l'exercice de l'activité professionnelle, à des substances nocives ou à certains travaux. Le Conseil fédéral établit la liste de ces substances ainsi que celle de ces travaux et des affections qu'ils provoquent. Se fondant sur cette délégation de compétence, ainsi que sur l'art. 14 OLAA, le Conseil fédéral a dressé à l'annexe 1 de l'OLAA la liste des substances nocives, d'une part, et la liste de certaines affections, ainsi que des travaux qui les provoquent, d'autre part. La liste des substances nocives mentionne les poussières d'amiante.
Selon la jurisprudence, l'exigence d'une relation prépondérante au sens de l'art. 9 al. 1 LAA est réalisée lorsque la maladie est due pour plus de 50 % à l'action d'une substance nocive mentionnée dans la première liste, ou lorsqu'elle figure dans la seconde liste et a été causée à plus de 50 % par les travaux qui y sont mentionnés (ATF 119 V 200 consid. 2a et la référence).
Sauf disposition contraire, la maladie professionnelle est assimilée à un accident professionnel dès le jour où elle s'est déclarée. Une maladie professionnelle est réputée déclarée dès que la personne atteinte doit se soumettre pour la première fois à un traitement médical ou est incapable de travailler (art. 9 al. 3 LAA; art. 6 LPGA).
4.2. Les principaux risques pour la santé associés à l'exposition à l'amiante sont le développement de fibroses (asbestose, lésions pleurales) et de cancers (essentiellement carcinome bronchique et mésothéliome). Le risque de développement d'une maladie en raison d'une exposition à l'amiante dépend en particulier de l'intensité et de la durée d'exposition. Le temps de latence avant l'apparition de la maladie est important et peut s'étendre sur plusieurs décennies (cf. ATF 133 V 421 consid. 5.1; cf. aussi ATF 140 II 7). Selon la Commission fédérale de coordination pour la sécurité au travail (CFST), le temps de latence entre la première exposition à l'amiante et l'apparition des symptômes d'asbestose est habituellement de 15 ans ou plus; il dépend de la durée et de l'intensité de l'exposition (CFST Communication n° 96, avril 2023, p. 6). Ce laps de temps n'a toutefois pas d'incidence sur le droit aux prestations de l'assurance-accidents qui sont dues indépendamment de l'existence d'un rapport d'assurance au moment où la maladie s'est déclarée. Ce qui importe, c'est que l'intéressé ait été assuré pendant la durée de l'exposition (arrêt 8C_443/2013 du 24 juin 2014 consid. 3.1, in SVR 2014 UV n° 31 p. 103; JEAN-MAURICE FRÉSARD/MARGIT MOSER-SZELESS, L'assurance-accidents obligatoire, in Meyer [édit.], SBVR, Vol XIV, Soziale Sicherheit - Sécurité sociale, 3ème éd. 2015, n° 153 p. 943).
4.3. Le recourant, ressortissant de Macédoine, a exercé des activités salariées en Macédoine, puis en Suisse. Aux termes de l'art. 26 de la Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la République de Macédoine du 9 décembre 1999 (RS 0.831.109.520.1; ci-après: Convention), si les dispositions légales des deux États contractants couvrent l'indemnisation d'une maladie professionnelle, les prestations ne seront octroyées qu'en vertu des dispositions légales de l'État contractant sur le territoire duquel la personne concernée a exercé en dernier une activité susceptible de causer une telle maladie professionnelle. Selon son art. 40, la Convention est applicable aux évènements assurés survenus avant le 1er janvier 2002, date de son entrée en vigueur (al. 1); toutefois, elle ne confère aucun droit à des prestations pour une période antérieure à cette dernière (al. 4). À l'instar de la Suisse, la Macédoine a prévu un système d'indemnisation pour les maladies professionnelles, dont l'asbestose (Règlement du 6 mai 2020 concernant la liste des maladies professionnelles, Journal officiel de la République de Macédoine n° 118/2020, article 2 point 301.21). Le point de savoir si la maladie professionnelle a été causée, ou causée de manière prépondérante par l'exposition en Suisse n'est pas déterminante dans ce contexte.
5.
5.1. Selon l'art. 105 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente. Il peut rectifier ou compléter d'office les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 (art. 105 al. 3 LTF). Lorsque la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 3 LTF).
