Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_155/2025
Arrêt du 22 mai 2025
IIIe Cour de droit public
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Moser-Szeless, Présidente, Stadelmann et Beusch.
Greffière : Mme Vuadens.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
Administration fiscale cantonale du canton de Genève, rue du Stand 26, 1204 Genève,
intimée.
Objet
Impôt cantonal et communal, impôt fédéral direct, périodes fiscales 2014 à 2020,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 3 décembre 2024 (A/4451/2022-ICCIFD - ATA/1418/2024).
Faits :
A.
A.a. A.________ est domicilié en France. Du 1er octobre 2011 au 31 octobre 2020, il a été employé en qualité de membre du personnel administratif de la délégation de l'Union européenne auprès de B.________ (ci-après: B.________), à Genève. Son contrat de travail impliquait qu'il vienne travailler à Genève 236 jours par année. A.________ ne bénéficiait d'aucun privilège ou immunité de juridiction dans l'exercice de ses fonctions.
Le 22 novembre 2011, la Mission permanente de la Suisse auprès de l'Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève a adressé à la délégation de l'Union européenne auprès de B.________, en tant qu'employeur, et à A.________, en tant qu'employé, une information relative à la situation fiscale de l'intéressé. Il en ressortait que, dans l'hypothèse où l'employeur ne prélèverait pas l'impôt à la source sur le salaire de A.________, comme il était fondé à le faire en raison du statut dont il jouissait, il incomberait à A.________ de s'annoncer auprès de l'Administration fiscale cantonale du canton de Genève (ci-après: l'Administration cantonale) pour déclarer ses revenus.
A.b. L'employeur de A.________ ne prélevait pas l'impôt à la source sur son salaire. Depuis la période fiscale 2011, le contribuable refuse de remettre ses déclarations d'impôt à l'Administration cantonale, contestant être soumis à l'impôt cantonal et communal (ICC) et à l'impôt fédéral direct (IFD) en se prévalant de sa résidence fiscale en France. Il a été taxé d'office par l'Administration cantonale, tant pour l'IFD que pour l'ICC.
Pour la période fiscale 2011, l'intéressé a contesté en vain les décisions de taxation d'office jusque devant la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative (ci-après: la Cour de justice). Par arrêt 2C_436/2016 du 21 décembre 2016, le Tribunal fédéral a admis le recours du contribuable et annulé l'arrêt de la Cour de justice, à qui il a renvoyé la cause pour instruction et nouvelle décision. En substance, il a jugé que si A.________ était en principe soumis à l'impôt en Suisse, respectivement dans le canton de Genève, sur son revenu d'activité dépendante car il travaillait à Genève, il était toutefois possible, compte tenu de sa date d'engagement, que les conditions de l'exception à ce principe, prévues à l'art. 17 par. 2 de la Convention du 9 septembre 1966 entre la Suisse et la France en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales (CDI CH-FR; RS 0.672.934.91), aient été remplies en 2011, ce qu'il incombait à la Cour de justice de vérifier. À la suite de cet arrêt, la Cour de justice a constaté que les conditions de l'art. 17 par. 2 CDI CH-FR étaient réalisées pour la période fiscale 2011; en conséquence, l'Administration cantonale a annulé les bordereaux de taxation ICC et IFD 2011 qu'elle avait notifiés au contribuable.
Pour la période fiscale 2012, A.________ a recouru en vain jusqu'au Tribunal fédéral pour contester les décisions de taxation d'office qui lui avaient été notifiées (arrêt 2C_254/2019 du 2 avril 2019). La demande de révision de cet arrêt qu'il a adressée au Tribunal fédéral a été jugée irrecevable (arrêt 2F_11/2019 du 13 mai 2019).
Pour la période fiscale 2013, le contribuable a contesté en vain les décisions d'office jusque devant la Cour de justice.
