Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_328/2024
Arrêt du 20 décembre 2024
IIIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Stadelmann et Moser-Szeless.
Greffière : Mme Perrenoud.
Participants à la procédure
A.A.________, agissant par sa mère B.A.________, représentée par M e Martine Dang, avocate,
recourante,
contre
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 2 mai 2024 (AI 172/23 - 135/2024).
Faits :
A.
A.A.________, née en 2010, est atteinte du syndrome de Down (trisomie 21). Elle a notamment bénéficié d'une allocation d'impotence pour mineurs dès le 1er décembre 2015, d'abord de degré moyen, puis de degré grave, assortie d'un supplément pour soins intenses de 6 heures par jour, à partir du 1er octobre 2016 (décisions de l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud [ci-après: l'office AI] du 9 mars 2018). À compter du 1er mars 2018, une contribution d'assistance a également été octroyée à l'assurée (décision du 3 mars 2020).
Au terme d'une procédure de révision initiée en octobre 2021, l'office AI a réduit l'allocation pour impotent de degré grave à un degré moyen et a supprimé le supplément pour soins intenses, avec effet au 1er juillet 2023 (décision du 8 mai 2023). Il a également supprimé le droit de A.A.________ à la contribution d'assistance (décision du 20 juin 2023).
B.
Statuant le 2 mai 2024 sur le recours formé par l'assurée contre la décision du 8 mai 2023, le Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, l'a rejeté.
C.
A.A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt. En substance, elle conclut principalement à sa réforme en ce sens que son droit à une allocation pour impotent de degré grave et à un supplément pour soins intenses de 6 heures par jour est maintenu au-delà du 30 juin 2023. Subsidiairement, l'assurée requiert l'annulation de l'arrêt cantonal et de la décision administrative du 8 mai 2023, ainsi que le renvoi de la cause à l'"autorité inférieure" pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle sollicite également le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière de droit public peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF . Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'en écarter doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération.
2.
2.1. Le litige porte sur la réduction de l'allocation pour impotent de degré grave, allouée à la recourante depuis le 1er octobre 2016, à une allocation pour impotent de degré moyen à partir du 1er juillet 2023, ainsi que sur la suppression du droit à un supplément pour soins intenses à compter de cette même date, par la voie de la révision (art. 17 LPGA, art. 87 à 88bis RAI; ATF 133 V 108 consid. 5; arrêt 9C_350/2014 du 11 septembre 2014 consid. 2.2).
2.2. Dans le cadre du "développement continu de l'AI", la LAI, le RAI et la LPGA - notamment - ont été modifiés avec effet au 1er janvier 2022 (RO 2021 705; FF 2017 2535). Dans la mesure où les modifications en question n'ont aucun effet sur la présente cause, il n'y a pas lieu de se prononcer plus avant sur d'éventuels aspects de droit transitoire.
2.3. L'arrêt entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs notamment à la notion d'impotence (art. 9 LPGA) et aux conditions légales du droit à une allocation pour (mineur) impotent et à un supplément pour soins intenses (art. 42 à 42ter LAI, art. 36 à 39 RAI), en particulier s'agissant des critères d'évaluation de l'impotence (art. 37 al. 1 à 3 RAI) en fonction du besoin d'aide - directe ou indirecte - pour accomplir les actes ordinaires de la vie (ATF 133 V 450; 127 V 94 consid. 3; 121 V 88 consid. 6c) et de la notion de surveillance personnelle permanente au sens de l'art. 37 al. 2 let. b et al. 3 let. b RAI, qui est traduite en temps destiné à apporter de l'aide supplémentaire (cf. art. 39 al. 3 RAI; arrêt 9C_831/2017 du 3 avril 2018 consid. 3.1). Il rappelle également les règles applicables à la valeur probante des rapports d'enquête pour l'évaluation du degré d'impotence (art. 69 al. 2 RAI; ATF 130 V 61 consid. 6; 128 V 93) et à la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA). Il suffit d'y renvoyer.
2.4. L'interprétation et l'application correctes de la notion juridique de l'impotence, ainsi que les exigences relatives à la valeur probante de rapports d'enquête au domicile de l'assuré relèvent de questions de droit, que le Tribunal fédéral examine librement (art. 95 let. a LTF). Les constatations de la juridiction cantonale relatives aux limitations fonctionnelles de la personne assurée pour accomplir certains actes ordinaires de la vie, fondées sur le résultat d'examens médicaux et sur un rapport d'enquête à domicile ayant valeur probante, constituent en revanche des questions de fait, soumises au Tribunal fédéral sous un angle restreint (art. 105 al. 2 LTF; cf. ATF 132 V 393 consid. 3.2; arrêt 9C_831/2017 du 3 avril 2018 consid. 1.2 et les arrêts cités).
3.
