Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_731/2023
Arrêt du 23 janvier 2025
IIIe Cour de droit public
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Moser-Szeless, Présidente,
Parrino et Beusch.
Greffière : Mme Perrenoud.
Participants à la procédure
1. Easy Sana Assurance Maladie SA,
rue des Cèdres 5, 1920 Martigny,
2. Visana SA, Weltpoststrasse 19, 3015 Berne,
3. vivacare AG, Weltpoststrasse 19, 3015 Berne,
4. CSS Assurance-maladie SA (également en tant que
successeur en droit de Arcosana SA et INTRAS
Assurance-maladie SA),
Tribschenstrasse 21, 6005 Lucerne,
5. SUPRA-1846 SA,
avenue de la Rasude 8, 1006 Lausanne,
6. CONCORDIA Assurance suisse de maladie et
accidents SA, Bundesplatz 15, 6002 Lucerne,
7. Avenir Assurance Maladie SA,
rue des Cèdres 5, 1920 Martigny,
8. KPT Caisse-maladie SA,
Wankdorfallee 3, 3014 Berne,
9. Vivao Sympany SA (également en tant que
successeur en droit de Moove Sympany AG),
Peter Merian-Weg 4, 4052 Bâle,
10. SWICA Assurance-maladie SA,
Römerstrasse 37, 8401 Winterthour,
11. Mutuel Assurance Maladie SA,
rue des Cèdres 5, 1920 Martigny,
12. Sanitas Grundversicherungen AG (également en
tant que successeur en droit de Compact
Grundversicherungen AG),
Jägergasse 3, 8004 Zurich,
13. Philos Assurance Maladie SA,
rue des Cèdres 5, 1920 Martigny,
14. Assura-Basis SA,
avenue Charles-Ferdinand-Ramuz 70, 1009 Pully,
15. sana24 AG, Weltpoststrasse 19, 3015 Berne,
16. Helsana Versicherungen AG (également en tant
que successeur en droit de Progrès Assurances SA),
Zürichstrasse 130, 8600 Dübendorf,
toutes agissant par santésuisse,
Römerstrasse 20, 4500 Soleure,
recourantes,
contre
A.________,
représenté par Me Jacques Roulet, avocat,
intimé.
Objet
Assurance-maladie (polypragmasie),
recours contre l'arrêt du Tribunal arbitral des assurances de la République et canton de Genève du 18 octobre 2023 (A/2134/2020 ATAS/802/2023).
Faits :
A.
A.________, spécialiste en médecine interne générale et détenteur d'un certificat pour la pratique du laboratoire au cabinet médical (CMPR), exerce à titre indépendant à U.________. Il est également le médecin répondant de B.________ SA et du Centre C.________. À partir de l'année 2010, des divergences de vues sont apparues entre santésuisse, une association faîtière des assureurs-maladie dans le domaine de l'assurance-maladie sociale, et ce médecin quant au respect du principe de l'économicité des prestations énoncé dans la loi.
B.
Le 3 juillet 2020, les caisses-maladie énoncées dans le rubrum du présent arrêt (ci-après: les caisses-maladie), représentées par santésuisse, ont saisi le Tribunal arbitral des assurances de la République et canton de Genève d'une demande de restitution à l'encontre de A.________ pour non-économicité de ses traitements pour l'année 2018 pour un montant de 126'467 fr. 40, subsidiairement de 96'206 fr. 05. Le 2 octobre 2020, la juridiction arbitrale a constaté l'échec de la tentative de conciliation. Entre autres mesures d'instruction, elle a diligenté une expertise analytique auprès du docteur D.________, spécialiste en médecine interne générale, qui a évalué le surcoût de la pratique de A.________ entre 20'164 fr. et 39'649 fr. pour 2018 (rapport du 26 février 2023).
