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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_595/2024  
 
 
Arrêt du 23 janvier 2025  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Haag, Président, 
Chaix et Merz. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
Didier Haldimann, 
représenté par Maître Stéphane Grodecki et Miriam Mazou, avocats, 
recourant, 
 
contre  
 
Municipalité de Perroy, 
Le Prieuré 5, 1166 Perroy, 
représentée par Me Yasmine Sözerman, avocate, 
 
Conseil communal de Perroy, p.a. administration communale, Le Prieuré 5, case postale 64, 1166 Perroy, 
 
Conseil d'État du canton de Vaud, 
Château cantonal, 1014 Lausanne Adm cant VD, représenté par la Direction générale des affaires institutionnelles et des communes (DGAIC) du canton de Vaud, Direction des affaires juridiques, place du Château 1, 1014 Lausanne. 
 
Objet 
Droits politiques; révocation, convocation du corps électoral, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour constitutionnelle, du 6 septembre 2024 (CCST.2024.0001). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Aux mois de juillet et d'août 2021, le Conseil d'État du canton de Vaud a été saisi de dénonciations concernant le fonctionnement de la Municipalité de Perroy (ci-après: la municipalité); il était reproché au Syndic de cette commune, Didier Haldimann, de ne pas respecter les règles sur la récusation et les conflits d'intérêts. Le 21 septembre 2021, la Cheffe du département compétent (actuellement le Département des institutions et du territoire du canton de Vaud - DITC) a chargé la Préfète du district de l'Ouest lausannois d'une enquête administrative sur ces faits. Le 29 octobre 2021, la préfète a rendu son rapport, concluant à l'existence de conflits d'intérêts et à l'absence de récusation sur certains dossiers. Ce rapport a été transmis à la municipalité (cf. sur ce point l'arrêt 1C_388/2022 du 28 avril 2023) qui, après avoir tenu une séance extraordinaire le 27 juin 2023, a demandé au Conseil d'État, le 7 juillet 2023, d'ouvrir une procédure de révocation à l'encontre du syndic. Cette démarche a été appuyée par le Conseil communal ainsi que par l'ensemble du personnel de l'administration communale. 
Le 17 avril 2024, le Conseil d'État a rendu la décision suivante: 
I. Le corps électoral de la Commune de Perroy est convoqué afin de se prononcer sur la révocation de son Syndic, M. Didier Haldimann. 
 
II. La date du scrutin sera fixée d'entente avec les autorités communales une fois la présente décision entrée en force. 
 
-. 
 
 
B.  
Par arrêt du 6 septembre 2024, la Cour constitutionnelle du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours formé par Didier Haldimann contre la décision du Conseil d'État. Le recourant n'avait pas droit à une audience publique en vertu des art. 6 CEDH ou 29 Cst. Son droit d'être entendu avait été respecté. Même si la préfète avait indiqué, dans une lettre du 1er octobre 2021, que ses investigations ne pourraient pas aboutir à une décision, l'utilisation de son rapport pour fonder la décision entreprise ne violait pas le principe de la bonne foi. Vu l'absence de l'intéressé pour cause de maladie (en l'occurrence depuis le 27 juin 2022), une révocation pouvait être envisagée sans qu'il soit nécessaire de prononcer préalablement une suspension. Reprenant ensuite les reproches retenus dans la décision du Conseil d'État, la Cour constitutionnelle a considéré que le recourant n'avait pas respecté les règles sur la récusation. Même si les faits reprochés remontaient à 2021-2022 et si la municipalité avait attendu plusieurs mois avant de saisir le Conseil d'État, la décision attaquée respectait le principe de la proportionnalité. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, Didier Haldimann demande au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt de la Cour constitutionnelle en ce sens que celle-ci doit tenir une audience publique, et que la convocation des électeurs de Perroy afin de se prononcer sur la révocation est annulée. 
La Cour constitutionnelle se réfère à son arrêt. Le Conseil d'État, représenté par la Direction générale des affaires institutionnelles et des communes, se réfère à l'arrêt attaqué et à sa décision. Le recourant a répliqué. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La décision du Conseil d'État porte sur la convocation des électeurs de la commune afin de se prononcer sur la révocation du syndic. Le recours est formé pour violation des droits politiques au sens de l'art. 82 al. 1 let. c LTF. Cette disposition ouvre le recours contre l'ensemble des actes affectant les droits politiques et permet au citoyen de se plaindre de ce qu'un objet est indûment soumis - ou soustrait - au scrutin populaire (ATF 128 I 190 consid. 1.1; cf. ATF 134 I 172 consid. 1; arrêt 1C_644/2021 du 16 novembre 2022 consid. 1). Le recours en matière de droits politiques peut ainsi être dirigé contre un acte préparatoire tel que la convocation des électeurs à une votation, lorsque la constitutionnalité de cette dernière est contestée (ATF 116 Ia 359 consid. 2; arrêt 1C_108/2011 du 24 mars 2011 consid. 1.1). 
La qualité pour recourir dans ce domaine appartient à toute personne disposant du droit de vote dans l'affaire en cause (art. 89 al. 3 LTF), qu'elle ait ou non un intérêt juridique personnel à l'annulation de l'acte attaqué (ATF 130 I 290 consid. 1). Le recours est pour le surplus formé dans le délai utile (art. 100 al. 1 LTF) contre un arrêt rendu en dernière instance cantonale (art. 88 al. 1 let. a LTF). 
 
