Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_638/2023
Arrêt du 22 janvier 2025
IIe Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Abrecht, Président,
Koch et Brunner, juge suppléant.
Greffier: M. Magnin.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Marc Lironi, avocat, Lironi Avocats SA,
recourant,
contre
1. Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213
Petit-Lancy,
2. B.B.________,
représenté par Me Christophe A. Gal, avocat,
3. C.B.________,
représentée par Me Nicola Meier, avocat,
intimés.
Objet
Ordonnance de classement,
recours contre l'arrêt rendu le 21 juillet 2023 par la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève
(ACPR/560/2023 - P/19304/2017).
Faits:
A.
A.a. La société D.________ S.A. avait pour but [...]. Son siège principal se trouvait à U.________ (VD). De plus, la société disposait d'une succursale à V.________ (GE).
De novembre 2011 jusqu'à la faillite de D.________ SA, prononcée le 16 janvier 2017, B.B.________ (ci-après: l'intimé) était l'administrateur unique de la société (avec signature individuelle). Son épouse, C.B.________ (ci-après: l'intimée), était directrice de la succursale genevoise (avec signature individuelle) de novembre 2011 jusqu'à sa radiation en juillet 2016.
A.b. En 2011, A.________ (ci-après: le plaignant) a mandaté D.________ SA pour construire une villa sur une parcelle à W.________ (GE) dont il était le propriétaire. Le contrat portait, entre autres, sur les plans et le suivi de la procédure d'autorisation de construire, l'établissement des soumissions, les propositions d'adjudication, les prestations d'ingénieur et le suivi du chantier, des situations et des factures. Sur la base de ce contrat, D.________ SA a adjugé les travaux de terrassement et les aménagements extérieurs à E.________ SA pour un montant total de 240'000 fr. (le 27 juillet 2012). Par ailleurs, elle a adjugé les travaux de maçonnerie et de béton armé à F.________ SA pour un montant de 553'500 fr. (le 17 septembre 2012). Dans les deux cas, le bon pour accord a été signé par le plaignant.
Par la suite, des différends sont apparus entre le plaignant et D.________ SA à plusieurs égards. Outre l'insatisfaction générale quant à la gestion du chantier (retards, plans défectueux, surveillance insuffisante de l'exécution des travaux, manquements en matière de coordination, etc.), le plaignant soupçonnait notamment D.________ SA d'avoir adjugé des travaux à E.________ SA et F.________ SA à des prix excessifs.
La réception de l'ouvrage, fixée au 12 novembre 2014, a été repoussée en raison des défauts majeurs relevés par le plaignant, qui a par la suite résilié le contrat le liant à D.________ SA.
B.
B.a. Le 20 septembre 2017, le plaignant a déposé une plainte pénale contre les intimés.
Il reprochait notamment à l'intimé de lui avoir faussement fait croire qu'il serait en mesure de s'acquitter des tâches qui lui étaient confiées (notamment en ce qui concerne les activités d'architecte et d'ingénieur ou les connaissances permettant le respect des normes SIA) et d'avoir validé de nombreuses factures en indiquant "bon pour accord" alors qu'il n'avait procédé à aucune vérification, par quoi il se serait rendu coupable d'escroquerie. Il reprochait aussi à l'intimé de s'être rendu coupable de gestion déloyale, en l'incitant notamment à autoriser des factures pour des travaux non ou mal exécutés, voire en percevant des rétrocessions de la part d'entreprises de construction en contrepartie de l'attribution de marchés.
Selon le plaignant, les intimés se seraient en outre rendus coupables de banqueroute frauduleuse (art. 163 CP), de diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers (art. 164 CP) et, dans le cas de l'intimé, de gestion fautive (art. 165 al. 1 CP) dans le cadre de la faillite de D.________ SA.
B.b. Par ordonnance du 30 novembre 2022, le Ministère public de la République et canton de Genève (ci-après: le Ministère public) a classé la procédure pénale ouverte contre les intimés.
B.c. Par arrêt du 21 juillet 2023, statuant sur recours du plaignant, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la cour cantonale ou l'autorité précédente) a confirmé le classement de la procédure.
