Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5A_880/2023
Arrêt du 21 octobre 2024
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président,
Bovey et Hartmann.
Greffier : M. Piccinin.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Loïka Lorenzini, avocate,
recourante,
contre
B.________,
représenté par Me Stephen Gintzburger, avocat,
intimé.
Objet
modification d'un jugement de divorce étranger,
recours contre l'arrêt de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 18 octobre 2023 (PD17.031760-221186 423).
Faits :
A.
B.________, né en 1960, et A.________, née en 1965, sont tous deux de nationalité américaine et se sont mariés en 1995 aux États-Unis.
Quatre enfants sont issus de cette union, entre 1997 et 2006.
Par jugement rendu le 4 mars 2015, devenu définitif et exécutoire le 3 juin 2015, le Franklin Probate and Family Court, à Greenfield (Massachusetts, États-Unis), a prononcé le divorce des parties et en a réglé tous les effets accessoires, à l'exception de l'attribution de l'autorité parentale, du droit de garde sur les quatre enfants et du droit de visite du parent non gardien. Il a notamment astreint le mari à verser en mains de l'épouse une contribution d'entretien hebdomadaire de 325 USD pour chacun des enfants mineurs, soit un montant mensuel moyen arrondi de 1'350 CHF ([325 USD x 52 / 12] au taux de change officiel de la Réserve fédérale des États-Unis au 4 mars 2015) par enfant, et de 1400 USD en faveur de l'épouse, soit un montant mensuel moyen arrondi de 5'800 CHF ([1'400 USD x 52 / 12] au taux de change officiel de la Réserve fédérale des États-Unis au 4 mars 2015), ainsi qu'un montant maximal de 5'000 USD tous les douze mois pour les dépenses inhabituelles pour les enfants.
Par jugement rendu le 6 juin 2016, le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois (ci-après: le président) a reconnu la décision américaine précitée.
B.
B.a. Le 19 juillet 2017, l'ex-épouse a ouvert action en modification du jugement de divorce du 4 mars 2015 par-devant le président, en concluant - au fond et à titre provisionnel - à l'augmentation des contributions d'entretien dues par l'ex-mari en faveur de ses enfants encore mineurs, faisant valoir que le revenu de l'ex-mari avait possiblement augmenté et que les contributions en question ne couvraient plus le coût des enfants. Dans cet acte, elle n'a pas évoqué sa propre contribution d'entretien.
Le 25 juillet 2017, l'ex-mari a ouvert action en modification du jugement de divorce par-devant le Franklin Probate and Family Court, en concluant à la modification des contributions d'entretien dues en faveur des enfants encore mineurs, ainsi qu'à la suppression de celle de l'ex-épouse. Le 23 août 2017, il a par ailleurs requis l'octroi de cette modification par voie de mesures provisionnelles.
B.b. Donnant suite à une requête de l'ex-épouse, le président a, par ordonnance de mesures superprovisionnelles du 8 septembre 2017, reconnu que sa compétence était exclusive pour statuer sur sa demande en modification des contributions dues par l'ex-mari pour l'entretien de ses enfants encore mineurs.
Par décision de mesures provisionnelles rendue le 14 septembre 2017, le Franklin Probate and Family Court a admis la requête de mesures provisionnelles déposée le 23 août 2017 par l'ex-mari dans le cadre de l'action en modification du jugement de divorce ouverte par demande du 25 juillet 2017, a fixé le montant hebdomadaire des contributions d'entretien dues en faveur des enfants à hauteur de 900 USD, soit un montant mensuel global de 3'477 fr. 60 (basé sur le taux de change officiel de la Réserve fédérale des États-Unis au 14 septembre 2017), et a supprimé la contribution d'entretien due en faveur de l'ex-épouse.
B.c. Lors de l'audience du 15 décembre 2017, l'ex-épouse a déposé un complément à sa requête de mesures provisionnelles du 19 juillet 2017, amplifiant ses conclusions en faveur des enfants et les faisant désormais également porter sur sa propre contribution d'entretien due par l'ex-mari.
B.d. Le 27 mars 2018, le Trial Court, Probate and Family Court, Franklin Division a rendu un jugement au fond sur l'action en modification de jugement de divorce introduite par l'ex-mari, fixant à 900 USD par semaine la contribution d'entretien due globalement aux deux enfants encore mineurs et supprimant la contribution d'entretien de l'épouse, avec effet au 14 septembre 2017.