Par arrêt du 18 octobre 2023, la juridiction cantonale a partiellement admis la demande (ch. 2 du dispositif). Elle a condamné A.________ à verser à santésuisse, à charge pour elle de le répartir en faveur des caisses-maladie, le montant de 39'649 fr. (ch. 3 du dispositif). Le tribunal arbitral a également mis l'émolument de justice (3'000 fr.) et les frais judiciaires (4'200 fr.), ainsi que les frais d'expertise (15'855 fr. 75), à la charge de santésuisse à raison de 15'908 fr. 45 et à la charge du médecin à raison de 7'147 fr. 30 (ch. 4 du dispositif); il a condamné santésuisse à verser à A.________ la somme de 2'000 fr. à titre de participation à ses frais et dépens (ch. 5 du dispositif)
C.
Les caisses-maladie interjettent un recours en matière de droit public contre cet arrêt. Elles concluent en substance à sa réforme en ce sens que leur demande du 3 juillet 2020 est entièrement admise et que A.________ est condamné à verser à santésuisse, à charge pour elle de le répartir en leur faveur, le montant de 126'467 fr. 40. Les caisses-maladie demandent également que les frais d'expertise soient mis à la charge du médecin.
A.________ conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet, tandis que l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit :
1.
Dès lors que l'intimé conclut à l'irrecevabilité du recours, en soutenant que les recourantes font valoir uniquement des critiques de nature appellatoire, il allègue implicitement que les exigences de l'art. 42 al. 2 LTF ne seraient pas réalisées. Une telle conclusion ne peut cependant pas être déduite de la lecture du mémoire de recours qui comprend une argumentation suffisante au regard en particulier de la question de droit soumise au Tribunal fédéral (infra consid. 3.1). Le recours est recevable sous l'angle de l'art. 42 al. 2 LTF. Dans la mesure où les autres conditions de recevabilité sont remplies, il y a lieu d'entrer en matière sur celui-ci.
2.
Le recours en matière de droit public peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF . Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est limité ni par l'argumentation de la partie recourante ni par la motivation de l'autorité précédente. Il statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'en écarter doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération (art. 97 al. 1 LTF).
3.
3.1. Le litige porte en l'espèce sur le bien-fondé de la condamnation - en application de l'art. 59 al. 1 let. b LAMal (ATF 141 V 25 consid. 8.3) - de l'intimé à restituer aux caisses-maladie recourantes le montant de 39'649 fr. perçu à titre d'honoraires pour des traitements jugés non économiques (selon l'art. 56 al. 1 LAMal) prodigués en 2018. Les caisses-maladie allèguent que le montant à restituer par le médecin doit être porté à 126'467 fr. 40.
3.2. La juridiction arbitrale a exposé de manière complète les dispositions légales applicables, singulièrement l'art. 56 LAMal (en lien avec les art. 25 al. 1 et 32 al. 1 LAMal) relatif au caractère économique des prestations prises en charge par l'assurance obligatoire des soins, ainsi que la jurisprudence portant sur les méthodes admises pour démontrer une polypragmasie ("Überarztung"; cf. ATF 150 V 129; 144 V 79; 137 V 43; 136 V 415).
4.
