Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_701/2023
Arrêt du 24 juillet 2024
IIe Cour de droit public
Composition
Mmes et MM. les Juges fédéraux
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz, Hänni,
Ryter et Kradolfer.
Greffier : M. Jeannerat.
Participants à la procédure
A.________ SA,
représentée par Me Bernard Ayer, avocat,
recourante,
contre
1. Établissements Hospitaliers du Nord Vaudois (eHnv),
rue de Plaisance 2, 1400 Yverdon-les-Bains,
2. Hôpital intercantonal de la Broye (HIB), av. de la Colline 3, 1530 Payerne,
3. Réseau Santé du Balcon du Jura vaudois (RSBJ), rue des Rosiers 29, 1450 Ste-Croix,
tous les trois représentés par Me Gaspard Genton, avocat,
intimés,
Association centre de secours et d'urgences du Nord vaudois et de la Broye (CSU-nvb), rue de la Plaisance 2, 1400 Yverdon-les-Bains.
Objet
Marchés publics,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 21 novembre 2023 (MPU.2023.0019 et MPU.2023.0020).
Faits :
A.
A.a. Les Établissements hospitaliers du Nord vaudois (eHnv) constituent une association de droit privé reconnue d'intérêt public qui regroupe plusieurs hôpitaux et sites de soins installés dans le Nord vaudois. Il en va de même du Réseau Santé du Balcon du Jura.vd (RSBJ). L'Hôpital intercantonal de la Broye (HIB), situé à Payerne et issu d'une collaboration entre les cantons de Vaud et de Fribourg, bénéficie pour sa part d'un statut d'établissement autonome de droit public intercantonal. Ces trois entités hospitalières font partie de la Fédération des hôpitaux vaudois.
A.b. En 2013, les trois institutions hospitalières précitées ont pris la décision de réunir leurs services d'ambulances en un service commun, qu'ils ont nommé "Centre de secours et d'urgences du Nord vaudois et de la Broye" (ci-après: le CSU-nvb). Ce dernier a été constitué sous la forme d'une association ayant pour siège Yverdon, sur l'un des sites appartenant aux Établissements hospitaliers du Nord vaudois. Selon ses statuts, l'association a pour but "de fournir à ses membres une organisation des services d'ambulances 24h/24h, sur appel du 144, pour desservir les secteurs définis par la DGS (Direction Générale de la Santé), ainsi que d'assurer d'autres activités liées aux urgences préhospitalières et transferts".
A.c. Le CSU-nvb fait partie du dispositif cantonal des urgences préhospitalières (DisCUP) mis en place par le canton de Vaud. À ce titre, il lui appartient d'assurer la prise en charge préhospitalière de patients en urgence pour la région du Nord vaudois et de la Broye et, le cas échéant, de transporter les intéressés vers un établissement de soins sur demande de la Centrale d'appels sanitaires urgents (CASU).
Depuis sa création, le CSU-nvb s'est en outre vu chargé d'effectuer certains transferts interhospitaliers de patients sur mandat de ses organisations hospitalières fondatrices. Jusqu'à la fin 2023, celles-ci ont toutefois toujours confié la majeure partie de ces interventions dites "secondaires" à des entreprises privées, en particulier aux sociétés B.________ Sàrl, à U.________, et A.________ SA, à V.________.
B.
Entre le 24 mai et le 13 juin 2023, après avoir constaté une forte augmentation du coût des transferts interhospitaliers, les organes dirigeants des Établissements hospitaliers du Nord vaudois, du Réseau Santé du Balcon du Jura et de l'Hôpital intercantonal de la Broye ont pris la décision, de concert avec le bureau du CSU-nvb, d'"internaliser" l'exécution de ces transferts "secondaires" en demandant à celui-ci d'en assumer l'intégralité dès le 1er janvier 2024.
Cette décision a fait l'objet de la publication suivante dans la Feuille des avis officiels du canton de Vaud du 16 juin 2023:
"Décision des Établissements hospitaliers du Nord vaudois, de l'Hôpital intercantonal de la Broye et du Réseau de Santé du Balcon du Jura.vd
Les Établissements Hospitaliers du Nord vaudois (eHnv), l'Hôpital Intercantonal de la Broye (HIB) et le Réseau de Santé du Balcon du Jura.vd (RSBJ) ont décidé de réinternaliser et de faire effectuer par leur institution et service d'ambulances commun, le Centre de secours et d'urgence du Nord Vaudois et de la Broye (CSU-nvb), les transferts interhospitaliers de type secondaire 1, 2 et 3, à compter du 1er janvier 2024. Une convention de collaboration de service public sera conclue entre les trois hôpitaux et le CSU-nvb."
Les sociétés B.________ Sàrl et A.________ SA ont toutes deux recouru séparément auprès du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal) contre la décision susmentionnée, qu'elles ont qualifiée de "décision d'adjudication". Elles reprochaient aux établissements hospitaliers concernés de ne pas avoir lancé de procédure d'appel d'offres avant de confier la réalisation de l'intégralité de leurs transferts interhospitaliers au CSU-nvb.
Après avoir joint les recours des deux sociétés, le Tribunal cantonal les a déclarés irrecevables par arrêt du 21 novembre 2023. Il a en substance considéré que la décision attaquée ne représentait pas une décision susceptible de recours au sens du droit des marchés publics.
C.
Le 22 décembre 2023, A.________ SA (ci-après: la recourante) dépose un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral contre l'arrêt du Tribunal cantonal du 21 novembre 2023. Elle requiert à titre préalable l'octroi de l'effet suspensif, en ce sens que la procédure d'attribution "de gré à gré" du marché des transferts ambulanciers interhospitaliers contestée soit suspendue et qu'il soit interdit aux Établissements hospitaliers du Nord vaudois de négocier et/ou de conclure tout contrat ou passer toute commande portant sur de tels transferts avec le CSU-nvb. Elle conclut sur le fond, principalement, à ce que l'arrêt attaqué et la "décision d'adjudication" publiée le 16 juin 2023 soient annulés, respectivement déclarés nuls, et à ce que l'offre du CSU-nvb soit exclue. Subsidiairement, elle demande l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Par ordonnance du 26 janvier 2024, la Présidente de la Cour de céans a rejeté la requête d'effet suspensif formée par la recourante.
Le Tribunal cantonal a renoncé à se déterminer sur le recours, se référant aux considérants de l'arrêt attaqué. Agissant conjointement, les Établissements hospitaliers du Nord vaudois (EhNv), l'Hôpital intercantonal de la Broye (HIB) et le Réseau de Santé du Balcon du Jura.vd (RSBJ) ont répondu au recours, dont ils concluent à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet dans la mesure de sa recevabilité. Quant à la COMCO, elle a renoncé à se prononcer sur la cause, non sans indiquer que le cas d'espèce semblait relever "prioritairement" de la sphère étatique (marché "in state" ou "quasi in house").
La recourante a répliqué.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF). Il contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 144 II 184 consid. 1).