5.2. Dans un litige portant sur le point de savoir si un évènement dommageable (accident ou maladie professionnelle) est couvert par l'assurance-accidents obligatoire, l'exception prévue à l'art. 105 al. 3 LTF ne s'applique pas, indépendamment du fait que l'octroi ou le refus de prestations en espèces peut dépendre de la solution de la question litigieuse (ATF 135 V 412; arrêts 8C_383/2019 du 5 septembre 2019 consid. 1.2, in SVR 2020 UV n° 11 p. 39; 8C_455/2011 du 4 mai 2012 consid. 1.2 in SVR 2012 UV n° 29 p. 107; cf. arrêt 8C_202/2017 du 16 août 2018 consid. 6.1, in SVR 2019 UV n° 9 p. 32).
Le Tribunal fédéral fonde donc son raisonnement sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Il n'entre pas en matière sur des critiques appellatoires portant sur l'appréciation des preuves ou l'établissement des faits par l'autorité précédente (ATF 140 III 264 consid. 2.3; 139 II 404 consid. 10.1). Il appartient au recourant de démontrer le caractère arbitraire des faits retenus par une argumentation répondant aux exigences de l'art. 42 al. 2 LTF, respectivement l'art. 106 al. 2 LTF (arrêt 8C_202/2018 du 16 août 2018 consid. 6.1, in SVR 2019 UV n° 9 p. 32).
5.3. Lorsque le litige porte à la fois sur un objet pour lequel le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente, conformément à l'art. 105 al. 3 LTF, et sur un objet pour lequel il est lié par ces faits, le Tribunal fédéral constate avec un plein pouvoir d'examen les faits communs aux deux objets litigieux et se fonde sur ces constatations pour statuer, en droit, sur ces deux objets (cf. arrêt 8C_799/2023 du 3 septembre 2024 consid. 2.1).
5.4. En l'espèce, le litige porte d'une part sur le point de savoir si le recourant présente une maladie professionnelle pouvant ouvrir droit à des prestations en espèces de l'assurance-accidents. Sur ce point, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits constatés par la juridiction cantonale, conformément à l'art. 105 al. 3 LTF. Le litige porte, d'autre part, sur le point de savoir si le recourant dispose d'une couverture de l'assurance-accidents obligatoire pour cette éventuelle atteinte, autrement dit s'il a été exposé professionnellement à l'amiante en Suisse, en dernier lieu. Sur ce point, le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés par les premiers juges, dans les limites de l'art. 105 al. 2 LTF.
6.
Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté dans le recours au Tribunal fédéral, à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF; sur l'application de cette disposition dans les procédures régies par les art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF: ATF 135 V 194). En l'occurrence, le recourant produit un rapport du docteur J.________ du 24 novembre 2023. Ce document a été établi après l'arrêt attaqué et ne peut donc pas être pris en considération.
7.
Selon le principe de la libre appréciation des preuves, le juge apprécie librement les preuves médicales qu'il a recueillies, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Le juge doit examiner objectivement tous les documents à disposition, quelle que soit leur provenance, puis décider s'ils permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. S'il existe des avis contradictoires, il ne peut pas trancher l'affaire sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion plutôt qu'une autre. En ce qui concerne la valeur probante d'un rapport médical, ce qui est déterminant, c'est que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l'expert soient dûment motivées. Au demeurant, l'élément déterminant pour la valeur probante n'est ni l'origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 134 V 231 consid. 5.1; 125 V 351 consid. 3a; 122 V 157 consid. 1c).
Il découle du principe de l'égalité des armes, tiré du droit à un procès équitable garanti par l'art. 6 par. 1 CEDH, que l'assuré a le droit de mettre en doute avec ses propres moyens de preuve la fiabilité et la pertinence des constatations médicales effectuées par un médecin interne à l'assurance. Le fait, tiré de l'expérience de la vie, qu'en raison du lien de confiance (inhérent au mandat thérapeutique) qui l'unit à son patient, le médecin traitant est généralement enclin à prendre parti pour celui-ci (ATF 135 V 465 consid. 4.5; 125 V 351 consid. 3a/cc) ne libère pas le juge de son devoir d'apprécier correctement les preuves, ce qui suppose de prendre également en considération les rapports versés par l'assuré à la procédure. Le juge doit alors examiner si ceux-ci mettent en doute, même de façon minime, la fiabilité et la pertinence des constatations des médecins internes à l'assurance. Lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis motivé d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes quant à la fiabilité et à la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis. Il y a lieu de mettre en oeuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4.5 et 4.6; arrêt 8C_458/2022 du 29 mars 2023).
8.
La juridiction cantonale a nié le droit du recourant à des prestations de l'assurance-accidents au motif que le diagnostic d'asbestose n'était pas établi et que, quand bien même il le serait, le parcours professionnel du recourant ne permettait pas de conclure à une exposition professionnelle à l'amiante en Suisse. Elle s'est pour l'essentiel appuyée sur les avis des docteurs I.________ et O.________, les deux médecins internes à l'intimée. Cependant, le recourant reproche aux premiers juges d'avoir passé sous silence un grand nombre d'avis médicaux pouvant influencer le sort de la cause. Ce faisant, ils auraient établi les faits de manière manifestement inexacte voire incomplète, c'est-à-dire en violation de l'interdiction de l'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst., de leur obligation d'instruire la cause d'office conformément à l'art. 61 let. c LPGA et de son droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst.