Dans son jugement motivé du 20 juin 2018, cette autorité a notamment considéré qu'elle avait la compétence judiciaire exclusive et continue pour modifier les contributions d'entretien dues aux enfants et à l'épouse.
B.e. Le 9 avril 2018, l'ex-épouse a déposé un complément à sa demande en modification de jugement de divorce.
Le 27 juin 2018, l'ex-mari a déposé une réponse sur le fond, en concluant en substance au rejet des conclusions prises par l'ex-épouse dans ses écritures des 19 juillet 2017 et 9 avril 2018, ainsi que, reconventionnellement, à la reconnaissance des décisions américaines des 14 septembre 2017 et 27 mars 2018 et à l'irrecevabilité de la demande de l'ex-épouse.
B.f. Par ordonnance de mesures provisionnelles motivée du 10 juillet 2018, le président a en substance admis sa compétence exclusive pour statuer à titre provisionnel sur la modification des contributions d'entretien dues par l'ex-mari en faveur de l'ex-épouse et des enfants, mais rejeté les conclusions l'ex-épouse.
Dite ordonnance a été partiellement réformée en appel par arrêt rendu le 4 décembre 2018.
C.
C.a. Par jugement du 10 août 2022, le président a, entre autres points, admis partiellement les conclusions prises par l'ex-épouse à l'encontre de l'ex-mari au pied de sa demande en modification de jugement de divorce du 19 juillet 2017, telle que complétée le 9 avril 2018, admis partiellement les conclusions prises par l'ex-mari à l'encontre de l'ex-épouse au pied de sa réponse du 27 juin 2018 et constaté sa compétence exclusive pour statuer au fond sur la modification des contributions d'entretien dues par l'ex-mari en faveur de l'ex-épouse et de leurs enfants mineurs.
En substance, le président a admis sa compétence pour juger de la demande de modification de jugement de divorce prononcé par une instance judiciaire américaine, est entré en matière sur la demande en modification des contributions d'entretien dues en faveur des enfants et de l'ex-épouse, a rejeté la requête de l'ex-mari tendant à la reconnaissance des décisions rendues dans ce cadre par les autorités judiciaires américaines et, sur le fond, a rejeté les conclusions en modification, considérant que la situation financière des parties et de leurs enfants ne s'était pas modifiée de manière notable et durable depuis le jugement de divorce.
C.b. Statuant par arrêt du 18 octobre 2023, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a admis l'appel interjeté par l'ex-mari le 15 septembre 2023 contre le jugement précité et l'a réformé en ce sens que les conclusions prises par l'ex-épouse dans sa demande en modification de jugement de divorce du 19 juillet 2017, telle que complétée le 9 avril 2018, sont rejetées, que les conclusions prises par l'ex-mari au pied de sa réponse du 27 juin 2018 sont partiellement admises et que la décision de mesures provisionnelles (" Order " sous n° d'ordre FR13D0073DR) rendue par The Trial Court, Probate and Family Department, Franklin Division du 14 septembre 2017 et la décision au fond ("Judgement of modification & Judgement on Contempt" sous n° d'ordre FR13D0073DR) rendue par The Trial Court, Probate and Family Department, Franklin Division du 27 mars 2018, sont reconnues en tant qu'elles prononcent que la contribution d'entretien due à l'ex-épouse prend fin avec effet au 14 septembre 2017.
D.
Par acte du 17 novembre 2023, A.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 18 octobre 2023. Principalement, elle conclut à sa réforme en ce sens que le jugement rendu le 10 août 2022 par le président est confirmé et, subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle sollicite en outre l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale.
Invités à se déterminer, l'intimé propose le rejet du recours et la cour cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt.
La recourante a renoncé à déposer une réplique.
Considérant en droit :
1.
Le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans la forme légale (art. 42 al. 1 LTF), contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue sur recours par une autorité supérieure statuant en dernière instance cantonale ( art. 75 al. 1 et 2 LTF ), dans une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF) de nature pécuniaire dont la valeur litigieuse requise est atteinte (art. 51 al. 1 let. a, 51 al. 4 et 74 al. 1 let. b LTF). La recourante a pris part à la procédure devant l'autorité précédente et a un intérêt digne de protection à la modification ou l'annulation de la décision attaquée ( art. 76 al. 1 let. a et b LTF ). Le recours est donc en principe recevable.
2.