1.1. Par son recours au Tribunal fédéral, la recourante entend en l'occurrence contester un arrêt du Tribunal cantonal ayant déclaré irrecevable son précédent recours dirigé contre la décision des organisations hospitalières intimées de ne plus faire appel à des entreprises privées pour leurs transferts interhospitaliers à compter du 1er janvier 2024, mais de les confier exclusivement à leur service d'ambulances commun, soit le Centre de secours et d'urgence du Nord Vaudois et de la Broye (CSU-nvb). Le Tribunal cantonal a jugé qu'une telle décision n'était pas attaquable en justice, après avoir considéré que les règles imposant l'ouverture d'une voie de recours lors de la passation de marchés publics n'étaient pas applicables en la cause, contrairement à ce que prétendait la recourante. Ce faisant, cette autorité judiciaire supérieure, qui statue en dernière instance cantonale, a d'emblée mis fin à la procédure de recours ouverte devant elle et a, de ce fait, rendu une décision finale susceptible d'être attaquée par la voie du recours en matière de droit public au Tribunal fédéral (cf. art. 82 let. a, 86 al. 1 let . d et al. 2 et 90 LTF).
1.2. Reste à examiner si cette voie de recours est exceptionnellement fermée en la cause en vertu de l'art. 83 let. f LTF. Cette disposition prévoit en effet que le recours en matière de droit public n'est recevable, dans le domaine des marchés publics, qu'à la double condition que la décision attaquée soulève une question juridique de principe (ch. 1) et que la valeur estimée du marché à adjuger ne soit pas inférieure à la valeur seuil déterminante visée à l'art. 52 al. 1 de la loi fédérale du 21 juin 2019 sur les marchés publics (LMP; RS 172.056.1) et fixée à l'annexe 4 ch. 2 de cette même loi (ch. 2).
En l'occurrence, la présente cause a ceci de particulier que les participants à la procédure défendent des positions divergentes quant au point de savoir si le fond de la cause relève ou non du domaine des marchés publics. Si le Tribunal cantonal a considéré que la décision des organisations hospitalières intimées de faire opérer la totalité de leurs transferts interhospitaliers par le CSU-nvb échappait aux règles du droit des marchés publics suisse, la société recourante soutient à l'inverse qu'elle aurait dû être prise en application de ce droit et, partant, être attaquable en justice conformément à celui-ci. Or, dans ce genre de situations où la question litigieuse devant le Tribunal fédéral porte précisément sur l'applicabilité du droit des marchés publics à un état de fait litigieux, la Cour de céans a posé la règle, fondée sur la théorie des faits doublement pertinents, que la voie du recours en matière de droit public devait être par principe ouverte, ce afin de permettre un examen fouillé de l'affaire au fond et, partant, de déterminer précisément si le droit des marchés publics ou un autre droit public s'applique en l'affaire (ATF 144 II 184 consid. 1.3; arrêts 2C_1009/2021 du 10 novembre 2023 consid. 2.1; 2C_697/2019 du 21 août 2020 consid. 1.2; 2C_861/2017 du 12 octobre 2018 consid. 1.3.2). Partant, le recours, compte tenu de ses particularités, ne tombe pas sous le coup de l'exception de l'art. 83 let. f LTF et la voie du recours en matière de droit public est donc ouverte.
1.3. Reste à déterminer si la recourante peut se prévaloir de la qualité pour recourir en la cause.
En vertu de l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision attaquée (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c), ce qui suppose, notamment, un intérêt actuel et pratique à l'admission du recours (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1). Cela signifie que l'entreprise qui, comme en l'espèce, reproche à un pouvoir adjudicateur d'avoir attribué un marché public sans procéder à un appel d'offres au sens du droit des marchés publics doit apparaître comme un soumissionnaire potentiel, c'est-à-dire comme une entreprise apte et disposée à fournir une prestation correspondant à l'objet du marché si une procédure de soumission de rattrapage devait être organisée, ce qu'il lui appartient en principe de démontrer (ATF 141 II 14 consid. 4.2; aussi arrêts 2C_134/2013 du 6 juin 2014 consid. 2.8.3 et 2C_1009/2021 du 10 novembre 2023 consid. 4.2).
Tel est le cas de la recourante. Jusqu'à la fin de l'année passée, les organisations intimées la mandataient en effet régulièrement pour effectuer certains de leurs transferts interhospitaliers. En tant qu'ancienne prestataire de ces services désormais entièrement attribués au CSU-nvb, la recourante doit ainsi être considérée comme un soumissionnaire potentiel, le cas échéant en partenariat avec d'autres entreprises privées, en cas d'admission de son recours sur le fond et d'obligation pour les établissements intimés d'organiser une procédure d'appel d'offres en lien avec la réalisation de leurs transferts interhospitaliers. Il convient dès lors de lui reconnaître la qualité pour recourir en la cause en application de l'art. 89 al. 1 LTF.
1.4. Il découle de ce qui précède que le recours, qui a été déposé en temps utile (cf. art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites par la loi (art. 42 LTF), est recevable dans son principe, sous réserve de ce qui suit.
1.5. Lorsque, comme en l'espèce, l'autorité précédente n'est pas entrée en matière sur un recours déposé devant elle et que cette décision est contestée devant le Tribunal fédéral, celui-ci ne peut examiner que la question du bien-fondé de cet arrêt d'irrecevabilité, seul point litigieux à ce stade de la procédure. Cela signifie concrètement que, si le Tribunal fédéral aboutit à la conclusion qu'un tel arrêt viole le droit, de sorte qu'il y a lieu d'admettre le recours déposé devant lui, il doit renvoyer la cause à l'autorité précédente pour un examen sur le fond (cf. ATF 139 II 233 consid. 3.2). Pour cette raison, il convient de constater l'irrecevabilité des conclusions principales de la recourante demandant non seulement l'annulation de la décision des organisations hospitalières intimées confiant l'exécution de leurs transferts interhospitaliers au CSU-nvb, mais aussi l'exclusion de ce dernier en cas d'appel d'offres de rattrapage portant sur ces prestations. Seule est en réalité recevable la conclusion subsidiaire du recours tendant à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause au Tribunal cantonal pour nouvelle décision.
2.
2.1. En vertu de l'art. 95 LTF, le recours peut être formé, entre autres griefs, pour violation du droit fédéral (let. a) ou du droit international (let. b), mais aussi pour violation du droit intercantonal (let. e), soit de tous les accords passés entre les cantons, qu'ils revêtent ou non la forme d'un concordat. Dans ce dernier cas de figure comme dans les deux premiers, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral n'est pas limité à l'arbitraire (cf. ATF 147 I 47 consid. 3.1; arrêt 1C_303/2010 du 28 septembre 2010 consid. 2.1). En l'absence d'une juridiction supracantonale, il est en effet apparu opportun que le Tribunal fédéral puisse dégager une interprétation unique des accords intercantonaux, afin d'éviter que ceux-ci ne soient appliqués d'une manière différente d'un canton à l'autre, ce qui serait de nature à provoquer des tensions intercantonales (cf. arrêt 2C_863/2017 du 19 juillet 2018 consid. 2). Le grief de violation du droit intercantonal est toutefois soumis, comme ceux tirés de la violation de droits fondamentaux, aux exigences de motivation accrues de l'art. 106 al. 2 LTF; aussi, l'acte de recours doit contenir un exposé succinct des droits ou principes violés et expliquer de manière claire et circonstanciée en quoi consiste leur violation (cf. art. 42 al. 2 LTF; ATF 147 I 47 consid. 3.1; 139 I 229 consid. 2.2; 135 III 232 consid. 1.2).