9.
9.1. En ce qui concerne le diagnostic pouvant être posé sur la maladie dont souffre le recourant, la cour cantonale a considéré que la présence d'une asbestose au sens de l'art. 9 al. 1 LAA ne pouvait pas être reconnue, compte tenu du fait que le CT-Scan de 2016 ne comportait pas les caractéristiques d'une asbestose et que l'analyse du parcours professionnel du recourant ne permettait pas de mettre en évidence au stade de la vraisemblance prépondérante une exposition à l'amiante. Le docteur O.________ avait précisé, dans son rapport du 12 septembre 2022, que l'analyse minéralogique du Laboratoire G.________ témoignait uniquement que le recourant avait été exposé à l'amiante, mais ne fournissait pas d'indication sur les circonstances de cette exposition. Il avait également souligné que l'asbestose était une pathologie liée à l'amiante qui était rare et dont le diagnostic était essentiellement radiologique; un CT-Scan effectué en avril 2021 signalait une nette péjoration de l'atteinte interstitielle compatible avec une pneumopathie interstitielle commune et une diminution de la micronodulation centro-lobulaire et verre dépoli (partiellement liée à une bronchiolite respiratoire avec pneumopathie interstitielle [RB-ILD] ancienne) visible précédemment. De l'avis du docteur O.________, aucune de ces pathologies n'était en relation de causalité démontrée ou à tout le moins vraisemblable avec de l'amiante.
9.2. Les premiers juges ont rejeté les avis du docteur J.________, pneumologue qui suit le recourant depuis 2013. Ils ont retenu que ce praticien avait, dans un premier temps, posé le diagnostic de syndrome emphysème-fibrose avec fibrose pulmonaire idiopathique et bronchiolite respiratoire avec pneumopathie, ce qu'il avait mis en lien avec l'important tabagisme du recourant (rapports des 7 février, 28 avril et 26 juillet 2017). Ce n'était qu'à la suite de l'analyse minéralogique effectué par le Laboratoire G.________ qu'il avait intégré l'asbestose dans ses diagnostics, alors qu'il ne l'avait pas envisagé auparavant. Le docteur P.________ de l'institut de pathologie de l'Hôpital K.________ avait également écarté ce diagnostic dans son rapport daté du 11 février 2018.
9.2.1. Il n'est pas inhabituel que les spécialistes en toutes branches de médecine voient évoluer un diagnostic à mesure que de nouveaux renseignements apparaissent au cours du temps. La requalification du diagnostic de fibrose pulmonaire idiopathique en diagnostic d'asbestose ne permet donc pas d'invalider à priori l'appréciation du pneumologue traitant.
9.2.2. En l'occurrence, le docteur J.________ a certes posé initialement le diagnostic de syndrome emphysème-fibrose avec, pour la composante fibrose, une fibrose pulmonaire idiopathique et une bronchiolite respiratoire avec pneumopathie interstitielle (RB-ILD), sur la base notamment de la biopsie vidéo-chirurgicale du 25 mai 2016 (rapport du 7 février 2017; cf. également rapport du 9 janvier 2014). Toutefois, dans un rapport médical daté du 22 mai 2020, il a expliqué qu'à la lumière de l'analyse minéralogique de la biopsie pulmonaire du 30 avril 2018, ce diagnostic initial devait être revu, la fibrose et la RB-ILD pouvant être rattachées à une asbestose. Au vu de la présence de très nombreuses fibres d'amiante, ce diagnostic était même plus probable qu'une fibrose pulmonaire idiopathique et qu'une bronchiolite respiratoire avec pneumopathie interstitielle. Le jeune âge du patient ne cadrait d'ailleurs pas avec un diagnostic de fibrose pulmonaire idiopathique, qui touchait en général des personnes de plus de 70 ans. Le 5 octobre 2020, le docteur J.________ a exposé qu'il avait rediscuté des biopsies pulmonaires en colloque interne de pathologie; selon la doctoresse Q.________, experte en pathologie pulmonaire et cardiovasculaire à l'Hôpital K.________, l'image histopathologique était compatible avec une asbestose sans toutefois que ce diagnostic puisse être affirmé uniquement sur cette seule base, raison pour laquelle, en cas de recherche d'asbestose, l'examen était complété par une analyse minéralogique. Il a également ajouté que, dès lors, le service de pneumologie de l'Hôpital K.________ avait prié ses collègues de l'Institut de santé du travail de convoquer le recourant pour une nouvelle consultation afin d'évaluer si l'exposition professionnelle pouvait expliquer la survenue d'une asbestose pulmonaire (ce qui a été fait ultérieurement par les doctoresses L.________ et M.________, cf. ci-après consid. 10.2.1).
