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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_156/2024  
 
 
Arrêt du 23 septembre 2024  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, 
Muschietti et Pont Veuthey, Juge suppléante. 
Greffière : Mme Klinke. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Lida Lavi, avocate, 
recourante, 
 
contre  
 
1. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD, 
2. B.________, 
représenté par Me Miriam Mazou, avocate, 
3. C.________, 
représenté par Me Baris Bostan, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Viol; contrainte sexuelle; abus de la détresse, 
 
recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale 
du Tribunal cantonal du canton de Vaud, 
du 4 septembre 2023 (n° 308 PE20.017680-DTE). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 17 mars 2023, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a libéré C.________ des chefs d'accusation de viol (art. 190 CP) et de contrainte sexuelle (art. 189 CP) et du chef de prévention d'abus de la détresse (art. 193 CP). Il a également libéré B.________ des chefs d'accusation de contrainte sexuelle, viol et abus de la détresse. Il a renvoyé A.________ à agir devant le juge civil s'agissant de ses prétentions civiles à l'encontre de C.________ et a rejeté les conclusions civiles prises par A.________ à l'encontre de B.________. Il a statué sur les frais et dépens. 
 
B.  
Par jugement du 4 septembre 2023, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté l'appel de A.________ et confirmé le jugement de première instance, le tout avec suite de frais et dépens. 
Il en ressort les faits suivants. 
 
B.a. C.________ ressortissant kosovar, est né en 1963 à U.________ au Kosovo, et est titulaire d'un permis d'établissement. Il s'est marié en 1985 et a trois enfants, désormais majeurs. À la suite de problèmes de santé, notamment sur le plan psychique, il a émargé à l'aide sociale pendant de nombreuses années. Il exerce depuis 10 ans, à titre indépendant, une activité de bio-énergéticien qui lui procure, selon ses dires, un revenu mensuel d'environ 4'500 francs.  
Le casier judiciaire suisse de C.________ comprend deux inscriptions: une condamnation, le 19 juillet 2013, par le Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois à une peine pécuniaire de 120 jours amende à 30 fr. pour tentative de contrainte et séquestration, ainsi qu'une seconde condamnation, le 19 octobre 2021, du Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois, pour escroquerie par métier, à une peine privative de liberté de douze mois avec sursis pendant trois ans. 
 
B.b. Originaire de V.________, B.________ est né en 1966 au Maroc. À vingt ans, il est venu en Suisse, s'y est marié, puis le couple a divorcé en 2009. Rentier AI depuis 2013, pour des raisons psychiques, il perçoit une rente mensuelle de 970 francs. Le loyer de l'appartement qu'il occupe seul à W.________ est payé grâce aux prestations complémentaires. Il a quelques poursuites.  
Le casier judiciaire de B.________ ne comporte aucune inscription. 
 