2.2. Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3). La recourante ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 145 V 188 consid. 2).
3.
Le litige porte sur le point de savoir si le Tribunal cantonal a violé le droit en déclarant irrecevable le recours déposé par la recourante contre la décision des organisations intimées de confier l'intégralité de leurs transferts interhospitaliers au CSU-nvb, au motif qu'un tel projet échappe au droit des marchés publics et, partant, aux voies de recours prévues par celui-ci. Afin de trancher cette question, il convient de présenter, à titre préalable et brièvement, le cadre légal topique en la cause (infra consid. 4), avant de résumer les positions juridiques qui s'affrontent (infra consid. 5).
4.
4.1. Le 15 novembre 2019, l'Autorité intercantonale pour les marchés publics a adopté un nouvel Accord intercantonal sur les marchés publics (ci-après: AIMP 2019). Celui-ci a été élaboré parallèlement à la nouvelle loi fédérale sur les marchés publics du 21 juin 2019 (LMP; RS 172.056.1), dans le but d'harmoniser autant que possible les règles en matière de marchés publics de la Confédération et des cantons, sans toucher à leurs compétences respectives (cf. Message du 15 février 2017 concernant la révision totale de la loi fédérale sur les marchés publics [ci-après: Message LMP, FF 2017 1695 ss, spéc. p. 1697). Entré en vigueur au 1er janvier 2023 pour le canton de Vaud après son approbation par le Grand Conseil (RS/VD 726.91) et dès lors applicable en l'espèce, cet accord intercantonal prévoit à son art. 52 al. 1, en combinaison avec l'art. 53 al. 1 let. e, que les décisions d'adjudication d'un marché public peuvent faire l'objet d'un recours auprès du tribunal administratif cantonal en tant qu'instance cantonale unique, à tout le moins lorsque la valeur du marché atteint la valeur seuil déterminante pour la procédure sur invitation. Cette règle est concrétisée en droit vaudois par l'art. 4 de loi cantonale sur les marchés publics du 14 juin 2022 (LMP-VD; RS/VD 726.01) qui dispose que les décisions énoncées à l'article 53 al. 1 AIMP 2009 et, donc, les décisions d'adjudication d'un marché public peuvent faire l'objet d'un recours auprès du Tribunal cantonal vaudois. Reste à déterminer ce qu'est une "adjudication d'un marché public" au sens des règles qui précèdent.
4.2. Selon l'art. 8 al. 1 AIMP 2019, qui correspond à l'art. 8 al. 1 LMP en droit fédéral, un marché public est un contrat conclu entre un adjudicateur et un soumissionnaire en vue de l'exécution d'une tâche publique (1 re phrase). Il est caractérisé par sa nature onéreuse ainsi que par l'échange de prestations et contre-prestations, la prestation caractéristique étant fournie par le soumissionnaire (2 e phrase). Ainsi défini, un marché public ne peut exister que lorsqu'un pouvoir adjudicateur fait appel à des tiers pour obtenir une prestation. Il n'y a en revanche pas de marché public lorsqu'un pouvoir adjudicateur fait en sorte de se procurer un produit ou d'obtenir un service à l'aide de ses propres ressources ou auprès d'un prestataire appartenant à la même entité juridique que lui (décision de faire [
make] au lieu de faire faire [
buy]; Message LMP, p. 1751; aussi BERGER MEYER / ADANK, Marchés in-house, quasi in-house, in-state et autres concepts interpellant, in: ZUFFEREY/BEYELER/SCHERLER [édit.], Aktuelles Vergaberecht 2024 - Marchés publics 2024, 2024, p. 195 ss, n. 6 s.). Ce genre de situations dans lesquelles des prestations sont obtenues "à l'interne" - en ce sens que le pouvoir adjudicateur et le fournisseur de prestations appartiennent à la même entité juridique - ne peuvent pas être qualifiées d'adjudications de marchés publics à proprement parler, mais tout au plus d'attributions de marchés dites "in house", de sorte qu'elles échappent aux règles du droit des marchés publics (cf. Message LMP, p. 1751 s.) et, partant, aux voies de recours prévues par celui-ci. Ce principe est expressément rappelé à l'art. 10 al. 2 let. c AIMP 2019, mais aussi à l'art. 10 al. 3 let. c LMP, qui prévoient tous les deux que le droit suisse des marchés publics ne s'applique pas à "
l'acquisition de prestations auprès d'unités organisationnelles qui dépendent de l'adjudicateur".
4.3. Dans le prolongement de ce qui précède, s'inspirant en particulier de la jurisprudence européenne, le législateur fédéral et les cantons ont décidé d'excepter du champ d'application du droit des marchés publics d'autres situations - désignées comme des cas de marchés "in state" ou "quasi in house" - dans lesquelles des pouvoirs adjudicateurs commandent des prestations auprès d'organismes qui leur sont certes externes, mais qui entretiennent néanmoins un lien avec l'État ou qui leur sont subordonnés (cf. Message LMP, p. 1751 s., qui correspond, s'agissant de la problématique litigieuse, au message-type élaboré par l'Autorité intercantonale pour les marchés publics, si bien qu'il lui sera exclusivement renvoyé pour des raisons pratiques; aussi ETIENNE POLTIER, Droit des marchés publics, 2023, n. 358 et 360). C'est ainsi que l'art. 10 al. 2 AIMP 2019, respectivement l'art. 10 al. 3 LMP prévoient que les règles sur les marchés publics n'entrent pas non plus en considération lorsque des prestations sont acquises au sein de la sphère étatique - soit "
in state " - auprès "d'autres adjudicateurs juridiquement indépendants et soumis au droit des marchés publics qui ne sont pas en concurrence avec des soumissionnaires privés pour la fourniture de ces prestations" (let. b), ni lorsqu'elles sont obtenues "presque à l'interne" - soit "
quasi in house " - auprès "de soumissionnaires sur lesquels l'adjudicateur exerce un contrôle identique à celui qu'il exerce sur ses propres services et qui fournissent l'essentiel de leurs prestations à l'adjudicateur" (let. d).
4.4. Il ressort des travaux préparatoires du nouveau droit des marchés publics que les art. 10 al. 2 let. d AIMP 2019 et 10 al. 3 let. d LMP doivent être interprétés en tenant compte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (ci-après: CJUE, nommée Cour de justice des communautés européennes jusqu'à fin 2008 [CJCE]), dans la mesure où ces deux dispositions concrétisent la notion de marché "quasi in house" développée par celle-ci (Message LMP, p. 1752). Quoi qu'il en soit, le Tribunal fédéral souligne depuis longtemps que l'interprétation du droit suisse des marchés publics doit s'effectuer à la lumière non seulement des conventions internationales qu'il est censé transposer, comme l'Accord international sur les marchés publics du 15 avril 1994 (AMP; RS 0.632.231.422), mais également en tenant compte du droit européen des marchés publics et de la jurisprudence y relative, qui peuvent constituer une source d'interprétation chaque fois que le droit suisse des marchés publics topique porte, comme en l'espèce, la marque des règles européennes (cf. ATF 150 II 105 consid. 3.4; 141 II 113 consid. 5.3.2; Message LMP p. 1725).
