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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_795/2023, 9C_24/2024  
 
 
Arrêt du 23 décembre 2024  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Stadelmann et Moser-Szeless. 
Greffier : M. Cretton. 
 
Participants à la procédure 
9C_795/2023 
 
1. Aquilana Versicherungen, Bruggerstrasse 46, 5400 Baden, 
2. Assura-Basis SA, avenue Charles-Ferdinand-Ramuz 70, 1009 Pully, 
3. Atupri Assurance de la santé SA, Zieglerstrasse 29, 3007 Berne, 
4. Avanex Assurances SA, reprise par Helsana Assurances SA, Zürichstrasse 130, 8600 Dübendorf, 
5. Avenir Assurance Maladie SA, rue des Cèdres 5, 1920 Martigny, 
6. CONCORDIA Assurance suisse de maladie et accidents SA, Bundesplatz 15, 6002 Lucerne, 
7. CSS Assurance-maladie SA, Tribschenstrasse 21, 6005 Lucerne, 
8. Easy Sana Assurance Maladie SA, rue des Cèdres 5, 1920 Martigny, 
9. EGK Grundversicherungen AG, Birspark 1, 4242 Laufen, 
10. Galenos Kranken- und Unfallversicherung, reprise par Galenos AG, Weltpostrasse 19, 3015 Berne, 
11. Helsana Assurances SA, Zürichstrasse 130, 8600 Dübendorf, 
12. INTRAS Assurance-maladie SA, reprise par CSS Assurance-maladie SA, Tribschenstrasse 21, 6005 Lucerne, 
13. KPT Caisse-maladie SA, Wankdorfallee 3, 3014 Berne, 
14. Moove Sympany SA, reprise par Vivao Sympany SA, Peter Merian-Weg 4, 4052 Bâle, 
15. Mutuel Assurance Maladie SA, rue des Cèdres 5, 1920 Martigny, 
16. ÖKK Kranken- und Unfallversicherungen AG, Bahnhofstrasse 13, 7302 Landquart, 
17. Philos Assurance Maladie SA, rue des Cèdres 5, 1920 Martigny, 
18. sana24 AG, Weltpoststrasse 19, 3015 Berne, 
19. Sanitas Grundversicherungen AG, Jägergasse 3, 8004 Zurich, 
20. SUPRA-1846 SA, avenue de la Rasude 8, 1006 Lausanne, 
21. SWICA Assurance-maladie SA, Römerstrasse 38, 8401 Winterthour, 
22. Visana AG, Weltpoststrasse 19, 3015 Berne, 
23. vivacare AG, Weltpoststrasse 19, 3015 Berne, 
24. Vivao Sympany SA, Peter Merian-Weg 4, 4052 Bâle, 
toutes agissant par santésuisse, 
elle-même représentée par M e Olivier Burnet, avocat, 
recourantes, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par M es Yvan Jeanneret et Sébastien Voegeli, 
intimé, 
 