B.c. C.________ exerce l'activité de guérisseur à son domicile à W.________, où il reçoit des "patients" qui profitent de son prétendu don lors de "rituels", moyennant paiement. Il démarche ses clients au travers d'annonces publiées dans des journaux de la communauté albanophone ou de vidéos, diffusées sur internet, le montrant en train de "soigner des gens".  
A.________, domiciliée dans le canton de Genève, souffre de troubles psychotiques depuis 2012 environ. Un diagnostic principal de troubles affectifs bipolaires accompagnés d'idées délirantes de persécution et d'hallucinations auditives a été posé. Elle présente également des signes de dépression, de pensées obsédantes, de crises d'angoisse, une baisse d'estime de soi et une perte totale de confiance en elle, se manifestant notamment, selon ses thérapeutes, par une incapacité à dire non. Elle bénéficie d'un suivi psychologique et psychiatrique en raison de ses troubles. 
Au début de l'année 2012, outre ses problèmes d'ordre psychiatrique, A.________ a traversé une mauvaise phase avec son époux. Une membre de sa famille lui a alors parlé de C.________ et des services qu'il propose, dont elle avait eu connaissance via une publicité. Croyant à la magie noire et complètement désespérée, A.________ a contacté C.________ par téléphone afin qu'il lui vienne en aide. Elle lui a expliqué qu'elle "n'était pas bien" et que quelqu'un lui faisait du mal, puis lui a envoyé, à la demande du précité, une photo d'elle ainsi que le nom de sa mère. C.________ l'a rappelée une à deux heures plus tard et lui a confirmé que quelqu'un lui avait effectivement fait du mal, que le "diable était sur elle", et a finalement affirmé pouvoir l'aider. 
Pour ce faire, il a insisté pour la rencontrer à la gare de X.________, où il s'est rendu en voiture. Après l'avoir fait monter dans son véhicule où il a lu une sourate dans sa main, C.________ s'est approché d'elle et lui a touché les parties intimes avant de tenter de l'embrasser. A.________ a protesté et C.________ l'a finalement ramenée chez elle, en lui disant de ne pas s'inquiéter car il allait prendre sa situation en charge avant de la confier à un membre de sa famille. 
Le lendemain, C.________ a téléphoné à A.________ et lui a ordonné de coucher avec lui, exposant que cela faisait partie du processus de guérison; il a précisé qu'il "lui enverrait du mal" si elle refusait. Étant persuadée que quelqu'un s'en prenait à elle par des voies occultes et craignant que C.________ agisse également contre elle de cette manière, elle s'est pliée à ses demandes. C.________ lui a expliqué la suite du "rituel" et en particulier qu'elle allait devenir sa femme. Il lui a alors demandé de venir chez lui après s'être apprêtée. Par crainte de représailles, A.________ s'est donc rendue chez lui à W.________. Là, C.________ l'a installée dans la pièce dédiée à son activité de guérisseur et a fait quelques prières. Compte tenu de son état de fragilité psychologique et persuadée de l'existence de son don occulte, A.________ l'a suivi dans sa chambre "sans trop savoir pourquoi" et s'est dévêtue à sa demande, avant qu'ils entretiennent un rapport sexuel. 
Par la suite, toujours en 2012, C.________ a revu à deux ou trois reprises A.________ seul, à son domicile de W.________, sous prétexte de rituels destinés à lui venir en aide. À chaque fois, il l'a convaincue d'entretenir avec lui une relation sexuelle complète en usant du même stratagème, à savoir en la persuadant que le mauvais oeil était sur elle et que lui seul était en mesure de l'aider. A.________ souffrant notamment d'hallucinations, qu'elle a alors attribuées au "diable", l'a cru et s'est donc pliée à ses demandes. Vers le milieu de l'année 2012, A.________ n'a plus souhaité rencontrer C.________. 
 
B.d. B.________ avait rencontré A.________ dans la salle d'attente de C.________ auprès de qui il avait cherché de l'aide durant l'année 2012. Il avait sympathisé avec A.________, s'en était suivie une relation sentimentale qui avait duré jusqu'en 2015, au cours de laquelle tous deux se sont mutuellement présentés leurs proches. A.________ avait brutalement mis fin à leur relation en apprenant que B.________ émargeait à l'aide sociale. Cela ne l'avait pas empêchée d'échanger avec lui de nombreux appels téléphoniques et de lui envoyer de nombreux messages, parfois incohérents, et ce jusqu'en 2019.  
 
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 4 septembre 2023. Elle conclut, avec suite de frais, à son annulation ainsi qu'au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour qu'elle condamne C.________ (ci-après: intimé 3) et B.________ (ci-après: intimé 2) pour contrainte sexuelle et viol, ainsi qu'au versement, par chacun d'eux, de 3'000 fr. avec intérêts à 5 % dès le 1er janvier 2013 à titre de réparation morale. 
 
D.  
Invités à se déterminer sur le mémoire de recours, C.________ a déposé des observations, cependant que le ministère public et la cour cantonale y ont renoncé, en se référant aux considérants de la décision attaquée. Les déterminations ont été communiquées à A.________, laquelle n'a pas répliqué. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La recourante a pris part à la procédure devant les juridictions précédentes, notamment devant la dernière instance cantonale. Elle a fait valoir dans ce cadre des prétentions en indemnisation du tort moral, par 3'000 fr., envers chacun des intimés, fondées sur les infractions qu'elle leur reproche. Elle formule à nouveau ces prétentions devant le Tribunal fédéral. La recourante a dès lors la qualité pour recourir au Tribunal fédéral au regard de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF. 
 
2.  
Dans un premier grief, la recourante se plaint d'arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves. 
 
2.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2, 146 IV 88 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1).  
 