4.1. La juridiction de première instance a d'abord admis que la méthode de régression (méthode de screening; cf. ATF 150 V 129 consid. 4.3.2) était en principe applicable en l'occurrence, dès lors que le contrôle de l'économicité de la pratique médicale du docteur A.________ portait sur l'année 2018 (cf. ATF 150 V 129 consid. 4.3.2; arrêt 9C_558/2018 du 12 avril 2019 consid. 7.1) et qu'il existait une présomption de polypragmasie, puisque l'indice du médecin pour les coûts directs en 2018 était de 172 selon la méthode de régression, respectivement de 206 selon la méthode ANOVA. Considérant que la méthode statistique n'était cependant pas indiquée en l'espèce, en dépit du nombre de paramètres que la méthode de régression permettait de prendre en considération, les juges précédents se sont fondés sur l'expertise analytique judiciaire du docteur D.________, qu'ils avaient mise en oeuvre au préalable (cf. ordonnance du 7 juillet 2022). Ils ont admis que l'expert avait clairement établi une surfacturation au degré de la vraisemblance prépondérante. En effet, le docteur D.________ avait relevé que la facturation du docteur A.________ n'était pas toujours conforme à la LAMal, car quasi systématiquement forfaitaire avec un chaînage de prestations identiques qui ne correspondaient pas forcément aux prestations effectuées. L'analyse de l'agenda et sa comparaison avec les prestations facturées faisaient également apparaître une surfacturation en temps. S'agissant du surcoût en raison d'une facturation non conforme au TARMED, l'expert avait procédé à plusieurs calculs et il avait estimé le surcoût pour l'ensemble des consultations entre 21'938 fr. et 39'649 fr. Dans la mesure où l'expert avait mis en évidence que le surcoût relatif à la pratique de l'intimé ne pouvait qu'être estimé (dès lors que le médecin avait procédé à une facturation au forfait), l'instance précédente a considéré que le dommage devait être déterminé équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée (art. 42 al. 2 CO). Elle s'est fondée sur les constatations du docteur D.________, selon lequel un surcoût de 39'649 fr. pouvait être pris en compte pour 2018, à savoir un montant de 23'736 fr. pour l'ensemble des consultations de 35 minutes, pour lesquelles 5 minutes avaient été facturées en trop, auquel s'ajoutait un montant de 15'913 fr. correspondant au surcoût lié aux consultations de 60 minutes facturées pour les patients ayant eu au moins 15 consultations en 2018, pour lesquelles 15 minutes avaient été facturées en trop.
4.2. À l'appui de leur recours, les caisses-maladie reprochent à la juridiction arbitrale d'avoir mal appliqué la loi et la jurisprudence y relative en ce qu'elle a ordonné une expertise analytique. Elles font en substance valoir que la méthode analytique ne constituait pas "le bon outil" pour analyser la pratique médicale en cause et qu'il convenait de recourir à la méthode statistique. Les recourantes s'en prennent par ailleurs à la valeur probante de l'expertise analytique établie par le docteur D.________. Elles font également grief aux premiers juges de ne pas être entrés en matière sur la demande de restitution en ce qu'elle se fonde sur l'indice au-delà de la moyenne des médicaments prescrits par le docteur A.________.
4.3. Pour sa part, le médecin intimé reproche aux caisses-maladie recourantes de "sacralise[r]" la méthode statistique et de l'ériger en tant que "reine des preuves". Il fait valoir que le choix de la méthode appartient à la juridiction cantonale et que le Tribunal fédéral est tout au plus "limité" à vérifier si la méthode retenue a été correctement appliquée. Le choix de la méthode analytique ne serait au demeurant pas critiquable compte tenu des particularités de sa pratique. Par ailleurs, la valeur probante de l'expertise du docteur D.________ ne prêterait pas le flanc à la critique.
5.
Dans un grief de nature formelle, qu'il y a lieu d'examiner en premier lieu (ATF 137 I 195 consid. 2.2), les recourantes reprochent à l'instance précédente d'avoir violé leur droit d'être entendues, en ce qu'elle n'aurait pas mentionné les calculs opérés par santésuisse et refusé de diligenter une expertise complémentaire. Il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur ce grief. L'argumentation des caisses-maladie, présentée sous la forme d'une simple affirmation sans précision, ne remplit manifestement pas les exigences de l'art. 106 al. 2 LTF.
6.
6.1. En ce qui concerne le litige sur le fond, il convient d'abord d'examiner le grief des caisses-maladie relatif au choix de l'instance précédente quant à la méthode applicable au contrôle du caractère économique de la pratique du docteur A.________. Si l'application de la méthode analytique se révélait en l'espèce contraire au droit, il conviendrait effectivement d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause à l'autorité précédente pour qu'elle applique la méthode appropriée, sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner les autres griefs des recourantes.
6.2.
6.2.1. Selon la jurisprudence antérieure à l'introduction de la méthode de screening à partir de l'année statistique 2017, les méthodes statistique et analytique ou une combinaison de ces deux méthodes étaient admises pour établir l'existence d'une polypragmasie (cf. p. ex. arrêt 9C_588/2022 du 26 septembre 2023 consid. 3 in: SVR 2024 KV n° 2 p. 3).