5.
5.1. En l'occurrence, dans l'arrêt attaqué, le Tribunal cantonal a justifié son refus d'entrer en matière sur le recours en considérant que la décision des établissements intimés - consistant à confier l'intégralité de leurs transferts interhospitaliers au CSU-nvb dès le 1er janvier 2024 - ne représentait pas une décision d'adjudication de marché public sujette à recours. Selon lui, elle remplissait les deux conditions nécessaires à la reconnaissance d'une attribution de marché "quasi in house" au sens de l'art. 10 al. 2 let. d AIMP 2019 cité ci-dessus. Les juges précédents ont en l'occurrence retenu en premier lieu que les trois organisations hospitalières intimées exerçaient un contrôle commun sur le CSU-nvb, lequel pouvait être considéré comme identique à celui qu'elles exercent sur leurs propres services, si bien que la première condition constitutive d'un marché "quasi in house" était respectée. Ils ont en outre constaté que plus de 80% des interventions du CSU-nvb aboutissaient actuellement et continueraient d'aboutir à l'avenir à un transport de patients depuis et/ou vers l'un des hôpitaux gérés par les organisations intimées. Le Tribunal cantonal en a conclu que ce service d'ambulances effectuait l'essentiel de ses prestations en faveur des organisations hospitalières intimées, de sorte que la seconde condition constitutive d'un marché "quasi in house" était, selon lui, également remplie. En cohérence avec cette conclusion, il ne s'est ainsi pas interrogé sur la question de savoir si l'art. 10 al. 2 let. b AIMP 2019, relatif aux marchés "in state", pouvait aussi s'appliquer en l'espèce, comme l'avaient invoqué les intimées (cf. art. 105 al. 2 LTF). Il s'avérait en effet que la présente cause n'était en tous les cas pas régie par le droit des marchés publics conformément à l'art. 10 al. 2 let. d AIMP 2019 et qu'aucune voie de recours n'était dès lors ouverte contre la "décision" des organisations intimées du 16 juin 2023 au sens de l'art. 52 al. 1 AIMP 2029 en combinaison avec l'art. 4 LMP/VD.
5.2. La recourante conteste cette approche. Elle soutient qu'il est arbitraire de retenir que le CSU-nvb fournit - et continuera de fournir - l'essentiel de ses prestations aux établissements de soins intimés et, partant, qu'elle puisse être la bénéficiaire d'un quelconque marché "quasi in house" au sens de l'art. 10 al. 2 let. d AIMP 2019. Selon elle, il serait totalement faux de considérer que les organisations intimées sont les destinataires des interventions préhospitalières d'urgence et des transferts interhospitaliers effectués par ce service d'ambulances. Ces prestations sont en réalité fournies aux patients concernés, qui en supportent d'ailleurs une grande partie des coûts. La recourante ajoute que les interventions préhospitalières d'urgence assumées par le CSU-nvb ne sont du reste jamais commandées par les organisations hospitalières intimées, mais par la Centrale d'appels sanitaires urgents (CASU) gérant le "144", et qu'elles n'aboutissent pas forcément à un transport vers l'un de leurs établissements de soins. La recourante soutient enfin que plus du 20% du chiffres d'affaires du CSU-nvb provient en réalité d'interventions aboutissant à des transports vers d'autres sites de soins que ceux gérés par les institutions intimées, de sorte qu'il faut considérer, sous cet angle-là également, que ce service d'ambulances ne fournit pas l'essentiel de ses prestations à ces dernières.
5.3. Dans leur réponse au recours, reprenant la position du Tribunal cantonal, les organisations hospitalières intimées estiment pour leur part que leur décision d'"internaliser" l'exécution de leurs transferts interhospitaliers au sein du CSU-nvb doit être qualifiée d'attribution de marché "quasi in house", de ce fait non soumise au droit des marchés publics en vertu de l'art. 10 al. 2 let. d AIMP 2019. Elles précisent l'avoir fait publier dans la Feuille d'avis officiel uniquement pour des motifs de transparence. Elles soutiennent par ailleurs, comme elles l'avaient déjà fait devant l'autorité procédure cantonale, que leur décision représente également un cas d'attribution de marché "in state", dès lors que le CSU-nvb constitue, lui aussi, un pouvoir adjudicateur et qu'il ne réalisera des transferts interhospitaliers qu'en leur faveur. L'extension du cahier des tâches de ce service d'ambulance commun échapperait dès lors au droit des marchés publics à ce titre supplémentaire, conformément à l'art. 10 al. 2 let. b AIMP 2019.
5.4. Quant à la COMCO, si elle a déclaré renoncer à se prononcer sur la cause, elle a néanmoins indiquer que le cas d'espèce semblait relever "prioritairement" de la sphère étatique (marché "in state" ou "quasi in house").
6.
Sur le vu de ce qui précède, il appartient à la Cour de céans d'examiner en premier lieu si la décision des organisations intimées de faire exécuter l'intégralité de leurs transferts interhospitaliers par le CSU-nvb représente bien un cas d'attribution de marché "quasi in house" échappant aux règles de l'AIMP 2019 au sens de l'art. 10 al. 2 let. d de cet accord, comme l'a retenu le Tribunal cantonal, mais le conteste la recourante.
6.1. L'art. 10 al. 2 let. d AIMP 2019, qui, comme on l'a dit correspond matériellement à l'art. 10 al. 3 let. d LMP (cf. supra consid. 4.1 et 4.3), prévoit que le droit suisse des marchés publics ne s'applique pas à l'acquisition de prestations auprès "
de soumissionnaires sur lesquels l'adjudicateur exerce un contrôle identique à celui qu'il exerce sur ses propres services et qui fournissent l'essentiel de leurs prestations à l'adjudicateur ". Cette exception au champ d'application du droit des marchés publics constitue un prolongement de la notion de marché "in house" (cf. supra consid. 4.3). Elle concerne les cas dans lesquels le pouvoir adjudicateur commande des prestations auprès d'un soumissionnaire qui, bien qu'appartenant à une entité juridiquement distincte, relève de son périmètre de contrôle (cf. TRÜEB/CLAUSEN in: Oesch/Weber/Zäch [édit.], Wettbewerbsrecht II Kommentar, 2e éd., 2021, n. 20 ad art. 10 LMP; FELIX TUCHSCHMID in: Hans Trüeb [édit.], Handkommentar zum Schweizerischen Beschaffungsrecht, 2020, n. 42 ad art. 10 LMP), de sorte que l'on peut estimer qu'il se procure lesdites prestations presque à l'interne, soit "quasi in house". La Confédération et les cantons ont voulu codifier les principaux considérants de la pratique initiée par la CJUE dans son arrêt dit "Teckal" et précisée ensuite par toute une série d'arrêts (Message LMP, p. 1752, se référant à l'arrêt de la CJCE du 18 novembre 1999,
Teckal, C-107/98, § 50), avant d'être finalement réglée par la Directive 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics adoptée par le Parlement européen et le Conseil européen (ci-après: Directive 2014/24/UE; JO L 94/65). Ce faisant, les art. 10 al. 2 let. d AIMP 2019 et 10 al. 3 let. d LMP ont conditionné la reconnaissance d'un marché "quasi in house" à la double condition que l'adjudicateur exerce sur le soumissionnaire choisi un contrôle identique à celui qu'il exerce sur ses propres services et que ce soumissionnaire fournisse par ailleurs l'essentiel de ses prestations audit adjudicateur. Ils reprennent en cela presque mot pour mot la formulation utilisée par la CJUE dans son arrêt "Teckal" (cf. arrêt
Teckal précité, § 50: "
l'hypothèse où, à la fois, la collectivité territoriale exerce sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services et où cette personne réalise l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent ").