2.1. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs soulevés (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références). Le recourant doit par conséquent discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 146 IV 297 consid. 1.2; 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 consid. 2.4). Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF; ATF 149 III 81 consid. 1.3; 146 IV 114 consid. 2.1; 144 II 313 consid. 5.1).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été constatés de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1 et les références). Le recourant qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 148 IV 39 consid. 2.3.5; 147 I 73 consid. 2.2; 144 II 246 consid. 6.7), doit satisfaire au principe d'allégation susmentionné (art. 106 al. 2 LTF; cf. supra consid. 2.1). Une critique qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 145 IV 154 consid. 1.1).
En l'occurrence, il ne sera pas tenu compte du rappel de la chronologie des faits que la recourante présente aux p. 10 et 11 de son mémoire, en tant que les faits qui y sont exposés s'écartent de ceux contenus dans l'arrêt attaqué, sans que la recourante ne démontre que, d'une part, leur établissement serait arbitraire ou qu'ils auraient été constatés en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et que, d'autre part, leur correction serait susceptible d'influer sur le sort de la cause.
3.
Soulevant un grief d'arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'établissement des faits, la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir retenu que le jugement de divorce rendu le 4 mars 2015 par les autorités américaines fixait la contribution d'entretien hebdomadaire due par l'ex-mari en faveur des enfants mineurs à 325 USD par enfant, au lieu de 325 USD pour tous les enfants. Elle relève que ce constat ressortirait du jugement en question et que les parties l'auraient du reste admis dans leurs écritures respectives de première instance.
Cette critique se révèle irrecevable. D'une part, elle ne satisfait pas aux exigences de motivation susmentionnées (cf. supra consid. 2.1 et 2.2), faute notamment pour la recourante d'exposer en quoi la correction de ce vice serait susceptible d'influer sur le sort de la cause, soit la question de la reconnaissance des décisions américaines qui demeure seule litigieuse. D'autre part, elle ne respecte pas le principe de l'épuisement des griefs (art. 75 al. 1 LTF; ATF 146 III 203 consid. 3.3.4; 145 III 42 consid. 2.2.2; 143 III 290 consid. 1.1 et les références; sur l'application de ce principe à la partie intimée en appel, cf. ATF 140 III 86 consid. 2), dans la mesure où il était déjà constaté dans la décision de première instance que la contribution d'entretien hebdomadaire était de 325 USD pour chacun des enfants mineurs dans le jugement de divorce et qu'il n'apparaît pas que la recourante s'en serait plainte en appel.
4.
La recourante soutient que la reconnaissance des décisions rendues par les autorités américaines modifiant la contribution d'entretien entre ex-conjoints contreviendrait à la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 concernant la reconnaissance et l'exécution de décision relative aux obligations alimentaires (CLaH; RS 0.211.213.02), aux art. 9 et 27 LDIP et à l'art. 62 CPC.
4.1. Il n'y a pas lieu de s'attarder sur la prétendue violation de la convention précitée invoquée par la recourante, dans la mesure où le refus de la cour cantonale d'appliquer cette convention en l'espèce vu que les États-Unis n'y sont pas parties apparaît conforme à l'art. 4 CLaH et que la recourante se limite à " prendre acte " de ce refus.
4.1.1. Selon l'art. 27 al. 2 let. c LDIP, la reconnaissance d'une décision étrangère doit être refusée si une partie établit qu'un litige entre les mêmes parties et sur le même objet a déjà été introduit en Suisse ou y a déjà été jugé. Cette règle concrétise l'ordre public procédural. Le motif de refus qui en découle présente toutefois la particularité, par rapport à la notion générale d'ordre public, de laisser davantage place à l'appréciation du juge, en raison de son effet atténué (arrêt 5A_1015/2021 du 4 août 2022 consid. 6.2.1.1 et la référence).
L'art. 27 al. 2 let. c LDIP représente un complément à l'art. 9 LDIP et les notions de litispendance sont les mêmes. Selon cette dernière disposition, le juge suisse suspend la cause lorsqu'une action ayant le même objet est déjà pendante entre les mêmes parties à l'étranger; il se dessaisit lorsque cette action aboutit à une décision susceptible d'être reconnue en Suisse. Cette réglementation implique qu'au cas où l'action a été introduite avant celle ouverte à l'étranger, le juge suisse poursuit l'instruction jusqu'au jugement. La décision qui sera alors rendue à l'étranger, par hypothèse avant le prononcé du juge suisse, ne peut dès lors être reconnue en Suisse, ce qui correspond à la solution consacrée à l'art. 27 al. 2 let. c LDIP (arrêt 5A_1015/2021 précité loc. cit. et les auteurs cités).