C.
Par acte du 14 septembre 2023, A.________ (ci-après: le recourant) interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt précité, en concluant principalement à sa réforme en ce sens que l'intimé soit condamné pour les chefs d'infraction d'escroquerie, de gestion déloyale, de banqueroute frauduleuse, de diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers et de gestion fautive, tandis que l'intimée soit condamnée pour les chefs d'infraction de banqueroute frauduleuse et de diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers. À titre subsidiaire, il sollicite l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il mette en accusation les intimés pour les chefs d'accusation susmentionnés, ou éventuellement qu'il reprenne l'instruction de sa plainte en ordonnant notamment l'audition de six personnes dont il avait demandé l'audition par courrier du 24 octobre 2022.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
Considérant en droit:
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2).
2.
Dans la présente procédure, il s'agit uniquement d'examiner si l'arrêt de l'autorité cantonale de dernière instance (art. 80 al. 1 et art. 90 LTF ) peut être maintenu. Dans cet arrêt, l'autorité précédente a confirmé une décision de classement rendue par le Ministère public; elle a donc rejeté sur le fond le recours cantonal formé par le recourant. Comme l'objet du litige dans la présente procédure ne peut pas s'étendre au-delà de ce qui a été décidé par l'instance précédente, le Tribunal fédéral peut uniquement examiner si celle-ci a violé le droit fédéral (art. 95 LTF) en confirmant la décision de classement. En revanche, il ne saurait se prononcer sur la responsabilité pénale des intimés en tant qu'autorité de première instance. Il n'y a dès lors pas lieu d'entrer en matière sur les "conclusions principales" du recourant.
3.
Selon l'art. 81 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière pénale quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a) et (cumulativement) a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (let. b). En l'espèce, le recourant a participé à la procédure cantonale, de sorte que la condition de l'art. 81 al. 1 let. a LTF ne donne lieu à aucune remarque. En revanche, comme il sera démontré ci-après, le recourant ne dispose pas d'un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée, comme l'exige l'art. 81 al. 1 let. b LTF.
4.
Le recourant fonde sa qualité pour former un recours en matière pénale sur l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF.
4.1.
4.1.1. En application de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF, est en particulier légitimée à former un recours en matière pénale la partie plaignante, soit le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal ou au civil (art. 118 al. 1 CPP). Le lésé est celui dont les droits ont été touchés directement par une infraction (art. 115 al. 1 CPP). La partie plaignante n'a toutefois qualité pour former un recours en matière pénale que si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles (art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF). Constituent de telles prétentions celles qui, résultant de l'infraction alléguée, sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils, soit principalement les prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 146 IV 76 consid. 3.1; 141 IV 1 consid. 1.1; arrêt 6B_562/2021 du 7 avril 2022 consid. 1.1 non publié in ATF 148 IV 170).
4.1.2. Lorsque le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière ou de classement d'une procédure pénale, la partie plaignante doit expliquer, dans son recours au Tribunal fédéral, pour quelles raisons et dans quelle mesure la décision attaquée peut avoir des conséquences sur le jugement de ses prétentions civiles concrètes (arrêts 7B_901/2023 du 11 novembre 2024 consid. 1.3.1; 7B_507/2023 du 20 mars 2024 consid. 1.2.1). Le Tribunal fédéral pose des exigences strictes de motivation de la qualité pour recourir (cf. art. 42 al. 1 LTF; ATF 141 IV 1 consid. 1.1), sans toutefois procéder à un examen approfondi de l'affaire sur le fond (arrêts 7B_901/2023 du 11 novembre 2024 consid. 1.3.1; 7B_566/2023 du 14 mai 2024 consid. 1.2.1 et l'arrêt cité).
