Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
1C_451/2024
Arrêt du 25 avril 2025
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Haag, Président,
Chaix et Müller.
Greffière : Mme Arn.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Stéphane Voisard, avocat,
recourant,
contre
B.________,
représenté par Me Nicolas Saviaux, avocat,
intimé,
Commune de Lavigny,
rue de l'Église 2, 1175 Lavigny,
représentée par Me Jacques Haldy, avocat,
Objet
Permis de construire,
recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 17 juin 2024 (AC.2023.0172).
Faits :
A.
B.________ est propriétaire de la parcelle n° 68 de la commune de Lavigny, située au centre de la localité à la rue de l'Église. D'une surface de 290 m
2, cette parcelle accueille un bâtiment d'affectation mixte habitation et commerce (ECA n° 90) de 220 m
2. Il s'agit d'une ancienne ferme - inscrite au recensement architectural cantonal en note 6 - qui comporte à ce jour une épicerie et un seul logement. Ce bâtiment est accolé à l'ouest au bâtiment ECA n° 94, une ferme traditionnelle rénovée située sur la parcelle voisine n° 70, ainsi qu'à l'est au bâtiment n° 89, situé sur la parcelle n° 67, avec lesquels il partage des murs mitoyens.
La parcelle n° 68 est colloquée en zone de centre de localité A selon le plan général d'affectation de la commune approuvé par le Département compétent le 4 décembre 2020 et entré en vigueur le 19 août 2021 (ci-après: PGA), ainsi que son règlement daté du même jour
(ci-après: RPGA). La commune est par ailleurs inscrite à l'Inventaire fédéral des sites construits d'importance nationale (ISOS).
B.
Le 12 avril 2021, B.________ a déposé auprès de la Municipalité de Lavigny (ci-après: la municipalité) une demande de permis de construire tendant à la transformation du bâtiment ECA n° 90 et à la création de trois logements dans le même gabarit, en lieu et place du logement et du commerce actuels. Le projet prévoit l'aménagement d'un appartement par étage (rez-de-chaussée, premier étage et combles) et notamment la destruction d'un décrochement d'environ 11 m
2 au nord. La façade nord, presque intégralement borgne, sera détruite et reconstruite en retrait d'environ 3 m par rapport à la façade actuelle et d'environ 5 m par rapport au décrochement précité. Cette façade comportera trois ouvertures par niveau et quatre petites ouvertures en toiture. La surface bâtie passera de 220 m
2 à 170 m
2et la surface brute utile de plancher de 510 m
2 à 480 m
2.
Mis à l'enquête publique du 26 juin au 25 juillet 2021, le projet a suscité l'opposition de A.________ et C.________, alors propriétaires en main commune de la parcelle voisine n° 70. Après avoir reçu la synthèse CAMAC du 20 octobre 2021, la municipalité a, le 24 avril 2023, délivré le permis de construire sollicité et levé l'opposition précitée.
C.
A.________ et C.________ ont formé recours contre cette décision auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois (CDAP). Cette dernière, après avoir procédé à une inspection locale le 11 mars 2024, a rejeté le recours et confirmé la décision de la municipalité du 24 avril 2023, par arrêt du 17 juin 2024.
D.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal du 17 juin 2024, ainsi que la décision de la municipalité et le permis de construire accordé le 24 avril 2023. À titre subsidiaire, il conclut au renvoi de la cause au Tribunal cantonal.
Le Tribunal cantonal renonce à se déterminer sur le recours et se réfère aux considérants de son arrêt. La municipalité et l'intimé concluent chacun au rejet du recours. Le recourant se détermine dans le cadre d'un nouvel échange d'écritures.
Par ordonnance du 2 septembre 2024, le Président de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral a admis la requête d'effet suspensif présentée par le recourant.
Considérant en droit :
1.
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public des constructions (art. 82 let. a LTF), le recours en matière de droit public est en principe recevable, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée.