Le but de la litispendance étant de prévenir des jugements contradictoires, le Tribunal fédéral a approuvé la conception unitaire de l'identité de l'objet et s'est rallié à la théorie dite du centre de gravité (
Kernpunkttheorie) consacrée par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE; actuellement Cour de justice de l'Union européenne). Selon cette théorie, dans le but d'éviter des jugements contradictoires lorsque des demandes identiques sont déposées à plusieurs endroits, la notion d'identité d'objet ne doit pas être " restreinte à l'identité formelle des deux demandes "; il convient bien plutôt de mettre l'accent sur la question juridique qui se trouve au centre des deux procès (ATF 138 III 570 consid. 4.2.2; arrêts 4A_405/2022 du 26 janvier 2023 consid. 2.1; 5A_1015/2021 précité loc. cit.; 5A_223/2016 du 28 juillet 2016 consid. 5.1.1.2).
Il y a identité de l'objet du litige lorsque les parties soumettent au juge la même prétention en se fondant sur les mêmes causes juridiques et les mêmes faits. L'identité de l'objet du litige s'entend au sens matériel; il n'est pas nécessaire, ni même déterminant que les conclusions soient formulées de manière identique. En relation avec l'exception de chose jugée, le Tribunal fédéral a admis que, même si elle s'en écarte par son intitulé, une nouvelle conclusion aura un objet identique à celle déjà jugée, si elle était déjà contenue dans celle-ci, si elle est simplement son contraire ou si elle ne se pose qu'à titre préjudiciel, alors que dans le premier procès elle se posait à titre principal. Par ailleurs, si une action en constatation négative et une action condamnatoire opposent les mêmes parties et portent sur le même complexe de faits, elles doivent être considérées comme identiques (arrêts 5A_1015/2021 précité loc. cit.; 5C.289/2006 du 7 juin 2007 consid. 3.2 et les références, en lien avec l'art. 9 LDIP).
4.1.2. À teneur de l'art. 62 CPC, l'instance est introduite par le dépôt de la requête de conciliation, de la demande ou de la requête en justice, ou de la requête commune en divorce (al. 1); une attestation de dépôt de l'acte introductif d'instance est délivrée aux parties (al. 2). Cette attestation a pour but de documenter la litispendance d'un litige déterminé vis-à-vis d'une autre juridiction (INFANGER, in Basler Kommentar, ZPO, 3e éd. 2017, no 27 ad art. 62 CPC). À cette fin, elle mentionne la date et l'heure du dépôt, le moment déterminant pour la litispendance, ainsi que les éléments essentiels permettant de déterminer l'objet du litige et les parties au procès, qui fixent l'étendue de la litispendance (BOHNET, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2e éd. 2019, no 20 ad art. 62 CPC; INFANGER, op. cit., no 28 ad art. 62 CPC).
4.2. En l'occurrence, la cour cantonale a retenu qu'il n'était pas contesté que l'ex-épouse avait déposé sa demande auprès du président avant l'ex-mari, mais qu'elle avait étendu le cadre de cette demande en prenant des conclusions en modification de sa propre contribution d'entretien dans un deuxième temps, soit après que l'ex-mari ait lui-même déposé une demande tendant à sa suppression devant une instance judiciaire américaine. L'action avait ainsi été ouverte en premier lieu en Suisse, mais uniquement en ce qui concerne les contributions dues aux enfants. Sur ce point, la décision de mesures provisionnelles et le jugement américains en modification ne pouvaient donc manifestement pas être reconnus. La question était un peu moins évidente en ce qui concerne la contribution d'entretien due en faveur de l'ex-épouse. À cet égard, la cour cantonale a rappelé que la jurisprudence du Tribunal fédéral commandait de se référer à la question juridique à résoudre plutôt qu'à l'identité formelle des demandes. Dans le cas d'espèce, elle a considéré que l'on ne pouvait pas considérer que la question litigieuse était la même en ce qui concerne l'entretien des enfants et l'entretien de l'ex-conjoint. Ceux-ci répondaient en effet à des conditions juridiques différentes (art. 125 CC et 129 CC pour l'époux et art. 285 et 286 CC - applicable par renvoi de l'art. 133 al. 4 ch. 4 CC - pour les enfants) et étaient soumis à des maximes différentes, à savoir les maximes inquisitoire et d'office pour les enfants (art. 296 CPC) et les maximes des débats et de disposition entre les époux ou ex-époux (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC). Du reste, en droit interne, il était parfaitement envisageable que, dans le cadre d'une action en modification, la contribution des enfants soit modifiée mais non celle du conjoint, ou inversement. En outre, s'il fallait bien admettre qu'en Suisse, le montant de la pension alimentaire d'un époux ou ex-époux dépendait souvent du montant des pensions alimentaires allouées aux enfants, il fallait reconnaître que, dans le cas d'espèce, les deux questions n'étaient pas interdépendantes et qu'il n'y avait ainsi pas lieu de craindre des jugements contradictoires. En effet, l'ex-épouse demandait au président la couverture de l'entier des coûts directs des enfants, sans contributions de prise en charge, de sorte que la question de la suppression ou non de la contribution d'entretien de l'ex-épouse ne dépendait aucunement de la modification ou non des contributions d'entretien dues aux enfants. Enfin, la cour cantonale a précisé, en réponse à l'argument de l'ex-épouse, que le contenu exact de l'attestation de dépôt de l'acte introductif d'instance délivrée aux parties en vertu de l'art. 62 CPC n'était pas déterminant, même si celle-ci ne précisait pas que la demande de modification du jugement de divorce concernait uniquement les contributions d'entretien dues aux enfants.