3.1. La juridiction cantonale a examiné si la situation de la recourante avait évolué dans une mesure significative (au sens requis par l'art. 17 al. 2 LPGA) depuis les décisions du 9 mars 2018, par lesquelles l'office intimé lui avait octroyé une allocation d'impotence pour mineurs à compter du 1er décembre 2015. Étant donné qu'il était incontesté (et incontestable, à la lecture du rapport d'enquête du 23 janvier 2023) que l'assurée présentait une impotence dans la réalisation des actes "se vêtir/se dévêtir", "se lever/s'asseoir/se coucher", "faire sa toilette", "aller aux toilettes" et "se déplacer/entretenir des contacts sociaux" (occasionnant un surcroît de temps journalier consacré à la réalisation de ces actes de 119 minutes), les premiers juges ont limité leur examen au point de savoir si la recourante présentait toujours un besoin d'assistance pour l'exécution de l'acte "manger", ainsi qu'à la question de la surveillance personnelle permanente. S'agissant de l'acte "manger", ils ont constaté que la situation avait sensiblement évolué depuis l'enquête à domicile réalisée en 2017 (rapport du 10 novembre 2017), puisqu'il ressortait des différents rapports versés au dossier, notamment du rapport rédigé à la suite de la nouvelle enquête à domicile effectuée en 2023 (rapport du 23 janvier 2023), que l'assurée mangeait désormais seule en utilisant des couverts adaptés et assez proprement. L'instance précédente en a déduit que la recourante ne présentait plus de besoin d'aide régulier et important dans l'accomplissement de cet acte. Quant au besoin de surveillance personnelle permanente, les premiers juges l'ont nié, après avoir constaté que le besoin de surveillance personnelle n'excédait dorénavant plus ce qui entre en ligne de compte pour tout enfant du même âge que l'assurée. Dans la mesure où la recourante ne requérait désormais une assistance que pour l'exécution de cinq actes ordinaires de la vie, nécessitant un surcroît de temps limité à 119 minutes par jour, la décision du 8 mars 2023 devait être confirmée (droit à une allocation pour impotent de degré moyen; cf. art. 37 al. 2 let. a RAI).
3.2. À l'appui de son recours, l'assurée reproche à la juridiction de première instance d'avoir violé le droit en rendant une "décision inopportune et non conforme à la réalité du cas d'espèce". D'une part, elle soutient qu'elle a besoin d'un surcroît d'aide régulière et importante par rapport à un enfant valide du même âge pour accomplir l'acte ordinaire de la vie "manger". D'autre part, en se référant à des comportements colériques, à une absence de discernement et à une capacité à se mettre en danger rapidement, elle allègue qu'elle présente un besoin de "surveillance personnelle permanente et particulièrement intensive" ouvrant le droit à un supplément pour soins intenses.
4.
4.1. En ce qui concerne l'acte ordinaire de la vie "manger", les premiers juges ont constaté, en se fondant sur le rapport d'enquête à domicile du 10 novembre 2017, qu'à l'époque où la recourante avait été mise au bénéfice d'une allocation pour impotent de degré grave (décisions du 9 mars 2018), elle n'était pas du tout en mesure de se servir des couverts et mangeait la plupart du temps avec ses doigts, salissant considérablement son environnement, ainsi qu'elle-même et les tiers à proximité; elle requérait par ailleurs une aide substantielle pour terminer ses repas et une négociation pour rester à table, étant relevé qu'en raison de réactions imprévisibles, elle était également susceptible de jeter des ustensiles à terre. Par la suite, la situation avait évolué de manière favorable, puisqu'il ressortait du rapport d'enquête à domicile du 23 janvier 2023 et des rapports éducatifs des 9 février 2022 et 22 septembre 2023 (établis par l'enseignante et l'éducatrice spécialisées prenant en charge l'assurée à la Fondation B.________, où elle est scolarisée) que la recourante avait acquis une autonomie certaine (capacité à utiliser des couverts - éventuellement adaptés - et à manger proprement), qu'elle ne nécessitait plus une présence soutenue de l'adulte pour s'alimenter et que les différents intervenants ne faisaient plus mention de négociation pour la maintenir à table.