 
2.  
Dans un premier grief, le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir refusé d'organiser une séance publique alors que, selon lui, l'art. 6 CEDH l'exigerait. Il considère en effet que l'art. 139b de la loi cantonale sur les communes (LC, RS/VD 175.11), qui permet de proposer une révocation pour des motifs graves, aurait une nature disciplinaire. Or, l'art. 6 CEDH s'appliquerait dans ce domaine, y compris à l'égard d'un magistrat. La Cour cantonale ne pouvait dès lors se contenter de relever que le litige serait purement de nature électorale. 
La jurisprudence constante ne reconnaît un droit à des débats publics oraux que pour les causes tombant sous le coup de l'art. 6 par. 1 CEDH, soit celles portant sur des droits de caractère civil ou des accusations en matière pénale. Tel n'est pas le cas de celles qui mettent en cause les droits politiques (arrêts 1C_266/2023 du 4 juillet 2024 consid. 4; 1C_138/2015 du 25 mars 2015 consid. 3). Quoi qu'en dise le recourant, la décision du Conseil d'État porte sur la convocation du corps électoral de la commune afin de se prononcer sur une révocation, la date du scrutin devant être fixée d'entente avec les autorités communales. Il s'agit typiquement d'un arrêté de convocation, soit un acte préparatoire à une votation, qui ne préjuge nullement du sort qui sera réservé au recourant. Le litige est dès lors purement électoral, et c'est dès lors avec raison que la cour cantonale a déclaré que les exigences de l'art. 6 CEDH en matière d'audience publique ne s'appliquaient pas. Le grief doit dès lors être écarté. 
 
3.  
Dans un second grief, le recourant invoque son droit d'être entendu. Il indiquait dans son recours cantonal que le reproche d'avoir fait pression sur ses collègues se fondait sur les auditions menées par la préfète, de sorte qu'il devait pouvoir interroger les personnes entendues dans ce contexte. 
 
3.1. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit pour l'intéressé de produire et de faire administrer les preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1; 145 I 167 consid. 4.1; 142 III 48 consid. 4.1.1). Cette garantie constitutionnelle n'empêche pas le juge de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 140 I 285 consid. 6.3.1). Un tel refus de mesure probatoire par appréciation anticipée ne peut être remis en cause devant le Tribunal fédéral qu'en invoquant l'arbitraire (art. 9 Cst.) de manière claire et détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 III 73 consid. 5.2.2; 144 II 427 consid. 3.1.3; 138 III 374 consid. 4.3.2).  
 
3.2. En l'occurrence, la Cour constitutionnelle a considéré que les auditions requises n'étaient pas propres à modifier l'appréciation de l'attitude du recourant. D'une part, l'existence de pressions exercées par celui-ci pouvait également se déduire des procès-verbaux des séances de la municipalité figurant au dossier. D'autre part, même abstraction faite de cet élément, les cas de violations des règles sur la récusation (détaillés au consid. 5d de l'arrêt attaqué) suffisaient à justifier la décision du Conseil d'État. Le recourant ne fournit aucune argumentation propre à démontrer que cette appréciation serait entachée d'arbitraire. Pour autant que recevable, le grief doit dès lors être écarté.  
 