6.2. Les travaux préparatoires contiennent assez peu d'indications sur la manière d'appliquer les art. 10 al. 2 let. d AIMP 2019 et 10 al. 3 let. d LMP. S'agissant de l'exigence de contrôle sur le soumissionnaire, ils se contentent de renvoyer aux critères indicatifs que le Comité des marchés publics de l'OMC devrait un jour adopter en application de l'art. XIX, par. 8, let. b, de l'Accord international sur les marchés publics (AMP; cf. Message LMP, p. 1752). Dans cette attente, on peut se référer au droit et à la pratique européennes qui admettent, à certaines conditions, l'existence d'un marché "quasi in house" lorsque plusieurs autorités adjudicatrices exercent un contrôle commun sur un soumissionnaire (art. 12 par. 3 let. a de la Directive 2014/24/UE; arrêt de la CJCE
Teckal précité, § 50, ainsi que celui du 3 novembre 2008,
Coditel Brabant, C-324/07, § 41 ss), sachant que la doctrine suisse se rallie à cette conception (cf. notamment BERGER MEYER/ADANK, op. cit., n. 33; MARTIN LUDIN, Privilegierte Vergaben innerhalb der Staatssphäre, 2019, n. 339 ss et 744; POLTIER, op. cit., n. 364 et 366), tout comme le guide commun des marchés publics élaboré de manière conjointe par la Confédération, les cantons, les villes et les communes à la suite de la révision du droit des marchés publics (cf. TRIAS - Guide pour les marchés publics, § 1.3, www.trias.swiss, consulté le 19 juin 2024).
6.3. Les travaux préparatoires précisent pour le reste très sommairement, en lien avec la seconde condition nécessaire à la reconnaissance d'un marché "quasi in house", qu'il faut admettre qu'un soumissionnaire opère essentiellement pour un adjudicateur lorsqu'il fournit au moins 80 % de ses prestations à ce dernier (Message LMP, p. 1752), sans expliquer la manière dont il conviendrait de vérifier le respect de cette exigence. Ce seuil minimal de 80%, qui est tantôt critiqué, tantôt repris par la doctrine suisse (cf. notamment DIEBOLD/LUDIN, Die Quasi-in-house-Ausnahme, in: Le droit public en mouvement - Mélanges en l'honneur du Professeur Etienne Poltier, 2020, p. 549 ss, spéc. 562 s.; respectivement MARTIN BEYELER, Staatsbetriebe: Einkauf und Absatz unter dem künftigen Vergaberecht, in: Justletter du 22 décembre 2014, n. 70), fait en réalité à nouveau écho, mais sans le dire, au droit européen. D'après celui-ci, la reconnaissance d'un marché "quasi in house" n'est en effet possible que lorsque les tâches confiées par le pouvoir adjudicateur représentent moins de 80% du chiffre d'affaires total moyen de l'entité contrôlée (cf. art. 12 par. 1 let. b et par. 3 let. b et par. 5 de la Directive 2014/24/UE; arrêt
Carbotermo und Consorzio Alisei précité, C-340/04, § 65; voir aussi l'annexe VI ch. 2 de l'Accord entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics [RS 0.172.052.68]; Guide TRIAS, § 1.3). Il est à cet égard relevé que, selon la jurisprudence de la CJUE, les activités exercées pour des collectivités ou institutions publiques autres que celles exerçant le contrôle ne valent pas comme des activités effectuées en faveur du pouvoir adjudicateur; l'exception "quasi in house" ne se justifie en effet que lorsqu'il n'y a pas de réel risque que l'entité contrôlée puisse retirer un avantage concurrentiel d'un tel marché en exerçant encore une partie importante de son activité économique auprès de tiers qui n'ont aucun rapport de contrôle avec elle, fussent-ils également des autorités publiques (cf. arrêt de la CJUE du 8 décembre 2016,
Undis Servizi, C-553/15, § 34 ss; également sur le sujet, LUDIN, op. cit., n. 459 ss).
6.4. En l'occurrence, il ressort de l'arrêt attaqué, d'une manière qui lie le Tribunal fédéral (cf. art. 105 al. 1 LTF), que le CSU-nvb constitue une association de droit privé créée il y a un peu plus de dix ans par les trois organisations hospitalières intimées. Celles-ci y détiennent la majorité des voix tant à l'assemblée générale qu'au bureau. Elles y sont représentées dans les faits par leurs directeurs ou directrices, qui siègent aux côtés de représentants de la Municipalité d'Yverdon et du Réseau Santé Social de la Broye, lequel constitue lui-même une association regroupant toutes les communes de la Broye fribourgeoise. Selon les constatations de l'arrêt attaqué, le CSU-nvb a été conçu à son origine comme un service d'ambulances commun aux intimées censé accomplir deux types d'interventions dans le domaine des soins préhospitaliers et des transports de patients: il lui incombait d'abord d'effectuer des interventions dites "primaires", qui consistent dans la prise en charge préhospitalière de patients sur le lieu d'un événement appelant la dispense de soins urgents ainsi que, le cas échéant, un transport vers un lieu approprié de soins et, ensuite, des interventions dites "secondaires", qui consistent dans le transfert d'un patient d'un établissement de soins vers un autre (cf. art. 3 du règlement du 9 mai 2018 sur les urgences préhospitalières et le transport des patients [RUPH/VD; RS/VD 810.81.1]). Il ressort toutefois de l'arrêt attaqué que, jusqu'à la fin 2023, le CSU-nvb, en tant que service d'ambulances affilié au Dispositif cantonal des urgences préhospitalières, n'effectuait presque que des interventions primaires - soit des interventions préhospitalières urgentes - et que le nombre de ses interventions secondaires restait dans les faits très négligeable. En effet, les organisations intimées ont dans un premier temps confié la grande majorité de leurs transferts interhopsitaliers - estimés à environ 4'200 par année - à des entreprises privées telles que la recourante. Or, la décision litigieuse prise par les organisations hospitalières intimées en date du 16 juin 2023 vise précisément à mettre un terme à cette manière de faire. Elle charge effectivement le CSU-nvb de réaliser à l'avenir l'ensemble des transferts interhospitaliers des intéressées, procédant de cette manière à l'attribution de marché litigieuse au fond, dont il convient de se demander si elle peut être qualifiée de "quasi in house".