et 
 
9C_24/2024 
 
A.________, 
représenté par M es Yvan Jeanneret et Sébastien Voegeli, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Aquilana Versicherungen, Bruggerstrasse 46, 5400 Baden, 
2. Assura-Basis SA, avenue Charles-Ferdinand-Ramuz 70, 1009 Pully, 
3. Atupri Assurance de la santé SA, Zieglerstrasse 29, 3007 Berne, 
4. Avanex Assurances SA, reprise par Helsana Assurances SA, Zürichstrasse 130, 8600 Dübendorf, 
5. Avenir Assurance Maladie SA, rue des Cèdres 5, 1920 Martigny, 
6. CONCORDIA Assurance suisse de maladie et accidents SA, Bundesplatz 15, 6002 Lucerne, 
7. CSS Assurance-maladie SA, Tribschenstrasse 21, 6005 Lucerne, 
8. Easy Sana Assurance Maladie SA, rue des Cèdres 5, 1920 Martigny, 
9. EGK Grundversicherungen AG, Birspark 1, 4242 Laufen, 
10. Galenos Kranken- und Unfallversicherung, reprise par Galenos AG, Weltpostrasse 19, 3015 Berne, 
11. Helsana Assurances SA, Zürichstrasse 130, 8600 Dübendorf, 
12. INTRAS Assurance-maladie SA, reprise par CSS Assurance-maladie SA, Tribschenstrasse 21, 6005 Lucerne, 
13. KPT Caisse-maladie SA, Wankdorfallee 3, 3014 Berne, 
14. Moove Sympany SA, reprise par Vivao Sympany SA, Peter Merian-Weg 4, 4052 Bâle, 
15. Mutuel Assurance Maladie SA, rue des Cèdres 5, 1920 Martigny, 
16. ÖKK Kranken- und Unfallversicherungen AG, Bahnhofstrasse 13, 7302 Landquart, 
17. Philos Assurance Maladie SA, rue des Cèdres 5, 1920 Martigny, 
18. sana24 AG, Weltpoststrasse 19, 3015 Berne, 
19. Sanitas Grundversicherungen AG, Jägergasse 3, 8004 Zurich, 
20. SUPRA-1846 SA, avenue de la Rasude 8, 1006 Lausanne, 
21. SWICA Assurance-maladie SA, Römerstrasse 38, 8401 Winterthour, 
22. Visana AG, Weltpoststrasse 19, 3015 Berne, 
23. vivacare AG, Weltpoststrasse 19, 3015 Berne, 
24. Vivao Sympany SA, Peter Merian-Weg 4, 4052 Bâle, 
toutes agissant par santésuisse, 
elle-même représentée par M e Olivier Burnet, avocat, 
intimées. 
 
Objet 
Assurance-maladie (polypragmasie), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal arbitral des assurances de la République et canton de Genève du 22 novembre 2023 (A/2558/2019 - ATAS/899/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, spécialiste en médecine interne générale, exploitait un cabinet médical à V.________ notamment en 2017/2018. 
 
B.  
Le 28 juin 2019, les caisses-maladie figurant au rubrum (ci-après: les caisses-maladie ou les assureurs-maladie) ont assigné le docteur A.________ devant le Tribunal arbitral des assurances de la République et canton de Genève. Elles ont exigé qu'il leur restitue principalement 354'994 fr. et subsidiairement 345'003 fr. (montants calculés avec les indices respectivement de régression et ANOVA) en raison du caractère non économique de sa pratique en 2017. Le 3 juillet 2020, elles ont exigé qu'il leur restitue principalement 288'389 fr. et subsidiairement 269'846 fr. (montants calculés avec les indices respectivement de régression et ANOVA) en raison du caractère non économique de sa pratique en 2018. Elles ont en outre demandé qu'il soit averti que, si ses statistiques mettaient dorénavant en avant un indice de régression supérieur à 120, il serait exclu de toute pratique à charge de l'assurance obligatoire des soins (AOS). 
Au terme d'une audience tenue le 6 novembre 2020, le tribunal arbitral a joint les causes. Il a constaté l'échec d'une conciliation. Les caisses-maladie ont alors sollicité l'exclusion du docteur A.________ de toute activité à charge de l'AOS pour une période à déterminer. Entre autres mesures d'instruction, l'autorité arbitrale a ordonné une expertise analytique de la pratique du docteur A.________ en 2017/2018 auprès du docteur B.________, spécialiste en médecine interne générale. Celui-ci a établi son rapport le 30 septembre 2022. Il a aussi été auditionné le 19 avril 2023. 
Le tribunal arbitral a partiellement admis les demandes et condamné le docteur A.________ à restituer 396'580 fr. aux assureurs-maladie par arrêt du 22 novembre 2023. 
 
C.  
Par la voie du recours en matière de droit public (cause 9C_795/2023), les caisses-maladie demandent la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens que le docteur A.________ est condamné à leur verser 643'383 fr. Ce dernier conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé publique (OFSP) a renoncé à se déterminer. 
Le docteur A.________ forme aussi un recours en matière de droit public contre l'arrêt du tribunal arbitral (cause 9C_24/2024). Il en demande l'annulation et conclut, principalement, à ce que les assureurs-maladie soient déboutés de leurs conclusions ou, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Les caisses-maladie concluent au rejet du recours. L'OFSP a renoncé à se déterminer. Le docteur A.________ s'est prononcé sur la réponse des assureurs-maladie. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les deux recours sont dirigés contre le même arrêt. Ils opposent les mêmes parties, portent sur un état de faits identique et soulèvent des questions juridiques communes. Il convient donc de joindre les causes et de statuer dans un seul arrêt (cf. art. 24 al. 2 PCF en lien avec l'art. 71 LTF; voir également ATF 131 V 59 consid. 1; arrêt 9C_400/2012 du 4 avril 2013 consid. 1, non publié in ATF 139 V 176). 
 