2.2. La recourante se contente d'énumérer dans son écriture plusieurs éléments que, selon elle, l'autorité précédente n'aurait pas retenus dans l'établissement des faits concernant les deux intimés. Pour l'essentiel, elle se limite à opposer sa propre appréciation à celle de la cour cantonale dans une démarche purement appellatoire et, partant, irrecevable.  
Au demeurant, s'agissant de l'intimé 3, la recourante semble ignorer que la cour cantonale a retenu sa version des faits au détriment de celle donnée par le premier, ainsi qu'il le relève dans ses déterminations. Elle a retenu les faits tels qu'ils ressortent de l'acte d'accusation et dont la recourante a indiqué qu'ils correspondaient bien à ce qu'elle avait vécu. Elle a, à l'instar des premiers juges, considéré que les déclarations de la recourante étaient constantes et mesurées. À l'inverse, elle a mis en évidence les dires peu crédibles de l'intimé 3 et souligné que ce dernier avait été pris en défaut à plusieurs reprises. En définitive, la recourante échoue à démontrer l'arbitraire dans l'appréciation des preuves et l'établissement des faits s'agissant des actes reprochés à l'intimé 3. 
S'agissant de l'intimé 2, la recourante prétend qu'une rencontre en 2012 est plausible, que son état psychique n'enlève rien à la crédibilité de ses déclarations et que les intimés n'ont pas déposé plainte pour diffamation ou calomnie. Or aucun de ces éléments n'est apte à démontrer l'arbitraire de l'état de fait retenu par la cour cantonale, s'agissant des faits reprochés à l'intimé 2. Elle a jugé équivalente la crédibilité de la version de deux intéressés. La recourante s'écarte de manière inadmissible des faits arrêtés par les juges d'appel en rapportant des réactions qu'elle a eues après des rapports sexuels avec l'intimé 2. En tout état, la cour cantonale a énuméré précisément les éléments permettant de retenir la thèse de la relation sentimentale plutôt que celle de l'abus, à savoir notamment la présentation des intéressés à certains membres de leur famille, la déclaration de la recourante selon laquelle elle avait été en mesure de refuser des rapports sexuels ainsi que les multiples messages et appels adressés par la recourante à l'intimé 2 en 2019. La cour cantonale pouvait ainsi, en vertu du principe de la présomption d'innocence et sans verser dans l'arbitraire, retenir que les intéressés ont entretenu des rapports sexuels librement consentis dans le cadre d'une relation amoureuse. 
 
3.  
La recourante soutient que les agissements de l'intimé 3 tombent sous le coup de la contrainte sexuelle (art. 189 CP) et du viol (art. 190 CP) et non pas de l'art. 193 CP, infraction qui serait prescrite. 
 
3.1.  
 