Dans l'acte de recours, il convient ainsi de démontrer, en introduction et de manière concise, que les conditions de recevabilité sont remplies. Il ne suffit à cet égard pas à la partie plaignante d'affirmer avoir été touchée par l'infraction alléguée; elle doit exposer de manière précise les éléments fondant ses prétentions civiles, notamment en alléguant et en chiffrant, dans la mesure du possible, le dommage subi (arrêts 7B_901/2023 du 11 novembre 2024 consid. 1.3.1; 7B_566/2023 du 14 mai 2024 consid. 1.2.1). Si le recours ne satisfait pas à ces exigences accrues de motivation, le Tribunal fédéral n'entre en matière que si l'on peut déduire, directement et sans ambiguïté, de la nature de l'infraction alléguée quelles sont concrètement les prétentions civiles concernées (ATF 141 IV 1 consid. 1.1; 138 IV 186 consid. 1.4.1). Il peut en aller ainsi en cas d'infraction portant directement atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle, dont la gravité apparaît telle qu'elle ouvrirait incontestablement le droit à des dommages-intérêts ou à une indemnité pour tort moral (arrêts 7B_901/2023 du 11 novembre 2024 consid. 1.3.1; 7B_566/2023 du 14 mai 2024 consid. 1.2.1).
4.1.3. Si la partie plaignante se plaint d'infractions distinctes, a fortiori commises par plusieurs personnes, elle doit mentionner, par rapport à chacune d'elles, en quoi consiste son dommage (arrêts 7B_901/2023 du 11 novembre 2024 consid. 1.3.1; 7B_566/2023 du 14 mai 2024 consid. 1.2.1). En outre, lorsque le recours émane de plusieurs parties plaignantes qui procèdent ensemble, elles doivent chacune exposer de manière détaillée et individuellement quel est le dommage prétendument subi (arrêts 7B_901/2023 du 11 novembre 2024 consid. 1.3.1; arrêt 7B_566/2023 du 14 mai 2024 consid. 1.2.1).
4.2. Dans son mémoire de recours au Tribunal fédéral, le recourant explique que, dans le cadre de sa plainte pénale pour escroquerie dirigée contre l'intimé, il aurait fait valoir un préjudice financier s'élevant à 1'500'000 francs. Il indique que ce préjudice résulterait notamment du fait qu'il aurait dû faire appel à différents experts en matière de construction, à des conseils juridiques ou encore à d'autres prestataires de services pour pallier les divers manquements dans la gestion du chantier. Il ajoute qu'il aurait fait valoir le même préjudice dans sa plainte pénale pour le cas où l'intimé serait tenu responsable de gestion déloyale plutôt que d'escroquerie. En ce qui concerne les infractions de banqueroute frauduleuse et de diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers, le recourant affirme qu'il aurait exposé, dans sa plainte pénale, que les créanciers de D.________ SA, dont il faisait partie, avaient été lésés par les actes et omissions des intimés; le préjudice n'avait pas encore été calculé de manière définitive, mais était étroitement lié à ces infractions. Concernant l'infraction de gestion fautive, notamment motivée par la tardiveté de l'annonce de surendettement de D.________ SA auprès du juge, le préjudice se situerait, selon le recourant, entre 150'000 fr. et 200'000 francs.
4.3. Ces explications ne sauraient satisfaire aux exigences strictes de motivation décrites ci-dessus (cf. consid. 4.1.2 supra).