2.  
Le recours en matière de droit public (au sens des art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit (circonscrit par les art. 95 et 96 LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est limité ni par l'argumentation de la partie recourante ni par la motivation de l'autorité précédente. Il statue sur la base des faits établis par cette dernière (art. 105 al. 1 LTF). Cependant, il peut rectifier les faits ou les compléter d'office s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant ne peut critiquer les faits que s'ils ont été constatés de façon manifestement inexacte ou contraire au droit et si la correction d'un tel vice peut influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). 
 
3.  
 
3.1. Le litige porte sur le bien-fondé de la condamnation du docteur A.________ à restituer aux caisses-maladies le montant de 396'580 fr. perçu à titre d'honoraires pour les traitements jugés non économiques prodigués en 2017/2018.  
 
3.2. L'arrêt attaqué expose les normes et la jurisprudence relatives au contrôle du caractère économique des prestations prises en charge par l'AOS et à la notion de polypragmasie (art. 56 al. 1 et 2 LAMal; arrêt 9C_21/2016 du 17 novembre 2016 consid. 6.2 et les références; cf. aussi ATF 150 V 129 consid. 4.1), ainsi que, dans ce contexte, à la portée de la maxime inquisitoire en lien avec le devoir de collaboration des parties (art. 89 al. 5 LAMal; ATF 139 V 176 consid. 5.2; arrêt 9C_205/2008 du 19 décembre 2008 consid. 4.6.2 et 4.7.3; voir aussi ATF 150 V 129 consid. 5.3.2) et le degré de vraisemblance auquel les faits doivent être établis en matière d'assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b). Il cite également les normes et la jurisprudence concernant les méthodes statistique (ancienne méthode ANOVA [ATF 137 V 43]; nouvelle méthode de screening [art. 56 al. 6 LAMal; ATF 144 V 79 consid. 5.3.1; arrêt 9C_558/2018 du 12 avril 2019 consid. 7.1; cf. aussi ATF 150 V 129 consid. 4.3 et 4.4]) et analytique (arrêts K12/87 du 3 juillet 1987 consid. 4 in: RAMA 1987 349; K 130/06 du 16 juillet 2007 consid. 5; K 124/03 du 16 juin 2004 consid. 6) visant à contrôler le caractère économique des prestations. Il suffit d'y renvoyer.  
 
4.  
 
4.1. Le tribunal arbitral a considéré que les assureurs-maladie avaient qualité pour agir et que leurs prétentions n'étaient pas périmées. Il a rappelé les motifs qui l'ont poussé à réaliser une expertise analytique de la pratique du docteur A.________ et décrit la méthode appliquée par l'expert, ainsi que le contenu détaillé de son rapport. Il s'est prononcé sur les qualités et compétences du docteur A.________, l'écart important entre les heures facturées et les heures de consultation notées dans les agendas, la pratique du chaînage des positions TARMED facturées, le nombre de visites à domicile, le nombre de patients souffrant de toxicomanie, l'incidence de l'intervention des médecins assistants sur le coût des traitements et l'absence de données fournies par le docteur A.________ à cet égard, l'incidence des arrondis prévus par le TARMED pour comptabiliser le temps facturé, la facturation de certaines prestations en l'absence du patient, la nécessité de disposer de la valeur intrinsèque qualitative pour facturer certaines positions tarifaires et le coût élevé des examens de laboratoire. Il s'est écarté de l'évaluation par l'expert du surcoût engendré par la pratique du docteur A.________, jugeant que le critère de la surfacturation en temps était plus objectif que l'application de l'indice de régression avec une marge de 30%. Il a estimé que le temps facturé sans justification représentait 792 heures à 214 fr. 44 sur l'année, soit un surcoût de 169'836 fr., auquel s'ajoutaient les consultations facturées de façon contraire à la loi, évaluées à 28'454 fr. par an, ce qui représentait un total de 198'290 fr. pour chaque année litigieuse. Il n'a pas jugé nécessaire de procéder à un complément d'expertise portant en particulier sur la durée et le montant des prestations facturées par les médecins assistants. Il a dès lors partiellement admis les demandes des caisses-maladie et condamné le docteur A.________ à leur restituer 396'580 fr. (2 x 198'290 fr.).  
 