3.1.1. Conformément à l'art. 193 al. 1 CP (dans sa teneur avant le 30 juin 2024) celui qui, profitant de la détresse où se trouve la victime ou d'un lien de dépendance fondé sur des rapports de travail ou d'un lien de dépendance de toute autre nature, aura déterminé celle-ci à commettre ou à subir un acte d'ordre sexuel sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.  
La question de savoir s'il existe un état de détresse ou un lien de dépendance au sens de l'art. 193 CP et si la capacité de la victime de se déterminer était gravement limitée doit être examinée à la lumière des circonstances du cas d'espèce (ATF 131 IV 114 consid. 1; arrêt 6B_1307/2020 du 19 juillet 2021 consid. 1.2). La situation de détresse ou de dépendance doit être appréciée selon la représentation que s'en font les intéressés (cf. ATF 99 IV 161 consid. 1; arrêts 6B_1307/2020 précité consid. 1.2; 6B_895/2020 du 4 février 2021 consid. 2.4.1 et les références citées). L'art. 193 CP est réservé aux cas où l'on discerne un consentement. Il faut que ce consentement apparaisse motivé par la situation de détresse ou de dépendance dans laquelle se trouve sa victime. Il doit exister une certaine entrave au libre arbitre. L'art. 193 CP envisage donc une situation qui se situe entre l'absence de consentement et le libre consentement qui exclut toute infraction. On vise un consentement altéré par une situation de détresse ou de dépendance dont l'auteur profite. Les limites ne sont pas toujours faciles à tracer. L'infraction doit permettre de réprimer celui qui profite de façon éhontée d'une situation de détresse ou de dépendance, dans un cas où la victime n'aurait manifestement pas consenti sans cette situation particulière (arrêts 6B_1307/2020 précité consid. 1.2; 6B_895/2020 précité consid. 2.4.1 et les arrêts cités). 
Dans une relation entre un psychothérapeute et son patient, il peut exister un "lien de dépendance de toute autre nature" au sens de l'art. 193 CP (ATF 128 IV 106 consid. 3b p. 112 s.; 124 IV 13 consid. 2c p. 16 ss; arrêt 6B_1307/2020 précité consid. 1.2). Il faut examiner dans chaque cas si ce lien existe et est prouvé. Dans ce contexte, peuvent jouer un rôle, la durée de la thérapie, l'état physique et psychique du patient, l'objet et la nature du traitement, les formes de traitement, le respect (ou son absence) d'une certaine distance par le thérapeute lors des entretiens avec le patient et d'autres circonstances encore. Un rapport de confiance particulier et un lien de dépendance prononcé peuvent faire défaut en raison notamment de la brièveté de la thérapie, de l'absence d'implication personnelle du patient dans le traitement ou dans les entretiens (par exemple, lors d'exercices de comportement psychologiques) ou encore en raison de l'attitude distante, critique, même négative du patient vis-à-vis du thérapeute; ce lien peut toutefois, selon les circonstances, exister après très peu de temps (ATF 131 IV 114 consid. 1; arrêt 6B_1307/2020 précité consid. 1.2; voir aussi, pour une présentation de la casuistique dans la relation thérapeute/patient: PHILIPP MAIER, in Basler Kommentar, Strafrecht II, 4e éd. 2019, no 9 et 10 ad art. 193 CP).  
Du point de vue subjectif, il faut que l'acte soit intentionnel. L'auteur doit savoir ou tout au moins supposer que la personne concernée n'accepte les actes d'ordre sexuel en question qu'en raison du lien de dépendance existant (ATF 131 IV 114 consid. 1 p. 119 et la jurisprudence citée; arrêt 6B_1307/2020 précité consid. 1.2). 
 
3.1.2. Conformément à l'art. 189 al. 1 CP (dans sa teneur jusqu'au 30 juin 2024), se rend coupable de contrainte sexuelle celui qui, notamment en usant de menace ou de violence envers une personne, en exerçant sur elle des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, l'aura contrainte à subir un acte analogue à l'acte sexuel ou un autre acte d'ordre sexuel. Celui qui, dans les mêmes circonstances, contraint une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel se rend coupable de viol au sens de l'art. 190 CP (dans sa teneur jusqu'au 30 juin 2024). Le viol et la contrainte sexuelle supposent l'emploi d'un moyen de contrainte. S'agissant des moyens employés pour contraindre la victime, les dispositions précitées mentionnent notamment la menace et les pressions d'ordre psychique.  
Selon la jurisprudence, l'auteur profère des menaces lorsque, par ses paroles ou son comportement, il fait volontairement redouter à la victime la survenance d'un préjudice, à l'effet de l'amener à céder. La menace doit faire craindre un préjudice sérieux (ATF 122 IV 97 consid. 2b; arrêt 6B_981/2019 du 12 novembre 2020 consid. 2.2). L'existence d'une menace dans un cas concret doit toujours être évaluée en fonction de l'ensemble des circonstances. Il ne faut pas se fonder uniquement sur des critères objectifs, mais prendre également en compte les points de vue de la victime dans le cadre de l'évaluation du moyen de contrainte ([relativer Massstab]; arrêt 6B_587/2017 du 16 octobre 2017 consid. 4.5.1; cf. également ULRICH WEDER, in StGB/JStG Kommentar, 21e éd. 2022, no 10 ad art. 189 CP; PHILIPP MAIER, op. cit., no 27 ad art. 189 CP).  
Tout comportement conduisant à un acte sexuel ou à un acte d'ordre sexuel non souhaité ne saurait être qualifié de viol ou de contrainte sexuelle, selon le droit applicable au moment des faits (ATF 131 IV 167 consid. 3.1; arrêt 6B_1057/2021 du 10 février 2022 consid. 2.1). Certes, la loi n'exige pas que la victime soit totalement hors d'état de résister. Le viol et la contrainte sexuelle restent toutefois des délits de violence, de sorte que les pressions d'ordre psychique visées par les art. 189 et 190 CP (dans leur ancienne teneur) doivent revêtir une intensité importante. L'effet produit sur la victime doit être grave et atteindre l'intensité d'un acte de violence ou d'une menace. C'est notamment le cas lorsque, compte tenu des circonstances et de la situation personnelle de la victime, on ne saurait attendre de résistance de sa part ou qu'on ne saurait l'exiger et que l'auteur parvient à son but contre la volonté de la victime sans devoir toutefois user de violence ou de menaces (ATF 131 IV 167 consid. 3.1; arrêts 6B_395/2021 du 11 mars 2022 consid. 3.2.2; 6B_1057/2021 précité consid. 2.1). L'interprétation des art. 189 al. 1 et 190 al. 1 CP (dans leur teneur jusqu'au 30 juin 2024) doit notamment se référer à la question des possibilités raisonnables d'autoprotection de la victime (ATF 131 IV 167 consid. 3.1; 128 IV 106 consid. 3b; arrêt 6B_1057/2021 précité consid. 2.1). 
Sur le plan subjectif, la contrainte sexuelle et le viol sont des infractions intentionnelles. L'auteur doit savoir que la victime n'est pas consentante ou en accepter l'éventualité (ATF 148 IV 234 consid. 3.4 et les arrêts cités). S'agissant de la contrainte en matière sexuelle, l'élément subjectif est réalisé lorsque la victime donne des signes évidents et déchiffrables de son opposition, reconnaissables pour l'auteur, tels des pleurs, des demandes d'être laissée tranquille, le fait de se débattre, de refuser des tentatives d'amadouement ou d'essayer de fuir (ATF 148 IV 234 consid. 3.4 p. 239 et les arrêts cités). 
 