6.2.2. La méthode statistique a fait l'objet de critiques et de discussions qui ont abouti à l'adoption de l'art. 56 al. 6 LAMal (introduit par le ch. I de la modification du 23 décembre 2011 de la LAMal [RO 2012 4087]; entré en vigueur le 1er janvier 2013), selon lequel les fournisseurs de prestations et les assureurs conviennent d'une méthode visant à contrôler le caractère économique des prestations. Sur la base de cette disposition légale, la Fédération des médecins suisses (FMH) et les associations faîtières des assureurs-maladie (santésuisse et curafutura) se sont entendues sur le développement d'une méthode d'analyse dont l'évolution a abouti à la méthode statistique de sélection (méthode de régression à deux niveaux ou méthode de screening) applicable depuis l'année statistique 2017. Ils ont conclu une convention le 20 mars 2018 ("Vertrag betreffend die Screening-Methode im Rahmen der Kontrolle der Wirtschaftlichkeit gemäss Art. 56 Abs. 6 KVG", version actualisée le 1er février 2023; cf. ATF 150 V 129 consid. 4; cf. aussi arrêt 9C_795/2023 du 23 décembre 2024 consid. 5.2.2).
6.2.3. Il y a lieu de partir du principe que les partenaires ont convenu de procéder à l'identification (provisoire) d'anomalies pouvant démontrer l'existence d'une pratique non économique exclusivement par le biais de la méthode de screening, si bien qu'il n'y a plus de place pour une combinaison du contrôle statistique par un contrôle analytique comme cela était admis auparavant pour la méthode ANOVA (ATF 150 V 129 consid. 5.2.3). Le pouvoir d'appréciation quant à la méthode à appliquer ne va pas si loin qu'il permettrait aux assureurs-maladie de recourir, à la place de la méthode de screening (ou de sélection) - soit une analyse de régression suivie d'un éventuel examen subséquent du cas particulier (cf. consid. 6.3.1 infra) -, sans condition à une autre méthode. Le libre choix de la méthode pour établir l'existence d'une polypragmasie contreviendrait aux garanties d'un contrôle uniforme et approprié du caractère économique auxquelles le législateur a contraint les acteurs concernés par l'adoption de l'art. 56 al. 6 LAMal (ATF 150 V 129 consid. 5.2.4; arrêt 9C_795/2023 précité consid. 5.2.3).
6.3.
6.3.1. La méthode de screening suppose un examen en deux étapes. La première étape consiste en une analyse statistique de régression qui associe les facteurs actuels de morbidité relatifs aux patients (âge et sexe) et de nouveaux facteurs (groupes de coûts pharmaceutiques, franchise et séjours à l'hôpital ou en EMS durant l'année précédente) à des facteurs relatifs au fournisseur de prestations demeurés inchangés (groupe de spécialistes et canton d'implantation). Elle permet de détecter les cas de médecins dont les coûts présentent des anomalies, mais pas, à elle seule, de déterminer une pratique non économique au sens de l'art. 56 LAMal. La constatation d'une telle pratique ne peut en effet être retenue que sur la base d'une analyse individuelle, soit une analyse au cas par cas effectuée dans une seconde étape (ATF 150 V 129 consid. 4.3.2 et 4.4.1). Cette analyse consiste à examiner d'une manière globale la portée effective des caractéristiques individuelles de la pratique qui ont une incidence sur les coûts. Le fournisseur de prestations doit pouvoir présenter de manière objective et compréhensible les particularités de sa pratique non prises en compte dans le cadre de l'analyse de régression qui distinguent son cabinet du collectif de référence et qui entraînent une valeur d'indice de régression plus élevé. Le but de cette seconde étape étant de contrôler la plausibilité de l'indice plus élevé, elle doit se fonder sur l'analyse de régression (ATF 150 V 129 consid. 5.5.1 et 5.5.3; voir aussi PATRICK MÜLLER, Contrôle de l'économicité: convention adaptée, in Bulletin des médecins suisses 2023/104 p. 32-33) et ne saurait être assimilée à la méthode analytique traditionnelle (cf. ATF 150 V 129 consid. 5.2.4; arrêt 9C_129/2023 du 4 mars 2024 consid. 5.3). Cela n'exclut pas, selon la situation particulière et en cas de besoin, de prendre en considération des dossiers de patients choisis; ainsi, il est possible que des particularités de la pratique médicale dont les effets sur les coûts ne peuvent pas être chiffrés par le biais des statistiques puissent être analysées au moyen d'une évaluation par échantillon d'un nombre représentatif de factures concrètes (ATF 150 V 129 consid. 5.2.4; arrêt 9C_129/2023 précité consid. 5.3; cf. aussi arrêt 9C_795/2023 précité consid. 5.3.1).