En définitive, la cour cantonale a considéré qu'il fallait admettre la compétence des autorités américaines sur la question de la contribution d'entretien en faveur de l'ex-épouse, la demande de l'ex-mari ayant été déposée avant celle de l'ex-épouse sur ce point. Cela conduisait à reconnaître la décision de mesures provisionnelles du 14 septembre 2017 et le jugement du 27 mars 2018 dans cette mesure, aucun motif ne s'y opposant.
4.3. La recourante fait valoir qu'il ne faisait " aucun doute " que l'action en modification de jugement de divorce qu'elle a introduite devant les tribunaux suisses l'avait été avant celle de l'intimé. Comme le certifiait l'attestation délivrée le 20 juillet 2017 par le président en application de l'art. 62 al. 2 CPC, son action englobait toute action en modification de jugement de divorce concernant les mêmes parties, de sorte que sa prise de conclusions concernant sa propre contribution d'entretien après l'action introduite par l'intimé aux États-Unis n'était pas pertinente dans la détermination de litispendance. Admettre le contraire signifierait que deux procédures en modification de jugement de divorce concernant les mêmes parties pourraient être introduites en parallèle auprès d'autorités différentes, créant un risque important de jugements contradictoires que les art. 9 et 27 LDIP étaient censés éviter. En application de ces dispositions, il ne faisait " aucun doute " que la litispendance créée en Suisse devait valoir pour toute la procédure en modification de jugement de divorce. La recourante soutient également que la cour cantonale avait fait fi de l'attestation de dépôt de l'acte introductif d'instance délivrée le 20 juillet 2017. Contrairement à ce qu'énonçait la motivation cantonale, ce document était " l'incarnation du principe de litispendance défini aux art. 27 et 9 LDIP et 62 CPC ". Ainsi, comme l'avait fait le premier juge, la cour cantonale aurait dû, sur cette base, considérer l'action introduite par l'ex-mari le 25 juillet 2017 comme irrecevable en tant qu'elle consistait en une action en modification de jugement de divorce introduite contre l'ex-épouse, d'une part, et refuser de reconnaître les décisions américaines rendues le 14 septembre 2017 et le 27 mars 2018, d'autre part. L'absence de prise en compte de ce document par la cour cantonale constituait une violation crasse du principe de litispendance. Toujours selon la recourante, la cour cantonale ne pouvait pas non plus être suivie lorsqu'elle retenait que la question litigieuse n'était pas la même suivant qu'elle concernait l'entretien des enfants et l'entretien de l'ex-conjoint. Le principe de la litispendance impliquait d'analyser la recevabilité des conclusions prises dans son ensemble. En l'occurrence, les conclusions qu'elle avait prises dans son action en modification du jugement de divorce en Suisse et celles prises par l'intimé dans son action aux États-Unis étaient interdépendantes. Les dissocier contrevenait ainsi à ce principe et conduisait à créer une situation juridique contradictoire puisque les contributions d'entretien en faveur des enfants étaient en définitive réglées par le jugement de divorce du 3 mars 2015 et celle en sa faveur par le jugement en modification du 27 mars 2018. Or il ne faisait " aucun doute " à la lecture des décisions américaines que le principe et la quotité des contributions d'entretien en sa faveur et en faveur des enfants étaient intrinsèquement liés. Le jugement de divorce prévoyait une contribution d'entretien en faveur des enfants " extrêmement " basse, alors que la sienne " était plus conséquente ". Il en allait de même dans les décisions en modification de ce jugement rendues les 14 septembre 2017 et 27 mars 2018. Aussi, si les autorités américaines avaient décidé de supprimer la contribution d'entretien en sa faveur c'était parce qu'en contrepartie, celle en faveur des enfants avait considérablement augmenté, passant de 325 USD à 1'800 USD. La solution à laquelle arrivait la cour cantonale de ne reconnaître qu'en partie les décisions américaines conduisait donc à l'application de décisions contradictoires et à un résultat contrevenant au sentiment de justice. La recourante termine en relevant que l'introduction par l'intimé d'une action aux États-Unis portant sur les mêmes objets que celle qui venait d'être introduite en Suisse confinait à la mauvaise foi et " a[vait] tout l'air d'être un abus de droit ", ce qui ne pouvait être toléré.