6.5. Si les interventions secondaires - que le CSU-nvb est désormais appelé à effectuer pour le compte des organisations intimées - se distinguent des interventions primaires d'un point de vue fonctionnel, il ressort de l'arrêt attaqué qu'elles diffèrent également l'une de l'autre sur le plan organisationnel. Il appartient en principe aux hôpitaux de décider d'un transport interhospitalier et de trouver une entreprise disposée à le réaliser (cf. art. 5 al. 3 RUPH/VD). En revanche, dans la mesure où il est affilié au Dispositif cantonal des urgences préhospitalières (DisCUP), que le canton est chargé de mettre en place en vertu du droit canotnal (cf. art 183 de la loi vaudoise sur la santé publique du 29 mai 1985 [LSP/VD; RS/VD 800.01]), un service d'ambulances tel que le CSU-nvb est appelé à effectuer des interventions primaires uniquement sur demande de la Centrale d'appels sanitaires urgents, que l'on appelle communément le "144". Cette centrale est chargée de traiter toute intervention primaire demandée, que ce soit par appel direct ou par un autre canal, en engageant les moyens appropriés en fonction du niveau de priorité de l'intervention (cf. art. 4 al. 2 et 6 RUPH). Les patients pris en charge dans le cadre de telles interventions sont en principe transportés, si cela est nécessaire, vers les établissements hospitaliers de la région; il peut toutefois arriver qu'ils soient dirigés vers d'autres lieux de soins. Il ressort ainsi de l'arrêt attaqué que sur les 6746 interventions effectuées en 2022 par le CSU-nvb, qui couvre le Nord vaudois et la Broye, 5583 - soit environ 82% d'entre elles - ont impliqué un transport vers l'un des établissements hospitaliers gérés par les organisations intimées, le reste ayant abouti à des transports dans d'autres lieux de soins (p. ex. CHUV, l'Hôpital de Fribourg, etc.). Le Tribunal cantonal précise dans sa motivation que ces chiffres ne tiennent pas compte des interventions "sans transports", soit des cas où le CSU-nvb est appelé à effectuer une intervention primaire en urgence qui n'aboutit au final à aucun transport, ce pour diverses raisons (mission annulée, patient décédé, refus de transport, etc.).
6.6. Il résulte ainsi des constatations de faits du Tribunal cantonal qu'il est indéniable - et du reste incontesté par les parties - qu'en décidant de confier au CSU-nvb l'exécution de l'ensemble de leurs transferts interhospitaliers dès le 1er janvier 2024, les établissements intimés entendent acquérir des prestations auprès d'une entité juridiquement autonome sur laquelle ils exercent en commun un contrôle direct, dans la mesure où ils détiennent une très large majorité au sein de chacun de ses organes, où seules deux autres entités publiques sont également représentées. Sous cet angle, il faut admettre que la décision des intimées remplit la première condition nécessaire à la reconnaissance d'un marché "quasi in-house" soustrait du champ d'application du droit des marchés publics au sens de l'art. 10 al. 2 let. d AIMP 2019, en ce sens qu'elle satisfait à l'exigence selon laquelle le pouvoir adjudicateur doit exercer sur le soumissionnaire retenu un contrôle identique à celui qu'il exerce sur ses propres services. Comme on l'a vu, le fait que le contrôle soit exercé de manière commune par les différents pouvoirs adjudicateurs impliqués dans la passation du marché importe peu (cf. supra consid. 6.2).
6.7. Plus problématique est en revanche le fait que le Tribunal cantonal se soit fondé sur le nombre de transports que le CSU-nvb effectue déjà actuellement et réalisera à l'avenir à destination et/ou au départ des divers établissements de soins gérés par les organisations intimées - soit environ 7'000 interventions primaires et 4'000 interventions secondaires - pour répondre à la question de savoir si ce service d'ambulances fournit l'essentiel de ses prestations à ces dernières. Sur ce point, il a tout d'abord perdu de vue que, sur le principe, cette problématique devait être appréciée d'après la part de chiffre d'affaires que généraient de telles prestations, et non d'après leur simple proportion numéraire (cf. supra consid. 6.3). Or, il est permis de douter que le CSU-nvb tire une partie essentielle de son chiffre d'affaires des transports effectués vers ou depuis l'un des hôpitaux des organisations intimées, sachant que, d'après l'arrêt attaqué, un nombre non négligeable de ses interventions primaires - à savoir quelques milliers par année - aboutissent à un transport vers d'autres lieux, par nature plus lointains, ou ne débouchent tout simplement sur aucun transport du tout. Cette question peut toutefois rester indécise pour le motif qui suit.
6.8. Il convient en effet de retenir que les quelque 7'000 interventions préhospitalières urgentes (interventions primaires) que le CSU-nvb est actuellement appelé à réaliser en plus des transferts interhospitaliers dont l'attribution est litigieuse - et qui continueront à représenter son activité de base - ne peuvent de toute manière pas être considérées comme des prestations accomplies en faveur des organisations hospitalières intimées, ce indépendamment de la question de savoir si elles aboutissent ou non à un transport vers l'un de leurs hôpitaux. Sur ce point, on soulignera que, contrairement à ce qui prétend la recourante, le problème ne réside pas dans le fait que le CSU-nvb est appelé à prodiguer des soins - ou effectuer un transport en vue de soins - pour des patients, qui en assument une partie des coûts. En effet, un mandat "quasi in house" peut porter sur l'obligation de fournir des prestations à des personnes tierces pour le compte de l'État (cf. POLTIER, op. cit. n. 368; LUDIN, op. cit., n. 448 ss; aussi arrêt de la CJCE du 11 mai 2006,
Carbotermo und Consorzio Alisei, C-340/04, § 65 ss), comme du reste un marché public ordinaire (cf. d'ailleurs, dans le domaine des soins, arrêt 2C_861/2017 du 12 octobre 2018 consid. 3.5; aussi ATF 135 II 49 consid. 5.2.2). L'achoppement consiste dans le fait qu'en effectuant des interventions préhospitalières urgentes dans tout le Nord vaudois et la Broye sur demande exclusive de la Centrale d'appels sanitaires urgents (144), qui gère le Dispositif cantonal des urgences préhospitalières mis en place par le canton de Vaud, ce service d'ambulances accomplit en réalité ses missions pour ce dernier, à l'instar des autres services servant à assurer les secours sur l'ensemble du territoire cantonal et qui n'ont d'ailleurs pas forcément de liens directs avec les hôpitaux (autres services d'ambulances, services mobile d'urgence et de réanimation [SMUR]; hélicoptère médicalisé; cf. art. 36 al. 1 RUPH). C'est en effet au canton que revient la tâche d'assurer l'organisation et l'exploitation de tels services censés garantir la prise en charge efficace des urgences préhospitalières (cf. art. 183 LSP/VD) et de subventionner dans ce but les services d'ambulances à qui il attribue des territoires d'intervention (cf. art. 38 ss RUPH/VD). C'est d'ailleurs cette organisation cantonale qui explique que, selon les constatations du Tribunal cantonal, plus de 20% des interventions primaires du CSU-nvb n'aboutissent pas à des transports vers l'un des établissements de soins des organisations intimées, mais aboutissent à une hospitalisation vers d'autres lieux, comme le CHUV ou l'Hôpital cantonal de Fribourg, voire à aucun transport du tout. Or, toutes ces missions qui relèvent des urgences préhospitalières et qui sont donc effectuées par le CSU-nvb au profit du canton - c'est-à-dire en faveur d'une autre entité publique que celles qui la contrôlent - ne peuvent pas valoir comme des activités effectuées en faveur du pouvoir adjudicateur, soit en l'occurrence les organisations hospitalières intimées, comme l'a déjà souligné la jurisprudence de la CJUE, dont le droit suisse s'est inspiré au moment de codifier l'exception "quasi in house" à l'art. 10 al. 2 let. d AIMP 2019 (cf. supra consid. 4.4 et 6.3).