4.2.  
 
4.2.1. Dans la cause 9C_795/2023, les assureurs-maladies reprochent au tribunal arbitral d'avoir violé le droit fédéral en ordonnant une expertise analytique de la pratique du docteur A.________ et en s'écartant de la méthode statistique. Ils soutiennent que la méthode analytique ne peut être appliquée que lorsque des données statistiques fiables font défaut (ce qui ne serait pas le cas en l'occurrence) et que les motifs invoqués pour justifier le fait de s'écarter de la méthode statistique (procédures à répétition; adoption de la méthode de screening) ne sont pas pertinents. Ils relèvent que le rapport d'expertise met néanmoins en évidence une violation crasse du principe d'économicité, malgré les erreurs d'appréciation qu'il contient, et que le tribunal arbitral a décidé à tort de ne pas en suivre les conclusions pour adopter sa propre appréciation de la pratique du docteur A.________. Ils exposent les raisons pour lesquelles ils considèrent que la position du tribunal arbitral n'est pas acceptable et persistent à réclamer la restitution d'un montant global pour les années 2017/2018 de 643'383 fr., calculé selon l'indice de régression.  
 
4.2.2. Le docteur A.________ conclut au rejet du recours. Il soutient en substance que le choix de la méthode analytique était justifié dès lors que les caisses-maladie n'avaient pas respecté la méthodologie en deux étapes mise en place par la jurisprudence pour l'application de la méthode de screening en ne procédant pas à la seconde étape de l'analyse au cas par cas. Il rappelle aussi que, si l'expertise analytique devait être interprétée comme une analyse au cas par cas, il en conteste les conclusions dans son propre recours contre l'arrêt attaqué.  
 
4.3.  
 
4.3.1. Dans la cause 9C_24/2024, le docteur A.________ se plaint au préalable d'une violation de son droit d'être entendu dès lors que le tribunal arbitral a refusé de lui permettre de discuter avec l'expert des cas sélectionnés par celui-ci et d'entendre les témoins proposés. Sur le fond, il conteste devoir restituer le montant de 28'454 fr. correspondant selon le tribunal arbitral à des consultations facturées de façon contraire à la loi lors d'une prise de sang, d'un examen, d'une radiographie ou d'une séance laser, en plus de l'acte technique. Il soutient que le tribunal arbitral s'est contredit en admettant que les grands bilans sanguins respectaient le principe de l'économicité mais en le condamnant à rembourser le montant de 28'454 fr. correspondant précisément à la prescription de ces prestations. Il conteste aussi devoir restituer le montant de 169'836 fr. correspondant à la différence entre les heures planifiées dans l'agenda et les heures facturées. Il soutient que le tribunal arbitral ne tiendrait pas compte des retards usuellement pris dans une journée de consultations, des spécificités de sa patientèle, des activités exercées en l'absence du patient et des arrondis autorisés par le TARMED.  
 
4.3.2. Les assureurs-maladie concluent au rejet du recours. Ils soutiennent que le docteur A.________ a eu l'occasion de fournir toutes les explications nécessaires concernant l'expertise et que l'audition des témoins requis ne serait ni fiable ni utile. Ils font en outre valoir sur le fond que le rapport d'expertise établit clairement la pratique dispendieuse du docteur A.________, que l'argumentation développée par ce dernier montre qu'il fait un amalgame injustifié entre les frais de consultations facturées sans droit et les examens de laboratoire justifiant la restitution de 28'454 fr. et que l'expert a abouti à la même conclusion qu'eux quant au montant à rembourser sous réserve d'une marge de tolérance de 130 au lieu de 120. Ils considèrent en somme que le seul point à trancher est le choix du mode de calcul adéquat pour déterminer le montant à restituer.  
 
5.  
 
5.1. Il convient en premier lieu d'examiner le grief des caisses-maladie relatif au choix par l'instance précédente de la méthode applicable au contrôle du caractère économique de la pratique du docteur A.________. Si l'application de la méthode analytique se révélait en l'espèce contraire au droit, il conviendrait effectivement d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause à l'autorité précédente pour qu'elle applique la méthode appropriée, sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner les autres griefs des assureurs-maladie et du docteur A.________.  
 