4.4. Il est établi que l'action en modification du jugement de divorce introduite par la recourante devant les tribunaux suisses est antérieure à celle de l'intimé aux États-Unis. Il est également établi que cette première action ne portait initialement que sur la modification de la contribution d'entretien due aux enfants et que ce n'est que dans un deuxième temps que la recourante a élargi ses prétentions à la modification de sa propre contribution, après que l'intimé eut requis sa suppression devant les autorités américaines. Compte tenu de ces éléments, l'on ne discerne pas en quoi l'attestation délivrée par le président conformément à l'art. 62 al. 2 CPC serait déterminante pour juger de la reconnaissance de la décision des autorités américaines. En effet, il n'apparaît pas que ce document, qui a pour but d'attester d'une litispendance existante vis-à-vis d'une autre juridiction (cf. supra consid. 4.1.2), ait une portée propre, en ce sens qu'il confère aux prétentions des parties un cadre plus large que celui qu'elles ont réellement. C'est donc en vain que la recourante fait grief, sur cette base, à la cour cantonale d'avoir violé de manière crasse le principe de litispendance.
Cela étant, la question à résoudre en l'espèce est celle de savoir si, en application de l'art. 27 al. 2 let. c LDIP, l'exception de litispendance s'oppose uniquement à la reconnaissance des décisions américaines prononçant la modification de la contribution d'entretien en faveur des enfants ou si, comme le soutient la recourante, elle couvre à la fois la modification de la contribution d'entretien en faveur des enfants et celle entre ex-époux en raison de l'identité de ces deux objets.
Il résulte des principes susrappelés qu'une identité de l'objet du litige s'entend au sens matériel; elle doit être admise lorsque les parties soumettent au juge la même prétention en se fondant sur les mêmes causes juridiques et les mêmes faits (cf. supra consid. 4.1.1). Il est vrai que les faits commandant une modification des contributions d'entretien en faveur de l'épouse sont généralement les mêmes que ceux qui dictent une modification des contributions d'entretien en faveur des enfants. Il est également vrai que la fixation de l'une de ces contributions est susceptible d'influencer l'autre, dans la mesure où le calcul des contributions dépend notamment des ressources disponibles de la famille, ce que la cour cantonale a du reste nié en l'occurrence sans que la recourante le conteste spécifiquement. Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit de deux prétentions matériellement distinctes, l'une fondée sur la filiation et l'autre fondée sur le mariage. L'objet du litige n'est ainsi objectivement pas identique.