3.1.3. Lorsque l'auteur profite d'une situation préexistante entraînant une dépendance de la victime envers lui, c'est l'infraction définie à l'art. 193 CP qui entre en considération. Les spécificités du rapport de dépendance et la faiblesse particulière de la victime influencent alors, sous l'angle de la faute, la sanction. En revanche, le juge appliquera les art. 189 ou 190 CP si l'auteur contribue à ce que la victime se trouve (subjectivement) dans une situation sans issue en usant de moyens d'action excédant la seule exploitation de la situation de dépendance, et que la pression exercée atteigne l'intensité qui caractérise la contrainte. Il convient de déterminer dans chaque cas à partir de quand le rapport de dépendance de l'art. 193 CP se transforme en pressions psychiques selon les art. 189 et 190 CP (dans leur teneur jusqu'au 30 juin 2024), en tenant compte, en particulier, du fait que ces deux dernières normes répriment des infractions de violence. Elles doivent ainsi être interprétées dans la perspective des moyens que l'on peut attendre que la victime oppose. L'importance de l'influence exercée a, dans ce contexte, une portée décisive (ATF 128 IV 106 consid. 3b; arrêts 6B_1307/2020 du 19 juillet 2021 consid. 2.1; 6B_785/2011 du 29 juin 2012 consid. 4.1; cf. ATF 146 IV 153 consid. 3.5.9).  
 
3.2. En l'occurrence, la cour cantonale a exclu, à l'instar des premiers juges, l'existence d'une violence structurelle créée par l'intimé 3 lors des quelques rencontres avec la recourante. Elle a retenu qu'il avait profité d'une situation préexistante ayant entraîné un état de dépendance envers lui, écartant ainsi l'application des art. 189 et 190 CP. La cour cantonale a retenu que l'état de la recourante, tel que décrit par sa psychiatre, était préexistant aux faits de la cause et constituait un terrain propice au développement d'un lien de dépendance entre elle et l'intimé 3. La recourante avait des croyances relatives à la magie noire et l'intimé 3 avait profité d'un état de fait préexistant sans toutefois l'avoir créé. Retenant que l'infraction d'abus de la détresse était prescrite (art. 97 al. 1 let. c aCP), la cour cantonale a libéré l'intimé 3 de toute infraction pour les faits de la présente cause.  
 
3.3. Pour déterminer si, au regard du droit applicable au moment des faits, l'intimé 3 a fait usage d'un moyen de contrainte qui outrepasse la seule exploitation de la situation de détresse ou du lien de dépendance, ainsi que le soutient la recourante, il convient de procéder à une appréciation globale des circonstances concrètes déterminantes.  
 