A.c. Par décisions du 24 septembre 2021, l'Administration cantonale a, après plusieurs échanges de correspondance avec A.________, qui persistait à soutenir qu'il n'était pas tenu de remplir des déclarations fiscales en Suisse, procédé à sa taxation d'office pour l'IFD et l'ICC des périodes fiscales 2014 à 2020. Elle a maintenu ses décisions de taxation sur réclamation de l'intéressé (décisions sur réclamation du 18 août 2022).
B.
Par jugement du 19 août 2024, le Tribunal administratif de première instance du canton de Genève a rejeté les recours formés par le contribuable contre les décisions sur réclamation du 18 août 2022. Par arrêt du 3 décembre 2024, la Cour de justice a rejeté son recours contre ce jugement. En substance, elle a confirmé que A.________ était assujetti à l'impôt en Suisse, respectivement dans le canton, sur le revenu de son activité lucrative dépendante exercée à Genève et que le droit d'imposer de la Suisse n'était pas limité par la CDI CH-FR.
C.
A.________ recourt auprès du Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal du 3 décembre 2024. Il lui demande de statuer sur la réglementation fiscale qui lui imposerait une "obligation déclarative à Genève" et de condamner l'Administration cantonale à lui verser 5'000 fr. pour ses "frais de dossier" ainsi qu'une compensation d'au moins 60'000 fr. pour "des raisons de gestion juridique de ce dossier, mais aussi de santé morale et physique".
Il n'a pas été ordonné l'échange d'écritures.
Considérant en droit :
1.
La Cour de justice a rendu un seul arrêt valant tant pour l'IFD que pour l'ICC, ce qui est admissible lorsque la question juridique à trancher est, comme en l'espèce, réglée de la même façon en droit fédéral et dans le droit cantonal harmonisé (cf. ATF 135 II 260 consid. 1.3.1).
2.
2.1. Le recourant n'a pas indiqué par quelle voie de droit il procédait devant le Tribunal fédéral, ce qui ne lui nuit pas si son recours remplit les exigences légales de la voie de droit qui lui est ouverte (ATF 148 I 160 consid. 1.1). L'arrêt attaqué a été rendu dans un domaine qui ressortit au droit public et qui ne tombe pas sous l'une des exceptions de l'art. 83 LTF. Partant, la voie du recours en matière de droit public est ouverte en application de l'art. 82 let. a LTF (cf. aussi les art. 146 LIFD [RS 642.11] pour l'IFD et, s'agissant d'une matière harmonisée, l'art. 73 al. 1 LHID [RS 642.14] pour l'ICC).
2.2. Selon l'art. 42 al. 1 LTF, les mémoires doivent indiquer les conclusions. Selon un principe général de procédure, les conclusions constatatoires ne sont recevables que lorsque des conclusions condamnatoires ou formatrices sont exclues (ATF 141 II 113 consid. 1.7; 135 I 119 consid. 4). L'interdiction du formalisme excessif commande toutefois d'interpréter les conclusions à la lumière de la motivation, selon le principe de la confiance (cf. ATF 137 II 313 consid. 1.3). En l'espèce, la conclusion par laquelle le recourant demande au Tribunal fédéral de statuer sur l'existence d'une réglementation fiscale qui lui imposerait une "obligation déclarative" à Genève est une conclusion constatatoire irrecevable. On peut toutefois déduire de la lecture de son mémoire qu'il demande que l'arrêt cantonal soit réformé en ce sens que son recours soit admis et que les décisions de taxation d'office des périodes fiscales 2014 à 2020 soient annulées, tant en ce qui concerne l'IFD que l'ICC. Il convient donc de ne pas se montrer trop formaliste et d'admettre la recevabilité de cette conclusion ainsi interprétée. En revanche, la conclusion par laquelle le recourant demande au Tribunal fédéral de condamner l'Administration cantonale à lui verser des montants à titre de compensations est irrecevable. En effet, l'objet du litige devant le Tribunal fédéral ne peut pas s'étendre au-delà de l'objet de la contestation, lequel est déterminé par l'arrêt attaqué (ATF 142 I 155 consid. 4.4.2). Or en l'espèce l'arrêt attaqué ne statue pas sur ces points, qui ne faisaient pas partie de l'objet de la contestation.