Sur cette base, il n'est pas possible de considérer que le CSU-nvb fournit l'essentiel de ses prestations aux organisations intimées et, partant, de retenir que la décision de ces dernières de confier tous leurs transferts interhospitaliers à ce service d'ambulances remplit le seconde condition légale nécessaire à la reconnaissance d'un marché "quasi in house" au sens l'art. 10 al. 2 let. d AIMP 2019.
6.9. Il s'ensuit que le Tribunal cantonal ne pouvait pas refuser d'entrer en matière sur le recours déposé devant lui au motif qu'il était dirigé contre une attribution de marché "quasi in house" échappant aux règles et voies de droits en matière de marchés publics en application de l'art. 10 al. 2 let. d AIMP 2019. Cela ne conduit toutefois pas forcément à une admission du recours.
7.
Il reste encore à examiner si la décision des organisations intimées de confier l'exécution de l'intégralité de leurs transferts interhospitaliers au CSU-nvb ne peut pas être qualifiée d'attribution de marché "in state" au sens de l'art. 10 al. 2 let. b AIMP 2019, comme le soutiennent expressément les organisations intimées depuis le début de la procédure. Une réponse positive à cette question - que le Tribunal cantonal n'a pas examinée en cohérence avec la motivation de son arrêt, mais que le Tribunal fédéral peut revoir librement dans la mesure où les faits constatés sont suffisants (cf. supra consid. 2.2) - justifierait en effet de considérer que ladite décision échappe aux règles des marchés publics.
7.1. L'art. 10 al. 2 let. b AIMP 2019, qui, comme on l'a dit, correspond matériellement à l'art. 10 al. 3 let. b LMP (cf. supra consid. 4.1 et 4.3), prévoit que le droit suisse des marchés publics ne s'applique pas à l'acquisition de prestations auprès "
d'autres adjudicateurs juridiquement indépendants et soumis au droit des marchés publics qui ne sont pas en concurrence avec des soumissionnaires privés pour la fourniture de ces prestations ". Cette autre exception au champ d'application du droit des marchés publics concerne le cas particulier des marchés dits "in state", parfois également nommé "inter-state", passés entre deux pouvoirs adjudicateurs (cf. notamment TUCHSCHMID, op. cit., n. 38 ad art. 10 LMP). Elle est expressément admise par l'Accord international sur les marchés publics (AMP), qui a fait l'objet d'une révision en date du 30 mars 2012, entrée en vigueur le 1er janvier 2021 pour la Suisse. Le Conseil fédéral y a en effet annexé une note qui déclare que l'accord "ne couvre pas (...) les prestations exécutées par un adjudicateur en interne ou par des adjudicateurs distincts dotés de la personnalité juridique" (cf. annexe 4 de l'appendice I [Suisse] de l'AMP). L'idée était que le droit suisse puisse exclure du champ d'application de cette convention internationale non seulement les prestations exécutées par un adjudicateur en interne (
in house), mais aussi celles que des entités soumises aux règles de l'AMP se fournissent entre elles (cf. Message du 15 février 2017 relatif à l'approbation du protocole portant amendement de l'accord sur les marchés publics de l'OMC, FF 2017 1899, spéc. p. 1952).
7.2. Le législateur fédéral et les cantons ont usé de la marge de manoeuvre laissée par l'AMP et admis l'existence d'un marché "in state" à deux conditions cumulatives, sans s'inspirer cette fois-ci du droit européen dont il diverge de manière substantielle (cf. art. 12 par. 4 de la Directive 2014/24/UE; notamment POLTIER, op. cit., n. 372).
Premièrement, il faut que le soumissionnaire choisi constitue lui aussi un pouvoir adjudicateur au sens du droit suisse (cf. art. 10 al. 2 let. b AIMP 2019 et 10 al. 3 let. b LMP
in initio). Il importe sur ce point peu que celui-ci opère au même niveau ou à un autre niveau de l'État (Confédération, cantons ou communes) et qu'il soit à ce titre soumis à des règles de droit des marchés publics de nature différente, que ce soit en tant que collectivité publique traditionnelle ou en tant qu'organisme de droit public ou entreprise publique (cf. Message LMP, p. 1751 s.; POLTIER, op. cit., n. 373).
Il convient en revanche - et c'est là la seconde condition imposée - que le pouvoir adjudicateur agissant comme soumissionnaire ne soit "pas en concurrence avec des entreprises privées pour la fourniture de ces prestations" (art. 10 al. 2 let. b AIMP 2019 et 10 al. 3 let. b LMP in fine), c'est-à-dire qu'il n'exerce aucune activité sur le libre marché en concurrence avec des tiers privés en lien avec les prestations qu'il entend fournir "in state" à l'autre pouvoir adjudicateur (cf. notamment LUDIN, op. cit., n. 694 ss; POLTIER, op. cit., n. 373), ce qu'il convient de vérifier au cas par cas. Il est à cet égard important de souligner que la question de savoir si le fournisseur de prestations offre ses prestations en concurrence avec d'autres entreprises privés ne dépend pas de son activité globale, contrairement à ce qui prévaut s'agissant de la reconnaissance d'une éventuelle exception "quasi-in-house", niée en l'espèce, qui, pour rappel, implique que le fournisseur de prestations fournissent l'"essentiel de ses prestations" aux adjudicateurs qui le contrôlent (cf. supra consid. 6.3 et 6.8). Le respect de la condition de non-intervention sur le libre marché imposée à l'art. 10 al. 2/3 let. b AIMP 2019/LMP s'apprécie uniquement en lien avec le type de prestations relevant possiblement d'une acquisition "in state" (prestations dites "objet de la transaction"; cf. LUDIN, op. cit., n. 695).
D'après les travaux préparatoires, cette dernière condition n'est par exemple pas remplie en cas de mandats d'expertises ou d'essais de produits confiés à des hautes écoles, dans la mesure où celles-ci sont (également) en concurrence avec des soumissionnaires privés pour fournir ce genre de prestations à des tiers (Message LMP, p. 1751). On se trouve en revanche typiquement face à des marchés "in state" lorsque plusieurs adjudicateurs publics contribuent ensemble à la réalisation d'un projet commun, dans l'intérêt public, sans collaboration avec aucun acteur privé et sans buts commerciaux (Message LMP, p. 1751, faisant référence à l'arrêt de la CJCE du 8 mai 2014,
Hamburg-Harburg, affaire C-15/13).