Dans un rapport du 24 novembre 2021, le docteur J.________ a indiqué que le recourant avait été hospitalisé à R.________ du 11 au 22 octobre 2021 pour traiter une infection à Pseudomonas par antibiothérapie. Il existait un lien de causalité entre l'hospitalisation et l'asbestose pulmonaire dont souffrait le recourant. La surinfection à Pseudomonas était due à l'existence de bronchiectasies, qui étaient elles-mêmes la conséquence de l'asbestose pulmonaire qui déformait et dilatait les structures bronchiques par le biais de la fibrose du tissu pulmonaire. Il n'y avait en outre pas d'argument pour penser qu'il existait chez l'intéressé une maladie primaire des bronches indépendante de l'asbestose, ajoutant que sur un scanner de 2010, où l'asbestose était très peu avancée, il y avait également très peu de dilatation des bronches.
Dans son rapport du 17 octobre 2022, ce même praticien a critiqué de manière détaillée l'appréciation du docteur O.________ du 12 septembre 2022. Il a expliqué que des doses de 0.1 à 1 million de fibres par gramme de tissu sec étaient admises comme doses minimales pouvant provoquer une asbestose. En l'espèce, l'analyse minéralogique du tissu pulmonaire du recourant avait relevé une quantité de 9.6 millions de fibres par gramme de tissu sec, soit une quantité largement en dessus de ces seuils. L'analyse minéralogique ne témoignait donc pas seulement du fait que l'assuré avait été exposé à l'amiante, comme l'avait estimé le docteur O.________, mais révélait également que cette exposition était suffisamment importante pour provoquer une asbestose. Par ailleurs, l'analyse minéralogique ne pouvait pas donner d'indication sur les circonstances de l'exposition, comme le voudrait le médecin de travail de la CNA; c'était l'anamnèse professionnelle qui fournissait cette information. À l'argumentation du docteur O.________, d'après laquelle l'analyse minéralogique ne permettait pas de poser un diagnostic médical, l'asbestose étant diagnostiquée sur des bases radiologiques, le docteur J.________ a répondu que la radiologie fournissait certes des informations pour suggérer ce diagnostic, mais que s'il existait une biopsie pulmonaire, celle-ci devait absolument être prise en considération. Elle était même l'étalon-or pour déterminer si des anomalies à l'imagerie étaient attribuables à une asbestose. Cette biopsie pulmonaire avait mis notamment en évidence des aspects de pneumopathie interstitielle commune. Celle-ci était une forme de fibrose pulmonaire qui pouvait avoir différentes causes, dont l'exposition à l'amiante, ou être sans cause connue. En l'espèce, la forte exposition à l'amiante fournissait l'explication la plus plausible pour cette pneumopathie interstitielle commune, et aucun autre facteur causal ne pouvait expliquer ce processus pathologique. C'est pourquoi le docteur J.________ avait considéré qu'en présence d'une forte exposition à l'amiante attestée par l'analyse minéralogique et en présence d'une fibrose pulmonaire d'aspect compatible avec celui observé dans une asbestose, les critères diagnostiques d'une asbestose étaient réunis. L'affirmation du médecin du travail de l'intimée, selon laquelle la pneumopathie interstitielle commune n'avait pas de relation de causalité démontrée avec l'amiante était donc erronée et contredite par des experts de l'asbestose. Le docteur J.________ a conclu qu'il était illogique de considérer qu'il existait chez le recourant une cause avérée de fibrose pulmonaire en quantité suffisante pour provoquer une telle fibrose (soit l'exposition à l'amiante) mais que la fibrose pulmonaire du recourant était sans cause connue.
9.2.3. Les avis différenciés et circonstanciés du docteur J.________ reposent sur des appréciations globales (souvent multidisciplinaires) des résultats des différents examens médicaux tel les examens cliniques approfondis, une analyse en microscopie électronique d'une biopsie pulmonaire, les analyses minéralogiques effectuées par le Laboratoire G.________ ainsi que l'imagerie. Il a en outre justifié le changement de diagnostic de manière approfondie et compréhensible, ce que les premiers juges ne semblent pas avoir pris en compte. Pour sa part, le docteur O.________ s'est limité, dans son appréciation très succincte, à invoquer des résultats des examens radiologiques et ne s'est ni prononcé sur ces avis détaillés de ses collègues ni sur le fait que le rapport de l'analyse minéralogique du Laboratoire G.________ relève que des fibres d'amiante ont été formellement identifiés dans les poumons en quantité amplement suffisante pour provoquer une asbestose. Au vu des divergences entre l'avis du médecin traitant et ceux des médecins de l'assurance, le raisonnement très succinct de la cour cantonale, qui se fonde pour l'essentiel sur l'avis du docteur O.________, pour écarter le diagnostic d'asbestose ne convainc pas.
