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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_400/2024  
 
 
Arrêt du 23 octobre 2024  
I  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Kiss, juge présidant, Rüedi et May Canellas. 
Greffier: M. O. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Cyrus Siassi, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représentée par Mes Felix Dasser, Stefanie Pfisterer et Soumeya Ferro-Luzzi, avocats, 
intimée. 
 
Objet 
arbitrage international, 
 
recours contre la décision rendue le 13 juin 2024 par un arbitre unique siégeant à Genève (Swiss Arbitration Centre n. 600714-2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 26 juillet 2023, l'entité de droit ukrainien B.________ a initié une procédure d'arbitrage à l'encontre de A.________ SA, société ayant son siège à Genève. 
Un arbitre unique, siégeant sous l'égide du Swiss Arbitration Centre, a été désigné. Le siège de l'arbitrage a été fixé à Genève.  
Le 30 novembre 2023, l'arbitre a établi un calendrier de procédure précisant que la défenderesse pouvait invoquer des moyens de compensation, sans la moindre restriction, jusqu'au 29 janvier 2024, date correspondant au délai imparti à la demanderesse pour déposer son mémoire en demande ("Statement of Claim"). Ledit document précisait, en substance, que l'admission des moyens de compensation invoqués après cette date dépendrait du respect de l'art. 22 du Règlement suisse d'arbitrage international (Swiss Rules; ci-après: le Règlement), lequel a la teneur suivante: 
 
" Modifications des chefs de demande ou des moyens de défense 
Article 22 
Au cours de la procédure d'arbitrage, une partie peut modifier ou compléter ses chefs de demande ou ses moyens de défense à moins que le tribunal arbitral considère ne pas devoir autoriser ladite modification en raison du retard avec lequel elle est formulée, du préjudice qu'elle causerait aux autres parties ou de toute autre circonstance. " 
Le 5 avril 2024, la défenderesse a transmis à l'arbitre son mémoire en défense (" Statement of Defence "). À cette occasion, elle a fait valoir des moyens de compensation (" Set-off Claims "). 
Le 10 mai 2024, la demanderesse a conclu à l'irrecevabilité des moyens de compensation invoqués par son adversaire. 
 
B.  
Par ordonnance procédurale no 4 du 13 juin 2024, l'arbitre a notamment jugé irrecevables les moyens invoqués en compensation par la défenderesse. Se fondant sur l'art. 22 du Règlement, il a considéré, en bref, que l'intéressée aurait pu et dû faire valoir lesdits moyens jusqu'au 29 janvier 2024 au plus tard. Il a estimé que rien ne justifiait l'invocation tardive des moyens en question. 
 
C.  
Le 15 juillet 2024, la défenderesse (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile, assorti d'une demande d'effet suspensif, aux fins d'obtenir l'annulation de la décision du 13 juin 2024. 
La requête d'effet suspensif a été rejetée par ordonnance du 18 juillet 2024. 
La demanderesse (ci-après: l'intimée) et l'arbitre n'ont pas été invités à répondre au recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
D'après l'art. 54 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque celle-ci n'a pas été rendue dans l'une des langues officielles de la Confédération suisse, il a pour pratique de conduire la procédure d'instruction et de rendre son arrêt dans la langue du recours. Si celui-ci a été rédigé en anglais comme le permet l'art. 77 al. 2bis LTF, il détermine librement la langue de la procédure. A cet égard, le Tribunal fédéral peut tenir compte, conformément au principe constitutionnel de célérité (art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse [Cst.; RS 101]), de l'équilibre de la charge de travail des sections linguistiques de la cour chargée de l'affaire (arrêt 4A_486/2023 du 26 avril 2024 consid. 1 et les références citées). 
En l'occurrence, la décision attaquée a été rendue en anglais et la recourante s'est servie de cette langue pour rédiger son mémoire. L'intéressée a toutefois employé le français dans la lettre accompagnant son écriture de recours et l'instruction de la procédure a été conduite en français. La Cour de céans rendra, par conséquent, son arrêt en français. 
 
2.  
Le recours en matière civile est recevable contre les sentences touchant l'arbitrage international aux conditions fixées par les art. 190 à 192 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291), conformément à l'art. 77 al. 1 let. a LTF
Le siège de l'arbitrage se trouve à Genève. L'une des parties au moins n'avait pas son siège en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont donc applicables (art. 176 al. 1 LDIP). 
 
