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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_344/2024  
 
 
Arrêt du 22 octobre 2024  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, 
Denys et Muschietti. 
Greffière : Mme Brun. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
2. Service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (SCARPA), 
rue Ardutius-de-Faucigny 2, 1204 Genève, 
intimés. 
 
Objet 
Violation d'une obligation d'entretien, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice 
de la République et canton de Genève, 
Chambre pénale d'appel et de révision, du 6 mars 2024 (P/13685/2022 AARP/87/2024). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 4 septembre 2023, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a reconnu A.A.________ coupable de violation d'une obligation d'entretien (art. 217 al. 1 CP) et l'a condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 fr. le jour avec sursis pendant trois ans. 
 
B.  
Par arrêt du 6 mars 2024, la Chambre d'appel pénale et de révision de la Cour de justice genevoise a rejeté l'appel formé par A.A.________ à l'encontre du jugement rendu le 4 septembre 2023. 
La cour cantonale a retenu les faits suivants: 
 
B.a. B.A.________ et A.A.________ se sont mariés en 2013 à U.________. Trois enfants sont issus de cette union, une fille née en 2014 et décédée la même année, C.A.________ née en 2015 et D.A.________ née en 2016. Les époux se sont séparés le 22 novembre 2018.  
Titulaire d'un diplôme en comptabilité et gestion obtenu en France, A.A.________ a travaillé auprès de E.________ en qualité de conseiller fiscal d'avril à juin 2010, pour F.________ de juin à août 2010, pour G.________ en qualité de comptable d'août 2010 à décembre 2012, au sein de H.________, en tant que " Budget controller " de 2013 à 2014, auprès de I.________ comme contrôleur financier de juillet 2014 à mai 2015, puis auprès de J.________ du 1 er septembre 2015 au 31 mai 2016. Il a ensuite été au chômage jusqu'au 19 septembre 2017, période durant laquelle il a appris l'allemand (niveau B2 validé selon l'attestation de l'école K.________ à U.________) et effectué de nombreuses postulations pour des postes de contrôleur de gestion ou financier, de comptable, d'analyste financier, d'économiste d'entreprise ou encore des postes de cadre, qui n'ont pas aboutis. Après sa période de chômage, il a débuté une formation à la Haute école pédagogique du canton de Vaud (HEP), à laquelle il a volontairement mis un terme, cette formation ne lui correspondant pas. Dès le 1 er juin 2018, il a commencé à travailler à distance pour une start-up française, sise à V.________, en qualité d'assistant administratif finance, pour un salaire mensuel net de 860 euros (EUR). À la fin de l'année 2019, il a quitté la Suisse pour s'installer à V.________. Durant la période pénale, son salaire mensuel net s'élevait à 1'504.17 EUR, selon la dernière fiche de salaire produite. Il percevait en sus 40 à 50 EUR de la Caisse d'allocations familiales (CAF). Son loyer s'élevait à 291.78 EUR et il remboursait mensuellement l'assistance judiciaire dont il avait bénéficié durant la procédure de divorce.  
 
B.b. Par arrêt du 14 septembre 2021, réformant partiellement une ordonnance sur mesures provisionnelles rendue le 31 décembre 2020 par le Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne (laquelle prévoyait le versement par A.A.________ d'une pension mensuelle, payable d'avance le premier jour de chaque mois, en mains de B.A.________, d'un montant de 150 fr., dès et y compris le 1 er octobre 2020, afin de contribuer à l'entretien de ses deux filles), la Cour d'appel civile a notamment condamné A.A.________ à contribuer à l'entretien de ses filles, payable d'avance le premier jour de chaque mois, en mains de B.A.________:  
 
- Pour C.A.________, 75 fr., allocations familiales en sus, entre le 1 er octobre 2020 et le 30 novembre 2021 inclus, puis 920 fr., allocations familiales en sus, dès et y compris le 1 er décembre 2021;  
- Pour D.A.________, 75 fr., allocations familiales en sus, entre le 1 er octobre 2020 et le 30 novembre 2021 inclus, puis 1'000 fr., allocations familiales en sus, dès et y compris le 1 er décembre 2021.  
La Cour d'appel civile a considéré qu'il se justifiait d'imputer un revenu hypothétique de 6'910 fr. brut à A.A.________ car il était jeune, en bonne santé et disposait d'une expérience professionnelle d'une dizaine d'années dans le domaine de la comptabilité et de la finance. Aucun élément au dossier ne permettait de tenir pour impraticable son retour en Suisse pour qu'il y déploie une activité professionnelle, celui-ci n'ayant pas refait sa vie en France, où il vivait depuis moins de deux ans. 
Le divorce des époux a été prononcé par le jugement du Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne rendu le 10 août 2022. 
 