9.3. Les juges cantonaux ont également considéré que le docteur H.________ (Laboratoire G.________) n'avait pas, dans son rapport d'analyse minéralogique du 30 avril 2018, posé un diagnostic clair et sans équivoque d'asbestose, mais avait affirmé que le recourant avait été exposé de manière significative à l'amiante amphibole, ce qui devrait suffire ("ausreichen dürfte") à déclencher une asbestose (minimale). L'utilisation du conditionnel par le docteur H.________ indiquait qu'il s'agissait d'une hypothèse, mais on ne pouvait nullement tirer des conclusions de ce rapport la présence certaine d'une asbestose.
À ce propos, il sied de souligner que le docteur H.________, qui est un spécialiste en pathologie, avait uniquement pour mission de procéder à des analyses minéralogiques. Il ne lui appartenait pas de poser un diagnostic à la place des pneumologues. Son analyse ne constitue donc qu'un élément parmi d'autres pour poser le diagnostic d'asbestose. Toutefois, la cour cantonale n'a pris en considération aucun des autres éléments retenus par les médecins spécialistes, se focalisant sur l'utilisation du conditionnel dans une seule phrase. Ce raisonnement ne peut pas être suivi. On observera dans ce contexte que le docteur H.________ a tout de même exposé qu'au vu des quantités importantes de fibres d'amiante retrouvées, l'hypothèse d'une asbestose était la plus vraisemblable.
10.
10.1. En ce qui concerne l'anamnèse professionnelle, les juges cantonaux ont notamment nié la valeur probante du rapport du 21 juin 2021 des doctoresses L.________ et M.________ du Centre N.________.
10.2.
10.2.1. Selon ces médecins, le recourant avait fait l'objet d'une exposition modérée à l'amiante lors de son apprentissage de serrurier mécanique et de l'activité professionnelle déployée depuis 1983 en Macédoine. En 1990 (recte 1991), lorsqu'il avait travaillé comme soudeur à S.________, dans une maison dont la construction était antérieure à 1990 et qu'il était logé dans le galetas de cette même maison, l'exposition avait été forte. De même, de 2004 à 2006, puis de 2008 à 2019, l'exposition avait certainement été forte, au travers d'activités de meulage de matériaux de récupération, décapage de matériel friable ou encore peinture et soudure de ces matériaux. En effet, par le passé, l'amiante était ajoutée dans beaucoup de produits tels que la peinture, les matériaux bitumeux ou le mastic. De plus, entre 2010 et 2015, il avait travaillé dans des bâtiments anciens, vétustes, connus pour contenir de l'amiante. Dès 2010, il avait effectué ces travaux sur le site de C.________, soit dans une déchetterie dans laquelle les matériaux de démolition et désamiantage étaient déversés à quelques mètres de son poste de travail. Au surplus, jusqu'à 2016, il n'y avait pas de système d'aspiration/ventilation ni de protection des voies respiratoires adéquates.
Ensuite, les doctoresses L.________ et M.________ ont fait valoir six arguments en faveur du diagnostic d'asbestose: leurs constatations cliniques, la latence respectée de 30 ans, les résultats de l'imagerie et de l'analyse minéralogique, l'anamnèse professionnelle approfondie permettant de retrouver des environnements de travail avec des expositions à l'amiante et, enfin, l'absence d'une exposition à l'amiante issue d'activités extra-professionnelles. Au surplus, une co-exposition professionnelle aux fumées de soudure et à la silice cristalline avait pu être mis en évidence, laquelle était d'ailleurs en concordance avec les résultats de l'analyse minéralogique effectuée en 2018. En conclusion, le recourant devait être conforté dans ses démarches visant à faire reconnaître sa pathologie comme maladie professionnelle. Dans un rapport complémentaire du 12 août 2021, les doctoresses L.________ et M.________ ont précisé que les diagnostics figurant en première page du rapport initial étaient les hypothèses diagnostiques fournies par les pneumologues au moment de la demande de consultation en médecine du travail, raison pour laquelle le mot probable y figurait. Mais au vu de l'analyse minéralogique, de l'évaluation approfondie en médecine du travail et de la discussion pluridisciplinaire (pneumologue, anatomopathologiste, radiologue, spécialisé en thoracique et médecins du travail), le diagnostic d'asbestose était le plus probable, conformément à l'argumentation figurant sur le rapport d'expertise de médecine du travail du Centre N.________.