2.3. Pour le surplus, le recours, dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les autres formes prescrites (art. 42 LTF) par le recourant, qui a qualité pour agir (cf. art. 89 al. 1 LTF). Il convient donc d'entrer en matière sur le recours, dans la mesure de sa recevabilité, en tant que recours en matière de droit public.
3.
3.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il examine en principe librement la conformité du droit cantonal harmonisé et de sa mise en pratique par les instances cantonales aux dispositions de la LHID, à moins que les dispositions de cette loi fédérale ne laissent une marge de manoeuvre aux cantons. Dans ce dernier cas, son pouvoir d'examen se limite aux griefs constitutionnels invoqués de manière conforme aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 150 II 346 consid. 1.5.2 et les références).
3.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF).
4. L'objet du litige porte sur le point de savoir si c'est à bon droit que la Cour de justice a jugé que le recourant était assujetti de manière limitée à l'impôt en Suisse, respectivement dans le canton de Genève, sur son revenu d'activité lucrative dépendante, et qu'elle a dès lors confirmé les décisions de taxation d'office que l'Administration cantonale a notifiées à l'intéressé ensuite de son refus de lui adresser des déclarations fiscales pour les périodes fiscales 2014 à 2020.
5.
Le recourant conteste le droit de la Suisse, respectivement du canton de Genève, de le soumettre à l'impôt sur le revenu de son activité lucrative dépendante exercée à Genève, au motif qu'il a sa résidence fiscale en France et qu'il n'est donc pas assujetti à l'impôt en Suisse. Il fait aussi valoir qu'il n'y a pas de base légale lui imposant d'adresser une déclaration d'impôt à l'Administration cantonale pour déclarer son revenu d'activité.
5.1. Pour ce qui concerne l'assujettissement à l'impôt du recourant, la Cour de justice a correctement exposé les règles et principes applicables dans cette situation internationale. Elle a ainsi d'abord rappelé à juste titre qu'en vertu du droit interne, les personnes physiques qui, au regard du droit fiscal, ne sont, comme le recourant, ni domiciliées ni en séjour en Suisse, respectivement dans le canton, y sont néanmoins assujetties à l'impôt si elles y exercent une activité lucrative (art. 5 al. 1 let. a LIFD pour l'IFD; art. 3 al. 2 let. a de la loi cantonale genevoise du 27 septembre 2009 sur l'imposition des personnes physiques [LIPP; rsGE D 3 08] pour l'ICC), cet assujettissement étant toutefois limité au revenu de cette activité (cf. art. 6 al. 2 LIFD; art. 5 al. 2 LIPP). Il suffit donc de renvoyer à la motivation de l'arrêt attaqué (art. 109 al. 3 LTF).
Au plan international, la Cour de justice a aussi correctement rappelé que l'art. 17 par. 1 CDI CH-FR prévoit que le salaire est en principe imposable dans l'État où l'emploi est exercé, mais qu'une exception en faveur de l'État de résidence est prévue à l'art. 17 par. 2 CDI CH-FR si certaines conditions sont cumulativement remplies, dont celle selon laquelle le bénéficiaire (soit le salarié) séjourne dans l'autre État pendant une période ou des périodes n'excédant pas au total 183 jours au cours de l'année fiscale considérée (art. 17 par. 2 let. a CDI CH-FR). À ce sujet, la Cour de justice a retenu à juste titre que le critère du séjour de l'art. 17 par. 2 let. a CDI CH-FR renvoie au nombre de jours de présence physique (de travail) sur le sol de l'État d'activité. Le Tribunal fédéral l'a du reste expliqué à deux reprises au recourant dans les causes relatives à la taxation des périodes fiscales 2011 et 2012 (arrêts 2C_436/2016 du 21 décembre 2016 consid. 6.5; 2C_254/2019 du 2 avril 2019 consid. 5.2). C'est donc manifestement en vain que le recourant persiste à soutenir que le critère de l'art. 17 par. 2 CDI CH-FR renverrait au centre de ses intérêts vitaux. Comme il ressort par ailleurs des faits constatés dans l'arrêt attaqué que le recourant a exercé son activité lucrative dépendante dans le canton de Genève plus de 183 jours par an durant les périodes fiscales litigieuses, ce qu'il ne conteste du reste pas, la première condition de l'art. 17 par. 2 let. a CDI-FR n'est pas remplie. Par conséquent, la CDI CH-FR ne limite pas le droit de la Suisse d'imposer le revenu d'activité lucrative dépendante que le recourant a réalisé en Suisse durant les périodes fiscales litigieuses.