5.2.  
 
5.2.1. Selon la jurisprudence antérieure à l'introduction de la méthode de screening à partir de l'année statistique 2017, les méthodes statistique et analytique ou une combinaison de ces deux méthodes étaient admises pour établir l'existence d'une polypragmasie (cf. p. ex. arrêt 9C_588/2022 du 26 septembre 2023 consid. 3 in: SVR 2024 KV n° 2 p. 3).  
 
5.2.2. La méthode statistique a fait l'objet de critiques et de discussions qui ont abouti à l'adoption de l'art. 56 al. 6 LAMal (introduit par le ch. I de la modification du 23 décembre 2011 de la LAMal [RO 2012 4087]; entré en vigueur le 1er janvier 2013), selon lequel les fournisseurs de prestations et les assureurs conviennent d'une méthode visant à contrôler le caractère économique des prestations. Sur la base de cette disposition légale, la Fédération des médecins suisses (FMH) et les associations faîtières des assureurs-maladie (santésuisse et curafutura) se sont entendues sur le développement d'une méthode d'analyse dont l'évolution a abouti à la méthode statistique de sélection (méthode de régression à deux niveaux ou méthode de screening) applicable depuis l'année statistique 2017. Ils ont conclu une convention le 20 mars 2018 ("Vertrag betreffend die Screening-Methode im Rahmen der Kontrolle der Wirtschaftlichkeit gemäss Art. 56 Abs. 6 KVG", version actualisée le 1er février 2023; cf. ATF 150 V 129 consid. 4).  
 
5.2.3. Il y a lieu de partir du principe que les partenaires ont convenu de procéder à l'identification (provisoire) d'anomalies pouvant démontrer l'existence d'une pratique non économique exclusivement par le biais de la méthode de screening. Dans cette mesure, il n'y a plus de place pour une combinaison du contrôle statistique par un contrôle analytique comme cela était admis auparavant pour la méthode ANOVA (ATF 150 V 129 consid. 5.2.3). Le pouvoir d'appréciation quant à la méthode à appliquer ne va pas si loin qu'il permettrait aux assureurs-maladie de recourir, à la place de la méthode de screening (ou de sélection) - soit une analyse de régression suivie d'un éventuel examen subséquent du cas particulier (cf. consid. 5.3.1 infra) -, sans condition à une autre méthode. Le libre choix de la méthode pour établir l'existence d'une polypragmasie contreviendrait aux garanties d'un contrôle uniforme et approprié du caractère économique auxquelles le législateur a contraint les acteurs concernés par l'adoption de l'art. 56 al. 6 LAMal (ATF 150 V 129 consid. 5.2.4).  
 
5.3.  
 
5.3.1. La méthode de screening suppose un examen en deux étapes. La première étape consiste en une analyse statistique de régression qui associe les facteurs actuels de morbidité relatifs aux patients (âge et sexe) et de nouveaux facteurs (groupes de coûts pharmaceutiques, franchise et séjours à l'hôpital ou en EMS durant l'année précédente) à des facteurs relatifs au fournisseur de prestations demeurés inchangés (groupe de spécialistes et canton d'implantation). Elle permet de détecter les cas de médecins dont les coûts présentent des anomalies, mais pas, à elle seule, de déterminer une pratique non économique au sens de l'art. 56 LAMal. La constatation d'une telle pratique ne peut en effet être retenue que sur la base d'une analyse individuelle, soit une analyse au cas par cas effectuée dans une seconde étape (ATF 150 V 129 consid. 4.3.2 et 4.4.1). Cette analyse consiste à examiner d'une manière globale la portée effective des caractéristiques individuelles de la pratique qui ont une incidence sur les coûts. Le fournisseur de prestations doit pouvoir présenter de manière objective et compréhensible les particularités de sa pratique non prises en compte dans le cadre de l'analyse de régression qui distinguent son cabinet du collectif de référence et qui entraînent une valeur d'indice de régression plus élevé. Le but de cette seconde étape étant de contrôler la plausibilité de l'indice plus élevé, elle doit se fonder sur l'analyse de régression (ATF 150 V 129 consid. 5.5.1 et 5.5.3; voir aussi PATRICK MÜLLER, Contrôle de l'économicité: convention adaptée, in Bulletin des médecins suisses 2023/104 p. 32-33) et ne saurait être assimilée à la méthode analytique traditionnelle (cf. ATF 150 V 129 consid. 5.2.4; arrêt 9C_129/2023 du 4 mars 2024 consid. 5.3). Cela n'exclut pas, selon la situation particulière et en cas de besoin, de prendre en considération des dossiers de patients choisis; ainsi, il est possible que des particularités de la pratique médicale dont les effets sur les coûts ne peuvent pas être chiffrés par le biais des statistiques puissent être analysées au moyen d'une évaluation par échantillon d'un nombre représentatif de factures concrètes (ATF 150 V 129 consid. 5.2.4; arrêt 9C_129/2023 du 4 mars 2024 consid. 5.3).  
 
