Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_29/2024
Arrêt du 21 janvier 2025
IIIe Cour de droit public
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Moser-Szeless, Présidente, Parrino et Bollinger.
Greffier : M. Bleicker.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par M e Jean-Michel Duc, avocat,
recourant,
contre
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité (rente d'invalidité),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 23 novembre 2023 (AI 328/22 - 320/2023).
Faits :
A.
A.a. A.________, né en 1970, a travaillé en qualité de machiniste pour le compte de B.________ SA (actuellement C.________ SA) dès le 1
er avril 1997. En arrêt de travail depuis le 10 juillet 2012, il a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité le 3 décembre 2012, en raison de douleurs et fourmillements au membre inférieur gauche d'origine inconnue.
Par décision du 19 avril 2018, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Vaud (ci-après: l'office AI) a octroyé à l'assuré une rente entière de l'assurance-invalidité du 1er août 2014 au 31 mars 2016. Statuant le 11 janvier 2019, le Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, a rejeté le recours formé par l'assuré et confirmé la décision rendue par l'office AI. Par arrêt 9C_134/2019 du 15 avril 2019, le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé par l'assuré contre cet arrêt.
A.b. Le 13 mai 2019, A.________ a annoncé à l'office AI une aggravation de son état de santé. L'administration a recueilli l'avis des médecins traitants, notamment celui des docteurs D.________, spécialiste en médecine interne générale (notamment du 6 juin 2019), et E.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie (avis du 13 décembre 2019), puis a mis en oeuvre une expertise psychiatrique, précédée d'une évaluation neuropsychologique. Dans un rapport du 7 décembre 2021, le docteur F.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, a diagnostiqué un épisode dépressif sévère, sans symptômes psychotiques, ainsi qu'une majoration de symptômes physiques pour des raisons psychologiques. L'assuré ne pouvait plus exercer son activité habituelle de machiniste depuis le 1
er janvier 2017. Dans une activité adaptée, il présentait une capacité de travail de 30 % sur un plan psychiatrique. Par décisions des 28 octobre et 22 novembre 2022, l'office AI a octroyé à l'assuré une rente entière de l'assurance-invalidité dès le 1er novembre 2019.
B.
Statuant le 23 novembre 2023, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté les deux recours formés par l'assuré contre les décisions des 28 octobre 2022 et 22 novembre 2022 et les a confirmées.
C.
L'assuré forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont il demande la réforme en ce sens qu'il a droit à une rente entière de l'assurance-invalidité dès le 1
er janvier 2017. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt du 23 novembre 2023 et au renvoi de la cause à l'office AI pour nouvelle instruction et nouvelle décision.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière de droit public peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), que le Tribunal fédéral applique d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'étant limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte (c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst.; ATF 148 V 366 consid. 3.3 et les références) ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).
2.
2.1. Compte tenu des motifs et conclusions du recours, le litige porte exclusivement sur le point de savoir si le recourant a droit à une rente entière de l'assurance-invalidité à compter du 1
er janvier 2017, comme il le demande, ou à compter du 1
er novembre 2019, comme l'a retenu la juridiction cantonale. À cet égard, l'arrêt entrepris expose de manière complète les règles applicables à la résolution du cas. Il suffit d'y renvoyer.
2.2. À la suite des premiers juges, on rappellera que, dans le cadre du "développement continu de l'AI", la LAI, le RAI et la LPGA - notamment - ont été modifiés avec effet au 1
er janvier 2022 (RO 2021 705; FF 2017 2535). Compte tenu du principe de droit intertemporel prescrivant l'application des dispositions légales qui étaient en vigueur lorsque les faits juridiquement déterminants se sont produits (cf. ATF 150 V 323 consid. 4.2; 144 V 210 consid. 4.3.1), le droit applicable demeure celui qui était en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021.
3.
3.1. La juridiction cantonale a tout d'abord relevé que le recourant n'avait pas sollicité la révision de l'arrêt rendu par le Tribunal fédéral en date du 15 avril 2019. Dès lors, elle a renoncé à examiner si le droit à la rente pouvait prendre naissance avant le 19 avril 2018, date de la première décision de l'office AI. En tant que le recourant concluait à l'octroi d'une rente à compter du 1
er janvier 2017, la juridiction cantonale a rejeté le recours.
En se fondant sur les conclusions du docteur F.________, la juridiction cantonale a ensuite constaté une aggravation de l'état de santé du recourant survenue entre le 25 septembre 2017 et le 13 décembre 2019, sans qu'il ne soit possible selon elle de déterminer une date précise. Cependant, étant donné que le recourant avait débuté un suivi psychiatrique dès juillet 2019, les premiers juges ont considéré qu'il disposait, dès le 1
er juillet 2019, d'une capacité résiduelle de travail de 30 % dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles décrites par le docteur F.________. Par conséquent, le recourant pouvait prétendre une rente entière de l'assurance-invalidité à compter du 1
er juillet 2020, soit un an plus tard (art. 28 al. 1 let. b LAI). Le Tribunal cantonal a jugé qu'il n'apparaissait par ailleurs pas opportun de procéder à une reformatio in pejus, dans la mesure où l'office AI avait alloué une rente entière de l'assurance-invalidité dès le 1
er novembre 2019. Il a dès lors confirmé l'octroi d'une rente de l'assurance-invalidité au recourant à compter du 1
er novembre 2019.