3.  
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 138 III 46 consid. 1). 
 
3.1. Le recours en matière civile visé par l'art. 77 al. 1 let. a LTF en liaison avec les art. 190 à 192 LDIP n'est recevable qu'à l'encontre d'une sentence. L'acte attaquable peut être une sentence finale, qui met un terme à l'instance arbitrale pour un motif de fond ou de procédure, une sentence partielle, qui porte sur une partie quantitativement limitée d'une prétention litigieuse ou sur l'une des diverses prétentions en cause ou encore qui met fin à la procédure à l'égard d'une partie des consorts (ATF 143 III 462 consid. 2.1; arrêt 4A_222/2015 du 28 janvier 2016 consid. 3.1.1), voire une sentence préjudicielle ou incidente, qui règle une ou plusieurs questions préalables de fond ou de procédure (sur ces notions, cf. l'ATF 130 III 755 consid. 1.2.1). En revanche, une simple ordonnance de procédure pouvant être modifiée ou rapportée en cours d'instance n'est pas susceptible de recours (ATF 143 III 462 consid. 2.1; 136 III 200 consid. 2.3.1; 136 III 597 consid. 4.2). Il en va de même d'une décision sur mesures provisionnelles visée par l'art. 183 LDIP (ATF 136 III 200 consid. 2.3 et les références citées). Pour juger de la recevabilité du recours, ce qui est déterminant n'est pas la dénomination du prononcé entrepris, mais le contenu de celui-ci (ATF 143 III 462 consid. 2.1; 142 III 284 consid. 1.1.1).  
Contrairement à ce que soutient l'intéressée dans son mémoire de recours, la décision entreprise n'est ni une décision finale ni une sentence partielle. Il s'agit au contraire d'une décision incidente par laquelle l'arbitre a réglé une question procédurale, à savoir la recevabilité des moyens de compensation invoqués par la recourante au regard de l'art. 22 du Règlement. 
 
3.2.  
 
3.2.1. En vertu de l'art. 190 al. 3 LDIP, une sentence incidente ne peut être attaquée devant le Tribunal fédéral que pour les motifs tirés de la composition irrégulière (art. 190 al. 2 let. a LDIP) ou de l'incompétence (art. 190 al. 2 let. b LDIP) du tribunal arbitral. Les griefs visés à l'art. 190 al. 2 let. c à e LDIP peuvent aussi être soulevés contre les décisions incidentes au sens de l'art. 190 al. 3 LDIP, mais uniquement dans la mesure où ils se limitent strictement aux points concernant directement la composition ou la compétence du tribunal arbitral (ATF 143 III 462 consid. 2.2; 140 III 477 consid. 3.1; 140 III 520 consid. 2.2.3).  
 
3.2.2. Dans son mémoire de recours, l'intéressée fait grief à l'arbitre d'avoir enfreint son droit d'être entendue (art. 190 al. 2 let. d LDIP) et d'avoir rendu une sentence incompatible avec l'ordre public (art. 190 al. 2 let. e LDIP). Or, ces deux moyens sont soulevés pour eux-mêmes et ne se rapportent nullement aux motifs de recours visés par l'art. 190 al. 2 let. a et b LDIP. Le présent recours est dès lors irrecevable, vu l'absence de griefs recevables.  
 
4.  
Au vu de ce qui précède, les frais de la présente procédure, lesquels seront sensiblement réduits pour tenir compte de la nature du présent arrêt (décision d'irrecevabilité faute de griefs recevables), seront mis à la charge de la recourante (art. 66 al. 1 LTF), laquelle se verra restituer le solde de l'avance de frais fournie par elle. L'intimée n'a pas droit à des dépens, dès lors qu'elle n'a pas été invitée à déposer une réponse. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 20'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. La Caisse du Tribunal fédéral restituera à cette dernière le solde de l'avance de frais. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à l'arbitre siégeant à Genève. 
 
 
Lausanne, le 23 octobre 2024 
 
Au nom de la I re Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Juge présidant : Kiss 
 
Le Greffier : O. Carruzzo