6.3.2. Dans la mesure où la FMH, d'une part, et santésuisse ainsi que curafutura, d'autre part, ont convenu d'une procédure en deux étapes, l'analyse individuelle du cas particulier ne doit pas être reportée à la procédure devant le tribunal arbitral. Le fournisseur de prestations doit avoir la possibilité d'établir dès la phase de l'examen du cas individuel quelles particularités de sa pratique n'ont pas été prises en compte dans l'analyse de régression et dans quelle mesure ces particularités influencent l'indice de régression. La demande en restitution déposée auprès du tribunal arbitral doit reposer sur les résultats d'un examen complet du cas individuel (cf. ATF 150 V 129 consid. 5.6). S'il n'est pas possible d'attendre ces résultats pour des raisons de respect des délais, il convient de demander à l'autorité arbitrale de suspendre la procédure jusqu'au terme de l'examen du cas individuel (cf. ATF 150 V 129 consid. 5.8.1). Dès lors que l'analyse du cas particulier par les caisses-maladie, ou par l'association faîtière qu'elles ont mandatée, a été conçue de manière participative, dans le but de parvenir à un accord à l'amiable dans le cadre d'un dialogue avec le fournisseur de prestations, la tâche du tribunal arbitral consiste à analyser les conclusions contestées de l'examen au cas par cas et, si possible, de régler le litige par une procédure de conciliation ou, à défaut, de statuer (cf. ATF 150 V 129 consid. 5.6; cf. aussi arrêt 9C_795/2023 précité consid. 5.3.2).
6.3.3. Compte tenu de ce qui précède, le tribunal arbitral n'est pas entièrement libre de choisir la méthode d'examen qui lui convient. Les possibilités qui lui sont offertes sont soit de suspendre la procédure arbitrale, si l'étape de l'examen des caractéristiques individuelles de la pratique n'a pas pu être réalisée pour des raisons de respect des délais, soit d'analyser les résultats de cette analyse individuelle à la lumière des (éventuelles) critiques des parties, si cette étape a été mise en oeuvre. Ce n'est que si les résultats obtenus au terme de cette seconde étape ne sont pas fiables pour une comparaison des coûts moyens que l'autorité arbitrale peut s'écarter de la méthode statistique, à l'instar de ce qui prévalait déjà avant l'introduction de la méthode de screening (cf. p. ex. arrêt 9C_588/2022 du 26 septembre 2023 consid. 3 in: SVR 2024 KV n° 2 p. 3). Autrement dit, ce n'est que lorsque l'incidence des caractéristiques d'une pratique sur les coûts n'est pas quantifiable de manière fiable au moyen de l'analyse de régression qu'il n'est pas exclu d'analyser lesdites caractéristiques par le biais d'une évaluation par échantillonnage réalisée par un expert ou un médecin-conseil d'un nombre représentatif de notes d'honoraires du médecin concerné afin de déterminer si les mesures diagnostiques et thérapeutiques entreprises sont justifiées (arrêt 9C_795/2023 précité consid. 5.3.3).
7.
7.1.