4.  
Le recourant invoque encore le principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 et 9 Cst.). Alors que la préfète lui avait indiqué: "Les investigations que je conduis ne sont dirigées contre personne en particulier. Elles n'aboutiront en outre pas à une décision", la cour cantonale a refusé d'y voir une assurance liant l'administration dans son ensemble. La DGAIC avait elle aussi fourni une assurance semblable le 31 janvier 2022. Le rapport de la préfète ne pourrait dès lors pas servir de base pour fonder la révocation du recourant. 
 
4.1. Le droit à la protection de la bonne foi (art. 9 Cst.) préserve la confiance légitime que le citoyen met dans les assurances reçues des autorités. Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu (ATF 141 V 530 consid. 6.2; 131 II 627 consid. 6.1 et les références citées).  
 
4.2. Comme le rappelle l'arrêt attaqué, les préfets peuvent, d'office ou à la requête du Conseil d'État, procéder à des enquêtes administra-tives et demander aux autorités communales des rapports sur des objets déterminés (art. 141 al. 4 LC). En revanche, ils n'ont pas de compétence pour prononcer une sanction contre les membres de la municipalité ou du conseil communal. Les propos de la préfète, émis à l'occasion d'une demande de consultation du dossier, étaient manifestement limités au cadre de son enquête. Il apparaissait évident qu'il appartiendrait ensuite au Conseil d'État (ainsi qu'aux autorités communales) de décider des suites à donner en fonction des résultats de ladite enquête. De même l'affirmation de la DGAIC (et répondant également à une demande de consultation du dossier) selon laquelle "aucune procédure n'est ouverte à ce jour contre M. Haldimann personnellement" ne pouvait préjuger des décisions futures, en particulier celle présentement litigieuse rendue près de deux ans plus tard. Il n'y a dès lors aucune violation du principe de la bonne foi.  
 
5.  
Le recourant se plaint enfin d'une violation des droits politiques (art. 34 Cst.) et du principe de la proportionnalité (art. 5 Cst.). Il relève que le rapport d'enquête a été déposé en novembre 2021, que la procédure de révocation n'a été ouverte que deux ans plus tard, la décision du Conseil d'État n'ayant été rendue que trois ans plus tard (soit quatre ans après les faits reprochés, alors que le poste est soumis à réélection). Les motifs retenus par la cour cantonale (transmission du dossier au Conseil communal et absence de délais prévu par le droit cantonal) ne sauraient justifier un tel retard. 
 
5.1. En l'occurrence, la décision attaquée porte non pas sur la révocation du recourant, mais sur la convocation des électeurs afin de se prononcer sur la question. En soi, elle ne porte nullement atteinte au droit du recourant d'être élu.  
 
5.2. Comme le relève la cour cantonale, ce n'est qu'après l'arrêt du Tribunal fédéral du 28 avril 2023 que le rapport d'enquête a pu être transmis à la municipalité, laquelle a ensuite réagi sans retard en saisissant le Conseil d'État. S'en est suivie une procédure de récusation initiée par le recourant à l'encontre de la conseillère d'État en charge du DITS; le recourant s'est ensuite déterminé sur le fond le 5 octobre 2023 et a déposé un mémoire complémentaire le 11 janvier 2024. La procédure n'a dès lors souffert d'aucun retard inadmissible. Quoi qu'il en soit, en l'absence de règles spécifiques sur la prescription ou la péremption, l'écoulement du temps ne saurait faire obstacle à la décision attaquée. Le recourant, qui ne participe plus aux séances de la municipalité depuis juin 2022 en invoquant des raisons médicales, ne saurait invoquer une atteinte disproportionnée à ses droits subjectifs.  
 
6.  
Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant. Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires du recourant, à la mandataire de la Municipalité de Perroy, au Conseil communal de Perroy, au Conseil d'État du canton de Vaud et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour constitutionnelle. 
 
 
Lausanne, le 23 janvier 2025 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Haag 
 
Le Greffier : Kurz