L'on peut certes admettre que l'absence de litispendance créée par une demande de modification des contributions d'entretien en faveur des enfants sur celle de l'ex-conjoint peut aboutir à des jugements inconciliables, voire contradictoires, lorsque l'entretien des enfants et celui de l'ex-conjoint sont calculés sur des bases différentes. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que si le but principal du régime de litispendance selon l'art. 27 LDIP est d'éviter le risque de jugements contradictoires, des décisions peuvent se révéler inconciliables ou contradictoires sans que la condition d'identité d'objet (cf. supra consid. 4.1.1), nécessaire pour rendre applicable ce régime, soit remplie (BUCHER, in Commentaire romand, LDIP, 2011, no 56 et 63 ad art. 27 LDIP). En l'occurrence, ce risque est inhérent au fait qu'en droit suisse, comme l'a correctement retenu la cour cantonale, les parties peuvent requérir la modification des contributions d'entretien en faveur des enfants indépendamment de celle due à l'ex-conjoint. C'est justement le choix opéré ici par la recourante dans sa demande initiale par laquelle elle a uniquement conclu à la modification de l'entretien des enfants devant les tribunaux suisses. Ceux-ci ne pouvaient ainsi pas statuer sur la contribution d'entretien en faveur de la recourante au moment où l'intimé a saisi les autorités judiciaires américaines de cette prétention, ce qui ne peut être corrigé par l'exception de litispendance.
L'on ne peut donc reprocher à la cour cantonale d'avoir jugé que l'exception de litispendance ne faisait pas obstacle à la reconnaissance des décisions américaines modifiant la contribution d'entretien en faveur de la recourante et qu'elles devaient être reconnues dans cette mesure, étant donné qu'aucun autre motif ne s'y opposait. Au vu de ces considérations, l'argument de la recourante tiré de la prétendue mauvaise foi de l'intimé d'avoir saisi les autorités américaines ne saurait prospérer.
5.
Dans un dernier grief, la recourante estime que le rejet par la cour cantonale de sa conclusion en constatation de la compétence exclusive des autorités suisses pour juger de l'action en modification du jugement de divorce contreviendrait aux art. 59 al. 2 let. a et 88 CPC . Elle relève que, pour les raisons exposées dans son grief précédent, une telle compétence devait être reconnue aux autorités suisses. Elle soutient disposer d'un intérêt digne de protection à ce qu'un jugement constate cette compétence afin de l'opposer aux autorités américaines, comme tentait de le faire le Bureau de recouvrement des pensions alimentaires, aidé par l'Office fédéral de la justice. À défaut, elle se verrait appliquer des décisions américaines non reconnues par les autorités judiciaires suisses.
Il ne ressort pas de l'arrêt entrepris que le Bureau de recouvrement des pensions alimentaires aurait entrepris des démarches auprès des autorités américaines et la recourante ne soulève pas un grief d'arbitraire en lien avec ce constat (cf. supra consid. 2.2). Cela étant, la reconnaissance des décisions américaines sur la question de la contribution d'entretien en faveur de la recourante (cf. supra consid. 4) ne peut conduire qu'au rejet de la conclusion en constatation de la compétence exclusive des autorités suisses, la compétence des autorités étrangères étant une condition pour reconnaître une décision étrangère en Suisse (cf. art. 25 let. a LDIP).
6.
En définitive, le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Les frais sont mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Celle-ci versera en outre une indemnité de dépens à l'intimé ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ).
Indépendamment du point de savoir si le recours était d'emblée dépourvu de chances de succès, la requête d'assistance judiciaire de la recourante doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). En effet, s'agissant du critère de l'indigence, celle-ci se limite à affirmer que sa situation financière ne lui permet pas de prendre en charge ses frais de défense et qu'elle a été mise au bénéfice de l'assistance judiciaire pour les procédures de première et de deuxième instance. Elle ne se réfère toutefois à aucune pièce permettant d'établir sa situation financière actuelle, échouant ainsi à apporter la preuve, qui lui incombe, de son indigence (ATF 125 IV 161 consid. 4a; arrêt 5A_911/2022 du 22 juillet 2024 consid. 9 et les références), le fait qu'elle ait obtenu l'assistance judiciaire pour la procédure cantonale n'étant par ailleurs pas décisif (ATF 122 III 392 consid. 3a; arrêt 5A_11/2024 du 2 juillet 2024 consid. 5 et l'autre référence). Le défaut de motivation et de documentation des conditions requises conduit au refus de la demande, sans qu'il s'impose d'interpeller au préalable la partie requérante afin qu'elle la parfasse, à tout le moins lorsque, comme en l'espèce, elle est représentée par un avocat (arrêts 5A_911/2022 précité loc. cit.; 5A_663/2023 du 3 novembre 2023 consid. 3.3).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La requête d'assistance judiciaire de la recourante est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
4.
Une indemnité de 3'000 fr., à verser à l'intimé à titre de dépens, est mise à la charge de la recourante.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 21 octobre 2024
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Herrmann
Le Greffier : Piccinin