5.3.2. Dans la mesure où la FMH, d'une part, et santésuisse ainsi que curafutura, d'autre part, ont convenu d'une procédure en deux étapes, l'analyse individuelle du cas particulier ne doit pas être reportée à la procédure devant le tribunal arbitral. Le fournisseur de prestations doit avoir la possibilité d'établir dès la phase de l'examen du cas individuel quelles particularités de sa pratique n'ont pas été prises en compte dans l'analyse de régression et dans quelle mesure ces particularités influencent l'indice de régression. La demande en restitution déposée auprès du tribunal arbitral doit reposer sur les résultats d'un examen complet du cas individuel (cf. ATF 150 V 129 consid. 5.6). S'il n'est pas possible d'attendre ces résultats pour des raisons de respect des délais, il convient de demander à l'autorité arbitrale de suspendre la procédure jusqu'au terme de l'examen du cas individuel (cf. ATF 150 V 129 consid. 5.8.1). Dès lors que l'analyse du cas particulier par les caisses-maladie, ou par l'association faîtière qu'elles ont mandatée, a été conçue de manière participative, dans le but de parvenir à un accord à l'amiable dans le cadre d'un dialogue avec le fournisseur de prestations, la tâche du tribunal arbitral consiste à analyser les conclusions contestées de l'examen au cas par cas et, si possible, de régler le litige par une procédure de conciliation ou, à défaut, de statuer (cf. ATF 150 V 129 consid. 5.6).  
 
5.3.3. Compte tenu de ce qui précède, le tribunal arbitral n'est pas entièrement libre de choisir la méthode d'examen qui lui convient. Les possibilités qui lui sont offertes sont soit de suspendre la procédure arbitrale, si l'étape de l'examen des caractéristiques individuelles de la pratique n'a pas pu être réalisée pour des raisons de respect des délais, soit d'analyser les résultats de cette analyse individuelle à la lumière des (éventuelles) critiques des parties, si cette étape a été mise en oeuvre. Ce n'est que si les résultats obtenus au terme de cette seconde étape ne sont pas fiables pour une comparaison des coûts moyens que l'autorité arbitrale peut s'écarter de la méthode statistique, à l'instar de ce qui prévalait déjà avant l'introduction de la méthode de screening (cf. p. ex. arrêt 9C_588/2022 du 26 septembre 2023 consid. 3 in: SVR 2024 KV n° 2 p. 3). Autrement dit, ce n'est que lorsque l'incidence des caractéristiques d'une pratique sur les coûts n'est pas quantifiable de manière fiable au moyen de l'analyse de régression qu'il n'est pas exclu d'analyser lesdites caractéristiques par le biais d'une évaluation par échantillonnage réalisée par un expert ou un médecin-conseil d'un nombre représentatif de notes d'honoraires du médecin concerné afin de déterminer si les mesures diagnostiques et thérapeutiques entreprises sont justifiées (méthode analytique; cf. arrêt K 130/06 du 16 juillet 2007 consid. 4).  
 
6.  
 
6.1.  
 