5.2. C'est ensuite à tort que le recourant soutient qu'il n'est pas tenu d'adresser une déclaration d'impôt à l'Administration cantonale parce qu'il n'existerait pas de base légale lui imposant de se soumettre à une procédure d'imposition ordinaire.
5.2.1. En principe, les travailleurs qui, sans être domiciliés ni en séjour en Suisse, respectivement dans un canton, y exercent une activité lucrative dépendante pendant de courtes périodes, durant la semaine ou comme frontaliers sont assujettis en Suisse, respectivement dans le canton, à un impôt perçu à la source sur le revenu de cette activité (cf. ATF 149 II 177 consid. 5.1 et la mention des dispositions fédérales et cantonales genevoises applicables, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2020). Alors que l'impôt sur le revenu est perçu selon une procédure de taxation mixte, qui implique le dépôt d'une déclaration d'impôt par le contribuable, l'impôt à la source repose sur le principe de l'auto-taxation et est perçu par le débiteur de la prestation imposable à savoir, lorsqu'il concerne le revenu du travail, par l'employeur (ATF 149 II 177 consid. 5.3).
5.2.2. Si, comme tel est le cas de la délégation de l'Union européenne auprès de B.________ (supra consid. A.a), un employeur n'est, en raison de son statut (débiteur à l'étranger), pas obligé de retenir à la source l'impôt sur le salaire d'un employé dont le revenu est imposable en Suisse et qu'il n'y procède pas, cela ne signifie pas pour autant que cet employé n'est pas tenu de payer l'IFD et l'ICC sur le revenu de son activité lucrative dépendante s'il est assujetti à l'impôt sur le revenu de cette activité. L'impôt à la source est en effet une modalité de perception de l'IFD et l'ICC en ce sens qu'il vient se substituer à l'impôt fédéral direct et à l'impôt cantonal et communal perçus selon la procédure ordinaire (cf. ATF 149 II 177 consid. 5.2). Comme l'a déjà souligné le Tribunal fédéral dans les deux causes concernant le recourant (arrêts 2C_254/2019 du 2 avril 2019 consid. 5.2; 2C_436/2016 du 21 décembre 2016 consid. 5.3), il ne faut donc pas confondre la question de l'assujettissement à l'impôt avec celle de ses modalités de perception. Il s'ensuit que si l'IFD et l'ICC ne sont pas prélevés à la source par l'employeur, parce que celui-ci n'y est pas tenu, ils doivent l'être selon la procédure ordinaire, soit au moyen du dépôt d'une déclaration d'impôt, en application des art. 124 al. 1 LIFD pour l'IFD et de l'art. 26 al. 1 de la loi cantonale genevoise du 4 octobre 2001 sur la procédure fiscale (LPFisc; D 3 17) pour l'ICC. C'est donc à tort que le recourant soutient qu'il n'existe pas de base légale pour lui imposer le dépôt d'une déclaration d'impôt.
6.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la mesure où il est recevable, en application de la procédure simplifiée de l'art. 109 al. 2 let. a LTF.
Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens ( art. 68 al. 1 et 3 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité en tant qu'il concerne l'impôt fédéral direct.
2.
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité en tant qu'il concerne l'impôt cantonal et communal.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, et à l'Administration fédérale des contributions.
Lucerne, le 22 mai 2025
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Moser-Szeless
La Greffière : Vuadens