Le recourant a pris part à la procédure de recours devant l'instance précédente (art. 89 al. 1 LTF). En tant que propriétaire d'une parcelle contiguë à la parcelle du projet litigieux, il est particulièrement touché par l'arrêt attaqué, qui confirme l'autorisation de construire délivrée par la municipalité, qu'il tient pour contraire au droit. Il peut ainsi se prévaloir d'un intérêt personnel et digne de protection à l'annulation de l'arrêt attaqué et bénéficie dès lors de la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité étant au surplus réunies, il convient d'entrer en matière.
2.
Dans une première partie de son mémoire, le recourant se réfère à l'état de fait de l'arrêt attaqué, sous deux réserves. D'une part, il précise qu'il est désormais seul propriétaire de la parcelle n° 70. Le Tribunal fédéral en a tenu compte (cf. consid. 1 ci-dessus). Et d'autre part, le recourant affirme que, contrairement à ce que retient la cour cantonale, le projet litigieux n'induira pas une diminution de la surface brute de plancher utile de 510 à 480 m2; le recourant se limite sur ce point à affirmer que ces chiffres, repris sans examen critique, ne seraient pas crédibles dès lors que trois logements devraient remplacer un seul logement, une épicerie et des combles. Ce faisant, le recourant n'expose pas concrètement, dans le respect des exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF, en quoi les constatations de fait l'instance précédente seraient manifestement inexactes ou arbitraires (cf. ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1). Sa critique est donc irrecevable et il n'y a pas lieu de s'écarter sur ce point de l'état de fait contenu dans la décision entreprise.
3.
Le recourant soulève le grief d'arbitraire (art. 9 Cst.) en lien avec l'art. 80 de la loi cantonale du 4 décembre 1985 sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATC; BLV 700.11). Il se plaint également d'une violation de la garantie de propriété (art. 26 Cst.) en tant que le projet contesté, en particulier la création de fenêtres sur la façade nord, induira pour lui un inconvénient en termes de tranquillité et d'intimité. En l'occurrence, l'atteinte - éventuelle - à son droit de propriété ne saurait être qualifiée de particulièrement grave, si bien que son grief fondé sur l'art. 26 Cst. se confond avec celui d'arbitraire dans l'application du droit cantonal (cf. ATF 150 I 106 consid. 5.1; arrêt 1C_124/2019 du 7 août 2019 consid. 3.1).
3.1. Aux termes de l'art. 80 LATC, les bâtiments existants non conformes aux règles de la zone à bâtir entrées en force postérieurement, relatives aux dimensions des bâtiments, à la distance aux limites, au coefficient d'occupation ou d'utilisation du sol, ou à l'affectation de la zone, mais n'empiétant pas sur une limite des constructions, peuvent être entretenus ou réparés (al. 1). Leur transformation dans les limites des volumes existants ou leur agrandissement peuvent être autorisés, pour autant qu'il n'en résulte pas une atteinte sensible au développement, au caractère ou à la destination de la zone. Les travaux ne doivent pas aggraver l'atteinte à la réglementation en vigueur ou les inconvénients qui en résultent pour le voisinage (al. 2).
Selon le règlement communal, l'indice d'utilisation du sol (IUS) est fixé à 0.6 pour la zone en question (art. 2.3 RPGA).
3.2. Le Tribunal fédéral ne revoit l'interprétation et l'application du droit cantonal - et a fortiori communal - que sous l'angle de l'arbitraire. Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Par conséquent, si celle-ci ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation cantonale en cause, elle sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire préférable. De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat
(cf. ATF 144 I 170 consid. 7.3; 141 IV 305 consid. 1.2; arrêt 1C_645/2020 du 21 octobre 2021 consid. 4.2). Dans ce contexte, les recourants sont soumis aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF.
3.3. Selon les constatations de l'instance précédente - dont il n'y a pas lieu de s'écarter (cf. consid. 2 ci-dessus) -, l'IUS actuel s'élève à environ 1.75 et passera à 1.65 avec le projet litigieux. Le projet de transformation ne respecte donc pas l'IUS maximal de 0.6 fixé par l'art. 2.3 RPGA.