10.2.2. La cour cantonale a considéré que ce rapport était sujet à caution parce que la description du parcours professionnel faite par l'assuré lui-même lors de son entretien avec les collaborateurs de l'intimée divergeait de celle retenue dans le rapport des doctoresses L.________ et M.________. En outre, ces médecins parlaient de travaux de pose de toitures et de construction de pont entre 1993 et 1997, alors que rien dans le parcours professionnel ne permettait de trouver de telles activités, cette période correspondant à des emplois en tant qu'ouvrier-viticulteur. Elles indiquaient également que l'assuré aurait travaillé entre 2010 et 2015 dans des locaux vétustes connus pour contenir de l'amiante, alors qu'aucun élément ne permettait de soutenir une telle affirmation et que, de plus, l'assuré n'avait pas travaillé d'avril 2010 à janvier 2012 en raison d'un accident professionnel, ce que les doctoresses L.________ et M.________ ne mentionnaient pas. Enfin, les expertes avaient minimisé la consommation du tabac du recourant.
10.2.3. Le protocole d'enquête professionnelle de l'intimée, daté du 27 janvier 2020, est relativement sommaire. Il est notamment surprenant, pour le moins, qu'il ne retienne aucune exposition à l'amiante pour tout le parcours professionnel du recourant, y compris en Macédoine, alors que l'analyse minéralogique de ses tissus pulmonaires a fait état d'une grande quantité de fibres d'amiante. Par ailleurs, le recourant soutient, à juste titre, que ce protocole ne mentionne pas toutes les activités professionnelles contenues dans l'extrait du compte individuel AVS, ou qu'il en retient des dates divergentes. Ainsi, il n'y a par exemple aucune trace des activités professionnelles exercées à T.________ en 1991 pour l'entreprise U.________ AG ni de celles exercées en 1996 et 1997 pour V.________, W.________ et la commune de X.________ (ces dernières dans le cadre de mesures du marché de travail de l'assurance-chômage). De plus, selon ce protocole, l'activité pour Y.________ SA dans le tunnel de Z.________ aurait duré de 2001 à 2002. Cependant, il ressort de l'extrait du compte individuel AVS que le recourant avait travaillé pour cette entreprise de novembre 1999 à décembre 2000.
10.3. Les premiers juges ont procédé à une analyse par étapes du parcours professionnel du recourant en Suisse depuis 1991 et ont conclu qu'aucune exposition professionnelle à l'amiante ne pouvait être établie. Leurs considérations donnent lieu aux observations suivantes:
10.3.1. Concernant l'activité exercée pour U.________ AG à S.________ en 1991 en particulier, les premiers juges ont considéré que, selon le recourant, cette entreprise était active dans la transformation/rénovation et qu'il y aurait fait également des travaux de soudure. Aucun élément ne permettait toutefois d'objectiver la présence d'amiante dans le cadre de cette activité. Admettre une exposition dans un tel cas reviendrait à considérer que tout ouvrier qui travaille avec des matériaux de récupération était en contact avec de l'amiante, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.
Cette appréciation est en contradiction avec les explications des expertes du Centre N.________ qui ont retenu une exposition importante à l'amiante durant cette période. Les premiers juges n'ont toutefois pas pris position sur cette incongruence. Le recourant fait valoir en outre qu'à l'époque, l'amiante avait été interdite depuis seulement deux ans (1989) - et se trouve encore aujourd'hui dans beaucoup de bâtiments -, qu'il s'agissait de la rénovation d'une maison de construction antérieure à l'interdiction de cette fibre et que le métier de soudeur est reconnu comme un métier dont l'exposition à l'amiante peut être importante. Ces éléments ne sauraient certes pas prouver qu'il avait effectivement été en contact avec de l'amiante lors de cette activité, toutefois, une telle exposition ne peut pas non plus être exclue d'emblée et pourrait être prise en considération dans le contexte d'une preuve par indices.
10.3.2. Pour la période de novembre 1992 à décembre 1996, la cour cantonale a retenu que le recourant avait travaillé régulièrement pour des encaveurs pour lesquels il avait effectué des travaux usuels de viticulture, de sorte qu'aucune exposition à l'amiante ne pouvait être déduite de cet emploi (et d'ailleurs de celui de magasinier à l'Entreprise A1.________ de 1997 à 1998).