B.c. Sur appel de B.A.________, la Cour d'appel civile a, par arrêt du 18 avril 2023, confirmé le jugement du 10 août 2022, par lequel A.A.________ a été condamné à contribuer à l'entretien de ses deux filles par le versement, pour chacune d'elles, d'une pension alimentaire de 269 fr., éventuelles allocations familiales en sus, dès le 1 er juillet 2022, payable d'avance le premier jour de chaque mois sur le compte de B.A.________.  
La cour a considéré qu'il se justifiait d'imputer à A.A.________ un revenu hypothétique de 4'000 fr., montant correspondant à la rémunération d'un travail non qualifié; son départ en France avait clairement péjoré sa situation financière, les salaires y étant notoirement plus bas qu'en Suisse. Le revenu hypothétique avait par conséquent été calculé sur la base d'un revenu suisse, avec des charges suisses. 
 
B.d. Le 21 juin 2022, le Service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (SCARPA) a déposé plainte pénale à l'encontre de A.A.________ du chef de violation d'une obligation d'entretien pour la période de janvier 2022 à juin 2022, se fondant sur la convention de cession des droits conclue le 24 février 2022, avec effet dès le 1 er janvier 2022, avec B.A.________. L'arriéré pour la période pénale considérée s'élevait à 10'620 francs. Durant cette période, l'intéressé avait versé uniquement 150 fr. par mois à B.A.________, laquelle avait informé mensuellement le SCARPA de ce paiement afin que celui-ci puisse en tenir compte dans sa comptabilité. Interpellé, A.A.________ estimait en substance que la décision judiciaire du 14 septembre 2021 n'était pas valable en France, soit son lieu de résidence actuelle, car elle ne lui avait pas été notifiée dans les formes. Il précisait que ses revenus actuels étaient inférieurs à la pension alimentaire réclamée.  
Ultérieurement, le SCARPA a étendu sa plainte pénale au 30 septembre 2022. A.A.________ avait versé à B.A.________ 200 fr. en août 2022 et en septembre 2022. Le montant total des contributions d'entretien dû de janvier 2022 à septembre 2022 était de 15'830 francs. 
Le SCARPA a indiqué devant le premier juge que A.A.________ avait continué de verser des sommes à B.A.________, ne reconnaissant pas sa compétence. Un relevé de compte était produit pour la période pénale, lequel tenait compte des montants reçus directement par B.A.________, ainsi que de la diminution de la créance à partir du 1 er juillet 2022 à hauteur de 538 fr. au lieu de 1'920 francs.  
 
 
C.  
A.A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral à l'encontre de l'arrêt du 6 mars 2024. Il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recourant invoque pêle-mêle la violation de nombreuses conventions, normes européennes et internationales pour contester sa condamnation du chef d'accusation de violation d'une obligation d'entretien. À cet égard, il invoque une violation de son droit d'être entendu dans la mesure où la cour cantonale ne serait pas entrée en matière sur la question de l'application du droit international et qu'elle n'aurait pas suffisamment motivé ses arguments notamment en lien avec le revenu hypothétique qui lui a été imputé par le juge civil. 
 
1.1. Saisi d'un recours en matière pénale, le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), sous les réserves découlant des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de l'arbitraire dans la constatation des faits (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2). Il en va en particulier ainsi du contenu de la pensée, à savoir de faits "internes" (ATF 148 IV 234 consid. 3.4). Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs ainsi que, de manière plus générale, tous ceux qui relèvent de la violation de droits fondamentaux, que s'ils sont invoqués et motivés par le recourant (art. 106 al. 2 LTF), soit s'ils ont été expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée. Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 148 IV 356 consid. 2.1, 409 consid. 2.2).  
 
1.2. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 3 al. 2 let. c CPP (cf. aussi art. 6 par. 1 CEDH) implique notamment, pour l'autorité, l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et afin que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3; 142 I 135 consid. 2.1). Il n'est pas tenu de discuter tous les arguments soulevés par les parties, mais peut se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 142 II 154 consid. 4.2; 139 IV 179 consid. 2.2).  
 