7.3. L'absence d'obligation d'appel d'offres en cas d'attribution de marché "in state" se justifie par le fait que, dans un tel cas, il n'existe aucun risque de distorsion de concurrence entre acteurs du marché, dès lors que l'achat opéré par un pouvoir adjudicateur auprès d'un autre n'intervient précisément pas dans un contexte de concurrence et en dehors du marché (cf. Message LMP, p. 1751). Dans cette optique, les travaux préparatoires relatifs à la LMP et à l'AIMP 2019, ainsi que la doctrine, évoquent d'autres conditions implicites devant être respectées pour exclure tout risque d'octroi d'avantages concurrentiels, directs ou indirects, et d'admettre en fin de compte l'existence d'un marché "in state" au sens des art. 10 al. 2 let. b AIMP 2019 et 10 al. 3 let. b LMP. Parmi ces conditions supplémentaires, qui ont déjà été suggérées lors de la procédure de consultation, mais que le législateur n'a toutefois pas choisi de reprendre (cf. Rapport sur les résultats de la procédure de consultation concernant la révision de la loi fédérale et de l'ordonnance sur les marchés publics [LMP/OMP] et l'ordonnance sur les valeurs seuils applicables aux marchés publics [OVS], novembre 2016, p. 21), on mentionnera d'abord l'exigence qu'aucun acteur économique privé ne soit associé au pouvoir adjudicateur appelé à fournir les prestations demandées (cf. Message LMP, p. 1751; aussi BERGER MEYER/ADANK, op. cit., n. 61; TRÜEB/CLAUSEN op. cit., n. 19 ad art. 10 LMP; TUCHSCHMID, op. cit., n. 39 ad art. 10 LMP; LUDIN, op. cit., n. 688 ss; plus nuancé apparemment, POLTIER, op. cit., n. 373). Certains auteurs soutiennent ensuite que ce même pouvoir adjudicateur ne devrait proposer sur le libre marché aucune prestation similaire (
gleichartige Leistungen) à celles qu'il est censé fournir à l'autre pouvoir adjudicateur et, enfin, qu'il ne devrait pas fournir celles-ci dans un but lucratif (LUDIN, op. cit., n. 696 et 710 ss; BEYELER, op. cit., n. 61 et 65; pour cette dernière condition, mais uniquement en cas de risque de subventionnement croisé, cf. TRÜEB/CLAUSEN, op. cit., n. 19 ad art. 10 LMP; TUCHSCHMID, op. cit., n. 39 ad art. 39 LMP).
7.4. En l'occurrence, il est incontesté que le CSU-nvb représente lui-même un pouvoir adjudicateur, à l'instar des établissements hospitaliers intimés, comme le rappellent ceux-ci dans leur réponse et l'admet également la recourante dans sa réplique. En tant que service d'ambulances créé et géré par plusieurs organisations hospitalières en mains publiques, afin d'assurer des services de soins et de transports préhospitaliers nuit et jour sur appel du 144 ainsi que, désormais, des transferts interhospitaliers, il constitue en effet indéniablement un "organisme de droit public" (
Einrichtung des öffentlichen Rechts) soumis au droit des marchés publics au sens des art. 3 al. 1 f et 4 al. 1 AIMP, comme les établissements intimés qui le contrôlent (cf. ATF 145 II 49 consid. 4.4 et 4.5). Le Tribunal cantonal a par ailleurs constaté dans son arrêt, d'une manière qui lie l'autorité de céans (cf. supra consid. 2.2 et art. 105 al. 1 LTF), sans que ce point ne soit remis en question par la recourante, que le CSU-nvb n'est censé effectuer des transferts interhospitaliers que pour le compte des organisations intimées. Autrement dit, il ne proposera ce genre de services à aucun autre hôpital, comme le CHUV, l'Hôpital cantonal de Fribourg ou d'autres cliniques privées, de sorte qu'il ne concurrencera pas d'autres entreprises - publiques ou privées - exploitant également un service d'ambulances lorsqu'il s'agira d'organiser des transferts interhospitaliers depuis ces établissements. Cela signifie très concrètement que le CSU-nvb n'offre actuellement et n'offrira à l'avenir sur le libre marché aucune prestation du même type que celles dont l'attribution est présentement litigieuse ou, autrement dit, qu'il ne se trouvera jamais en situation de concurrence avec d'autres services d'ambulances s'agissant de l'exécution de transferts interhospitaliers pour d'autres entités que les intimées.
7.5. Il s'ensuit que la décision des intimées de confier l'intégralité de leurs transferts interhospitaliers au CSU-nvb dès le 1er janvier 2024 a pour particularités non seulement d'impliquer exclusivement des pouvoirs adjudicateurs au sens du droit des marchés publics, mais aussi de porter sur des prestations de transport de patients que ce service d'ambulances fournira exclusivement aux organisations intimées, sans entrer en concurrence avec des soumissionnaires privés s'agissant de la fourniture de ce genre de prestations à d'autres hôpitaux, à qui il ne proposera précisément pas ses services, comme on vient de le dire. Ce projet, qui s'inscrit dans le cadre d'une collaboration entre trois établissements hospitaliers du Nord vaudois et de la Broye et qui revient à parfaire une démarche que ceux-ci avaient déjà envisagée en 2013 au moment d'abandonner leurs différents services d'ambulances pour créer cette structure commune, remplit ainsi les deux conditions nécessaires à la reconnaissance d'un marché "in state" au sens de l'art. 10 al. 2 let. b AIMP 2019 et échappe à ce titre au champ d'application du droit des marchés publics. Il n'y a au surplus pas lieu de se demander si la reconnaissance d'un tel marché suppose le respect d'autres conditions non-écrites, ainsi que le considère une partie de la doctrine, comme le fait que le prestataire retenu soit une entité sans aucune participation privée, qu'il ne fournisse aucune prestation similaire à celle commandée sur le libre marché et que le procédé ne poursuive aucun but lucratif (cf supra consid. 7.3). De telles conditions sont de toute manière respectées en l'espèce. Le CSU-nvb est, d'après l'arrêt attaqué, exclusivement contrôlé par des organisations hospitalières en mains publiques et des communes et n'exécute, outre les transferts interhospitaliers litigieux, que des services d'urgences préhospitalières sur un marché largement réglementé. Il ressort enfin des pièces du dossier qu'il est exonéré d'impôts en raison de son but d'utilité publique (cf. art. 105 al. 2 LTF).
7.6. Sur le vu de ce qui précède, il ne peut être reproché au Tribunal cantonal d'avoir violé le droit en considérant que la décision des établissements intimés de confier l'entier de leurs transferts interhospitaliers au CSU-nvb ne constituait pas une décision d'adjudication au sens de l'art. 53 al. 1 let. e AIMP 2019 et qu'elle n'était dès lors pas attaquable en justice au sens de art. 52 al. 1 de cette convention intercantonale. C'est donc à bon droit qu'il a refusé d'entrer en matière sur le recours formé contre cette décision par la recourante.
8.
Le recours, mal fondé, doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est recevable.
9.
La recourante, qui succombe, doit supporter les frais de justice (art. 66 al. 1 LTF). Elle ne doit en revanche verser aucuns dépens aux établissements hospitaliers intimés, ni d'ailleurs au CSU-nvb, lesquels obtiennent gain de cause dans l'exercice de leurs attributions officielles (cf. art. 68 al. 3 LTF), respectivement n'ont déposé aucune observation en la cause.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à l'Association centre de secours et d'urgences du Nord vaudois et de la Broye (CSU-nvb), au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, et à la Commission de la concurrence COMCO.
Lausanne, le 24 juillet 2024
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : F. Aubry Girardin
Le Greffier : E. Jeannerat