3.2. Invoquant une violation de l'art. 53 al. 2 LPGA, en lien avec un établissement arbitraire des faits, le recourant reproche à la juridiction cantonale d'avoir retenu qu'il était durablement atteint dans sa santé depuis le 1
er juillet 2019. Il fait valoir que le docteur F.________ avait très clairement indiqué que l'aggravation de son état de santé remontait au début de l'année 2017, vu l'avis de la doctoresse D.________ du 25 septembre 2017. En 2017, l'office AI n'avait par ailleurs pas encore statué sur la première demande de prestations. Dès lors qu'il était entré en matière sur sa demande du 13 mai 2019, et qu'il avait implicitement admis le caractère erroné de sa décision du 19 avril 2018, l'office AI aurait dû reconsidérer sa décision du 19 avril 2018. Au lieu de cela, l'office AI avait considéré que la demande du 13 mai 2019 était tardive, faisant naître le début du droit à la rente au 1
er novembre 2019.
4.
4.1. Le principe et les conditions de la reconsidération d'une décision entrée en force sont prévus à l'art. 53 al. 2 LPGA, aux termes duquel l'assureur peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu'elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable. Dès lors, la reconsidération est soumise à deux conditions: l'importance notable de la rectification et l'existence d'une erreur manifeste. L'erreur manifeste signifie qu'il n'existe aucun doute raisonnable sur l'irrégularité initiale de la décision, cette conclusion étant la seule envisageable (ATF 148 V 195 consid. 5.3; 138 V 324 consid. 3.3). Le vice peut résulter de l'application des mauvaises bases légales, de la non-application ou de la mauvaise application des normes déterminantes (ATF 147 V 167 consid. 4.2; 144 I 103 consid. 2.2; 140 V 77 consid. 3.1). Pour juger s'il est admissible de reconsidérer une décision pour le motif qu'elle est manifestement erronée (art. 53 al. 2 LPGA), il faut se fonder sur les faits et la situation juridique existant au moment où cette décision a été rendue, compte tenu de la pratique en vigueur à l'époque (ATF 141 V 405 consid. 5.2 et la référence).
4.2. En l'espèce, le recourant méconnaît le fait que seules les décisions n'ayant pas fait l'objet d'un jugement sur le fond peuvent être reconsidérées selon l'art. 53 al. 2 LPGA (ATF 138 V 147 consid. 2.1; arrêts 9C_483/2022 du 28 août 2023 consid. 4.3.3; 8C_736/2019 du 21 janvier 2020 consid. 5.2). Dans la mesure où l'arrêt du 11 janvier 2019 s'est substitué à la décision de l'office AI du 19 avril 2018 en vertu de l'effet dévolutif du recours (cf. ATF 136 II 539 consid. 1.2), la juridiction cantonale a rappelé à juste titre que la présente procédure ne portait pas sur la période courant jusqu'au 19 avril 2018 (s'agissant du cadre temporel de l'état de fait soumis à l'examen matériel de l'autorité judiciaire, voir ATF 132 V 215 consid. 3.1.1; 121 V 362 consid. 1b). Les points définitivement tranchés dans l'arrêt du Tribunal cantonal du 11 janvier 2019, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_134/2019 du 15 avril 2019, bénéficient de l'autorité de force jugée. Dès lors, l'autorité précédente a refusé à juste titre de les reconsidérer.
On ajoutera encore que, quoi qu'en dise le recourant, l'office AI n'a nullement admis "implicitement" le caractère manifestement erroné de la décision du 19 avril 2018 (au sens de l'art. 53 al. 2 LPGA). Après avoir informé le recourant que sa demande du 13 mai 2019 serait traitée comme une nouvelle demande de prestations, l'office AI l'a admise et lui a octroyé les prestations dues conformément à l'art. 29 al. 1 LAI, soit après l'échéance d'une période de six mois à compter de la date de la demande de prestations (ATF 142 V 547 consid. 3.1; 140 V 2 consid. 5.2 et 5.3). L'administration a certes relevé que la capacité de gain du recourant était considérablement restreinte depuis le 1
er janvier 2017. Elle a cependant procédé à cette constatation uniquement en lien avec l'art. 29 al. 1 LAI, soit dans le cadre d'une nouvelle demande de prestations. L'office AI n'est dès lors aucunement revenu sur la décision du 19 avril 2018. En conséquence, les critiques formulées par le recourant contre l'arrêt attaqué, dans la mesure où elles concernent la période antérieure au 19 avril 2018, ne sont pas pertinentes.
4.3. Pour le surplus, on cherche en vain dans le recours la réfutation des constatations cantonales selon lesquelles l'aggravation de l'état de santé du recourant est survenue à compter de juillet 2019. Certes, le recourant rappelle que le docteur F.________ a retenu (de manière rétrospective) que son état de santé s'était aggravé à compter de janvier 2017. Cependant, il n'expose pas, même de manière succincte, en quoi les faits constatés par les premiers juges seraient entachés d'arbitraire. Il ne conteste en particulier nullement avoir débuté un suivi psychiatrique à compter du 1
er juillet 2019 et ne prétend pas disposer d'un arrêt de travail établi par un psychiatre avant cette date. Se limiter à opposer son appréciation à celle des premiers juges ne suffit dès lors pas à démontrer le caractère arbitraire des constatations de ces derniers.
5.
Mal fondé, le recours est rejeté. Au vu de l'issue du litige, les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 21 janvier 2025
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Moser-Szeless
Le Greffier : Bleicker