1.3. La cour cantonale a jugé que, prises dans leur globalité, les contributions dues par le recourant à l'entretien de ses enfants s'élevaient, durant la période pénale, à un montant total de 13'134 francs. Que ce montant n'avait été versé que partiellement, soit 1'450 fr. sur la période pénale, de sorte qu'objectivement, le recourant n'avait pas respecté son devoir d'entretien.  
Après avoir établi les charges (868 EUR par mois), le disponible (676.15 EUR, soit de 669.39 fr.; taux moyen en 2022 de EUR 1 = 0.99 fr.) et les revenus (1'544.15 EUR) du recourant, la cour cantonale a considéré que, s'il n'avait certes pas été en mesure de payer la contribution d'entretien à hauteur de 1'920 fr. par mois jusqu'au 30 juin 2022 sans entamer son minimum vital, il aurait toutefois pu, compte tenu de son disponible, faire un effort en payant un montant supérieur aux 150 fr., puis 200 fr. versés. Il lui aurait en outre été possible de payer la contribution fixée dès le 1 er juillet 2022 à 538 fr. sans entamer son minimum vital.  
La cour cantonale a rappelé que la dette alimentaire était une dette privilégiée qui passait avant le remboursement de l'assistance judiciaire. Elle a en outre relevé que, si le recourant avait certes fait des efforts pour trouver un meilleur emploi en Suisse avant son départ, il n'avait pas poursuivi ses recherches en France - ni d'ailleurs en Suisse - et n'avait pas étendu celles-ci à des offres d'emploi ne correspondant pas à sa formation ou à ses attentes. La cour cantonale a en effet rappelé qu'il lui appartenait d'entreprendre toutes les démarches nécessaires pour obtenir un salaire plus élevé lui permettant de subvenir à l'entretien de ses enfants. Selon elle, le recourant n'avait pas tout mis en oeuvre pour obtenir un salaire plus élevé et ne s'était pas donné tous les moyens de respecter son obligation. À cet égard, elle a indiqué qu'il ressortait du dossier qu'il avait interrompu par convenance personnelle une formation à la HEP, débutée après la fin de son droit au chômage, alors qu'elle aurait pu lui ouvrir de nouvelles perspectives sur le marché de l'emploi. 
Enfin, la cour cantonale a jugé que le recourant avait connaissance des contributions d'entretien fixées dans les différentes décisions des autorités judiciaires civiles et a volontairement versé à son ex-femme des sommes moins élevées. 
 
1.4. En l'espèce, la cour cantonale a exposé de manière suffisamment claire et précise les éléments constitutifs objectifs et subjectifs, ainsi que la situation financière du recourant qu'elle a analysée à l'aune de la conjoncture française actuelle. Ce dernier ne saurait dès lors tirer un quelconque argument de la jurisprudence fédérale qu'il cite (arrêts 6B_679/2022 du 30 mars 2023 et 6B_787/2017 du 12 avril 2018) qui ne s'applique pas dans le cas d'espèce dans la mesure où la cour cantonale ne s'est pas simplement contentée de se référer aux revenus hypothétiques retenus par les juges civils pour fonder sa condamnation.  
La motivation de la cour cantonale apparaît suffisante à l'aune du droit d'être entendu. Le grief est rejeté. 
Concernant les conventions et normes internationales (invoquées tous azimuts) par le recourant, si l'on peut douter de la pertinence de leur application au cas d'espèce, pour autant qu'elles fussent directement applicables en Suisse, ces critiques ne sont pas motivées de manière conforme à l'art. 106 al. 2 LTF. Elles sont dès lors irrecevables. 
 
2.  
Toujours en invoquant des violations du droit européen et international, le recourant se plaint notamment d'une violation des art. 6 et 8 CEDH en lien avec le revenu hypothétique qui lui a été imputé par les juges civils. 
Le recourant mélange les règles applicables en droit civil, en lien avec une éventuelle reconnaissance d'un jugement de divorce, son droit de visite et des notions de droit des poursuites, avec les règles applicables en droit pénal. 
Il sied de rappeler, à l'instar de l'autorité précédente, que la procédure pénale est distincte de la procédure civile et que la compétence des tribunaux suisses est donnée dans la mesure où, tant la mère et les enfants que le SCARPA, ont respectivement leur résidence et siège en Suisse (cf. art. 3 CP). De plus, contrairement à ce qu'affirme le recourant, le juge peut se fonder sur des arguments que les parties n'ont pas invoqué dans la mesure où les autorités pénales recherchent d'office tous les faits pertinents pour la qualification de l'acte et le jugement du prévenu (cf. art. 6 CPP). S'agissant de l'application du droit international cf. supra consid. 1.4.  
Cela étant dit, on recherche en vain dans l'argumentation du recourant tout développement tendant à démontrer que la décision est entachée d'arbitraire et serait, singulièrement, insoutenable dans son résultat. Il en va de même s'agissant d'une violation du droit conventionnel qui n'est pas suffisamment développée pour répondre aux exigences de motivation accrues déduites de l'art. 106 al. 2 LTF
Pour le surplus, le recourant ne discute en droit ni la qualification pénale retenue, ni la nature, ni la quotité ou encore les modalités de la sanction qui lui a été infligée. Les brefs développements du recourant ne démontrent donc pas que la cour cantonale aurait violé le droit suisse, ni international (art. 95 let. a et let. b LTF). On peut, en tant que besoin, renvoyer à la décision de dernière instance cantonale qui est convaincante (art. 109 al. 3 LTF). En définitive, le recourant ne soulève aucun grief recevable sous cet angle. 
 
3.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme il était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires, dont le montant sera fixé en tenant compte de sa situation financière, laquelle n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La requête d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 22 octobre 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Brun