3.3.1. Il ressort des faits établis par la cour cantonale et incontestés à ce stade (art. 105 al. 1 LTF), que le jour du premier contact téléphonique entre les intéressés, l'intimé 3 a rappelé la recourante pour lui confirmer que quelqu'un lui avait fait du mal et que le diable était sur elle. Affirmant pouvoir l'aider, il a insisté pour la rencontrer et, après l'avoir fait monter dans son véhicule et lui avoir lu une sourate, il s'est approché d'elle et lui a touché les parties intimes avant de tenter de l'embrasser. La recourante a alors protesté.  
À ce stade, aucun élément ne permet de retenir un état de dépendance entre les intéressés, qui venaient de se rencontrer et étaient entrés en contact téléphoniquement le même jour. D'ailleurs, la recourante a su marquer son désaccord en protestant lors de l'attouchement et de la tentative d'obtenir un baiser. La nature de la relation entre les protagonistes ne saurait être assimilée à un lien de dépendance issu d'une relation entre un psychothérapeute et sa patiente (cf. supra consid. 3.1.1 in fine). En tout état, d'une part, le prétendu "processus de guérison" n'a été évoqué par l'intimé 3 que le lendemain, de sorte que ce processus n'avait pas encore commencé, et d'autre part, la recourante avait été en mesure de marquer une distance claire le jour de la rencontre. Aussi, il n'existait pas de "lien de dépendance de toute autre nature" au sens de l'art. 193 CP. En outre, le déroulement des faits tel qu'établi par la cour cantonale ne permet pas de discerner un état de détresse préexistant, de nature à entraver sérieusement la recourante dans sa liberté de décision ou de résistance (cf. ATF 133 IV 49 consid. 4), puisqu'elle a précisément pu exercer un acte de résistance.  
S'agissant des rencontres suivantes, il ressort des faits établis que l'intimé 3 a téléphoné à la recourante le lendemain de la rencontre précitée et lui a ordonné de coucher avec lui, exposant que cela faisait partie du "processus de guérison". Il a précisé qu'il lui enverrait du mal si elle refusait. Lors des épisodes suivants, l'intimé 3 l'a convaincue d'entretenir avec lui une relation sexuelle complète en usant du même stratagème, en la persuadant que le mauvais oeil était sur elle et que lui seul était en mesure de l'aider. 
À nouveau, il est douteux qu'un lien de dépendance au sens de l'art. 193 CP était formé lorsque l'intimé 3 a ordonné à la recourante de coucher avec lui, sous la menace de lui envoyer du mal, faute pour le "processus de guérison" d'avoir été entamé avant la deuxième rencontre. 
Cette question peut toutefois souffrir de demeurer indécise. En effet, par l'ensemble du procédé employé, l'intimé 3 n'a pas uniquement profité d'une situation préexistante entraînant une éventuelle dépendance de la recourante ou une situation de détresse, mais a activement participé à la vulnérabiliser et a créé un environnement propice à la subordination. Il a ainsi contribué à ce qu'elle se trouve dans une situation sans issue en usant de moyens d'action excédant la seule exploitation d'un lien préexistant, au moyen d'un stratagème, comme le qualifie d'ailleurs la cour cantonale. En répétant que le mauvais oeil était sur elle et en lui indiquant qu'il lui enverrait du mal si elle refusait de coucher avec lui, alors même qu'il avait essuyé un refus dans son véhicule la veille, l'intimé 3 a usé de menaces, respectivement de pressions psychiques pour amener la recourante à céder. Pour la recourante, le risque d'être atteinte par le mal au moyen de voies occultes pratiquées par un "guérisseur", alors qu'elle croyait à la magie noire et souffrait de troubles psychiques, était propre à lui faire redouter la survenance d'un préjudice sérieux, à l'effet de l'amener à céder. Selon les faits établis (art. 105 al. 1 LTF), la recourante craignait que l'intimé 3 agît contre elle par des voies occultes et c'est par "craintes de représailles" qu'elle s'est rendue chez lui. Ce dernier, à qui la recourante avait indiqué qu'elle n'était pas bien et que quelqu'un lui faisait du mal, connaissait la situation personnelle de celle-ci. Dans ces circonstances, les menaces et le stratagème employés étaient de nature à engendrer chez la recourante une pression psychique d'une intensité importante, visant à briser sa résistance, contrairement à ce que prétend l'intimé 3 dans ses déterminations. 
En interprétant le comportement de l'intimé 3 dans la perspective des moyens que l'on peut attendre que la victime oppose, les éléments retenus en l'espèce suffisent à admettre que le premier a usé de menaces et a induit une pression psychique importante pour obtenir des faveurs sexuelles de la part de la recourante, qui avait marqué son opposition lors de la première rencontre. S'il fallait, par la suite, discerner un consentement de la recourante aux actes sexuels, celui-ci n'a pas seulement été altéré par une situation de détresse ou un lien de dépendance, mais a été obtenu par des moyens supplémentaires caractéristiques de la contrainte psychique (cf. en ce sens arrêt 6B_97/2013 du 15 avril 2013 consid. 3.4.1 et 3.5, concernant notamment l'instrumentalisation du rapport patient/soignant et de la dépendance de personnes fragilisées dans le cadre de jeux de rôle pour retrouver leur "vie de femme"; ATF 131 IV 167 consid. 3.3, concernant l'auteur de menaces d'atteintes graves aux proches d'une victime adulte; arrêt 6S.143/2002 du 11 juin 2002 consid. 3, concernant une patiente HIV dont le thérapeute prétendait que ses soins auraient permis d'éviter le développement du virus du SIDA). Ainsi, même à admettre l'existence d'une situation de détresse préexistante, voire un lien de dépendance à ce stade, l'intimé 3 a usé de moyens d'action excédant la seule exploitation de cette situation. 
L'existence de rapports sexuels complets à trois reprises est établie et n'est pas contestée conformément aux exigences requises (cf. art. 106 al. 2 LTF). 
Au vu de ce qui précède, la cour cantonale a violé le droit fédéral en écartant l'infraction prévue à l'art. 190 CP (dans sa teneur jusqu'au 30 juin 2024) pour les faits commis par l'intimé 3, au motif qu'il aurait profité d'un lien de dépendance préexistant. Le recours doit être admis sur ce point et la cause renvoyée à la cour cantonale afin qu'elle examine les conditions subjectives de l'infraction de viol, et traite, cas échéant, les points qui en découlent. 
 