7.1.1. À la lecture de la demande déposée par les caisses-maladie le 3 juillet 2020, on constate que l'étape de l'analyse du cas individuel n'a en l'occurrence pas été réalisée, comme l'a à juste titre relevé l'intimé dans sa réponse du 25 novembre 2020. Si les recourantes ont indiqué que la pratique du docteur A.________ était orientée autour de la médecine psychosociale, elles ont nié qu'il pût s'agir d'une particularité de la pratique dont il convient de tenir compte et n'ont pas fait allusion à d'autres particularités éventuelles de la pratique du médecin. On relèvera encore qu'aucune requête de suspension de la procédure pour permettre d'accomplir la seconde étape de la méthode de screening n'a été déposée par les caisses-maladie et que le tribunal arbitral n'a pas examiné l'opportunité d'une telle suspension. Il ne ressort par ailleurs pas du procès-verbal de l'audience de conciliation que les parties auraient tenté d'expliquer l'indice de régression élevé par les caractéristiques particulières de la pratique du docteur A.________.
7.1.2. Il ressort toutefois des écritures de la procédure arbitrale que de telles caractéristiques ont néanmoins été mentionnées. Ainsi, dans sa réponse du 25 novembre 2020, le docteur A.________ a fait état de particularités de sa formation, ainsi que de sa patientèle ou des traitements qu'il prodiguait (il bénéficie d'une autorisation d'auto-dispensation de stupéfiants et prend en charge des patients souffrant de pluri-toxicomanies dans le cadre d'un "traitement agoniste aux opioïdes" [ou "TAO"], notamment). À la lecture de leur réplique du 24 février 2021, il apparaît que les assureurs-maladie ont pris position sur ces éléments, sans toutefois les mettre directement en relation avec les résultats de l'analyse de régression. Par la suite, si les recourantes ont admis que l'intimé traitait davantage de patients toxicomanes que ses confrères, elles n'ont pas procédé à une analyse du cas individuel.
7.2.
7.2.1. Nonobstant ce qui précède, le tribunal arbitral a diligenté une expertise analytique (ordonnance d'expertise du 7 juillet 2022). Dans l'arrêt entrepris, il a exposé que la méthode statistique n'était pas indiquée en l'occurrence pour établir si l'intimé avait une pratique médicale contraire au principe de l'économicité, en dépit du nombre de paramètres que la méthode de régression prend en considération. Les juges précédents ont expliqué à cet égard que le nombre de patients du docteur A.________ (269) était trois fois inférieur à la moyenne de son groupe de comparaison (863), si bien que les cas hors norme avaient une incidence beaucoup plus importante sur le coût moyen des patients. En effet, selon les données de la méthode de régression, le coût de 129'274 fr. relatif aux 28 patients les plus chers de l'intimé représentait presque 50 % de son chiffre d'affaires (de 260'769 fr.), tandis qu'il ne correspondrait qu'à un quart du chiffre d'affaires moyen des médecins du groupe de comparaison (de 525'567 fr.). En déduisant le coût des 28 cas hors norme du chiffre d'affaires de l'intimé de 260'769 fr., son coût par patient pour les 241 autres patients (269 - 28) s'élevait à 545 fr. ([260'769 fr. - 129'274 fr.]: 241), soit un coût inférieur au coût moyen de 609 fr. de son groupe de comparaison (525'567 fr. / 863 patients = 609 fr.). Si le nombre comparativement peu élevé de patients ne constitue pas une particularité du cabinet médical permettant d'augmenter la marge de tolérance, selon la jurisprudence (arrêt 9C_558/2018 précité consid. 8.1), il s'agit d'une circonstance qui peut fausser les statistiques lorsqu'il y a une proportion élevée de cas hors norme parmi les patients, comme l'a relevé l'instance précédente.
7.2.2. Dans la mesure où seule l'absence de données fiables résultant des deux étapes de la méthode de screening peut justifier la mise en oeuvre d'une expertise analytique (cf. consid. 6.3.3 supra) et où l'analyse du cas individuel (seconde étape de la méthode de screening) n'a en l'espèce pas été réalisée, il convient d'examiner si le rapport du docteur D.________ permet de pallier les lacunes de la procédure (quant à l'absence d'analyse du cas particulier) relevant tant des assureurs-maladie que du tribunal arbitral.