Le recourant ne conteste pas que le projet litigieux entre dans le champ d'application de l'art. 80 al. 2 LATC. Il reproche cependant à la cour cantonale d'avoir considéré que le projet n'aggravait ni l'atteinte à la réglementation en vigueur, ni les inconvénients qui en résultaient pour le voisinage. Il soutient que dans la mesure où l'IUS n'est pas respecté, il y aurait forcément une aggravation de la réglementation; de plus, la création de deux logements supplémentaires renforcerait selon lui l'atteinte à la réglementation. Par ailleurs, en lien avec les inconvénients pour le voisinage, le recourant expose qu'il serait arbitraire de considérer que la création de 13 fenêtres sur une façade borgne ayant une vue droite sur la parcelle adjacente n° 70, en particulier à une distance inférieure à 10 m des dépendances existantes, ne constituerait pas un inconvénient au sens de cette disposition légale.
Pour autant qu'elle réponde aux exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF, une telle argumentation, largement appellatoire, ne démontre pas en quoi l'arrêt entrepris serait insoutenable. En effet, compte tenu de la diminution de la surface brute utile de plancher, respectivement de l'IUS, la cour cantonale pouvait sans verser dans l'arbitraire considérer que la transformation du bâtiment n'impliquait pas une aggravation de l'atteinte à la réglementation en vigueur relative à l'IUS, mais bien une diminution de l'atteinte. L'augmentation de la surface dédiée à l'habitation, aux dépens de l'affectation mixte actuelle, est sans pertinence dès lors que la zone en question permet une telle affectation et que la réglementation communale se contente de limiter l'IUS.
Quant à la création d'ouvertures à l'arrière du bâtiment litigieux, lesquelles seront orientées sur la parcelle du recourant au nord, la cour cantonale pouvait de manière défendable estimer qu'elle ne générait pas des inconvénients pour le voisinage au sens de l'art. 80 al. 2 LATC, à savoir, selon une jurisprudence cantonale constante - que le recourant ne remet pas en cause -, des inconvénients qui dépassent ce qui est supportable sans sacrifices excessifs. L'appréciation à laquelle les juges précédents se sont livrés de la gêne causée au recourant en termes de tranquillité et d'intimité n'apparaît pas choquante. C'est sans arbitraire qu'ils ont tenu compte du fait que le jardin du recourant ne jouissait pas actuellement d'une intimité particulière puisqu'il était situé en plein centre de localité, dans une zone destinée à l'habitat, et que plusieurs bâtiments y disposaient déjà d'une vue directe. Il n'est pas insoutenable de considérer qu'il en va de même pour les dépendances auxquelles le recourant se réfère (bâtiments ECA nos 92, 93 et 410); sur ce point, il ne parvient pas à démontrer que les inconvénients induits par le projet seraient insupportables sans sacrifices excessifs. Il invoque par ailleurs en vain l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois du 22 juin 2021 (AC.2020.0071) puisque, contrairement au cas d'espèce, le bâtiment dont le rehaussement était envisagée ne respectait pas la réglementation en matière de distance aux limites. Enfin, il sied de relever que la création de logements supplémentaires à l'intérieur du bâti existant répond à des intérêts publics importants, quoi qu'en dise le recourant.
3.4. Dans ces conditions, le Tribunal cantonal pouvait, sans arbitraire, considérer que le projet pouvait être autorisé sur la base de l'art. 80 LATC. Le grief doit par conséquent être écarté.
4.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Le recourant qui succombe doit supporter les frais judiciaires ( art. 65 et 66 LTF ). Il versera en outre une indemnité à titre de dépens à l'intimé, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 LTF). La municipalité n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 francs, sont mis à la charge du recourant.
3.
Une indemnité de 3'000 francs est allouée à l'intimé à titre de dépens, à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Commune de Lavigny, ainsi qu'a la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 25 avril 2025
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Haag
La Greffière : Arn