6.1.1. Il ressort de la demande déposée par les caisses-maladie le 28 juin 2019 que l'étape de l'analyse du cas individuel n'a en l'occurrence pas été réalisée, compte tenu de l'absence de toute allusion aux particularités de la pratique du docteur A.________. Les assureurs-maladie admettent du reste expressément avoir introduit leur demande "afin de sauvegarder le délai de péremption". Une lecture de la demande déposée le 3 juillet 2020 conduit à un même constat. On relèvera encore qu'aucune requête de suspension de la procédure pour permettre d'accomplir la seconde étape de la méthode de screening n'a été déposée par les caisses-maladie et que le tribunal arbitral n'a pas examiné l'opportunité d'une telle suspension. Il ne ressort par ailleurs pas du procès-verbal de l'audience de conciliation que les parties auraient tenté d'expliquer l'indice de régression élevé par les caractéristiques particulières de la pratique du docteur A.________.  
 
6.1.2. Il ressort toutefois des écritures de la procédure arbitrale que de telles caractéristiques ont néanmoins été mentionnées. Ainsi, dans sa réponse du 15 mars 2021, le docteur A.________ a fait état de particularités de sa formation, de l'équipement de son cabinet, de sa patientèle ou des traitements qu'il prodiguait. Son argumentation n'a toutefois pas porté sur les répercussions de ces particularités sur l'indice de régression. Il apparaît aussi à la lecture de leur réplique du 28 avril 2021 que les assureurs-maladie ont pris position sur ces éléments, sans toutefois les mettre directement en relation avec les résultats de l'analyse de régression, si ce n'est brièvement en ce qui concerne le type de pathologies traitées et le type de patientèle prise en charge.  
 
6.2.  
 
6.2.1. Nonobstant ce qui précède, le tribunal arbitral a considéré que, compte tenu de la gravité de la sanction encourue et des procédures à répétition intentées par les caisses-maladie depuis 2016, il était en l'espèce judicieux d'analyser la pratique du docteur A.________ par une expertise analytique afin d'éviter une surcharge de travail dans les années à venir. Comme le soutiennent les assureurs-maladie, les motifs invoqués par le tribunal arbitral pour s'écarter de la méthode statistique au profit de la méthode analytique ne sont pas pertinents. En effet, seule l'absence de données fiables résultant des deux étapes de la méthode de screening peut justifier la mise en oeuvre d'une expertise analytique (cf. consid. 5.3.3 supra).  
 
6.2.2. Dans la mesure où le docteur B.________ indique dans son rapport d'expertise analytique du 30 septembre 2022 que "les statistiques de Santé Suisse ont été analysées et confrontées à l'étude des consultations sur 4 semaines" qu'il avait sélectionnées pour son travail, il convient d'examiner si ce rapport permet de pallier les lacunes de la procédure (quant à l'absence d'analyse du cas particulier) relevant tant des assureurs-maladie que du tribunal arbitral.  
 
6.3.  
 
6.3.1. Le docteur B.________ s'est prononcé sur les particularités de la pratique médicale du docteur A.________. L'expert n'a notamment pas mis en évidence la réalisation par le médecin concerné de plus de traitements onéreux ou d'examens technologiques complexes que sa formation continue, l'équipement de son cabinet ou la composition de sa patientèle seraient censés justifier par rapport aux autres médecins du groupe de comparaison. Il n'a pas observé de consultation, ni de suivi spécifique à des patients sidéens ou toxicomanes, ni de distribution de produits de substitution. Il n'a décelé que peu de patients qui souffraient de pathologies nécessitant des contrôles réguliers. Il a en revanche relevé d'autres problèmes. Selon lui, le docteur A.________ commettait notamment des erreurs dans l'utilisation des positions TARMED, facturait des traitements qui n'étaient pas à charge de l'AOS par le biais de positions TARMED existantes mais inadéquates, facturait des positions TARMED pour lesquelles il ne possédait pas la valeur intrinsèque qualitative ou facturait simultanément des positions TARMED qui n'étaient pas cumulables. L'expert a en particulier constaté un problème de surfacturation du temps de consultation dans le sens où il existait une grande différence entre le temps prévu pour les consultations et le temps facturé. Il a considéré que les effets de l'ensemble de ces problèmes ou erreur se retrouvaient dans les statistiques de santésuisse. Il s'y est dès lors référé pour fixer le montant à restituer. À la différence des caisses-maladie, il a toutefois appliqué une marge de tolérance de 130 au lieu de 120 et arrêté le montant réclamé au docteur A.________ à 537'778 fr. 25 pour les années 2017/2018.  
 