4.2. En indiquant que bien qu'ayant fait "quelques timides progrès", elle n'est pas apte à accomplir l'acte "manger" de manière autonome et seule, la recourante oppose sa propre appréciation de la situation à celle de l'instance précédente, sans dire en quoi celle-ci aurait apprécié les preuves, puis établi les faits déterminants de manière arbitraire (cf. art. 97 al. 1 LTF). En particulier, elle n'expose pas en quoi les constatations des premiers juges, fondées sur le rapport d'enquête à domicile du 23 janvier 2023, seraient manifestement erronées, en tant qu'ils ont admis que les restrictions en lien avec la quantité de nourriture ingérée et le rythme des prises alimentaires (défaut de mastication) ne revêtaient pas une intensité de nature à faire douter des capacités qu'elle avait acquises pour se nourrir quasiment normalement. L'instance précédente a de plus exposé de manière convaincante à ce propos qu'à l'âge de 12 ans (âge de la recourante au moment de l'enquête à son domicile réalisée en janvier 2023), même un enfant ne souffrant d'aucun handicap est encore susceptible d'être recadré en lien avec les quantités ingérées et le temps consacré aux repas. Par ailleurs, les différents intervenants appelés à respectivement décrire et évaluer le besoin d'aide de la recourante n'ont pas fait état d'un risque de mise en danger (étouffement) en cas d'alimentation sans surveillance (ainsi, rapport de la Fondation B.________ du 22 septembre 2023), contrairement à ce qu'affirme l'assurée. Quant à l'aide directe d'autrui pour couper des aliments durs, elle est insuffisante pour admettre un besoin d'aide régulière et importante, dès lors que de tels aliments ne sont pas consommés tous les jours (arrêts 9C_138/2022 du 3 août 2022 consid. 4.2.2; 8C_30/2010 du 8 avril 2010 consid. 6.2), comme l'ont dûment exposé les juges précédents. À cet égard, c'est en vain que la recourante affirme n'être en mesure de couper que du poisson mou, dès lors qu'il ressort du rapport éducatif du 22 septembre 2023 qu'elle parvient à couper de nombreux aliments s'ils restent suffisamment mous, tels que des pommes de terre ou des spaghettis.
4.3. En définitive, étant donné que la recourante ne présente pas un besoin d'aide importante et régulière d'autrui pour accomplir l'acte "manger", c'est à bon droit que les juges précédents ont nié son droit à une allocation pour impotent de degré grave au-delà du 30 juin 2023 (cf. art. 37 al. 1 RAI a contrario).
Compte tenu de ce qui précède, il n'y a pas lieu d'examiner plus avant les griefs que l'assurée soulève en relation avec un éventuel besoin de "surveillance personnelle permanente et particulièrement intensive". En effet, aux termes de l'art. 39 al. 1 RAI, chez les mineurs, sont réputés soins intenses au sens de l'art. 42ter al. 3 LAI, les soins qui nécessitent, en raison d'une atteinte à la santé, un surcroît d'aide d'au moins quatre heures en moyenne durant la journée. Or en l'occurrence, même si une surveillance personnelle permanente (correspondant à un surcroît d'aide de deux heures par jour; cf. art. 39 al. 3 RAI) devait être reconnue en faveur de la recourante, celle-ci n'aurait pas droit à un supplément pour soins intenses, puisque le seuil de quatre heures par jour de temps supplémentaire (selon l'art. 39 al. 1 RAI) ne serait pas atteint, comme l'a du reste exposé l'instance précédente. Selon les constatations des juges cantonaux, un surcroît de temps journalier de 119 minutes est nécessaire pour la réalisation des cinq actes ordinaires de la vie pour lesquels l'assurée présente un besoin d'aide, ce que la recourante ne conteste pas. Quant à l'éventualité d'une surveillance particulièrement intense liée à l'atteinte à la santé, qui est équivalente à un surcroît d'aide de quatre heures (cf. art. 39 al. 3 RAI), elle n'entre pas en ligne de compte, dans la mesure déjà où la recourante admet qu'elle nécessite une surveillance "un peu plus souple que par le passé". Or à l'époque où l'assurée bénéficiait d'un supplément pour soins intenses, deux heures (et non pas quatre heures) de surveillance permanente avaient été admises (cf. décision du 9 mars 2018 et rapport d'enquête à domicile du 10 novembre 2017).
5.
En conclusion, en niant que la recourante présentât une impotence grave et un besoin de surveillance personnelle permanente, avec pour conséquence qu'elle a confirmé la décision administrative querellée, la juridiction cantonale n'a pas violé le droit fédéral, ni constaté les faits de manière manifestement inexacte ou apprécié arbitrairement les preuves. Le recours est mal fondé.
6.
Vu l'issue de la procédure, la recourante doit supporter les frais y afférents (art. 66 al. 1 LTF). Elle a cependant déposé une demande d'assistance judiciaire visant à la dispense des frais judiciaires et à la désignation d'un avocat d'office. Dès lors que les conditions d'octroi en sont réalisées ( art. 64 al. 1 et 2 LTF ), l'assistance judiciaire lui est accordée. La recourante est toutefois rendue attentive au fait qu'elle devra rembourser la Caisse du Tribunal fédéral, si elle retrouve ultérieurement une situation financière lui permettant de le faire (art. 64 al. 4 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
L'assistance judiciaire est accordée et Maître Martine Dang est désignée comme avocate d'office de la recourante.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la recourante. Ils sont toutefois supportés provisoirement par la Caisse du Tribunal fédéral.
4.
Une indemnité de 3'000.- fr. est allouée à l'avocate de la recourante à titre d'honoraires à payer par la Caisse du Tribunal fédéral.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 20 décembre 2024
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Parrino
La Greffière : Perrenoud