Le recourant soutient que cette constatation de faits serait inexacte. En effet, selon l'extrait du compte individuel AVS, le recourant a travaillé pour V.________, W.________ et la Commune de X.________ de 1996 à 1997, ce que la cour cantonale ne mentionne pas. En outre, lors de l'audition par les premiers juges, il a déclaré avoir effectué des travaux de serrurerie et de soudure dans le cadre de ces activités. Ceci ressort d'ailleurs également du rapport du Centre N.________ et a amené les expertes a retenir une possible exposition ponctuelle à l'amiante, due aux matériaux de provenance inconnue.
10.3.3. De 2002 à 2004, le recourant était en arrêt de travail à cause d'une greffe rénale. Pour la période de 2004 à 2006, il ressort du protocole d'enquête de l'intimée ainsi que du rapport du Centre N.________ (mais pas de l'extrait du compte individuel AVS ni des constatations dans l'arrêt attaqué) qu'il avait également travaillé comme soudeur et serrurier pour B1.________ SA à R.________. D'après les indications dans le rapport du Centre N.________, il aurait travaillé sur des poutres apparemment amiantées, sans avoir porté d'équipement de protection des voies respiratoires. Les expertes ont ainsi estimé que l'exposition à l'amiante avait été forte durant cette période. La cour cantonale ne l'a toutefois pas interrogé sur cette activité et ne s'est pas non plus prononcée à ce sujet.
10.3.4. Les premiers juges ont retenu qu'ensuite de l'arrêt de travail dû à la greffe rénale, le compte individuel AVS mentionnait des activités dès 2007 auprès d'agences de placement temporaire (C1.________ SA, D1.________, E1.________ SA en liquidation et F1.________ SA). Interrogé sur ces activités, le recourant avait décrit des emplois de soudeur, notamment dans la tranchée couverte de G1.________ (A9). Là encore, aucune exposition à l'amiante n'avait pu être établie dans le cadre de ces emplois selon les juges cantonaux, tandis que les expertes L.________ et M.________ ont retenu une exposition certainement forte dès 2008.
10.3.5. Depuis novembre 2009, le recourant a été employé comme soudeur par H1.________ SA (racheté plus tard par B.________ SA). Les premiers juges ont considéré que ses activités consistaient en du meulage et de la soudure, en particulier, selon ses déclarations, sur des matériaux de récupération, notamment des poutres métalliques recouvertes de produits de protection. En outre, il affirmait que du matériel lié au désamiantage était entreposé dans le même atelier que celui dans lequel il travaillait chez B.________ SA, mais ces allégations ne reposaient que sur son seul témoignage lors de l'audition du 22 août 2022 et n'étaient corroborées par aucune autre pièce du dossier. Le rapport de visite de l'intimée de l'atelier de B.________ SA ne mentionnait pas de proximité avec des matériaux provenant de rénovation, de démolition ou de transformation. Dans ces conditions, il n'était pas possible de tenir pour avéré que le recourant aurait été en contact avec des matériaux liés à une activité de désamiantage qui auraient été entreposés dans la même halle que celle dans laquelle il exerçait son activité de soudeur.
Contrairement à ce qu'a retenu la cour cantonale, la proximité avec des matériaux liés au désamiantage ne repose pas uniquement sur le témoignage du recourant. En effet, le manager QHSE du groupe B.________ SA, I1.________, a expliqué dans un courriel du 21 février 2020 qu'il ne pouvait pas exclure que le recourant ait été occupé au traitement de poutres métalliques floquées à l'amiante et qu'il avait travaillé depuis 2010 sur le site de C.________ appartenant au Groupe B.________ SA, lequel avait racheté depuis plusieurs années l'entreprise de désamiantage J1.________. Au surplus, le docteur F.________ a observé, dans son courrier du 30 août 2018 adressé au docteur J.________, que le rapport de Laboratoire G.________ du 30 avril 2018 évoquait une "minimale asbestose" en raison d'une surcharge significative en fibres d'amiante de type amphibole. Anamnéstiquement, il n'avait pas identifié d'exposition professionnelle dans le cadre de l'anamnèse; toutefois, le métier de soudeur était connu pour avoir employé ce matériau comme isolant ou pour être présent dans les installations nécessitant des travaux de soudure. La cour cantonale ne parait toutefois pas avoir pris en considération ces affirmations.