6.3.2. Bien que le docteur B.________ (dont le mandat a consisté en expertise analytique et non à concrétiser la seconde étape de la méthode de screening) ait indiqué avoir analysé les statistiques de santésuisse et les avoir confrontées aux résultats de son étude des consultations sur quatre semaines et qu'il ait considéré d'une manière générale que les effets des différents problèmes observés se retrouvaient dans lesdites statistiques, son expertise ne permet pas de répondre aux griefs soulevés par le docteur A.________ dans sa réponse du 15 mars 2021 conformément aux exigences de la nouvelle méthode de screening. Elle ne permet en particulier pas de déterminer si les particularités de la pratique invoquées par le médecin concerné sont prises en compte par l'analyse de régression et, le cas échéant, dans quelle mesure ces particularités influencent l'indice de régression. L'expert a du reste notamment déclaré que différents indices de polypragmasie (tels que le dépassement des coûts engendrés par les grands bilans sanguins ou la physiothérapie) étaient difficilement chiffrables. Il a en outre indiqué ne pas avoir observé dans son échantillonnage de consultation, ni de suivi spécifique à des patients sidéens ou toxicomanes, ni de distribution de produits de substitution, alors que la juridiction cantonale a retenu un nombre de cinquante-six patients toxicomanes suivis sur la base de documents produits par le docteur A.________ postérieurement à la réalisation de l'expertise, sans qu'elle se soit toutefois prononcée sur l'influence d'une telle patientèle sur l'indice de régression. On relèvera encore que le tribunal arbitral a tenté notamment de justifier la facturation indue de prestations pour lesquelles le médecin concerné ne possédait pas la valeur intrinsèque qualitative par un éventuel dépassement admissible d'une partie des heures de consultations facturées par rapport aux heures des consultations agendées, sans aucun fondement objectif vérifiable ni élément justificatif provenant de l'analyse de régression.  
 
6.4. Il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas possible de déterminer si et comment les particularités de la pratique du docteur A.________ sont prises en considération par l'analyse de régression. Une analyse individuelle conformément à la deuxième étape de la méthode de screening fait défaut et ne peut être remplacée, en l'occurrence, par l'expertise mise en oeuvre par le tribunal arbitral qui ne contient pas de lien suffisant avec les résultats de la première étape statistique de la méthode. Il convient dès lors de renvoyer la cause au tribunal arbitral pour qu'il reprenne l'instruction et donne la possibilité aux caisses-maladie, en collaboration avec le docteur A.________, de mettre en oeuvre cette seconde étape, avant d'en examiner les résultats et de rendre une nouvelle décision. Il sera rappelé que l'un des objectifs de la méthode de screening reste de trouver un accord à l'amiable entre les parties dans le cadre d'un dialogue entre le fournisseur de prestations et les assureurs-maladie (consid. 5.3.2 supra). Il convient dès lors d'admettre partiellement les recours, dans la mesure où la cause n'est pas en état d'être jugée et nécessite un renvoi à l'instance précédente; l'arrêt entrepris doit être annulé en conséquence.  
 
7.  
Vu l'issue du litige, il convient de répartir les frais de la procédure par moitié entre les parties, chacune obtenant partiellement gain de cause en raison du renvoi ordonné (art. 66 al. 1 LTF). Les caisses-maladie verseront une indemnité de dépens au docteur A.________ (art. 68 al. 1 LTF), tandis qu'il n'y a pas lieu de leur en allouer (art. 68 al. 3 LTF; ATF 149 II 381). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Les causes 9C_795/2023 et 9C_24/2024 sont jointes. 
 
2.  
Le recours du docteur A.________ et le recours des caisses-maladie sont partiellement admis. L'arrêt du Tribunal arbitral des assurances de la République et canton de Genève du 22 novembre 2023 est annulé et la cause est renvoyée à cette autorité pour qu'elle procède conformément aux considérants. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 13'000 fr., sont mis à la charge des caisses-maladie recourantes, à hauteur de 6'500 fr., et du docteur A.________, à hauteur de 6'500 fr. 
 
4.  
Les caisses-maladie verseront au docteur A.________ la somme de 5'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal arbitral des assurances de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 23 décembre 20244 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Cretton