4.3.1. Le recourant déduit tout d'abord une partie de ses prétentions civiles d'infractions dans la faillite et la poursuite pour dettes, telles qu'elles sont décrites aux art. 163 ss CP (banqueroute frauduleuse, diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers, gestion fautive). Il convient dès lors de rappeler les règles relatives à la notion d'illicéité (art. 41 al. 1 CO) dans les cas dans lesquels un acte lèse une personne uniquement dans son patrimoine. Ainsi, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, pour pouvoir conclure à l'illicéité d'un tel acte, il faut établir la violation d'une norme de comportement ("Schutznorm", norme protectrice) visant à protéger le lésé dans les droits atteints par l'acte incriminé ("Verhaltensunrecht"; ATF 133 III 323 consid. 5.1; 132 III 122 consid. 4.1; arrêt 4A_603/2020 du 16 novembre 2022 consid. 4.3). Or le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de juger que les infractions dans la faillite et la poursuite pour dettes précitées ne constituaient pas des normes de comportement au sens de l'art. 41 al. 1 CO (cf. arrêt 4A_423/2023 du 7 février 2024 consid. 4.3 et les références citées). De plus, on relève que le recourant n'aborde pas, dans son recours au Tribunal fédéral, la question de savoir dans quelle mesure il pourrait y avoir, malgré la situation juridique mentionnée dans cette jurisprudence, une prétention civile qui pourrait être invoquée par adhésion dans le cadre d'une procédure pénale. Il s'ensuit que la motivation du recourant est insuffisante sur ce point et qu'elle ne lui permet pas de démontrer qu'il dispose de la qualité pour recourir au Tribunal fédéral contre l'ordonnance de classement concernant les infractions dans la faillite et la poursuite pour dettes qu'il a dénoncées (cf. arrêt 7B_111/2024 du 25 juillet 2024 consid. 3.5).
4.3.2. Ensuite, s'agissant des accusations d'escroquerie et de gestion déloyale, dirigées uniquement contre l'intimé, le recourant se limite, dans son mémoire de recours, à renvoyer à certains passages de sa plainte pénale pour étayer le préjudice qu'il invoque de 1'500'000 francs. Or cela ne saurait être suffisant pour satisfaire aux exigences de motivation d'un recours au Tribunal fédéral (cf. art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF; ATF 145 V 141 consid. 5.1; 143 IV 122 consid. 3.3).
Par ailleurs, il convient de relever que les critiques du recourant reposent sur différents actes ou omissions de l'intimé. En ce qui concerne le chef de prévention d'escroquerie, le recourant fait valoir que l'intimé l'aurait trompé sur les compétences qu'il apportait personnellement ou qui étaient présentes au sein de D.________ SA avant la conclusion du contrat avec cette société et au cours de la relation contractuelle. En particulier, selon le recourant, l'intimé aurait faussement prétendu être en mesure de s'acquitter des tâches de direction des travaux, d'ingénieur civil et d'architecte dans le cadre de la construction de la villa et aurait également mentionné à tort sur sa carte de visite qu'il était architecte. Le recourant ajoute que l'intimé aurait également confié un mandat à F.________ SA, au nom du recourant, le contrat correspondant faisant référence à la norme SIA 118, sans que l'intimé, en raison de ses connaissances professionnelles, ait pu en contrôler le respect. Il expose en outre que le manque de compétences de l'intimé aurait entraîné de nombreux défauts sur le chantier et un retard considérable, engendrant pour lui de nombreux coûts supplémentaires. Sous le titre de la gestion déloyale, le recourant se réfère ensuite (indirectement, par référence au consid. 6.3.2 de l'arrêt attaqué) au reproche selon lequel l'intimé aurait intentionnellement validé des factures dans le but de porter atteinte à ses intérêts financiers. Or, au vu de la multitude d'actes et d'omissions dont il déduit une responsabilité pénale de l'intimé au titre des art. 146 et 158 CP , le recourant était tenu, selon la jurisprudence, d'exposer en détail quel préjudice il entendait faire valoir pour chacun des délits dénoncés (cf. consid. 4.1.3 supra; voir aussi arrêts 7B_903/2024 du 27 novembre 2024 consid. 1.1.2; 7B_107/2023 du 20 novembre 2024 consid. 1.2.3). Le recourant n'a toutefois pas fourni une telle explication.
4.4. En définitive, le recourant ne démontre pas à satisfaction de droit qu'il dispose de la qualité pour recourir sur le fond en vertu de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF.
5.
Au surplus, le recourant ne soulève aucun grief quant à son droit de porter plainte au sens de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 6 LTF, ni n'invoque une violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel (cf. ATF 141 IV 1 consid. 1.1). La qualité pour recourir doit donc également lui être déniée à ces égards.
6.
Le recours doit donc être déclaré irrecevable.
Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
Lausanne, le 22 janvier 2025
Au nom de la IIe Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Abrecht
Le Greffier: Magnin