10.4. Il ressort de ce qui vient d'être exposé que les constatations des premiers juges concernant le parcours professionnel et une éventuelle exposition à l'amiante sont imprécises et en partie contraires aux informations contenues dans le dossier. On ne saurait donc suivre l'instance cantonale lorsqu'elle nie - sur une base aussi incertaine et sans instruction plus approfondie - tout contact avec l'amiante pendant les diverses activités professionnelles que le recourant à exercées en Suisse. Il existe certes des indices non négligeables parlant en faveur d'une exposition à l'amiante en Suisse, ressortant notamment du rapport du Centre N.________. Cependant, le rapport des doctoresses L.________ et M.________ manque lui aussi de précision en ce qui concerne la consommation de tabac du recourant, de même que les dates et durées des activités professionnelles exercées par le recourant en Suisse. En outre, il ne fait pas mention de l'activité pour K1.________ en 2008 et 2009 ni de l'arrêt de travail d'avril 2010 à janvier 2012 en raison d'un accident professionnel, comme l'a relevé à juste titre la cour cantonale. Les doctoresses L.________ et M.________ paraissent par ailleurs avoir pris en considération diverses déclarations du recourant relatives aux circonstances dans lesquelles il a exercé ses activités professionnelles, qui auraient mérité vérification. Il en va ainsi, en particulier, des activités chez B1.________ SA, H1.________ SA et B.________ SA, pour lesquelles il conviendrait de vérifier si le recourant a réellement effectué des travaux de soudure ou de meulage sur matériaux de récupération revêtus de peinture amiantée ou pourvus de revêtement bitumeux amianté.
11.
11.1. Vu ce qui précède, la juridiction cantonale a basé sa décision uniquement sur les avis très brefs des médecins conseils de l'intimée, qui ne sont par ailleurs pas spécialisés dans les pathologies pulmonaires. Ces avis sont fermement contredits par les appréciations circonstanciées des spécialistes et experts réputés dans ce domaine, émises après avoir examiné le recourant, ainsi que par des analyses médicales. En outre, la cour cantonale a établi le parcours professionnel du recourant en Suisse ainsi qu'une éventuelle exposition professionnelle à l'amiante de manière incomplète, en omettant de tenir compte de certaines activités et indices parlant en faveur d'une telle exposition ou en les écartant sans motifs pertinents.
Contrairement à ce que prétend le recourant, on ne peut pas constater, en l'état de l'instruction, qu'il avait été exposé à l'amiante durant sa carrière professionnelle en Suisse. On ne peut toutefois pas davantage le nier. L'instruction étant manifestement insuffisante compte tenu des éléments contradictoires au dossier, il appartiendra à l'intimée de reprendre de manière plus détaillée l'anamnèse professionnelle du recourant, en particulier auprès des entreprises concernées, et en entendant si nécessaire des témoins (autres employés, par exemple). Le point de savoir si d'autres collègues du recourant auprès de certains employeurs ont également présenté des problèmes pulmonaires potentiellement en lien avec leur activité professionnelle, notamment une asbestose, devra également être vérifié.
Par ailleurs, face aux avis médicaux contradictoires (cf. consid. 9 supra), une expertise médicale est nécessaire en vue de préciser le diagnostic et de déterminer si l'atteinte pulmonaire dont souffre le recourant est causée ou non par l'amiante.
11.2. Comme il appartient en premier lieu à l'assureur-accidents de procéder à des instructions complémentaires pour établir d'office l'ensemble des faits déterminants, et, le cas échéant, d'administrer les preuves nécessaires avant de rendre sa décision (art. 43 al. 1 LPGA; ATF 132 V 268 consid. 5; arrêt 8C_696/2022 du 2 juin 2023 consid. 4.5 et les références), la cause sera renvoyée à l'intimée afin qu'elle mette en oeuvre les mesures d'instruction et rende une nouvelle décision sur le droit du recourant aux prestations d'assurance. Le recours se révèle ainsi bien fondé.
12.
En ce qui concerne la répartition des frais judiciaires, le renvoi de la cause pour nouvel examen et décision revient à obtenir gain de cause au sens des art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF, indépendamment du fait qu'une conclusion ait ou non été formulée à cet égard, à titre principal ou subsidiaire (ATF 146 V 28 consid. 7; 137 V 210 consid. 7.1). L'intimée, qui succombe, supportera ainsi les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et versera une indemnité de dépens au recourant ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ). La cause sera renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure précédente (art. 68 al. 5 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est partiellement admis. L'arrêt du Tribunal cantonal du Valais, Cour des assurances sociales, du 23 octobre 2023 et la décision sur opposition de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) du 15 octobre 2020 sont annulées. La cause est renvoyée à la CNA pour instruction complémentaire et nouvelle décision. Le recours est rejeté pour le surplus.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
3.
L'intimée versera au recourant la somme de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
4.
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal du Valais, Cour des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure antérieure.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du Valais, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 20 décembre 2024
Au nom de la IVe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Wirthlin
La Greffière : Betschart