7.3.
7.3.1. Dans son rapport d'expertise analytique du 26 février 2023, le docteur D.________ s'est prononcé sur les particularités de la pratique médicale du docteur A.________. Il a notamment mis en évidence que l'intimé avait une population de patients vulnérables, qui nécessite plus de soins et qui se retrouve typiquement dans les polycliniques universitaires, clairement plus importante que dans d'autres cabinets médicaux. L'expert a ensuite procédé à l'analyse de 28 dossiers sélectionnés par le médecin concernant les cas les plus lourds de sa patientèle, ainsi que de 24 autres dossiers, qu'il a choisis en se fondant sur des critères de sélection objectifs (soit la variété de tranches d'âge et le nombre de consultations, à savoir un minimum de 4 consultations en 2018). Examinant les notes médicales du médecin, le docteur D.________ a constaté qu'il "sembl[ait] souvent peu probable que les factures [du docteur A.________] se fondent rigoureusement sur le temps consacré aux prestations réellement effectuées sur des patients". Quant à l'examen de l'agenda du médecin et sa comparaison avec les prestations facturées, elles mettaient en évidence que la facturation était quasi systématiquement forfaitaire avec un chaînage de prestations identiques qui ne correspondaient pas forcément aux prestations effectuées. Dans la mesure où l'intimé avait procédé à une facturation au forfait, l'expert a considéré que le surcoût en raison d'une facturation non conforme au TARMED ne pouvait qu'être estimé (entre 21'938 fr. et 39'649 fr. pour l'ensemble des consultations).
7.3.2. Le docteur D.________ (dont le mandat a consisté en une expertise analytique et non à concrétiser la seconde étape de la méthode de screening) n'a pas analysé les statistiques de santésuisse ni ne les a confrontées aux résultats de son étude des consultations et de l'agenda du docteur A.________. Son expertise ne permet dès lors pas de répondre aux griefs soulevés par ce dernier dans sa réponse du 25 novembre 2020 conformément aux exigences de la nouvelle méthode de screening. Elle ne permet en particulier pas de déterminer si les particularités de la pratique invoquées par le médecin concerné sont prises en compte par l'analyse de régression et, le cas échéant, dans quelle mesure ces particularités influencent l'indice de régression.
7.3.3. En définitive, une analyse individuelle conformément à la deuxième étape de la méthode de screening fait défaut et ne peut être remplacée, en l'occurrence, par l'expertise mise en oeuvre par le tribunal arbitral qui ne contient pas de lien suffisant avec les résultats de la première étape statistique de la méthode. La cause doit dès lors être renvoyée à l'instance précédente pour qu'elle reprenne l'instruction et donne la possibilité aux caisses-maladie, en collaboration avec le docteur A.________, de mettre en oeuvre cette seconde étape, avant d'en examiner les résultats et de rendre une nouvelle décision. Dans ce contexte, on rappellera que l'un des objectifs de la méthode de screening reste de trouver un accord à l'amiable entre les parties dans le cadre d'un dialogue entre le fournisseur de prestations et les assureurs-maladie (consid. 6.3.2 supra). Partant, il y a lieu d'admettre partiellement le recours, dans la mesure où la cause n'est pas en état d'être jugée et nécessite un renvoi à l'instance précédente; l'arrêt entrepris doit être annulé en conséquence.
8.
Vu le renvoi ordonné, qui revient à donner gain de cause aux recourantes, les frais judiciaires doivent être mis à la charge de l'intimé (art. 66 al. 1 LTF). Les caisses-maladie n'ont pas droit à une indemnité de dépens (art. 68 al. 3 LTF; ATF 149 II 381).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est partiellement admis. L'arrêt du Tribunal arbitral des assurances de la République et canton de Genève du 18 octobre 2023 est annulé et la cause est renvoyée à cette autorité pour qu'elle procède conformément aux considérants.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
3.
Il n'est pas alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal arbitral des assurances de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 23 janvier 2025
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Moser-Szeless
La Greffière : Perrenoud