3.3.2. Pour le surplus, la recourante ne tente d'aucune manière de démontrer dans quelle mesure la cour cantonale aurait violé le droit fédéral en écartant l'infraction de contrainte sexuelle (art. 189 CP, dans sa teneur jusqu'au 30 juin 2024) pour les faits reprochés à l'intimé 3. En particulier, elle ne prétend pas qu'un acte analogue à l'acte sexuel ou d'autres actes d'ordre sexuel auraient été commis par celui-ci. En définitive, la recourante échoue à démontrer dans quelle mesure la cour cantonale aurait violé le droit fédéral quant à la qualification du complexe de faits du jour de la rencontre.  
 
3.4. S'agissant de l'intimé 2, la recourante ne développe aucun grief sous l'angle de la qualification de l'infraction (art. 42 al. 2 LTF), indépendant de ses critiques d'arbitraire qui ont été écartées (cf. supra consid. 2). Aussi, sur la base de l'état de fait retenu par la cour cantonale, celle-ci pouvait, sans violer le droit fédéral, libérer l'intimé 2 des infractions reprochées.  
 
 
4.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être partiellement admis s'agissant de l'acquittement de l'intimé 3. Le jugement attaqué doit être annulé sur ce point et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Pour le surplus, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
La recourante, qui succombe partiellement, supportera une partie des frais judiciaires (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). Une partie des frais judiciaires sera mise à la charge de l'intimé 3, qui succombe partiellement (art. 66 al. 1 LTF). Dans la mesure où elle obtient partiellement gain de cause, la recourante peut prétendre à des dépens réduits, à la charge de l'intimé 3 qui succombe sur un aspect déterminant (art. 68 al. 1 et 2 LTF). L'intimé 2 n'ayant pas été invité à procéder, il n'y a pas lieu de lui allouer de dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis, le jugement attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision. Pour le surplus, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Une partie des frais judiciaires, arrêtée à 1'500 fr., est mise à la charge de la recourante. 
 
3.  
Une partie des frais judiciaires, arrêtée à 1'500 fr., est mise à la charge de l'intimé 3. 
 
4.  
L'intimé 3 versera à la recourante une indemnité de 1'500 fr. à titre de dépens réduits pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 23 septembre 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Klinke